C'était étrange, de parler de ça et d'en parler comme ça. Il n'avait évidemment jamais parlé de ça à qui que ce soit. Il n'avait jamais eu personne à qui en parler. Et même, il ne commençait qu'à le réaliser ces derniers temps. Jusqu'à très récemment, il avait été encore plongé dans cette vie, dans cette illusion, celle dont il essayait de parler à Chris. Alors comment prendre conscience de quoique ce soit ? Mais au moins, tout ça semblait avoir calmé son petit ami. "Si, quand...tu sais je me droguais... Je confondais souvent la réalité et mes souvenirs du passé... Pour ça que j'ai déraillé..." Souvenir douloureux, pour eux deux. Et pourtant... Erwan comprenait bien de quoi parlait Chris, mais ce n'était pas la même chose, pas exactement. Ce n'était pas la même transformation. La drogue, c'était autre chose. « Oui. Mais c'est différent, c'est autre chose. C'est comme... comme si... tu détestais les carottes, et que je te forçais à manger des carottes, que je te forçais à dire que tu aimes ça et à en demander, et si tu ne le fais pas, je te frappe, et ainsi de suite, jusqu'à ce que tu ais tellement supplié qu'on te donne des carottes... que tu finis par être persuadé que tu adores ça, et par en demander de toi-même sans qu'on te dise de le faire » Il expliqua. Exemple qui pouvait paraître ridicule et risible pendant une fraction de seconde, mais qui très vite s'avérait être efficace, et tragique. Erwan avait connu le sexe de cette manière, alors comment distinguer aujourd'hui le vrai du faux ? Il ne savait même pas si Chris le comprenait. Il prit doucement la liasse de billets qu'il lui tendait. "Mais alors... pourquoi tu continues si t'aimes pas ça? Parce que si c'est une question de boulot, tu peux changer facilement..." La naïveté de Chris était attendrissante, tout autant qu'elle épuisait Erwan. Il aurait aimé que tout soit compréhensible très facilement. Il n'avait pas la force d'expliquer, même si au fond il savait que devoir faire cet effort, poser des mots sur ses sentiments, c'était en train de l'aider... de l'aider lui-même à comprendre son mal. Il haussa les épaules, vidé. « Je... je... » Tout était bien trop clair, la prise de conscience trop évidente. Il le savait tout ça, mais là, il ne pouvait plus l'éviter. Alors il commença à sentir sa gorge se serrer, et il essaya de s'expliquer. « J'ai pas envie de changer... Je crois... J'aime ça, c'est imprimé en moi. Il avait raison, c'est imprimé en moi. Et j'en ai besoin. Je... J'ai envie de ça. Je sors, pour me faire baiser, parce que c'est ancré en moi, ça fait partie de moi. Il avait raison, il a réussi » Phrases entrecoupées de sanglots qu'il essayait de retenir tant bien que mal, et au final, ses paroles n'avaient pas grand sens. « J'ai besoin qu'on me traite mal, qu'on me fasse mal. C'est pour ça que tout est arrivé, Chris. Parce que j'en ai envie, d'une façon... tordue. Il l'a imprimé en moi... C'est comme les carottes, Chris. Comme les carottes » essaya-t-il d'expliquer, sanglotant, la main sur la poitrine, comme pour tenter de montrer un mal-être qui venait de l'intérieur de sa cage thoracique. Imprimé en lui.

