Cela faisait plusieurs jours, peut-être qu'un ou deux, j'en sais rien. Mais c'était bien trop long. Bien trop longtemps que je lui avais envoyé un sms pour lui demandé si ça allait. Il avait été lu, pas répondu. Qu'est-ce que j'avais pu faire? J'aurais pu laisser tomber, attendre que ça passe. Je savais qu'il fallait qu'elle réfléchisse, qu'elle sache ce qu'elle veuille faire. Le truc, c'est que je n'y arrivais pas. Cela faisait quelques jours que je ne la voyais plus passer par cette rue, qu'elle prends pour aller au travail. Je m'inquiétais. Elle aurait pu être en vacances, c'est vrai. Mais je m'imaginais le pire, sans savoir pourquoi. Voir ce message lu mais pas répondu, ça avait attisé l'inquiétude. Il fallait que je lui parler, même quelques secondes, même si c'était en vain. Je voulais savoir. Je ne comprenais pas, et ça me rendait fou. Depuis son anniversaire, je n'avais eu aucune nouvelle - elle ne devait se souvenir de rien. Je m'en doutais de toute manière. Le seul problème, c'est que j'avais décidé d'aller voir chez elle. Je n'aurais pas dû. J'étais tombé sur son père. Prétextant être un ami, je lui demandais des nouvelles, ayant besoin de lui donnant un cadeau d'anniversaire en retard. Ce qu'il m'apprenait, je ne l'avalais pas. J'essayais de laisser le moins paraître possible, le remerciant chaudement. Elle rentrait de l'hôpital, elle retournerait au travail aujourd'hui. Un cancer. Voilà ce qu'il y avait. Et je n'en savais rien, rien du tout. Je comprenais de nombreuses choses, maintenant. Les fois où elle faiblissait, où elle vomissait. Elle ne m'avait jamais rien dit, et je ne comprenais pas.
Dans le parc, je faisais mon footing quand j'arrivais à l'endroit où elle passait toujours, pour aller au travail. Peut-être que comme les jours précédents, je ne la verrais pas, mais je voulais être certain. Ce n'est pas de l'espionnage, n'allez pas dire ça. C'était juste une façon de la voir, de savoir qu'elle allait bien, sans pour autant devoir lui envoyer un sms, la forcer à me parler alors qu'elle ne le voulait pas. J'attendais, espérais qu'elle arrive. Heureusement - ou pas - pour moi, je la vis prendre la rue au loin. Je ne réfléchissais pas. Je fonçais vers elle. j'aurais voulu la prendre dans mes bras, lui caresser la main, le bras ou la joue mais je m'arrêtais net à un pas, me rappelant de notre situation. Je veux juste savoir si tu vas bien. lançais-je alors. J'aurais pu dire un millier de choses, mais c'était la première qui me venait. Je levais un peu les épaules, me passant une main dans les cheveux, soudain embarrassé. Je me sentais ridicule. tu n'as pas répondu et je.. enfin je ne pouvais pas faire comme si de rien était. On m'a pourtant interdit de t'approcher à nouveau mais.. c'est plus fort que moi. dis moi juste si ça va et je m'en irais. lui soufflais-je alors. Je doutais qu'elle veuille me voir, de toute manière. Je lui gâchais la vie, c'est comme ça que je voyais les choses.

J’avais quitté l’hôpital depuis peu, l’opération s’était bien passé et le médecin avait été clair : je devais absolument me reposer. Mais j’étais Sky, j’avais une tête dure et je me disais que de simplement me rendre au studio pour prendre quelques courriels et m’asssurer que tout était ok, c’était pas la fin du monde non? J’en avais marre de toujours me reposer, j’en avais marre de me sentir toujours faible et ça allait me faire sortir de chez moi où je faisais que pleurer. Il faut dire qu’avant même mon opération, j’avais échangé des SMS assez intenses avec Colton. On ne s’était pas parlé depuis, je pouvais comprendre qu’il était encore en colère contre moi, j’étais toujours traumatisé et je me repassais en tête comment ça s’était passé quand je lui avais tout avoué. Je n’avais jamais vu mon mari ainsi et là, il me disait qu’il voulait quitter la ville pour retourner à Boston, chez ses parents. Il y avait de quoi me faire perdre la tête puisque je voulais toujours d’un père dans la vie de mon fils, de Colton… dans la vie d'Elliot. Il disait qu’on allait trouver une solution mais je ne voulais pas, je voulais qu’il reste en ville, rien de plus, rien de moins.

