Ils avaient embarqué Noah au bloc opératoire dès qu'Antey était arrivée devant l'hôpital. Peut-être qu'elle aurait cherché dans une autre situation à feindre la panique, quelque chose, mais elle s'était vite rendu compte qu'il n'y avait rien à feindre du tout, essuyant rapidement la larme qui s'était échappée de son oeil et qui coulait sur sa joue. Elle se rassurait en se disant qu'il était entre les mains des médecins, qu'ils savaient ce qu'ils faisaient, et qu'elle ne pouvait rien pour lui, de toute façon. Il fallut qu'une infirmière s'approche d'elle pour l'inviter à venir se faire soigner, pour qu'Anteynara baisse les yeux sur sa main et réalise que celle-ci ne ressemblait plus à grand-chose, et pour que la douleur jusque là masquée par l'adrénaline se réveille. Okay il était grand temps de s'occuper de cette blessure. Elle suivit sagement l'infirmière, et se laissa soigner sans broncher, demandant juste deux ou trois fois s'il y avait du nouveau concernant Noah, recevant à chaque fois des réponses négatives. Ils eurent enfin terminé, Antey se retrouvant avec la main gauche enveloppée dans un bandage énorme, avec une atèle pour son petit doigt, et ayant eu le droit à une bonne dose d'anti-douleur. Lorsqu'elle fut enfin libérée, on l'installa dans la salle d'attente, là où elle resterait au moins jusqu'à en savoir plus sur l'état de Noah. Elle finit par s'endormir, et être réveillée par une infirmière venue lui dire qu'il était hors de danger, qu'ils avaient pu sortir la balle, arrêter l'hémorragie, et que tout s'était bien passé. Qu'il était dans une chambre et qu'il se réveillerait bientôt. S'étant fait passer pour sa petite amie dès leur arrivée, elle était donc autorisée à lui rendre visite et à rester avec lui, et l'infirmière l'emmena donc jusque devant la porte de la chambre où dormait Noah. Anteynara entra, un peu hésitante d'abord, parce que c'était déstabilisant de voir Noah comme ça, dans ce lit d'hôpital, endormi. Ca faisait presque peur. Avec toutes ces machines autour de lui. Elle prit le fauteuil et le glissa pour se poser à côté du lit, s'y installer sans quitter Noah des yeux. Elle finit par replier ses jambes et poser ses pieds sur le fauteuil, posant son bras droit sur le lit pour y coucher sa tête. Les médicaments qu'on lui avait donnés l'avaient un peu assommée, mais elle avait réussi à somnoler dans la salle d'attente, ce qui ne se reproduirait pas de sitôt, ayant l'esprit un peu trop secoué par les dernières heures. Elle se perdit un peu dans ses pensées, glissant lentement sa main droite sur le lit pour atteindre celle de Noah qui était là, endormie, imobile, et se mettre à juste jouer légèrement avec le bout de ses doigts, un peu inconsciemment.

Elle resta posée là à côté de lui pendant un long moment, sans avoir de vraie notion du temps, et n'ayant de toute façon rien d'autre à faire à part attendre. D'un côté elle ne serait pas rassurée avant de le voir réveillé, avant de le voir bouger et de l'entendre dire des conneries. Alors elle resta, sans réussir à dormir, perdue dans ses pensées, jusqu'à sentir Noah bouger un tout petit peu, mais ça suffit pour attirer son attention. Elle leva les yeux vers son visage sans bouger de là où elle était, le regarda ouvrir lentement les yeux, l'observa alors qu'il s'habituait à la lumière. Puis son regard se posa sur Antey, croisa le sien. t’écoute jamais ce qu’on t’dit hein ? il fit, en riant brièvement, rappelé à l'ordre par la douleur qui le fit grimacer. Au moins, ça voulait dire qu'il se souvenait de ça, qu'il n'avait pas de perte de mémoire. S'il se rappelait la dernière chose qu'il lui avait dit avant que ses paupières ne tombent, alors tout allait bien. Elle lui sourit, haussant les épaules. « Tu pensais vraiment que j'allais me barrer et te laisser crever tout seul là bas ? » elle lui demanda en guise de réponse. Elle pensait qu'ils avaient dépassé ce stade, que quelque part ils s'étaient implicitement mis d'accord que laisser l'autre derrière, c'était pas dans leurs plans. Puis, elle s'en serait voulue toute sa vie, de l'avoir abandonné. Non, en fait, ça ne lui serait même jamais venu à l'idée si Noah ne l'avait pas proposé. Elle s'était attachée à lui, et malheureusement ou heureusement, ellen'était pas du genre à laisser tomber les quelques personnes qui comptaient pour elle.