Chris avait toujours des remords sur ce qu'il avait fait à Erwan quelques mois plus tôt mais il était loin de penser ce matin en se levant qu'ils en reparleraient. Il avait pensé jusqu'ici qu'il était la raison pour laquelle Erwan voulait y aller doucement entre eux, mais il était à mille lieux de penser qu'Erwan continuait à faire le trottoir. Cependant, il était doucement en train de comprendre ces raisons. Les deux hommes étaient en pleine discussion comme jamais ils ne l'avaient été auparavant. C'était ça la vie de couple, échanger sur n'importe quels sujets et faire des compromis. Mais Chris pourrait-il faire un compromis sur cette situation. Pour le moment, ils n'en étaient pas là, il écoutait attentivement les explications du jeune homme.« Oui. Mais c'est différent, c'est autre chose. C'est comme... comme si... tu détestais les carottes, et que je te forçais à manger des carottes, que je te forçais à dire que tu aimes ça et à en demander, et si tu ne le fais pas, je te frappe, et ainsi de suite, jusqu'à ce que tu ais tellement supplié qu'on te donne des carottes... que tu finis par être persuadé que tu adores ça, et par en demander de toi-même sans qu'on te dise de le faire » Il avait l'impression, en entendant ces explications qu'Erwan n'était plus un humain, mais une machine formater ! Un ordinateur ! Voilà a quoi les carottes de son petit ami lui faisait penser ! Il essaya tant bien que mal de lui demander pourquoi il n'arrêtait pas, s'il n'aimait pas ce qu'il faisait et après une hésitation, il eut une réponse.   « J'ai pas envie de changer... Je crois... J'aime ça, c'est imprimé en moi. Il avait raison, c'est imprimé en moi. Et j'en ai besoin. Je... J'ai envie de ça. Je sors, pour me faire baiser, parce que c'est ancré en moi, ça fait partie de moi. Il avait raison, il a réussi » Le voir ainsi lui tordit les tripes au plus profond de lui.  « J'ai besoin qu'on me traite mal, qu'on me fasse mal. C'est pour ça que tout est arrivé, Chris. Parce que j'en ai envie, d'une façon... tordue. Il l'a imprimé en moi... C'est comme les carottes, Chris. Comme les carottes » Il ne put s'empêcher de le prendre dans ces bras. Le voir souffrir ainsi lui donnait envie de foutre son poing dans la gueule de ce fameux "il"! Finis la comparaison avec un ordinateur, Chris avait devant lui quelqu'un de blesser au plus haut point. Il déposa alors un baiser sur son crâne et essaya de le consoler "Mais non, t'as pas besoin de ça. Les carottes, si t'aime pas ça, bah t'en achète pas, comme ça t'es pas tenter d'en manger même si t'as envie sans avoir envie d'en manger...Enfin, tu comprends quoi." Essaye-t-il d'expliquer en reprenant exemple sur ces foutues carottes. Mais pour l'instant, il n'avait qu'une question en tête qui le démangeait sur le bout de la langue. Il avait besoin de connaître toute l'histoire, comme le faisait sa psy, pour comprendre dans le fond, ce qui perturbait vraiment Erwan et s'il pourrait l'aider. " Mais dit moi, pourquoi tu dis qu'"il" avait raison? Qu'est-ce qui fait que tu es tellement persuadé d'avoir besoin de ça?" Il avait besoin de comprendre et espérait qu'il le comprenne et lui réponde. Parce que parfois, Chris ne savait pas vraiment s'exprimer quand il parlait avec Erwan, il mettait souvent les pieds dans le plat et espérait que cette fois-ci il avait correctement posé la question.

Il espérait vraiment que Chris finisse par comprendre, pour qu'Erwan ne soit plus seul dans ses questions, que les choses soient plus faciles. Comment pouvait-il se sentir aussi seul alors qu'il avait un petit ami, quelqu'un avec qui partager des choses... ? Il tenta d'être clair, de lui expliquer simplement pourquoi il continuait. Parce que ça devait être perturbant oui, pour Chris, de savoir qu'Erwan continuait à se faire prendre par des inconnus, mais qu'avec lui, c'était l'abstention. Pourtant, au fond, c'était assez logique, de se dire qu'Erwan rêvait d'autre chose pour son histoire avec Chris, qu'il voulait prendre son temps et faire les choses sans se presser. Au fur et à mesure de son récit, de ses explications, les souvenirs remontaient, les images revenaient. Le visage de Leo et ses paroles cruelles, quand il disait à Erwan qu'après tout ça, sa vie ne se résumerait plus qu'à vendre son cul, à être baisé, et rien d'autre. Il l'avait dépouillé de lui-même, il avait réussi, et Erwan s'en rendait compte, il en prenait conscience au moment même où il mettait des mots sur ses sentiments. Des larmes de rage s'étaient échappées de ses yeux, et Chris le prit alors dans ses bras. "Mais non, t'as pas besoin de ça. Les carottes, si t'aime pas ça, bah t'en achète pas, comme ça t'es pas tenter d'en manger même si t'as envie sans avoir envie d'en manger...Enfin, tu comprends quoi." Erwan fronça les sourcils en se détachant de Chris. Non, il