J’avais attendu que ma mère quitte la maison pour aller travailler pour finalement sortir à mon tour. Je me disais que j’avais largement le temps de faire ce que j’avais à faire et revenir ici avant que mes parents ne se doutent de quoi que ce soit. Le matin même, mon père s’était occupé d’aller porter mon fils à la gardere, d’ailleurs. J’avais beaucoup de chance de les avoir dans ma vie… avec tout ce qui se passait présentement, ils étaient tout ce qui me restait puisque même avec mon frère, ça allait pas super bien. Je m’étais jamais sentie aussi seule et démoralisée. C’était comme si j’avais eu tellement de peine depuis tout ce qui s’était passé que maintenant, ça se transformait en colère, bien malgré moi. Je marchai dans la rue, les écouteurs dans les oreilles pour ne pas entendre les bruits de la ville, j’étais dans ma bulle et je marchais droit devant, sachant le chemin jusqu’à mon studio photo parfaitement. Puis BOOM. Je fis le saut, tellement que mon coeur s’arrêta de battre un instant, laissant échapper un : « OH BON SANG. » en voyant Chad devant moi. Il sortait d’où exactement? Je l’avais pas du tout venu venir. J’enlevai mes écouteurs d’un coup et je me sentais toute mal à l’aise car il m’avait écrit, et jamais je n’avais pris la peine de lui répondre. Pas que je ne voulais pas, mais j’avais promis de ne plus lui parler présentement et quelque part, je me disais que c’était la meilleure chose à faire pour moi… et pour lui aussi, j’avais fais assez de mal autour de moi. Pas de bonjour, il me demanda immédiatement si ça allait bien mais je ne répondis pas à sa question. « Mais qu’est-ce que tu fais là? » Il semblait inquiet à mon sujet et je ne comprenais pas trop pourquoi. Bon oui, ok… on ne s’était pas vu depuis un moment mais je trouvais que ça sortait de nul part là. Et l’avoir devant moi, ça me mit immédiatement en colère, je lui en voulais terriblement.

Je lui en voulais car tout ce qui se passait présentement, c’était de sa faute. Il avait pas eu le droit d’arriver dans ma vie de cette façon, d’être aussi gentil, compréhensif, drôle, attentionné, beau… Il m’avait fait tout foutre en l’air et maintenant ma vie était juste une belle grosse merde. « Si je t’ai pas répondu, ça t’as jamais traversé l’esprit qu’il y avait une raison derrière ça? » répondis-je assez froidement en passant un peu à sa droite. Je ne pouvais juste pas rester là… à supporter son regard qui me faisait fléchir les deux genoux. Et pourtant, il me suivit et je ne savais pas du tout comment gérer ça. En fait, j’arrivais même plus à me gérer moi-même donc de l’avoir devant moi aujourd’hui, présentement… c’était tellement pas le bon moment! « Je te dois rien Chad, absolument rien… On est pas ensemble, on est encore moins mariés donc merci de t’inquiéter mais j’ai pas besoin de ta pitié ou de je ne sais pas ce que tu fabriques avec moi présentement. Change de regard et de...de direction… » Je ne réfléchissais pas avant de parler et je ne pensais pas non plus. Je savais que j’allais éventuellement regretter mais j’étais tout en train de perdre et je voyais terriblement noir. Je me disais que si j’étais méchante avec lui, il allait plus avoir envie de me parler et comme ça, j’allais éventuellement arrêter de le rendre si triste!

