J’avais pris trois jours de congés au cabinet médical, pour prendre un peu de temps pour moi. En fait, la nouvelle de ma malheureuse rupture avec le célèbre et richissime Derek Watts avait fait bien vite fait le tour de mes collègues qui m’avaient poussée légèrement à prendre des vacances pour me remettre de mes émotions, comme ils disaient. Je savais que je n’avais pas besoin de ca, bien au contraire, j’avais besoin de m’occuper l’esprit en me faisant écraser littéralement par la paperasse et les rendez-vous. Finalement, j’avais battu en retraite devant mes collègues et j’avais fermé mon bureau, annulé mes consultations jusqu’à la semaine prochaine. Je n’avais pas pour habitude de prendre des vacances. Je ne me souvenais même pas des dernières que j’avais pu prendre … Peut-être il y a cinq ans quand j’étais partie voir ma famille à Noël ? Déjà ?! Je me rendais compte qu’à part mon travail je n’avais pas grand-chose d’autre dans ma vie. Des amis, j’en avais peu. Ma famille, je la voyais peu. L’homme que j’aimais, il m’avait quitté pour un autre. Ma vie était triste et fade. Je devais remédier à cela. J’allais avoir trente-cinq ans et à part ma réussite professionnelle je n’avais rien d’autre qui pouvait me rendre fière.

Alors que je cherchais de quoi m’occuper, j’étais tombé sur un catalogue de publicité vantant des destinations plus idylliques les unes que les autres. Je n’avais jamais eu l’âme d’une voyageuse, et pourtant avec le salaire que je percevais et les économies que j’avais mis de côté, je pouvais me permettre de faire le tour du monde une fois par an au moins ! Le seul endroit que j’avais toujours rêvé de visiter c’était l’opéra de Sydney. Ce lieu me faisait rêver. Cela devait être tellement génial de pénétrer dans cet endroit si moderne et hors de son temps. Et puis les représentations qui y passaient ce n’était pas rien non plus. Il faudrait que je pense à prendre le temps de me rendre à Sydney, mais pas en cette période. Pourquoi pas pendant les vacances d’hiver ? Je tournais les pages du magazine lorsque je tombais sur une destination aux milles couleurs : la Polynésie française. La thématique du voyage proposé était les excursions en plein air. Sans réfléchir et avec une spontanéité sans limite, je me dirigeais vers mon ordinateur où je réservais ma place. Au moment de payer, j’eu un petit moment d’hésitation. C’était de la folie ! Et alors ? Cela pouvait être tellement amusant de vivre pour une fois de manière irréfléchie ? Je validai ma réservation avec un sentiment de fierté. Bon maintenant il allait falloir préparer ce voyage ! Direction un magasin de sport pour trouver du matériel de randonnée mais aussi pour mes loisirs comme un maillot de bain, de la crème solaire et auto-bronzante… Je me sentais soudainement dépensière. Je pris un taxi qui me déposa au centre-ville.

Après avoir flânée dans la grande avenue centrale pendant une dizaine de minutes à regarder les vitrines des boutiques, je pénétrais dans l’une d’elle qui semblait contenir ce que je pouvais chercher. Je saluai le vendeur poliment avant de me rendre dans les rayons des chaussures de sports. Je regardai attentivement les articles en rayon quand la voix du vendeur m’interpella derrière mon dos. Je me retournai vers lui avec un sourire et lui expliquai ce que je venais chercher :

« Je cherche une paire de chaussures pour faire de la randonnée. Je pars en Polynésie française au mois d’août me balader alors il me faudrait un minimum de matériel. »

Sur un coup de tête, je m’étais décidée à m’offrir un voyage en Polynésie francaise. Mes collègues pensaient que, suite à ma rupture avec mon ex, j’avais besoin de prendre quelques jours de congés pour me remettre de ces émotions. Sans doute avaient-ils plus pitié de moi qu’autre chose. Je n’avais pas été seulement larguée par mon compagnon, non, il m’avait quitté pour un autre homme t c’était sans doute cela qui touchait encore plus les gens. Bref, j’avais cédé à leur exigence de me voir déserter le bureau pendant quelques jours et avait pris quelques jours cette semaine pour me reposer. L’ennuie m’avait très rapidement emportée et la folie avec : j’avais réservé une place dans un voyage organisé avec des excursions pour le mois d’août. J’avais bien vite constaté que je n’étais pas équipé pour un tel voyage. Au lieu de me servir de ce prétexte pour annuler mes vacances, je pris un taxi et me rendis au centre-ville de Miami pour y trouver des affaires propices au voyage et aux activités qui allaient avoir lieu. J’étais entrée dans une boutique de sport où on instinct me disait que j’y trouverais sans doute mon bonheur. Je m’étais dirigée vers le rayon des chaussures pour trouver une paire adéquate. Le vendeur s’était approché dans mon dos et m’avait demandé si j’avais besoin d’un coup de main. Après lui avoir expliqué brièvement la situation, il me posa tout un tas de question qui s’enchainèrent les unes après les autres sans que je n’ai le temps d’en répondre à une seule. Il s’excusa rapidement me demandant un peu plus de détails sur mon voyage.