Vivement qu'il se réveille, qu'elle n'avait cessé de se dire depuis qu'elle était installée là à côté du lit. Elle n'était pas très patiente de base, et le voir endormi comme ça n'était pas particulièrement agréable. Puis, il lui manquait un peu, peut-être. Noah finit par se réveiller, comme l'avait prédit l'infirmière qui avait conduit Antey jusqu'ici, et elle le regarda donc sortir de son sommeil jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche. Elle lui répondit sans hésiter qu'il était hors de question qu'elle l'abandonne dans cet entrepôt pourri. T’aurais dû, j’te rappel qu’ils sont encore deux et qu’ils vont sûrement venir finir ce qu’ils ont commencer. il fit, tentant de bouger un peu sans vraiment y parvenir. Il n'avait pas tort, mais cette fois-ci il y aurait du monde pour les recevoir, ce qui n'avait pas été le cas la première fois, et Anteynara était plutôt confiante. Puis, confiante ou pas, ce n'était pas une excuse pour laisser tomber Noah. Les médecins t’ont dit quand j’pourrais sortir ? il interrogea, et Antey secoua la tête juste au moment où entrait une infirmière. Celle-ci s'occupa de regarder les blessures de Noah, Anteynara zieutant un peu elle aussi, discrètement. Noah lui posa donc la même question, et la réponse ne lui fit pas vraiment plaisir, vu le temps pendant lequel les médecins comptaient le garder emprisonné ici. A peine l'infirmière fut-elle sortie que Noah regardait Antey en soupirant. « Ca va, t'es pas trop fragile, tu seras surement sorti tôt » elle lui dit. Enfin, il ne fallait pas trop se fier aux pronostics d'Anteynara, elle qui considérait toujours que toute guérison se faisait à la vitesse express, et que rester au lit trop longtemps était plus mauvais pour la santé que se balader avec un trou dans le bide pas tout à fait refermé. J’pense que tu devrais prendre des vacances et pourquoi pas retourner au Canada non ? il lui sortit alors. « Quoi ? » elle ne put se retenir de lâcher. « J'vais pas te laisser ici tout seul, t'as cru quoi... » Elle ne savait pas s'il voulait se débarrasser d'elle, ou s'assurer qu'elle était bien loin de Miami, mais le fait était que s'il devait avoir de la visite, il fallait aussi qu'il y ait quelqu'un d'à peu près en état de se battre pour éviter que ça ne finisse  la morgue. « Puis j'ai pas besoin de vacances » elle termina, comme si ça fermait la discussion.

L'infirmière avait débarqué dans la chambre pour regarder les blessures de Noah, et lui avait par la même occasion annoncé qu'il était condamné à rester ici pour une semaine et demi au minimum, probablement plus. Evidemment que ça ne lui faisait pas plaisir à Noah, parce qu'il était comme la plupart des gens, il n'aimait pas vraiment se retrouver dans un lit d'hôpital à rien foutre, ce n'était pas surprenant. Alors lorsque l'infirmière fut sortie, Antey lui fit tout de même savoir qu'il serait sur pieds bien plus tôt que ce que les médecins pensaient. Ouais t’sais les médecins sont cons, si ils veulent que tu reste, tu reste. il ronchonna, et elle ne trouva rien à redire, haussant simplement les épaules, alors que Noah commençait à lui conseiller de prendre des vacances. Une idée à laquelle elle s'opposa radicalement sans même y réfléchir, ajoutant même qu'elle n'avait pas besoin de vacances. Oh que si t’as besoin de vacances… t’as vu la gueule que tu te tape ? il lui sortit, une main sur son épaule pour la pousser un peu en riant. « Va te faire foutre Rodriguez » elle répondit, sans cacher son sourire. De toute façon, s'ils devaient faire le concours de celui qui avait la face la plus dégueulasse, elle ne savait pas trop lequel des deux l'emporterait. Ils avaient tous les deux bien dégusté, la seule différence étant que Noah était passé au nettoyage au moment de l'opération, contrairement à Antey. Tu t’es fait soignée ? il demanda ensuite, et elle hocha la tête en levant sa main blessée et couverte de bandes blanches pour la lui montrer. Le temps passa, et lorsque l'infirmière se pointa à nouveau, Anteynara décida de rentrer chez elle. Il lui fallait une douche, et son lit surtout.