Tout à coup, je comprenais pourquoi je m'étais refusé d'aimer jusqu'alors. Déjà, il y avait la raison de mes parents - ce n'était pas le meilleur exemple d'amour possible. Je n'avais jamais vu un couple s'aimer - à part dans la rue ou dans les films de Dani en fait. On ne m'avait jamais rien appris. Jusque maintenant, j'avais enchaîné des filles sans chercher à me dire que j'allais construire quelque chose avec elles, rien de tout ça. C'était inconnu pour moi. Puis, il y a eu Sky. Il y a eu ce moment au musée, ce moment avec sa peinture, au café, au cinéma, à la plage, au nouvel an. Je ne regardais plus aucune autre fille depuis. Je pensais à elle, à son rire, sa voix, son odeur, son visage, son corps. Jour et nuit. J'avais vite compris que je ressentais ce truc que je n'avais jamais appris à connaître. Mais je m'étais joué au jeu, parce que là, c'était différent. Évidemment, trop beau pour être vrai. J'avais appris qu'elle avait un enfant, ça rien de grave, mais qu'elle était encore mariée à son père. A partir de là, tout s'était écroulé, évidemment. Je n'aurais jamais approché une femme mariée. Mais je l'avais fais, il était trop tard. Maintenant, je devais vivre avec mes pensées pour elle, pour une femme mariée. Maintenant, ces pensées me faisaient mal, autant les unes que les autres. Il y avait eu les menaces de son frère aussi, mais ça m'importait peu. Si je m'assurais qu'elle allait bien en la regardant de loin depuis quelques jours, c'était pour la protéger de moi. Elle m'avait dit vouloir de la distance, et je l'avais fais. pourtant, il y avait des petites présences par Instagram, ou sms. Jusqu'au dernier, où elle ne m'avait pas répondu. Je ne la voyais plus aller au travail et je m'inquiétais. Elle ne me répondait pas. En allant chez elle, ses parents m'apprenaient qu'elle était à l'hôpital - pour un cancer qu'elle avait depuis un petit moment déjà apparemment. Me voilà amoureux d'une femme mère, mariée et malade. Beaucoup de 'm' à encaisser. Pourtant, rien y faisait. Elle était toujours là, et plus en plus chaque jour. Je n'y arrivais pas. Il fallait que je la vois, malgré tout. Je me doutais qu'elle avait oublié sa soirée d'anniversaire, trop belle pour être retenue. J'allais être le seul à m'en souvenir. En faisant le récapitulatif de tout ça, je me rendais compte que j'étais peut-être damné avec l'amour. Quoiqu'avec Dani, j'avais de la chance. Mais pour ne pas avoir appris à aimer, j'en payais le prix aujourd'hui.
J'étais allé au point de rencontre, sans attendre, pour la voir. Je voulais savoir si elle allait bien, après ça, je m'en irais, c'est tout. Alors je me lançais, sans réfléchir. Je m'y reprenais, un peu sur un ton désolé, en m'expliquant. Je lui disais que malgré notre situation et le fait qu'on m'ait menacé d'aller la voir, je voulais juste savoir si elle allait bien. Elle semblait déboussolée de ma présence. Déjà parce que j'étais arrivé de nul part, ce qui était compréhensible, et puis on aurait dit qu'elle ne voulait pas me voir. Sa première réponse, à propos du SMS, était le premier coup de couteau porté. Je faisais un geste de la tête, en reculant légèrement, comme si je m'étais pris un coup intérieur. C'est ça, mon coeur voulait sortir de ma poitrine tellement elle faisait mal. Elle sous-entendait que j'aurais dû comprendre qu'elle ne voulait pas me parler, en ne me répondant pas. Elle ne voulait ni me parler, ni me voir. C'était déjà assez à encaisser, mais elle en remettait une couche. Une bonne couche d'ailleurs. Un truc qui me mettait dans un état de colère-tristesse-inquiétude. Un truc incroyable et incompatible. Je ne savais pas comment réagir, je perdais tout contrôle. C'était mauvais, je savais comment ça finissait quand je perdais le contrôle. Je serrais les poings, essayant de remettre en ordres tous les cris, les hurlements à cet instant dans ma tête. Elle voulait que je m'en aille. Elle disait qu'elle n'avait pas envie de ma "pitié" - ce n'en était pas mais c'est ce qu'elle pensait que c'était. Je faisais un pas en arrière, à présent. J'avalais fortement. Je pense même que je devais pâlir, tellement ça me bouffait. c'est sérieux tout ça, là? dis-je alors, balayant en avant avec mon bras. ça y'est, la colère prenait le dessus sur le trio. Les larmes venaient prendre location dans ma gorge. Je passais la main sur le visage, regardant ailleurs un moment avant de la regarder de nouveau. Je levais les épaules. Je