babysitting & pancakes

HANNAH & ERWAN

Erwan avait un emploi du temps assez spécial, peu régulier, et légèrement chaotique. Du coup, entre des journées interminables de boulot, les soirs où il rentrait chez lui à deux heures du matin après avoir bossé comme un malade, il y avait aussi des jours plus tranquilles, plus reposants. Parfois des demi-semaines pendant lesquelles il passait son temps à glander, hésitant entre son lit et le canapé. Alors il en profitait pour faire les magasins, visiter des appartements sans avoir la moindre intention de déménager, essayer tous les stands de smoothies de Miami, acheter des bougies parfumées par centaines et investir dans tout un tas de choses légèrement inutiles. Commencer le yoga, prendre des cours de harpe. Arrêter la harpe au bout de deux séances. Se mettre à l'équitation, se casser la gueule du cheval et arrêter l'équitation pour se contenter de venir caresser les animaux. Acheter un journal intime Bambi qui aura un jour une utilité, c'est juré. Faire des pancakes aux pépites de chocolat et les offrir à ses voisins. Il vivait sur un petit nuage, c'était clair, et avait envie de tester tout un tas de trucs. Pour une fois, il n'y avait pas une seule ombre sur le tableau. Tout était parfait, tout était rose, avec des paillettes et des arcs-en-ciel. C'était sans doute ça, le bonheur, celui qu'il avait cherché depuis toujours, celui qu'il n'attendait plus. Et pourtant. Le bonheur s'était présenté à lui sous la forme d'Orel, et Erwan n'arrivait pus à gommer ce sourire qui étirait ses lèvres depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Depuis ce matin-là chez Orel. Ils ne s'étaient pas revus depuis, mais il était resté dans le même état, planant un peu, certes, mais surtout heureux, tout simplement. Au point de ne plus se soucier de rien, ayant tout à coup envie de plein de choses, ayant en moyenne cinq coups de coeur par heure pour des choses qui les méritaient plus ou moins, suivant les cas. Mais non, clairement, rien ne pouvait le faire redescendre.

Même les aspects les plus chiants, les plus stressants, de son travail finissaient par l'enchanter. Et cette bonne humeur éclairait sa journée ainsi que ceux qui travaillaient avec lui. Ce jour-là, il rentra en début d'après-midi et se posa sur son canapé, près de la baie vitrée, là où le soleil tapait à travers les fenêtres. Il ferma les yeux, mais n'eut le temps de s'endormir. Son téléphone, coincé dans la poche minuscule de son jean, vibra contre sa cuisse. Erwan sortit le portable et trouva un sms d'Hannah, qui avait besoin d'un coup de main en fin de journée. Rendez-vous vers 17h. Il lui répondit par un simple "ok" tout de même suivi d'un petit coeur, parce que les marques d'affection, ça faisait toujours plaisir. Puis il sombra dans un demi-sommeil des plus agréables, et se réveilla à l'heure pour aller prendre une douche. Erwan sécha ses cheveux et les coiffa comme il le pouvait, passa dix minutes à sélectionner un jean au milieu d'une vingtaine qui se ressemblaient tous, ainsi qu'une chemise légère et estivale. Une paire de chaussures, son sac en cuir, un chapeau, et une petite veste, au cas où il faisait frais à l'extérieur. Disons que pour se rendre chez Hannah, qui avait l'oeil pour apprécier tout ce qui tournait autour de la mode, il avait clairement envie de faire un effort. C'était un peu son truc, à Erwan, mais à force de traîner avec des gens qui n'en avaient pas grand-chose à foutre, il lui arrivait de se lasser un peu. Au moins elle, elle apprécierait ses efforts de style. Enfin, il sortit de son frigo le reste de pancakes et les emporta dans un tupperware, et attrapa son étui à guitare, avant de sortir de chez lui en se pressant un peu. Il arriva chez la jeune femme pile à l'heure, après un trajet en bus rendu moins pénible par la musique dans son casque. Le bus était vide de toute façon, à cette heure-là. Surtout avec le temps qu'il faisait. Erwan avança dans l'allée qui menait à la porte, chargé comme s'il partait en voyage pour trois semaines. Il n'était pas du genre à faire dans le juste milieu. Du coup, il se baladait soit sans rien sur lui à part des vêtements et ses clés, ou alors chargé de tout ce qui pouvait éventuellement peut-être dans un futur incertain lui être d'une quelconque utilité. Arrivant devant la porte, il posa son étui à guitare par terre et le coinça entre ses jambes, et sonna à la porte. « Coucou ! » fit-il avec un grand sourire lorsque Hannah apparut derrière la porte qui s'ouvrait. Il souleva le tupperware de pancakes qu'il tenait toujours en main. « Tu veux des pancakes ? Y'a des pépites de chocolat dedans, c'est fait maison » il lui annonça fièrement. La boite était lourde et bien remplie, et il y en avait largement assez pour trois.