Voilà deux semaines qu’Hannah m’avait annoncé qu’elle pensait être enceinte de moi. Depuis ce fameux soir, je n’avais plus reçu aucune nouvelle d’elle. Je l’avais pourtant appelé, je lui avais envoyé des sms, rien, aucune réponse de sa part. Deux putains de semaines. Vous vous rendez compte ? 14 jours que je tournais en rond, que je cogitais. Était-elle enceinte ou pas ? Comptait-elle revenir un jour ? Je craquais, sérieusement. Je n’en dormais plus, je me ressentais tomber à nouveau dans la noirceur dans laquelle j’avais été au départ de Leyla. Un sentiment d’oppression, de « et si ? » constant. Ça en était presque une torture. Je me droguais jour et nuit, pas que ça changeait de d’habitude, mais j’augmentais les doses à chaque fois. Je savais que j’empruntais à nouveau cette pente dangereuse, mais c’était plus fort que moi. La drogue avait toujours été mon remède à tout. À chaque coup dur, une petite dose et c’était reparti. Mais c’est surtout dû au fait que j’étais dans une très mauvaise période. Hormis cette histoire avec Hannah, j’avais en quelque sorte rompu avec Leyla. Ou du moins, elle avait rompu avec moi. À peine en couple, après toutes ces péripéties, ces emmerdes, cet amour bref cette relation de dingue que nous entretenions depuis si longtemps, elle avait découvert que j’avais couché avec Nessa, et bien sur, que j’avais mis enceinte Hannah. Merci à la pétasse de Nightmare. Je ne savais pas comment elle avait été mise au courant de tout ceci d’ailleurs. De mon côté, j’avais été assez discret. Comme en règle générale en fait, je n’étais pas le genre de personne à déballer sa vie à tout bout de champ. Ma vie privée, restait privée. J’en déduisais donc que ça devait venir des autres parties concerner. Les femmes et leurs grandes gueules. Pour les pipes c’était génial, mais pour le reste c’était casse-couilles.

Grâce à ça et à quelques contacts, j’avais pu être informé qu’Hannah avait pris la route avec un certain Jason. Madame se prenait donc du bon temps, tandis que moi, j’attendais comme un con. J’avais la haine, il n’y avait pas assez de mots dans le dictionnaire pour préciser à quel point j’étais énervé, mais surtout en colère contre cette conne. Osez-me balancer une bombe comme ça, puis s’en allez. D’ailleurs ce sentiment s’amplifiait davantage lorsque je reçu un message de la jeune femme. Celle-ci me donnait rendez-vous dans l’heure qui suivait au Starbucks. Dites-moi que c’était une blague ?! Deux semaines sans nouvelles d’elle, pis voilà qu’elle m’envoyait un message, comme une petite fleur en osant en plus me dire de venir au Starbucks en plus ça? Putain mon sang bouillonnait en moi. J’allais faire un meurtre.

Le temps était passé relativement vite, mon cerveau était en ébullition. Je pensais énormément, et la colère faisait partie intégrante de ma personne. Je la sentais dans chaque parcelle de mon corps. Il pleuvait des cordes, j’étais trempé de la tête aux pieds, mais je ne m’en souciais pas, arrivé devant le Starbucks, j’eus un petit pincement d’appréhension. Et si elle comptait me dire qu’elle était enceinte ? Bon Dieu… Pourquoi ça arrivait à moi… J’allais craquer, je n’en pouvais plus. Je prenais une grande inspiration pour tenter de reprendre mes esprits mais surtout de me calmer, puis entrais à l’intérieur. Je balayais rapidement la salle des yeux et reconnaissais la brunette, assise à une table. Immédiatement, la colère réapparut. J’avais littéralement envie de lui tordre le cou. Je ne plaisantais pas.