« Euh … » Je passai une main sur ma nuque recouverte par mes cheveux lâchés en essayant de me souvenir du programme que j’avais lu en diagonale. « En fait je dois vous avouer que je fais ce voyage sur un coup de tête et que je ne sais pas vraiment ce que je vais y faire. » Je souris timidement. « Si je me souviens bien nous allons faire des randonnées sur les différentes îles de l’archipel. Il fera très chaud et il n’est pas exclu que nous traversions l’eau. Ensuite il me semble que nous ferons aussi des balades à cheval. En gros il me faut une paire de chaussure bonne à tout faire un peu, vous voyez ? Et qui puisse tenir au moins un mois. »

Tout en parlant, je me rendais compte petit à petit de ce que je m’apprêtais à faire cet été. Quelle folie m’avait contaminée ? C’était mes premières vacances depuis une dizaine d’années au moins et j’allais les passer à faire le tour d’îles en marchant. J’aurais quand même pu prendre un séjour bronzette en y repensant ! Quoi que … je me connaissais assez bien pour savoir qu’au bout d’une semaine à ne rien faire d’autre que bronzer sur du sable fin, j’aurais très vite envie de repartir travailler.

« Je suis désolée pour le peu de précision encore, mais vraiment c’est quelque chose fait sur un coup de tête … j’aurais dû prendre le programme avec moi peut-être ! »

Cela m’aurait évité de passer une bête femme devant ce vendeur. Oh et puis je me fichais de ce qu’il pouvait penser. Il fallait que j’arrête de penser à ce que les gens pouvaient bien penser de moi à chaque instant. De toute façon ne pas savoir ce que j’allais faire pendant mes vacances c’étaient toujours moins honteux que de voir son homme partir dans les bras d’un autre homme non ? Il fallait que j’arrête de ressasser cette histoire dans ma tête ! Il fallait que je me concentre seulement sur mon voyage et rien d’autre. Derek vivait une vie heureuse, à moi d’en faire de même !

Après avoir essayé d’expliquer tant bien que mal au vendeur ce que j’allais bien pouvoir faire lors de ce voyage, il me conseilla une paire de randonnée. Je pris la boite qu’il me tendait pour essayer un pied et voir si cela pouvait me convenir. Que c’était laid quand même des chaussures de randonnée. J’avais l’impression de retomber à l’âge de mes dix ans quand mes parents me forçaient à mettre des chaussures plus fonctionnelles que jolies. Je fis quelques pas avec afin de m’habituer à la chaussure que je portais. Certes elles n’étaient pas très jolies mais elles étaient très agréables à porter. J’étais persuadée que même après une journée de rando, j’aurais sans doute moins mal aux pieds avec ca qu’avec des escarpins neufs que je pouvais porter pour aller au bureau. Je regardai le vendeur qi attendait de moi que je lui dise si cela me convenait. J’hochai la tête avant de parler.

« Oui elles sont très bien, enfin je crois je n’ai pas l’habitude des ce genre de chaussures, mais je me sens vraiment à l’aise dedans et c’est ce qui doit être le plus important je pense ? »

Le vendeur me répondit qu’elle devait être assez souple et en même temps assez robuste pour que ce soit une bonne paire de chaussure. La porte du magasin s’ouvrit et mon regard curieux se posa sur un couple qui venait d’entrer. Je ne m’attardai pas sur eux reportant mon attention sur l’homme qui était en face de moi et mon potentiel achat. Je détachai les lacets et enleva la chaussure pour remettre ma ballerine noire que je portais aujourd’hui.