ne comprenait pas, non. Il comprenait seulement qu'une fois de plus Chris minimisait les choses, qu'il les simplifiaient... comme si c'était aussi facile. Il soupira, ne cherchant même pas à répondre quoique ce soit, s'éloignant de Chris pour s'installer dans le fauteuil à quelques mètres de là. "Mais dit moi, pourquoi tu dis qu'"il" avait raison? Qu'est-ce qui fait que tu es tellement persuadé d'avoir besoin de ça?" C'était quoi cette question ? Erwan tourna la tête vers Chris, son regard noir, exaspéré. « Parce que. Parce que c'est comme ça. J'en ai besoin, c'est tout » il répondit, une réponse stupide à une question stupide. C'était bien le principe des besoins. Il n'y avait pas de raison, pas d'explication, c'était simplement biologique et vital. Erwan était épuisé de cette discussion. « C'est ma vie. Depuis huit années. C'est comme ça. Je suis une pute, Chris, tu sors avec une pute » il dit simplement. « Tu devrais peut-être partir » lança Erwan en regardant par la fenêtre. Erwan commençait à perdre patience et espoir, il ne savait même plus si Chris finirait un jour par être sur la même longueur d'ondes que lui... s'ils allaient arriver à se comprendre un jour. Peut-être que personne ne pouvait comprendre, parce que personne ne connaissait Leo, personne n'avait été là pour assister à ce qui était arrivé à Erwan. « Leo a fait de moi ce que je suis, et c'est trop tard pour revenir en arrière, alors c'est plus simple de juste continuer sur ce chemin. J'écarte les cuisses pour des inconnus, je les supplie de me baiser, et je gémis comme une star du X, parce que c'est comme ça. Que je mérite d'être sali par ces types, j'appartiens à tout le monde, comme un service public » souffla Erwan, l'air de rien.

Chris essayait vraiment de comprendre son petit ami, mais c'était difficile quand on ne vivait pas la chose, soit-même. Il l'avait bien compris quand il avait sombré dans la drogue et l'alcool et que tout le monde lui criait d'arrêter. C'était tellement facile à dire, mais si difficile à faire. Il lui avait fallu le soutien de Devil et de sa psychologue pour en venir à bout, et encore, la route était infini. Son addiction le suivrait jusqu'à sa mort, sachant très bien qu'un seul rail de coke pouvait le faire sombrer de nouveau. Alors il ne touchait plus du tout à cela et se contentait d'une clope quand ses nerfs était à rude épreuve. Pour ce qui était de l'alcool, c'était un verre avec Devil à la boite quand il était en soirée, ou pendant les fêtes du nouvel an. Il s'abstenait le plus clair de son temps de boire, dérogent à la règle que pendant des grosses soirées. Mais pour l'instant, il essayait de dire à Erwan qu'il n'avait plus besoin de faire ça s'il n'en avait pas envie. Mais au vu de la réaction du jeune homme, il devait avoir mis à côté.
« Parce que. Parce que c'est comme ça. J'en ai besoin, c'est tout » Il soupira, peu content de la réponse et essaya mentalement de reformuler sa question. Mais le jeune homme coupa court à ses réflexions en enchaînant : « C'est ma vie. Depuis huit années. C'est comme ça. Je suis une pute, Chris, tu sors avec une pute! Tu devrais peut-être partir » Il se leva alors et gronda "Non! Certainement pas! Pas temps qu'on ne viendra pas a bout de cette discussion!" Il voulait vraiment comprendre et pouvoir trouver des solutions. Ils ne pouvaient pas en rester là et faire comme si de rien était. "Il faut que tu m'expliques !" Lui demanda-t-il, bras croisé, debout devant le lit. « Leo a fait de moi ce que je suis, et c'est trop tard pour revenir en arrière, alors c'est plus simple de juste continuer sur ce chemin. J'écarte les cuisses pour des inconnus, je les supplie de me baiser, et je gémis comme une star du X, parce que c'est comme ça. Que je mérite d'être sali par ces types, j'appartiens à tout le monde, comme un service public » Chris une réaction étrange en riant à la dernière phrase d'Erwan. Il ne riait pas pour se moquer, mais pour exprimer son exaspération.  En gros, il riait jaune en ce moment même. " Tu ne mérites pas d'être sali ! Tu ne le sais pas, pare que tu ne te vois pas comme moi, je te vois!" Il expliqua amer. Il se demanda bien ou était se putain de Léo, car il avait envie de lui coller son poing dans la gueule. "Tu n'es pas non plus un service public Erwan! La seule personne a qui tu appartiens, c'est moi tout comme je t'appartiens! C'est ça être un couple !" Il continu en espérant ne pas foutre encore une fois les pieds dans le plat.  Il finit par se rasseoir et tapota sur le lit. " Viens t'asseoir s'il te plait. Je ne suis pas dans ta tête et pour comprendre, il va falloir que tu me raconte tout depuis le début ! Même si s'est sûrement difficile pour toi, raconte moi s'il te plaît. On en a besoin tous les deux." Il finit espérant qu'Erwan serait du même avis que lui.

