it's like a pain in the chest.

despair, hangover and ecstasy. so many people around we disappoint and let down

La musique remplie complètement l'appartement. Les fenêtres sont ouvertes et la chaleur de la ville monte jusqu'à chez moi. Je fais des aller-retour entre à peu près toutes les pièces. J'ai l'impression de tourbillonner, d'être complètement inarrêtable. Je me trimballe à moitié nue d'une pièce à l'autre avec mon téléphone vissé à l'oreille. Je promène le contenu de mon dressing de la chambre, à la salle de bain, au salon, à la cuisine (pour prendre un truc à manger) (faudrait pas mourir de faim) (non mais) pour refaire le chemin en sens inverse. Le manège dure un moment alors que je bavarde avec Prunille au téléphone. « Ils ont pas voulu qu'il vienne alors que c'était écrit dans le contrat ! Non mais, je te raconte pas le bordel au moment où je suis arrivée. Oh, les talons noirs ou beiges avec ma robe violet foncé ? Mh. Ouais, t'as raison. Adjugé pour les beiges. » Je contemple mon reflet dans le miroir de ma chambre, la robe collé contre moi, les chaussures posées à côté de mes pieds et le portable coincé entre mon épaule et mon oreille. Bavarder avec Prunille au téléphone alors qu'on est censé se voir deux heures plus tard ne me fait ni chaud ni froid. On aura forcément d'autres choses à se dire en se voyant. Quoi que, vu la soirée prévue, on risque de ne pas trop pouvoir discuter de nos petits tracas. Ce n'est pas plus mal. Je continue d'hésiter entre plusieurs habits en retournant l'appartement de fond en comble pendant un bon moment. Alors que Prunille me raconte comment un client a voulu lui refiler un pot de vin, je décide enfin de la tenue de la soirée. J'enfile ma robe et cours retoucher mon maquillage dans la salle de bain alors que ça sonne à la porte. J'attends personne pourtant. Je file ouvrir et manque de lâcher mon portable. « Prunille, finalement je peux pas venir. J't'expliquerais. »


J'enlève mes habits sur le bord. J'ai troqué ma robe et mes talons pour un débardeur et un short. Le contact de l'eau m’étourdit légèrement. Elle est plus froide que ce à quoi je m'attendais alors que l'air de la nuit est bien plus chaud. Les cliquetis au fond de l'eau attirent mon attention et je nage jusqu'à effleurer un des dauphins. Je remonte à la surface et prend une bouffée d'air. Je sais pas bien comment on est arrivé jusqu'ici. Les nerfs bouillants, le cœur lourd, les poings serrés. On est sorti de chez moi sans un mot et je n'arrive pas bien à comprendre pourquoi c'est vers l'aquarium que nos pas nous ont mené. Est-ce que je m'y suis dirigée inconsciemment, est-ce qu'on est tombé dessus par hasard, je sais pas. A vrai dire j'en ai rien à foutre. Je vais pas me leurrer et essayer de croire que c'est important. On a aucun droit d'être ici, de se baigner. Mais j'en ai rien à foutre non plus. Et si on se fait choper, tant pis. Je nage un peu alors que les dauphins nagent autour de nous. Ils ont l'air heureux de voir du monde. Si je pouvais je les adopterais et je les remettrais à la mer. Pauvres bêtes. Je me doute que faire des pitreries pour des humains, c'est pas le kiff ultime de la vie d'un dauphin. Mais penser à ça, je me rends bien compte que ça me permet juste d'occuper mon esprit. C'est le bordel. J'ai eu envie de lui hurler dessus, de le foutre dehors à coups de pied au cul, de lui claquer la porte au nez. La petite voix dans ma tête, sortie de je-ne-sais-où, a pourtant réussi à me persuader que ce n'était pas la bonne solution. Pas après six mois sans se voir et pratiquement aucune nouvelle. Sois adulte. Je tends la main vers un des dauphins qui approche son museau. « Je t'ai détesté. Je crois même que pour l'instant je te déteste toujours Alexis. » Je sais qu'il est quelque part derrière moi mais je n'ai pas envie de lui faire face pour le moment.  

despair, hangover & ecstasy

Calex

Le retour à la réalité, cela peut parfois être brutal et Alexis en faisait les frais depuis la veille.

D'abord, terminer ce petit tour du monde en musique, arrêter de faire des représentations tous les soirs, d'être sur les routes tous les jours, il en avait eut un énorme coup de blues. Il aimait sa vie en général, ce n'était pas le problème, mais c'était un peu comme un gamin qu'on emmenait à Disney pour lui dire à la fin de la journée que c'était l'heure de rentrer. Une transition bien difficile.

