ILe retour à la réalité après mon voyage avec Edward aux îles turquoise était difficile à prendre. Cette semaine avec lui m’avait ébranlé beaucoup plus que je ne l’aurais souhaité probablement. J’avais remis des choses en question et maintenant je devais penser à tout ça. C’était frustrant… frustrant car j’avais l’impression que tout était clair dans ma tête et maintenant, ce n’était plus le cas du tout. Tout était prévu… et pourtant, j’en avais presque plus envie maintenant. C’était une chance quand même que mon meilleur ami ne se soit douté de rien. Ce voyage là… je ne l’avais pas gagné, je l’avais payé de ma poche à moi. Toutes les économies que j’avais faites pour mes études, toutes dépensés pour cette semaine dans la chaleur des tropiques. Le séjour en compagnie d’Edward avait été aussi dans mes plans, j’avais eu envie de passer mes derniers instants avec lui. Car oui, j’y avais longtemps réfléchi, longtemps… sans doute que j’avais passé les dernières semaines à continuellement penser à tout ça et au bout d’un moment, j’en avais conclu que je n’avais pas ma place ici et que si ma place n’était pas ici, les deux pieds sur terre… elle était probablement quelque part dans les nuages avec ma mère. Envisager le suicide n’avait pas été une première pour moi, pas après tout ce que j’avais vécu! Mais d’en conclure définitivement et de fixer mon choix, je ne l’avais jamais fait auparavant. Je n’avais plus envie de rester ici, ici, je n’avais pas grand-chose… et du peu que j’avais, je m’étais dit que ça ne n’équivalait pas à ce qui pouvait possiblement m’attendre ailleurs. Certaines personnes pourraient trouver que mon choix était lâche… que j’étais faible. Mais après s’être battue contre tout ce que j’ai passé au travers, un jour… on est essoufflé… on ne veut plus avancer parce qu’en fait, on ne peut tout simplement plus. J’ai beaucoup souffert, je souffre toujours. Et tout ça, ce n’est pas un petit maux quelconque. Pas un petit mal de ventre, un faible mal à la tête. J’ai le mal de vivre… j’ai mal à l’âme, j’ai mal à mon cœur, j’ai mal à tout mon être. J’ai mal à ma vie et je voulais que tout s’arrête.

Et pourtant, maintenant je remets tout en question. J’ai passé quelques jours chez moi à ne rien faire. J’ai à peine parlé à Joana, j’ai fixé les lettres d’adieu que j’avais écrite à certaines personnes… je me suis rejouée le même scénario que je me rejouais depuis un bon moment. Le scénario de mon départ, de comment j’allais quitter ma vie, la vie que j’avais occupée et qui n’avait plus rien de celle que j’avais qu’elle soit. Ma vie sale, ma vie rouillée, ma vie gâchée.  D’un autre côté, je ne pouvais m’empêcher de revoir des images d’Edward… d’avoir encore cette sensation de ses bras autour de moi, de me remémorer ses belles paroles. Je pensais aussi à ma mère avec qui j’avais communiqué et qui m’avait confirmer que j’avais toujours ma place ici.. Est-ce qu’elle savait ce que j’avais derrière la tête? Probablement… et elle n’appréciait pas. Elle voulait que je continue… et je savais qu’elle m’en voudrait si j’abandonnais mais personne ne pouvait se mettre à ma place, personne ne pouvait réellement ressentir ce que je ressentais, ce avec quoi je vivais à l’intérieur de moi depuis tellement longtemps. Ces visions d’horreur, ces cauchemars, cette solitude continuelle.