Erwan en avait assez, assez de s'expliquer sans être compris, assez de parler dans le vide. Il suggéra à Chris de partir, parce qu'il voulait être tranquille et qu'il était fatigué. "Non! Certainement pas! Pas temps qu'on ne viendra pas a bout de cette discussion! Il faut que tu m'expliques !" Qu'il lui explique ? Il n'y avait rien à expliquer de plus. Ils se connaissaient par coeur, depuis si longtemps maintenant. Erwan secoua la tête, se contenta de résumer rapidement la situation, de façon claire et concise, parce que visiblement, c'était ce qu'il fallait pour que Chris comprenne un peu quelque chose. "Tu ne mérites pas d'être sali ! Tu ne le sais pas, pare que tu ne te vois pas comme moi, je te vois!" C'était exaspérant, d'être tout le temps contredit, de ne pas être écouté. Erwan préféra fixer le paysage, à travers la grande fenêtre, pour ne pas s'énerver contre Chris. "Tu n'es pas non plus un service public Erwan! La seule personne a qui tu appartiens, c'est moi tout comme je t'appartiens! C'est ça être un couple !" Et ça non plus ça n'aidait pas, ça n'avançait à rien, et ce n'était même pas ce que Erwan voulait. Son travail et son couple étaient deux choses séparées. "Viens t'asseoir s'il te plait. Je ne suis pas dans ta tête et pour comprendre, il va falloir que tu me raconte tout depuis le début ! Même si s'est sûrement difficile pour toi, raconte moi s'il te plaît. On en a besoin tous les deux." A l'invitation à venir s'asseoir sur le lit, Erwan secoua la tête et resta dans son fauteuil à regarder la ville. Il n'avait pas envie de rejoindre Chris sur le lit, comme un gentil petit chien. Il avait besoin d'espace. Marre de sa façon de l'infantiliser, alors que cela faisait des mois qu'Erwan s'expliquait et que Chris ne l'écoutait pas. Des mois qu'il s'ouvrait à lui, qu'il n'avait plus le moindre secret. Alors entendre ce petit discours fit monter sa colère, et Erwan n'en pouvait plus de se retenir. Il tourna sa tête vers Chris et cracha son venin. « Mais que je te raconte quoi ?! Putain, j'en peux plus de toi aujourd'hui ! Tu connais tout de moi, je viens de t'expliquer encore et tu me comprends pas ! Ou alors tu m'écoutes pas. T'es en train de me rendre dingue Chris ! Je vois pas ce que je peux faire de plus, ce que tu attends de moi ! Est-ce que tu veux un dessin ? C'est ça, je dois te dessiner les choses pour que ça soit bien clair ?! » il explosa tout simplement, se levant au milieu de son monologue car la colère le rendait incapable de rester assis. « Ca devient ridicule toi et moi. Tu réalises ? On a l'air de deux cinglés. La pute et l'addict au crack. Ca va bien cinq minutes puis ça part en vrille. Ca me fatigue. Putain de merde » il ajouta sans laisser tomber sa colère, appuyant sur les jurons, fixant Chris de ses yeux noirs. Ce n'était pas souvent qu'Erwan était pris d'une colère si pure, si directe et violente. Une colère totalement assumée. Toujours vêtu simplement du drap, il contourna le lit pour se diriger vers la salle de bain, claquer la porte derrière lui et enfiler des vêtements.