Il avait pu compter sur le soutien de Charlie la première soirée et profiter de premières retrouvailles. Elle s'était tenue informée de l'évolution des événements et en tant que productrice, était même venue le voir plusieurs fois, donc ça n'avait pas eut beaucoup d'impact sur son morale de retrouver sa soeur.

Pour ne rien arranger, tout ici semblait se liguer contre lui. Les chauffards du dimanche qui lui coupaient la route par exemple. Que des abrutis, Alex dans sa voiture les maudissait intérieurement. Le décalage horaire jouait aussi sur son humeur et en plus de ça, il devait faire face à ses responsabilités. " Tu avances du con ? " Quelques coups de klaxons associés à son humeur massacrante et à son regard noir. Il fallait se ressaisir, il avait prévu de se rendre chez Cat pour lui faire la surprise, ce qui le rendait mal à l'aise. La dernière fois qu'il l'avait eut au téléphone, il avait bien sentit qu'elle lui en voulait pour quelques raisons que ce soit. Lesquelles ? Il n'avait pas été le petit-ami parfait, loin de là, ne lui donnant que quelques nouvelles par-ci, par là, pendant six mois. Il avait tellement prit son pied sur les scènes, qu'il l'avait délaissé un peu. Il trouvait ses réactions disproportionnées, mais au fond de lui, il le savait, c'était coupable qu'il devait plaider.

Lorsqu'il arriva chez elle, le sentiment fut mitigé, partager entre le plaisir que la voir lui procuré et le malaise évident entre eux. Aucun mots, une timide étreinte, pas de bisous et quelques temps plus tard ils s'étaient retrouvés à l'aquarium. Comment ? Cat était sortie comme une bombe de son appartement et Alex l'avait suivi, n'osant pas trop dire grand chose de peur qu'elle n'explose.

Il était au bord de l'eau lui, un peu plus en retrait qu'elle qui commençait à lui faire peur. Le regard vide, refusant de croiser le sien, elle était toute concentrée sur les dauphins. Que devait-il faire, aller la rassurer ? Il n'était pas un canard non plus. Elle pouvait comprendre que c'était son métier non ? Qu'il ne pouvait pas toujours être aux petits soins avec elle et qu'en plus, elle l'avait encouragé à faire cette tournée. Elle était égoïste à présent selon lui, mais c'était de la mauvaise foi. Associé à ça, beaucoup de fierté, trop sans doute pour s'excuser et avouer ses torts. L'un d'eux allait devoir faire le premier pas, mais lequel ? La réponse intervint lorsque Cat, toujours sans le regarder, prit la parole. « Je t'ai détesté. Je crois même que pour l'instant je te déteste toujours Alexis. » Alex recommençait à bouillonner, elle refusait vraiment de compatir un minimum ? Il hésita quelques instants à se rapprocher d'elle, mais si elle ne faisait pas d'efforts pour le regarder, il n'allait certainement pas se laisser aller à quelques gestes tendres.

« Ah oui ? Me détester ? Carrément ... Tu as pété un câble là non ? Tu t'es un peu trop exposé au soleil pendant que j'étais pas là c'est ça ?  » Bon, le summum de la mauvaise fois, la faire passer pour la méchante, mais c'était plus fort que lui, il était tout agacé de la voir comme ça. Il était amoureux d'elle, mais dans des moments comme ça, il l'aurait bien attachée au dauphin qu'il aurait libéré en pleine mer ... Bon, mauvaise idée, mais ambiance ... Il savait qu'en agissant ainsi, il allait lâcher une première bombe, mais tant qu'ils ne crevaient pas l'abcès, quitte à se crier dessus, rien n'avancerait. On pouvait sentir de par l'électricité ambiante entre eux que ce serait certainement sans tarder. « Déjà quand on fait des reproches à quelqu'un, raison de plus, son petit-ami, le minimum c'est de le regarder. » Alexis en était sûr, d'ici quelques minutes, même les dauphins iraient se planquer. Pourtant, il ne se démontait pas et fixait son regard sur Cat, bien décidé à lui faire comprendre qu'elle en faisait trop et qu'elle se tourne vers lui.

it's like a pain in the chest.

