La vie qui défile à un rythme qu'elle ne parvient pas à dompter. Les journées s'étirent, s'effilent, et elle n'arrive pas à trouver le temps qu'il faut pour se poser ne serait-ce que cinq minutes. Elle n'y parvient pas, et les marques violacées sous ses yeux prouvent que le sommeil n'est pas très présent dans la vie de la jeune fille. La boutique tourne un peu moins suite aux vacances et ça se fait ressentir. Elle a du mal à obtenir une comptabilité qui lui plaît, alors elle redouble d'effort et son seul jour de repos, le lundi, elle se l'ait retiré. Désormais, elle travaille sept jours sur sept, presque vingt quatre heures sur vingt quatre. Mais il n'y a pas que cela, il y a cette chose aussi, qui lui triture l'esprit. Comme si elle n'avait pas assez d'une chose, voilà que maintenant, un fou lui envoie des post it. Au moins, elle pourrait en faire collection. Les post-its puis les mails. Elle ne comprend pas vraiment ce que veut cette personne mais, elle n'y accorde pas d'importance. Enfin c'est ce qu'elle se dit, que ce n'est pas important, que c'est quelqu'un qui veut lui faire une mauvaise blague. Peut-être que cette personne abandonnera son idée quand il s'ennuiera. Sûrement. Elle espère en tout cas, parce que ses nuits sont rythmées par des cauchemars qui lui font tourner la tête. Un jour, elle imagine un agresseur qui vient l'enlever, l'autre jour des aliens ou des choses encore plus violentes. Et après cela, elle n'arrive plus à dormir. Après tout peut-être que c'est quelqu'un pour Siobhan, mais ça l'étonnerait bien, son amie est très discrète et elle est sûre que personne ne peut savoir qu'elle est ici.

Alors qu'elle tourne en rond dans sa boutique, elle entend le ping qui lui signale qu'elle a un mail. Elle soupire, se dirige vers son écran, retire les gants qu'elle porte et ouvre le mail. Un carré rose. Encore. Elle lève les yeux au ciel, et elle sent son cœur qui s'agite dans sa poitrine. Non, la crise de panique n'est pas la bienvenue à l'heure actuelle. Elle souffle, un deux, un deux, avant de se rendre dans la petite pièce à l'arrière de sa boutique. Perturbée, elle fait chauffer sa bouilloire, et retourne à son travail jusqu'à ce que le sifflement de l'ustensile de cuisine la tire de ses rêveries. Quand elle boit son thé, une cliente arrive et elle s'affaire à lui faire le bouquet qu'elle désire, son sourire commercial sur les lèvres. Quand elle regarde l'imposante horloge, elle soupire une nouvelle fois. Il va être l'heure de fermer. Tant mieux parce qu'elle n'en peut plus. Elle n'en peut plus, elle aimerait juste dormir. Et ne plus penser à autre chose. Elle retourne alors l'écriteau et elle retourne chez elle lentement. Pas vraiment pressé parce que personne ne l'attend. Elle le sait, mis à part son chat, personne n'est là, et des fois, ça pèse, c'est lourd.

Quand elle entre dans son immeuble, elle croise sa petite voisine Ma pauvre, votre fiancé est tête en l'air. elle fronce les sourcils, elle est un peu gâteuse, mais elle ne pensait pas autant. Elle n'a pas de fiancé, et elle le sait très bien. Elle monte les escaliers quatre à quatre et elle se fige. Un post it. Et une rose. Personne n'est venu à sa boutique, elle aurait pu savoir qui c'était sinon. Ca aurait été trop simple. Rageusement, elle décroche le post it et lit le petit mot. Bon. Dans les caves. Rassurant. Quand elle entre dans l'ascenseur, elle serre la rose entre ses doigts fins et laiteux et une fois que les portes s'ouvrent, elle se mord l'intérieur de la joue. Elle sent la nicotine, elle se laisse alors guider par l'odeur et les post its, ses pieds avancent d'eux-même. Et d'une voix chevrotante, elle prononce « il y a quelqu'un ? » jusqu'à ce qu'elle le voit. De dos. Elle le reconnaîtrait entre mille. L'homme qu'elle a voulu voler au bar l'autre soir. Il me semble que c'est interdit de fumer dans une cave. Et ça va ? ça t'amuses de faire ça ? Tu te prend pour le petit Poucet ? Le ton sec, le ton méchant, elle le fixe en balançant la rose à ses pieds Si tu pensais que j'étais une fille facile qui tombe dans le panneau grâce à une rose, tu te mets le doigt dans l'oeil. Puis, elle repense à ce que sa petite voisine lui a dit. Mais elle ne dit rien, elle attend simplement. Pour voir ce qu'il va dire, ce qu'il va faire.