Chris faisait de son mieux pour essayer de comprendre, mais Erwan explosa, finissant par lui dire qu'il en avait mare de lui, ce qui, lui brisa un peu le cœur. La porte claqua et Chris la rouvrit pour affronter son petit ami et sa colère. " Et bien non, visiblement je sais pas tout de toi, puisque ce IL te pourrit encore tellement la tête que tu pars en vrille complètement !" Il ne laissa pas Erwan ouvrir la bouche. Il se contenta d'avancer, les sourcils froncer par la colère, faisant reculer son ami que d'un pas. "Déjà, tu parles pour toi, c'est TOI qui fait la pute malgré qu'on soit ensemble ! Perso j'ai arrêté le crack et je n'y ai pas retouché! Alors si je suis capable d'avancer, tu peux aussi, Bordel de merde !" Il voulait que son ami se rende compte que ce qu'il avait tout les deux était fragile certes, mais que c'était possible! Il ne savait pas comment s'y prendre exactement alors il préféra laisser ce qu'il avait sur le cœur s'échapper "Pour commencer, avant de t'habiller, tu pourrais par respect pour moi te lavé! Ensuite tu sais ce que j'ai envie de lui faire a ton IL là? J'ai envie de lui arracher les yeux ! De le briser tellement fort qu'il me suppliera de le finir ! J'ai jamais tué personne, mais là, vu dans l'état que t'es, j'ai clairement envie de le défoncer !" Il dit bien en colère à son tour. Il voulait que le jeune homme arrête de faire la pute, qu'il se reprenne en main comme lui avait pus le faire et qu'ils avancent tous les deux. " Si j'ai réussi à sortir du crack, tu réussiras a sortir de cette merde Erwan! Mais après, ce dont tu devrais bien réfléchir, c'est au fait que peut-être, t'as pas envie d'être heureux, que tu te plait à souffrir comme ça et que tu te trouve juste des excuses de merde pour te complaire dans la merde! Alors réfléchis bien, je peu t'aider si tu veux du SM, que je te traite comme une pute, je peu te contenter. En revanche, si tu veux pas être heureux, si tu veux pas être en couple et m'aimer comme je t'aime, il va falloir que tu me le dises!" Il laissa Erwan en plan dans la salle de bain et se rendit dans la cuisine pour se servir un grand verre d'eau fraîche. Il avait bien envie de boire un bon verre de whisky, mais il savait que ce n'était pas la solution. Il alla ensuite a la fenêtre pour se fumer une clope et attendit qu'Erwan se montre et lui dise ce qu'il voulait faire.

Erwan n'était pas un garçon vulgaire, mais là, il était exténué et hors de lui. Il avait épuisé toute sa patience et toutes ses forces. Il avait besoin d'être seul, d'être au calme, de s'habiller. Il tenta de s'isoler dans la salle de bain, mais à peine eut-il commencé à enfiler un boxer que Chris débarqua, ouvrant à nouveau la porte. "Et bien non, visiblement je sais pas tout de toi, puisque ce IL te pourrit encore tellement la tête que tu pars en vrille complètement !" Erwan ne partait pas en vrille, pas plus qu'avant, et ça le tuait de savoir qu'en réalité, Chris lui reprochait d'être lui-même. Les yeux de Chris étaient noirs, au point de rappeler à Erwan de mauvais souvenirs, et quand il avança, le jeune homme fut forcé de reculer d'un pas. "Déjà, tu parles pour toi, c'est TOI qui fait la pute malgré qu'on soit ensemble ! Perso j'ai arrêté le crack et je n'y ai pas retouché! Alors si je suis capable d'avancer, tu peux aussi, Bordel de merde !" Erwan n'arrivait même pas à en placer une, à articuler une simple phrase, tant la colère montait en puissance et tant il avait de choses à dire en réponse à cela. Parce que des erreurs, Chris en avait faites, et surtout à cause de ses addictions. Des mensonges, il en avait prononcés des dizaines. Et, autre souci majeur, il n'avait jamais été question pour Erwan d'arrêter son travail. Avec Chris, il avait cru reprendre possession de sa propre vie et de son corps, mais ce n'était visiblement pas le cas, car sans même qu'ils en aient discuté, Chris souhaitait l'enfermer dans ses propres standards. Erwan sentait le sol s'écrouler sous ses pieds. "Pour commencer, avant de t'habiller, tu pourrais par respect