Elle n'avait rien prévu pour Noël. De toute façon, cela faisait des années qu'elle ne l'avait pas fêté, et elle ne voyait pas trop pourquoi subitement elle aurait du s'y mettre. Enfin, elle avait été prise par l'envie d'installer une guirlande lumineuse autour de sa porte d'entrée, mais avait tant galéré à la poser avec une main emballée dans des pansements qu'elle s'était arrêtée à ça et n'avait pas poussé plus loin la déco. Puis finalement, après s'être posé le question quelques fois, elle avait décidé que rester seule chez elle était une idée pourrie. Surtout que Noah aussi était seul, dans son lit d'hôpital et qu'à deux au moins, ils pourraient râler ensemble. Le 24 vers 21h, elle débarqua donc à l'hôpital avec un sac rempli d'une bouteille de vodka, de ferrero rochers, un disque dur avec un tas de films, et un chien en peluche. Elle entra dans la chambre de Noah sans même frapper. « Joyeux Noël » qu'elle lui balança, sans grande joie, avant de lui lancer la peluche. « Tiens. Cadeau » Puis elle se laissa tomber sur le fauteuil, dégagea ses chaussures, et tendit ses jambes pour poser ses pieds sur le lit, sortant la bouteille de vodka en adressant à Noah un grand sourire.

Noël. Quand elle était gamine, même si ses parents étaient loin d'être religieux ou quoi, ils avaient tout de même pour habitude de fêter, avec un sapin et quelques décos, puis les cadeaux et un repas un peu amélioré. Juste eux trois, parce qu'il n'y avait personne d'autre. Puis la tradition de Noël s'était arrêtée avec la mort de ses parents, avait reprise avec Jay, sous la forme de quelque chose de grandiose... parce qu'avec lui rien n'était jamais simple, tout devait toujours être grand, à couper le souffle. Puis, depuis la mort de Jay et depuis qu'elle était seule, plus rien. A part se goinfrer seule devant sa télé avec son chien. Rien de très réjouissant, qui ne changeait pas du reste de l'année, d'ailleurs. Mais cette année, sachant que Noah était seul lui aussi et enfermé dans ce putain d'hôpital, peut-être que ce serait plus intelligent de débarquer là-bas et de faire ça à deux. Et c'est ce qu'Anteynara décida de faire le soir du 24 décembre, arrivant à l'hôpital avec un sac et de quoi égayer un peu la nuit. Au rez-de-chaussée, elle passa devant la salle dans laquelle semblaient être réunis un bon nombre de patients qui fêtaient ensemble. Mais elle voyait très mal Noah s'être joint à ce petit groupe. Non, le connaissant il s'était planqué dans sa chambre. Elle entra donc sans toquer et lui souhaita un joyeux Noël pas très joyeux, avant de lui balancer la peluche qu'elle avait achetée pour lui. Ca lui tiendrait compagnie. Puis elle se laissa tomber dans le fauteuil, retira ses chaussures et posa ses pieds sur le lit et sortant la bouteille de vodka de son sac. Putain dit moi que j’ai le droit d’en prendre ? demanda Noah, et elle fit une mine un peu désolée, parce que même si elle n'était pas du genre à dire aux autres quoi faire, vu tout ce qu'ils donnaient à Noah niveau médicaments, ce serait une très mauvaise idée. « T'as les bon médocs, laisse moi la vodka » elle répondit en ouvrant la bouteille pour boire quelques gorgées. Et puis qu’est-ce que tu fou là d’abord ? T’as rien de mieux à faire que de squatter l’hosto un 24 Décembre ? lui demanda ensuite Noah. Elle haussa les épaules, parce que non, elle n'avait rien de mieux à faire. Entre être seule chez elle et ici avec lui, le choix était vite fait. Antey plongea sa main dans son sac pour en sortir une poignée de chocolats qu'elle posa sur les genoux de Noah. « J'avais envie d'te voir » elle dit, simplement. « J'ai un job à faire, mais ça attendra que Noël soit passé, question d'principe » ajouta-t-elle, comme si c'était totalement évident qu'il fallait attendre le 26 pour tuer quelqu'un, et que ces deux petits jours de répit allaient soulager la conscience d'Antey. Elle prit un chocolat et commença à retirer l'emballage doré. « Ca va toi ? » elle demanda quand même, pour prendre des nouvelles de son état, parce que malgré tout elle n'oubliait pas ce qui s'était passé quelques jours plus tôt. Au contraire, c'était gravé dans sa mémoire et ce pour un moment.