lançais dans un souffle : je ne sais même pas quoi te dire.. j'avalais pour reprendre ma voix. la colère était préférable peut-être. enfin, la tristesse faisait des sauts horribles à travers tout ça. ce que je fabrique avec toi? je sais même pas. je sais même pas parce que j'ai jamais ressenti un truc pareil. j'ai pas eu de guide ou je sais quoi moi, je sais pas quoi faire. je sais pas.. pause. c'est venu comme ça, je l'ai pas contrôlé. je suis désolé si je m'inquiète pour toi, ok? désolé. c'est plus fort que moi. j'aimerais bien moi que ça s'en aille, tu crois que ça me fait plaisir? tu crois que je kiffe me prendre des vents pareils? je déteste ça, je déteste ça et ça me fou dans une colère monstre et pourtant je suis incapable d'être en colère contre toi! ça me rend dingue! Alors ok, ok on va faire ça. Je vais regarder ailleurs, je vais "changer de direction" dis-je avec les doigts en guillemet. t'as raison. tu me dois rien. Je suis rien pour toi, me réponds pas. Ni maintenant ni à mes sms, t'as raison, c'est ce que je mérite finalement, non? il fallait que je cligne des yeux car les larmes déménageaient sur mes iris. je suis quoi, moi? un sous-fifre? un pushing ball? bah amuse-toi, je t'en prie! tu le fais très bien. si tu crois que ça m'amuse, tu te trompes. je sais que je devrais pas être là, je sais que c'est mal, et pourtant tout ce que je veux c'est.. pause, regard ailleurs, regard de nouveau sur elle. je voudrais juste.. oh puis merde, à quoi ça mène tout ça? à rien! à moi qui vient m'assurer de loin que tu vas bien chaque jour sans que tu le saches, à moi qui te ramasse bourrée dans un bar le soir de ton anniversaire et qui essaie quand même de t'offrir un bel anniversaire en sachant juste que tu t'en souviendras pas vu le taux d'alcool dans le sang, à moi qui va chez tes parents pour savoir si tu vas bien et qui apprends que tu es malade, à moi qui me prends dans le nez que tu es mariée, à moi qui me fait menacé de te voir, alors pourquoi, pourquoi je suis encore là, hein??? pourquoi je me mets à te dire tout ça? on est dans la rue, putin, et je suis ridicule. finis-je par me rendre compte, regardant autour de moi. Personne ne nous regardait, j'avais à peine levé la voix, mais c'était tout comme. bref.. je suis content d'avoir entendu ça, c'était peut-être ce qu'il me fallait pour cesser de... si c'est possible.. cesser de.. enfin de t'aimer. ce mot avait été dit peut-être trop bas, peut-être avais-je bagayé. Je n'en savais rien. salut. dis-je sans plus la regarder depuis le mot "ridicule". Je lui tournais doucement le dos. Je rêvais qu'elle me retienne mais, vu ce qu'elle venait de me dire, elle n'avait rien à ajouter, ça suffisait. J'avais vidé mon sac, j'avais laissé le contrôle s'en aller. Je ne savais pas quoi faire, maintenant. Je voulais juste m'enfuir, très loin. Une larme coulait sur ma joue.

On pouvait pas dire que j’avais le moral bon, en fait, j’avais pas le moral du tout. Dernièrement, j’avais vu mon petit monde s’écrouler de jour en jour et voilà que maintenant, il était complètement en ruine. J’avais toujours été la jeune femme bien placée dans la vie. J’avais fait des études, sans arrêter, j’avais toujours eu de bonnes notes  l’école. J’avais eu une fille un peu dysfonctionnels, mais deux parents aimants - du mieux qu’ils le pouvaient - et des amis à l’écoute. J’étais la petite anglaise de 21 ans tout juste qui était débarquée à Miami sans trop savoir comment ça se passait ici. Puis, j’étais tombée amoureuse d’un homme de 9 ans plus âgé que moi, j’avais appris que j’avais un cancer, j’ai guéris, je suis tombée enceinte, j’ai dû accoucher en ayant pas conscience de ce que je faisais dû à un accident de voiture qui m’a laissé quelques jours dans un coma. Mon fils a passé deux semaines complètes dans un incubateur, il était tout petit. Puis, ma vie avait repris pour le mieux. J’étais retournée à l’école pour terminer ma dernière année. J’avais commencé à travailler pour ma mère ensuite en gérant toujours mon studio photo. Puis, comme si ma vie allait trop bien, la cancer avait refait surface au même moment où j'apprenais une deuxième grossesse que je n’avais pas pu continuer. J’avais envoyé directement ce petit ange au ciel, d’où il était arrivé. Mon moral bien bas, j’étais retournée chez mes parents, ne voulant pas faire endurer ça à mon mari et les enfants… mauvais choix… car ça nous avait encore plus éloigné Colton et moi.