pour moi te lavé! Ensuite tu sais ce que j'ai envie de lui faire a ton IL là? J'ai envie de lui arracher les yeux ! De le briser tellement fort qu'il me suppliera de le finir ! J'ai jamais tué personne, mais là, vu dans l'état que t'es, j'ai clairement envie de le défoncer !" Les menaces adressées à Leo passèrent à la trappe, car Erwan n'y fit pas attention. Elles ne voulaient rien dire pour lui, Leo n'était pas là, il était loin d'ici, ne faisait plus partie de sa vie. Mais la première phrase que Chris prononça le frappa en plein coeur et résonna encore et encore dans sa tête, le couvrant de honte, lui rappelant tout à coup que non... non, même pour Chris, il n'était rien de plus qu'une pute, un corps sali. C'était le summum de l'humiliation. Les mots restaient coincés dans sa gorge. "Si j'ai réussi à sortir du crack, tu réussiras a sortir de cette merde Erwan! Mais après, ce dont tu devrais bien réfléchir, c'est au fait que peut-être, t'as pas envie d'être heureux, que tu te plait à souffrir comme ça et que tu te trouve juste des excuses de merde pour te complaire dans la merde! Alors réfléchis bien, je peu t'aider si tu veux du SM, que je te traite comme une pute, je peu te contenter. En revanche, si tu veux pas être heureux, si tu veux pas être en couple et m'aimer comme je t'aime, il va falloir que tu me le dises!" Et l'instant suivant, Chris était sorti, direction la cuisine, laissant Erwan seul. Pour essayer de digérer et comprendre ce que son petit ami venait de lui cracher à la gueule, comme si changer de vie maintenant était facile, comme si c'était ce que Erwan souhaitait. Et oser lui lancer au visage qu'il choisissait d'être malheureux... ce qui était loin d'être la vérité. Et enfin, suggérer qu'Erwan ne l'aimait pas autant que Chris l'aimait lui. Des larmes lui montèrent, menaçaient de couler, et il se retint de toutes ses forces, essuyant celles-ci avec le dos de sa main. Il enfila rapidement un jean et un t-shirt, et alla trouver Chris dans la cuisine. Il s'était allumé une cigarette, et s'était posté à la fenêtre. « Comment tu oses ? Suggérer que je t'aime pas assez. Après tout ce que je t'ai pardonné. Comment tu oses te faire passer pour le type qui s'est sorti de ses emmerdes et qui a remonté la pente ? Comment tu oses me traiter comme une vieille chose sale. Alors que c'est toi qui m'a offert à tes amis, toi qui a permis, qui les a autorisés à me violer. C'est toi qui m'a sali, Chris. Et tu oses me reprocher de prendre des décisions qui me concernent moi, tu oses me reprocher de faire ce que je veux de mon propre corps. T'as jamais voulu que je m'en sorte, t'as jamais voulu que je sois libre, tout ce que tu veux c'est que je sois à toi, que je t'appartienne à toi. Tu veux ton jouet. J'ai bien compris maintenant, ça me crève le coeur, je suis tellement bête d'avoir cru à autre chose. Tellement bête d'être tombé amoureux de toi et d'avoir ressenti ce que j'ai ressenti si peu de fois avant ! D'avoir commencé à comprendre que l'amour c'était différent de l'appartenance, alors que depuis des années et des années on m'a répété encore et encore qu'être l'objet de quelqu'un, c'était être aimé par cette personne. Et ça, avec toi, j'ai commencé à comprendre que c'était des conneries, mais maintenant, tu as tout gâché ! Tu nous as tués. » Erwan était lancé, juxtaposant les phrases dans une froideur clinique qui lui était nécessaire, car s'il laissait un peu trop d'émotion s'y glisser, il fondrait en larmes. Il ne fallait pas. Alors il enchaîna, encore et encore, lentement mais sans laisser à Chris le temps de parler. « J'ai cru que tu m'aimais comme j'étais, je savais pas que tu voulais que je change pour toi, que j'arrête tout pour toi. Il n'a jamais été question de ça. Et tu sais quoi, j'allais très bien aujourd'hui, avant que tu débarques et que tu me craches toutes ces horreurs au visage. J'allais très bien. Tu le dis avec tellement de charme : je "fais la pute", bah oui Chris, tu sors avec une pute, c'est comme ça que tu m'as connu et que tu m'as