Je vins m’asseoir face à elle, sans un mot et plongeais mon regard glacial dans le sien. Elle commençait par me saluer, je ne bougeais pas et restait silencieux. Elle enchaina en s’excusant. Je serrais la mâchoire, et fermais le poing, chose qui trahissait mes émotions, mais puisque ce dernier était sous la table, je m’en souciais peu. Je ne parlais toujours pas, et c’est là qu’elle lâcha la bombe. Sa phrase résonnait dans ma tête, un écho sans fin. Le monde s’écroulait autour de moi, je ne sentais plus mon corps, ma vue était obstruée, je laissais mon dos s’abattre sur la chaise. Je me contentais de la regarder. Ce que je redoutais tant venait d’arriver. Elle attendait un enfant de moi… Je n’arrivais pas à réagir. Je n’arrivais plus à rien, mon cerveau était en panne. Puis au bout d’un long moment, j’arrivais enfin à ouvrir la bouche. « De combien ? » demandais-je d'un calme anormal.

Je sais bien que j’avais eu deux semaines pour évaluer la forte possibilité qu’Hannah puisse être véritablement enceinte. Pourtant, j’avais l’impression de ne pas avoir réfléchi un instant durant ces quatorze jours. J’étais pétrifié face à Hannah, alors que j’avais imaginé ce scénario des milliers de fois dans ma tête ! J’avais pensé à toutes mes réactions, toutes les possibilités de réponses même les lieux possibles à ce fameux jour ! J’avais absolument pensé à TOUT. Même au fait que je perde mon contrôle et veuille la frapper, c’est pour dire ! Alors comment se faisait-il que je n’avais désormais absolument aucune réaction ? C’est comme si tout ce à quoi j’avais cogité ces deux dernières semaines s’était envolé. J’avais perdu tous mes moyens. Le mot était faible. J’avais prié tous les Dieux existants pour qu’elle ne soit pas enceinte, pour que toute cette histoire ne soit simplement qu’une simple fausse alerte venant d’une jeune femme qui avait paniqué pour un rien. Mais non. Elle était enceinte. Je me passais cette phrase en boucle dans mon esprit. Elle était ENCEINTE. Elle avait une chose, un truc, un petit pois, une crotte bref elle portait un gosse de moi. Comment j’avais fait pour être aussi stupide ? Putain ! Je me détestais à ce moment même. Mon Dieu ce que je me haïssais ! Ne pas mettre de protection avec en plus de ça une inconnue ! J’hallucinais. Qu’est-ce qui m’était passé par la tête ce soir là ? Absolument rien apparemment ! En plus de la mettre en cloque, j’aurais pu chopper je ne sais quelle maladie par sa faute. Bah ouais, je ne la connaissais absolument pas moi cette conne, qui me disait que ses jambes n’étaient pas open avec chaque mec qu’elle croisait ? Je ne connaissais pas son passé, tout comme elle ne connaissait pas le mien. Je me doutais fortement que tous mes questionnements étaient également présents dans son cas. Mais je n’en avais rien à foutre d’elle, et c’était bien ça le problème ! Je ne voulais pas de gosse, pourquoi s’obstinait-elle à garder cette chose ?! Eh oui, parce que celle-ci m’avait vu venir, la simple raison de ma question précédente était de savoir s’il n’était pas encore trop tard pour avorter. D’ailleurs ce n’était pas le cas, puisque Madame était enceinte de onze putains de semaines. Elle avait immédiatement enchaîné en me balançant qu’elle ne comptait pas avorter, et qu’elle avait bien compris que je ne voulais pas d’enfant. Elle ajouta cependant qu’elle ne m’interdirait pas de le voir si l’envie m’en prenait. Je pouffais sarcastiquement après sa dernière remarque. « Tu comprends pas que cette chose va ruiner nos vies à tous les deux ?! Pourquoi tu t’obstines à vouloir garder ce… truc ? J’arrive pas à te comprendre. Ce n’est pas une honte, ni un crime de vouloir avorter tu sais. Des milliers de femmes passe par la chaque année et s'en sorte très bien ensuite. » M’obstinais-je en désignant son ventre suivis du mot « truc ». Je tentais de garder mon calme, j’étais furieux, abattu et tout un autre tas de sentiments, mais je ne voulais pas partir en octave. Ça n’avancerait pas les choses, je voulais réussir à la persuader d’avorter. Je me penchais sur la table en posant mes bras sur celle-ci.