despair, hangover and ecstasy. so many people around we disappoint and let down

Être dans l'eau m'apaise un peu. Je ne sais pas si c'est le contact des animaux ou le fait de braver l'interdit qui me donne toujours cette impression de planer. Pourtant si je m'écoutais, je me retournerais toutes griffes dehors pour exprimer toute ma rancœur envers Alexis. Je l'aime. Affreusement fort. Il le sait et je le sais. On a dépassé le stade de la peur de nos sentiments, de ne pas oser se l'avouer ou ne pas se le dire lorsqu'on en a envie. On ne s'épanche pas sur nos beaux sentiments à la moindre occasion comme un couple fleur bleue. Mais là, tout de suite, je pourrais noyer Alexis. De rage et de frustration. De sentiments contradictoires. Ça n'a jamais été tout rose entre nous. C'est pas la foire au caramel du coin et ça ne le sera jamais. Dès le début on le savait. Je demande pas le bout du monde. Je veux pas être entretenue et recevoir des fleurs tous les jours. Je veux pas être « la Cat d'Alexis ». Je veux pas qu'il utilise une date de mise en couple comme prétexte pour penser à moi. Je veux pas vivre pour lui. Je veux vivre pour moi avec lui. La nuance est immense. Sur l'année qu'on a passé ensemble, il en a passé la moitié sur les routes et sur scène. C'est son métier, tout comme le mien me prend du temps. Mais le nombre de messages que j'ai reçu pour me tenir au courant se compte sur les doigts d'une main. Peut-être un peu plus. Peu, en tout cas. On peut pas dire que je l'ai bridé dans ce qu'il aime ou empêché de faire son boulot comme il le faut. Pourtant avec cette peur panique de me retrouver toute seule dans ma vie, j'aurais pu le retenir et lui faire des sketchs. Il n'a même pas eu droit à une seule crise de jalousie lorsque je le voyais dans les magasines avec telle ou telle bombasse pendue à son bras. Il ne faut pas s'inquiéter, ça ne faisait que couver ce qui allait lui tomber dessus à son retour. J'essaie de voir le bon côté des choses. Il est venu directement à Miami au lieu de retourner à San Francisco en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir faire de moi. Mais ça fait six mois que je poireaute toute seule. Je l'aime infiniment mais là je le déteste.

Et je le lui fais savoir sans pour autant le regarder. Je laisse mes doigts jouer sur la peau tout douce d'un des dauphins. Le silence fait écho à l'agression (ne disons pas que c'était doux) que je viens de lui envoyer. « Ah oui ? Me détester ? Carrément ... Tu as pété un câble là non ? Tu t'es un peu trop exposé au soleil pendant que j'étais pas là c'est ça ? » Je ris avec tout le mépris dont je suis capable. Ça dégouline par chaque pore de ma peau, ça doit sûrement s'infiltrer dans l'eau autour de moi et arriver jusqu'à Alexis. « Bah écoute, fallait bien s'occuper pendant les deux mois que séparaient chaque petit texto. Me faire cramer le cerveau était une bonne alternative figure toi. » Il a le culot de me dire que c'est moi qui pète un plomb ? Qu'après six mois à l'avoir laissé tranquille sans jouer la petit amie hystérique, lui exprimer ce que je ressens c'est être tarée ? Mais mon bon monsieur, tu n'as aucune idée de ce qui va te tomber dessus. L'air grésille d'électricité et me hérisse toute entière. Je n'ai pas envie d'être gentille et compréhensive. Je l'ai été pendant six mois, c'est suffisant. « Déjà quand on fait des reproches à quelqu'un, raison de plus, son petit-ami, le minimum c'est de le regarder. » Mon sang ne fait qu'un tour. Je suis sortie de l'eau avant même de me rendre compte de ce que je fais. J'attrape mon débardeur que j'enfile sur mes sous-vêtements trempés. Je n'ai absolument pas envie de jouer la carte de la séduction ce soir. Je me plante devant lui. Je ne fais que quelques centimètres de moins que lui et à cet instant c'est appréciable. « Ah oui ? Tu veux que je te regarde et que je te dise que je t'en veux à mort de ne pratiquement pas avoir donné signe de vie ? Tu veux que je te reproche de m'avoir laissée comme on laisse le chien sur le bord de la route au moment de partir en vacances ? Il n'y a aucun problème ! » Je sers les poings et ne le quitte pas des yeux. Adieu baignade et détente avec les dauphins. Le point de non-retour est franchi et les comptes seront réglés ce soir sinon jamais. « Par contre, Alexis, si tu veux me dire en me regardant droit dans les yeux que tu n'as rien à te reprocher, que tu as parfaitement bien agis pendant six mois, je t'en prie, je n'attends que ça. » Je croise les bras. Je ne lâcherais pas le morceau. « Mais si tu as le culot de réellement me le dire, tu me permettras d'avoir de gros doute sur ton intelligence et tes instincts de survie. » Ce n'est pas pour rien que les ouragans les plus meurtriers portent des prénoms féminins.