choisi, et c'est comme ça que tu m'as baisé, et ça te plaisait bien quand tu t'enfonçais dans mon cul pour quelques billets, ça te plaisait bien quand tu m'emmenais où tu voulais pour faire semblant d'être des gens normaux, ça te plaisait bien quand je te suppliais à quatre pattes de me baiser, et quand ton ami te conseillait sur les façons de t'occuper de ta petite salope. Ca te plaisait que je sois une pute ! Mais aujourd'hui, non, je suis sale aujourd'hui. Etre baisé, c'est mon emploi, ça me va bien, mais pour une relation, j'ai pas les qualités requises, je suis trop sale. Trop usé, souillé. Tu n'es pas différent des autres, Chris, tu es exactement comme eux, ceux qui prennent des gamins innocents et naïfs dans la rue et leur chuchotent à l'oreille que c'est de l'amour, tout en enfonçant leur queue entre leurs fesses, et qui leur expliquent doucement que chacun a sa place dans la vie, et que pour des gosses comme eux, il s'agit de se faire prendre pour de l'argent et rien de plus. Des types comme ça, des gamins comme moi. Oui, tu es exactement comme ces types-là ! Tu es heureux d'avoir un jouet à user, mais le jouet est trop sale pour qu'on l'aime. » Alors Erwan s'approcha de Chris, lui prit la cigarette et l'écrasa sur le bord de la fenêtre. « Je veux que tu prennes tes affaires, et que tu partes de chez moi » il conclut.

Il était au bord de l'explosion. Il essayait de toute ses forces de faire comprendre à Erwan qu'un couple normal est fidèle mais, toutes les horreurs qu'Erwan lui sorti ensuite, le firent virer au rouge. Il frappa son poing dans le mur juste au-dessus de la tête de son ami et explosa à son tour. "Et bah, je vois que je me suis pas assez fait pardonner pour Monsieur! C'est sympa ca! Excuse moi d'avoir pensée que parce que tu quittais le Birdcage, tu quittais cette vie avec! J'avais pas pensé une seule seconde que je te suffirais pas ou même que tu préférais te complaire dans le mode pute que d'avoir une vie tranquille!" Il lui cria a quelques centimètres du visage allant ensuite ramasser son blouson. "J'avais vraiment cru que me tenir a carreau, soignée mes démons pour les faire partirent définitivement ca te suffirais mais visiblement j'ai eu tords! Tu dit que tu m'aimes? Pourtant c'est TOI qui me jete en se moment même! J'essaye de comprendre, de trouver des solutions, mais toi, tout ce que tu trouve a dire c'est de me traiter de Macro ou de pédophile! Tu connais mon passé Erwan, tu sais que j'ai été violé gamin et tu ose me balancer cette merde... Tu ne m'aime pas tant que ça au final! C'est qui le jouet alors a ton avis? Certainement pas toi! J'ai passé l'age de ces conneries Erwan, j'ai même plus envie de me battre! J'ai fait tout ca pour toi, pour nous, qu'on puisse être heureux pour qu'au final je me prenne tout dans la gueule encore une fois? Je t'aime Erwan, plus que tu le penses. Alors je vais te laisser en paix, sortir de ta vie puisque je te la pourris autant. Je vais te laisser être heureux et libre comme tu le souhaites." Il s'avança alors vers lui, ferma les yeux et inspira profondément, inspirant une dernière fois cette odeur qui allait le hanter pour un long moment. Il caressa son visage une dernière fois avant de tourner les talons, ne s'arrêtant qu'à l'embrasure de la porte. "Je te souhaite sincèrement tout le bonheur du monde Erwan, Vraiment. T'es assez fort pour tout surmonter contrairement a moi!" Il dit tristement. "Prend soin de toi bébé." Il dit avant de quitter cet appartement et Erwan. Quand il arriva dehors, il n’eut qu'une envie : Boire! Il passa alors devant un commerçant et lui paya cache trois bouteilles de whisky. Il ouvrit la première bouteille en arrivant à sa voiture et avala cul sec un bon quart de la bouteille. Il ne s'aperçut qu'il pleurait qu'en regardant de le rétroviseur de son pick-up. Il fit sa manœuvre et fonça ensuite a toute vitesse sur l'autoroute tenant son volant dans une mai et sa bouteille dans l'autre. Il avait besoin d'air! De beaucoup d'air, d'alcool et anesthésie à sa souffrance actuelle.