Elle était enceinte. Ce dont j’avais redouté était bel et bien entrain de m’arriver. Cependant, malgré le fait qu’à l’intérieur de moi, tout s’effondrait, je hurlais, je m’arrachais les cheveux, à l’extérieur c’était le calme plat. Je ne pouvais cependant, faire semblant de ne pas être abattu. C’était beaucoup trop demandé. J’essayais de ne pas craquer, et de tout faire pour la persuader d’avorter. Elle avait beau me dire tout ce qu’elle voulait, je ne la comprenais pas. J’avais en général du mal à comprendre la gent féminine, mais alors cette fille-là… C’était la cerise sur le gâteau. Cette brunette que je méprisais tant était une sacrée énigme pour ma personne. J’avais beau remuer la question dans tous les sens, je ne voyais pas POURQUOI elle était si obstinée à vouloir garder l’enfant d’un mec qu’elle ne connaît pas. Un mec avec qui elle se s’entend pas le moins du monde en plus de ça. Elle était égoïste. Ouais, une putain de nombriliste. Franchement, c’était ça l’avenir qu’elle désirait pour son futur enfant ? Un avenir semer d’embûche, de parents qui ne s’entendent pas, bref en gros l’opposé d’un foyer stable ? L’enfant en sortira briser à coup sur ! Futur gosse à problème.

Ce truc, cette chose, oui je refusais d’appeler ce fœtus par ce qu’il est. Je ne voulais pas lui accorder de l’importance, ni même me perdre à imaginer un certain futur dont je n’ai jamais désiré. C’était peut-être une façon de me voiler la face, je n’en savais rien mais il était sûr que je n’allais pas me laisser dicter ma conduite. « Et si je ne veux pas que ma vie ne change à jamais ?! Ma vie est assez compliqué comme ça pour que je me rajoute ce... bordel ! » râlais-je énervé. Hannah voulait m’imposer sa foutue grossesse. Ça me rendait complètement dingue. C’est comme si je n’avais pas mon mot à dire. Je l’écoutais, mais plus elle parlait et plus elle m’énervait. Elle ne voulait rien entendre. Je n’avais pas l’impression qu’elle se rendait bien compte de ce que ça allait engendrer. Du mal à comprendre, putain le mot est faible bouffonne ! Pensais-je en restant cependant silencieux. Je me contentais de soupirer d’irritation en croisant les bras sur mon torse. Elle fouillait dans son sac puis déposait un dossier face à moi. Mon attention était tout à elle, je me doutais que celle-ci aurait préféré ne pas se foutre dans une situation comme celle-ci mais je campais sur mes positions. Si celle-ci avorterait toute ceci n’aurait pu être qu’un simple cauchemar. Nous pourrions simplement reprendre nos vies chacun de notre côté sans plus jamais entendre parler l’un de l’autre. Mais malgré cette vision futuriste des plus agréables, la jeune femme en avait décidé autrement. Je me décidais finalement au bout de quelques minutes à ouvrir ce fameux dossier. Tout un tas document y figurait. Certains attestaient que celle-ci était effectivement enceinte, la durée de sa grossesse, les tests sanguins bref tout y étaient. Jusqu’à ce que je tombe sur une photo d’une de ces échographies. Je restais bloqué un long moment face à cette dernière. Je ne reconnaissais pas grand-chose si ce n’est des formes noires et blanches. Toutefois, mes pensées commençaient à divaguer, imaginant un nouveau né criant pleins poumons... Voilà ! C’est exactement ce que je voulais éviter de faire ! Me retrouver devant ce genre de putain de chose ! Je me levais brusquement, un peu confus. « Écoute, je suis désolé mais je peux pas. Je suis pas celui qu’il te faut... Je, je veux pas d’enfant. Si tu change d’avis pour l’avortement, passe-moi un coup de fil, tu pourras compter sur moi, y'aura aucun souci. Pour le reste... Je suis pas ton homme. » Puis je quittais le Starbuck, et me barrais sous la flotte, sans même me retourner.

P'ti chef d'oeuvre terminé.