@Eileen O'MahonyNous y sommes. Probablement l'étape que je redoute le plus. Celle de devoir retourner à l'université, nouvelle qui plus est, comme une adolescente normale. Sauf que ce n'est pas le cas. Je ne suis pas "normale". Je ne le suis plus. Plus depuis que la vie a décidé de mettre en moi un fragment de vie, un tout petit soupçon d'âme avec lequel je vais être liée jusqu'à ce que la mort nous sépare. A Londres, lorsque le bruit de ma grossesse s'est mis à avoir un plus grand écho, j'ai bien vu certains regards, certains chuchottements, entre jugement et pitié. Pour la jeunesse dont je fais partie, devenir parent aussi jeune est absolument inconcevable. Et même si j'ai pu compter sur le soutien de mes amis, cette fois ce sera différent. Car oui, je débarque dans une nouvelle école, avec ses propres codes, ses propres groupes, ses propres règles. Personne ne va me tenir la main en me disant que tout va bien se passer. Je suis seule, face à cette adversité que je vais devoir affronter.
Sur la route de l'université, je me noie dans la musique afin de me donner de la motivation et du courage. Assise côté fenêtre dans le bus, je regarde dehors, contemplant le paysage qui défile sous mes yeux. Et puis je la vois. L'université de Miami, juste là. Petit monstre à l'intérieur de moi a l'air tout content de découvrir tout cela à en juger par son agitation. Armée de mon sac à dos, je me dirige vers l'entrée du batiment. L'administratif est vraiment ce qu'il y a de pire dans la vie. Les cours ont déjà repris depuis quelques jours, alors je dois d'abord remplir un tas de documents pour finaliser mon inscription. Puis on me remet mon emploi du temps et tout un tas de brochures sur ce qui se fait à l'université. Mais c'est surtout une information qui attire mon attention. Une sorte de parrainage est mis en place, pour que les anciens aident les nouveaux à s'intégrer. La chance de ne pas être livrée à moi-même dans cette école venait de s'offrir à moi. En sortant du bureau administratif, je regarde cette brochure, parcourant la liste des personnes s'étant proposées pour être les parrains et marraines. La sonnerie assourdissante de l'école me sort de ma réflexion, et, alors que tout était si calme, un vrai raz de marré humain déferle. Vu la foule, je suis complètement invisible aux yeux des gens. Ce qui est pas plus mal pour l'instant. Je ne lache pas la brochure des mains, et je me dirige vers le lieu mentionné dessus, non sans difficulté. Après avoir traversé quasiment tout le campus, j'arrive devant la salle indiquée. Je pose mon oreille contre la porte, il y a du bruit à l'intérieur. Je dois être au bon endroit. Bon, il va falloir prendre son courage à deux mains. Par politesse, je toque avant d'entrer. Je sens plusieurs paires d'yeux se braquer sur moi, ce qui n'a pas vraiment pour effet de m'aider à me sentir à l'aise. Les conversations se sont arrêtées, tout le monde est suspendu à mes lèvres. Allons-y.
- Euh... Bonjour. Je suis nouvelle et j'ai vu sur cette brochure que je pouvais venir ici pour demander à être parrainé par un ancien de l'université. Je suis bien au bon endroit ?Avec l'adrénaline du moment, j'oublie complètement ce ventre qui semble attirer le regard des gens. Ce serait bien que quelqu'un se décide à me répondre...