C'était comme si une ligne avait été franchie, un cap passé, et Erwan n'était plus tout à fait celui que Chris connaissait. Son ami l'avait blessé au fond de lui et avait piétiné son coeur et ses illusions, si bien qu'il n'y avait plus la moindre pitié à avoir. Erwan se laissa alors aller à lui dire ses quatre vérités. mais cela n'eut pas le don de faire taire Chris, ou de le faire réfléchir et se remettre en question. Bien au contraire. Et quand il lui répondit, Erwan aurait pu le frapper, il aurait pu, vraiment. Il n'était pas un garçon violent, mais le voilà qui se retenait de toutes ses forces. Chris n'avait rien compris, Chris n'essayait pas de le comprendre. Il s'était enfermé dans son petit monde, sa petite vision réduite du monde, et rien ne pouvait l'en faire sortir. C'était tant pis. Ses mots parvenaient quand même à choquer Erwan, car jamais il n'aurait cru que Chris ait si facilement balayé ce qui était arrivé quelques mois plus tard, alors qu'Erwan vivait encore avec et en faisait toujours encore les frais. Et oui, Erwan connaissait le passé de Chris, tout comme lui connaissait celui d'Erwan, et ça ne changeait rien à sa façon de se comporter. Ce n'était pas une excuse, car c'était bel et bien la vérité : Chris était en train de se comporter comme toutes ces ordures. Il lui parlait de ses addictions, qu'il avait soi-disant surmontées, mais en omettant de se rappeler les fois où il avait menti à Erwan, alors qu'il avait les yeux explosés sous l'effet de la coke. Comme si ce qu'il avait pu faire était comparable aux troubles qu'Erwan avaient, et qui ne le concernaient que lui et son propre corps. Erwan avait conscience de mener une vie spéciale, mais il savait aussi que ses actes ne blessaient personne... contrairement à Chris et ses trips sous acide. Et enfin, Chris se faisait passer pour le mal-aimé de l'histoire. Comme la victime. Comme s'il avait tant sacrifié, comme s'il s'était battu. Se débattre dans tous les sens sous prétexte qu'on fait ça pour former un couple heureux, sans jamais en discuter avec l'autre personne concernée... Erwan ne voyait là aucun acte sain. Ce n'était pas comme ça qu'on vivait à deux. Il avait peu d'expérience, mais si une vie de couple c'était ça, alors non, il n'en voulait pas. Il aurait tant aimé que ça fonctionne avec Chris, qu'ils puissent exister ensemble, former une sorte d'unité, vivre dans l'idée de tout partager et d'avancer main dans la main. Se supporter au sens premier, au sens le plus pur. Se soutenir et s'encourager. S'accepter, chacun avec ses défauts et ses troubles, et avec le doux et long chemin à parcourir pour devenir un peu meilleur... tout en s'autorisant et se pardonnant les petits échecs. Erwan avait pardonné les échecs de Chris, mais ce dernier refusait d'accepter ceux d'Erwan. Ce n'était pas sain de continuer ainsi, de s'asphyxier ainsi. Non, Erwan devait être la personne raisonnable, pour une fois, et même s'il allait en pleurer toutes les larmes de son corps, il fallait arrêter le carnage. Il laissa Chris s'approcher, poser sa main sur son visage, il ne bougea pas. Les adieux furent douloureux, et Erwan ne se retourna pas, laissant Chris s'en aller, avant de fermer les yeux et de soupirer, comme après un effort immense. Une larme coula sur sa joue, mais il l'essuya rapidement, dans le refus de ses émotions. C'était la meilleure chose à faire, la bonne solution, et il ne fallait pas regretter. Il savait cependant que d'un instant à l'autre, il allait s'effondrer, mais il voulait repousser au maximum ce moment. Il voulait concentrer toutes ses forces pour bien se convaincre qu'il avait pris la bonne décision, la seule décision. La seule route à prendre, tracer tout droit sans regarder ailleurs, et avancer petit à petit. Il se fit du café, regarder celui-ci couler, et au bout de quelques minutes, les tremblements le prirent et il se laissa pleurer.