Je m’étais décidée d’ouvrir mon ordinateur pour la première fois depuis quelques jours. J’avais évidé les contacts extérieurs le plus possible, physique ou par intermédiaire d’internet. Je regardai d’abord les nouvelles sur le net, pour finalement atterrir sur ma boite courriel et là… ce fut la panique. Je lisais, et j’arrêtais car je courrais après mon souffle. Je tremblais… je continuais à parcourir des yeux le courriel qu’Edward m’avait envoyé. Il quittait, il partait et il me laissait ici. Je perdais mon ancre. Est-ce que j’avais le droit de lui en vouloir? Pas du tout… il avait le droit de vouloir aller de l’avant… et je serais bien égoïste de ne pas être heureuse pour lui.  Égoïste surtout que moi, j’avais voulu l’abandonner et que si je m’étais pas remise en question, je ne serais même plus là depuis quelques jours déjà. Je ressentais un vide encore plus profond que celui que j’avais déjà et je ne pensais pas ça possible. J’avais mal au ventre à force de sangloter, j’avais le visage bien humide et je perdais le contrôle. De toutes les souffrances, je compris que c’était la pire de toute. C’était une chose de se perdre, mais de perdre la personne qu’on aime probablement le plus au monde, c’était encore pire. Je n’arrivais tout simplement pas le croire et bien que je paniquais, je me disais à moi-même que ce n’était pas vrai… je vivais dans le déni. Je m’étais même empressée de m’habiller, d’attraper mes trucs et me rendre à la course chez Edward. Je n’arrêtai pas une seule fois de courir jusqu’à ce que j’arrive devant la porte de son appartement. J’étais essoufflée, les larmes s’étaient séchées contre mes joues mais mes yeux étaient enflées j’en avais même mal à la tête à force de pleurer. Je cognai à la porte de son appartement, continuellement, sans arrêt… je cognai, je cognai… j’espérais tellement fort… Je criai aussi : je criai son prénom. « EDWARD? T’es là? EDWARD!!... EDWARD… dis-moi que t’es là… qu’il n’est pas trop tard. EDWARD. » Puis, la porte s’ouvrit d’un coup. Je reculai de quelques pas. Une petite joie passagère s’était éprit de moi avant de réaliser que c’était une jeune femme qui se trouvait devant moi, pas mon meilleur ami. J’essuyai les larmes sous mes yeux. Je regardai même l’adresse sur la porte pour m’assurer que j’étais au bon endroit. C’était pourtant le cas…

Pour moi, en ce moment, il était inimaginable de penser que je vivais réellement ce qui se passait. Edward ne pouvait toute de même pas avoir quitté Miami comme ça, sans m’avertir d’avance, en me laissant qu’un courriel pour m’en informer. En 100 ans, je n’aurais jamais cru ça possible, je niais tout catégoriquement et pourtant, quelque part à l’intérieur de moi, je savais que c’était le cas. Je ressentais déjà le vide de son absence et ça faisait mal, vraiment mal. Un gros trou dans le cœur. J’avais quitté mon appartement rapidement pour partir à la course jusqu’à chez lui. On vivait à deux rues l’un de l’autre. Ce trajet, je l’avais fait de nombreuses fois mais jamais aussi rapidement. Je ne portais pas attention au joli parc avec une belle fontaine où j’aimais tant m’arrêter en revenant de chez lui. Ni même à la grande maison avec la belle véranda qui me faisait rêvasser d’en avoir une semblable un jour. Je me retrouvai rapidement devant l’appartement d’Edward, essoufflée comme pas possible. Je pris quelques secondes pour retrouver ma respiration puis me mit à cogner en criant son nom. Je souhaitais tellement le voir répondre à cette fichue porte et lui sauter dans les bras pour lui dire de rester. Oui j’étais même prête à le retenir physiquement, j’étais rendu là dans ma tête.