« J’ai l’impression que j’ai trouvé la paire qu’il me fait. Honnêtement, vous croyez qu’il faudrait que je prenne deux paires ou une seule conviendrait ? Non en faite la question ne se pose pas, je vais prendre deux paires on ne sait jamais. »

Je lui tendis la chaussure que je tenais toujours en main afin qu’il la remette dans la boite avec sa jumelle. Je pris mon sac à main et le mit sur mon épaule droite. Bon au moins une chose de faite, maintenant il me fallait quelques tenues pour aller avec : pantalon, t-shirt, pull. J’avais de quoi m’habiller chez moi mais certainement pas pour une telle situation. Et puis j’avais de l’argent à dépenser alors pour une fois je ne regarderais pas les chiffres qui allaient s’aligner.

« Je vous remercie. Est-ce que je peux vous laisser les boites le temps que je fasse le tour ? Il me faut encore deux trois petites choses mais je vais m’en sortir pour ça. »

Je laissai le vendeur et parcourait les rayons à la recherche de ce qu’il me fallait. Je cherchais également des affaires de bains. A moins que j’ai un véritable coup de cœur pour un maillot de bain, je me tournerais plutôt vers une grande marque comme à mon habitude. Je pris deux pantalons en toile, quatre shorts, six t-shirt et deux pulls pour la randonnée. Tous de coloris différents et de préférence avec des couleurs assez vives. Je pris également deux grandes serviettes de bain pour la plage et un tube de crème solaire. Les bras chargés je revins vers le vendeur pour régler la note.

« Je crois que j’ai tous ce qu’il me faut ! » m’exclamai-je avec un sourire.

Mes achats n’avaient pas été moindres. Après que le vendeur m’est conseillé une bonne paire de chaussure pour ma randonnée, j’avais sélectionné un tas d’article de plages qui me seraient utiles. Lorsque je revins vers l’homme qui travaillait dans le magasin, je lui signifiais avoir trouvé ce qu’il me fallait. Celui-ci s’empressa de me retourner une remarque en me disant que j’avais dévalisé son magasin. Il passa au scan chacun de mes articles avant de me dire le total de mes achats. Je ne fis pas attention au prix et sortis ma carte bancaire. Je savais que, peu importe le prix, je pouvais me le permettre sans craindre un découvert. Je faisais tellement rarement plaisir que j’avais un tas d’économie de côté. Le vendeur me demanda, en précisant que ce n’était pas une technique de drague et en s’enfonçant légèrement en cherchant à se justifier encore plus, si je voulais l’accompagner lors d’une randonnée. Sa proposition me surpris un petit peu.

« Euh … je ne sais pas … »

J’enfonçai ma carte bancaire dans le lecteur de carte et tapai mon code alors qu’il s’empressait de me dire que j’étais totalement en droit de refuser, surtout si j’avais un mari ou un petit-ami. Je laissai échapper un petit rire nerveux. Ma vie sentimentale était un vrai désastre alors un petit-ami il n’y en avait pas l’ombre d’un dans ma vie et un mari encore moins !

« J’accepte ce serait avec plaisir ! »

Je souris au vendeur en récupérant ma carte bancaire, une fois le montant de mes achats débités. J’avais besoin de spontanéité, de changement alors pourquoi ne pas faire une randonnée avec un inconnu ? Bon c’était quelque chose d’un peu risqué, je ne le connaissais pas et il pouvait bien être un psychopathe qui allait me tuer en pleine montagne ? Tant pis ! La prise de risque ca pouvait être sympa.

« Je ne suis jamais allé en randonnée dans le coin, ca fait deux ans que je suis à Miami mais des fois je me rends compte que c’est comme si j’y étais arrivé il y a tout juste six mois ! »

Je m’enfermais dans mon travail et je gâchais ma vie, cela depuis plus de cinq maintenant. Il fallait que ca change, il fallait que ma vie change. Je ne pouvais plus rester enfermer dans mon travail et laisser passer la vie.

« Je vais vous donner mon numéro, attendez. » Je sortis une carte professionnelle de mon sac et pris un crayon pour y noter mon numéro de portable personnel en dessous du numéro de mon cabinet. « Voilà, vous n’aurez qu’à m’appeler. Je suis disponible cette semaine et si non c’est plutôt le samedi, dimanche. »

Je lui tendis la carte et rangeai mon stylo dans mon sac à main. Je souris à l’homme avant de prendre mon sac de course d’une main. Le sac pesait bien son poids d’achat. « Au faite je m’appelle Lily-Anne ! » lançai-je avant de sortir du magasin.