Ce fut une grande surprise de faire face à face avec une autre jeune femme blonde. J’avais instinctivement reculée de quelques pas. Je ne m’attendais pas à ce genre de rencontre alors que j’étais dans un état totalement paniquée. Cette dernière me confirma qu’Edward n’était pas là… il avait déjà pris l’avion depuis un moment. Un moment c’était quoi? Quelques jours? Quelques heures? Mon cœur fit un bon énorme et je baissai la tête. Elle voulait que je me calme, j’étais tellement gênée d’être là au final… j’osais plus la regarder dans les yeux, pas du tout même. De toute manière, je ne voyais plus rien avec les larmes qui s’étaient logées dans mes yeux. La femme blonde s’appelait donc Madison, elle était une amie d’Edward dont je ne connaissais pas l’existence. Jamais entendu ce prénom. Je ne m’attardais pas à ce détail puisqu’elle venait de me faire part que Jordan était dans le coma à l’hôpital. J’avais relevé la tête d’un coup. « Que… quoi? Jordan est à l’hôpital? Oh mon dieu… » Ma main devant ma bouche, c’était tout simplement possible d’arrêter de pleurer. Mais qu’est-ce qui se passe soudainement ici? Est-ce que j’étais en train de rêver? De faire un véritable cauchemar. Je sentais un vertige me prendre. Ma tête tournait, ma vue était trouble. Je m’accrochai contre la rambarde près de moi, courant après ma respiration. Ça ressemblait à une crise de panique et j’essayais de la contrôler, mais je ne réussissais pas. « Je… je vais pas bien… j’ai besoin de m’asseoir quelques secondes. » réussi-je à lancer malgré tout.

Madison me fit entrer dans l’appartement. Je m’étais dirigée instinctivement vers le canapé, essuyant mes larmes d’une main tremblante. L’amie de mes amis revint à moi avec un verre d’eau. « Merci… » Je pris une petite gorgée avant de poser sur la table devant moi. « Edward n’est plus là depuis combien de temps? Il sait pour Jordan? Et Jordan… il… qu’est-ce qui s’est passé exactement? » J’avais tellement de questions qui restait sans réponse. « Je suis Elizabeth » lâchais-je ensuite, réalisant que je ne m’étais pas présentée. « Je suis la meilleure amie d’Edward… et une amie de Jordan. »

« Merci de lui avoir venu en aide. Je suis certaine qu’il vous sera toujours entièrement reconnaissant. » Ça avait été un vrai enfer pour lui et heureusement qu’il en était sorti. Je m’étais fait tellement de mal pour lui. Il ne m’avait donné aucune nouvelle et c’était normal puisqu’il s’était fait enfermé là-bas sans qu’il ne se doute de quoi que ce soit. Quand j’y repensais, ça me faisait tellement de peine car Edward ne méritait aucunement tout ce qui lui avait arrivé de négatif. C’était un ange, c’était mon petit ange et je ne voulais jamais qu’il lui arrive quoi que ce soit. J’espérais tellement que tout soit ok pour lui au Tibet.

J’écoutai attentivement ce que Madison me disait à propos de Jordan. Je n’arrivais pas à e croire et ma peine ne faisait qu’augmenter. Il pouvait donc mourir du jour au lendemain à cause de cette fichue tempête! Je n’en revenais tout simplement pas. Pourquoi est-ce que tout arrivait en même temps? Jordan et Edward était dans les seules personnes qui me parlaient réellement ici à Miami. Je tenais à eux et voilà qu’Edward quittait en me laissant qu’un e-mail et que Jordan se retrouvait entre la vie et la mort. La jeune femme aurait préféré qu’on se rencontre dans une situation différente. « Moi aussi. » Je baissai la tête vers mes mains quelques secondes. « Est-ce que vous croyez que c’est possible d’aller le voir à l’hôpital? S’il doit partir demain… je veux au moins avoir la possibilité de lui dire au revoir, même s’il est inconscient… » Elle m’avait dit qu’elle était docteure non? Elle pouvait être en mesure de me le dire. Peut-être aussi que c’était juste la famille qui avait le droit de s’y rendre… mais peut-être aussi qu’elle pouvait me faire entrer? Je ne savais pas trop… mais je ne risquais rien à essayer de lui demander. Ce fut un soulagement lorsque Madison m’affirma que ça pouvait se faire. Je pris une dernière gorgée d’eau en même temps de me lever. La jeune femme avait pris les clés de sa voiture, elle allait m’y conduire. Je lui fis signe d’attendre une petite minute. Je me rendis jusqu’à la chambre d’Edward. Je pris une grande respiration en regardant autour de moi. J’ouvris la porte de son placard puis pris son cahier dessins et ressortit. J’avais besoin de quelque chose qui me faisait penser à lui. « On peut y aller. » Nous quittâmes aussitôt l’appartement en direction de l’hôpital.