Voilà que j’avais Chad devant moi. Chad, celui qui avait su me faire sentir spéciale, comme une femme de mon âge, de 25 ans… une femme vivante, encore dans la fleur de l’âge qui avait des rêves, des projets, des envies. Pas seulement un corps malade à prendre en pitié et oui, je devais l’avouer, je m’étais laissé emporter dans cette petite bulle qu’on s’était créée lui et moi, où tout allait tellement bien…. et ce, un peu trop. Maintenant que Colton était au courant, j’avais l’impression de tout perdre autour de moi. Je revenais de l’hôpital, je boudais mon frère, mon mari voulait quitter la ville avec les enfants, je ne pouvais plus voir Chad et Leyla était disparue. Je me sentais tellement seule, seule et frustrée et tellement mal dans ma peau, dans mon existence. C’est pourquoi je ne su pas trop comment réagir en ayant Chad comme ça, en face de moi. Je m'étais sentie un peu attaquée par sa question, ça ne justifia peut-être pas mes paroles mais au fond de moi, je me disais que c’était probablement la meilleure des choses qu’il soit en colère contre moi. Naturellement, sa réaction me brisa le coeur en deux car c’était pas moi d’être comme ça… mais justement, qui est-ce que j’étais maintenant? Je n’aurais jamais cru être la fille qui trompe son mari, qui brise des coeurs et pourtant! « Alors vaudrait mieux rien dire. » répondis-je, assez froidement à ce qu’il me dit, je le prenais de court, je savais bien. J’espérais qu’il ne dise rien en fait, car je ne savais pas trop comment gérer tout ça et l’entendre en rajouter sur mon état présentement, j’en avais pas de besoin. Je savais qu’il avait mal, Colton aussi et moi aussi. Au final, ça avait été une belle erreur notre rencontre! « C’est pas ce que j’ai dis… » soupirais-je en le coupant dans sa lancée de ‘’ Sky est horrible avec moi, je suis triste, je suis perdu’’ JE L’ÉTAIS MOI AUSSI, TRISTE ET PERDUE OK?  « MAIS ARRÊTE!!!!! ARRÊTE!!!!! » le coupais-je de nouveau en lui faisant signe de ma main d’arrêter. « Tu veux que j'te dise quoi Chad? Que je suis désolée.. JE SUIS DÉSOLÉE!!!!!!! Je suis TERRIBLEMENT désolée d’être qui je suis de te faire vivre ça, d’être juste une souffrance pour toi et de te rendre la vie siiiii pénible. Tu sais quoi? Continue à penser tout ça veux tu, même si c’est clairement des conneries que t’es en train de me dire, c’est mieux comme ça, peut-être que tu vas commencer à y croire tellement fort que tu finiras par me détester plus que tout au monde et que tu seras débarrassé de moi pour de bon. Car au final, c’est ce que tu mérites… que ta vie redevienne celle qu’elle était avant que je fous tout en l’air partout. » Il méritait mieux que moi, c’était clair, tout le monde méritait mieux que de vivre ce qu’on vivait… sauf moi, moi… j’avais couru après. Et pourtant, j’avais beau lui hurler au visage à quel point j’étais désolée de lui faire vivre ça. j’étais pas mieux avec moi.

En fait, j’étais pire… surtout lorsque je l’entendis me parler du fait que j’étais malade, qu’il était passé chez mes parents et tout. Je clignai des yeux à quelques reprises, en état de choc complet. Mes yeux se remplirent de larmes car j’étais à la fois dépassée par cette soudaine situation qui avait escaladée à une vitesse folle mais aussi en colère qu’il soit au courant de mon secret. Il m’appartenait et je n’avais même pas eu le contrôle de lui dire ou pas. Je voulais pas qu’il soit au courant, car ça allait tout changer… mais j’étais ridicule de penser ça… car tout avait déjà changé entre nous. « T'avais pas à aller chez mes parents!!!! Je suis une grande fille et si je prends du recul, c'est parce que j'ai mes raisons. Tu n'es pas obligé d'être au courant de tout non plus. »  Chad me disait qu’il était heureux d’avoir entendu ça de moi, que c’était peut-être ce qu’il avait besoin pour arrêter de m’aimer… oh non, pas ça… je voulais tellement pas embarquer dans tout ça, je me sentais tellement perdue. « Eh bien dis-toi qu’avec un peu de chance, je vais crever bientôt et ça ira mieux ensuite. » Ok, je ne réfléchissais plus à ce que je disais tellement les émotions étaient grandes et pourtant, alors qu’il tournait les talons, je me repassais en tête ce qu’il venait de me dire, comme si je tentais d’assimiler encore tout tellement c’était beaucoup trop.. « Attends. » dis-je alors que le jeune homme quittait en direction inverse. « Chad, attends… » je me mit à courir dans sa direction pour me mettre au travers de son chemin, il pleurait… et moi aussi. « C’est ta soeur qui t’as demandé de ne plus me voir, c’est ça? » Et oui, j’avais cru comprendre qu’on l’avait menacé… on était deux dans tout ça. Bon, ça avait pas été des menaces mais ça avait été plutôt fortement recommandé et ça me tuait à petit feu car je voyais bien que ça n’arrangeait rien au final. Je ne savais plus quoi faire. En attendant, je soutenais son regard du mieux que je le pouvais malgré les larmes, attendant une explication à tout ça. Je voulais juste qu’il me dise oui pour lui dire que c’était la meilleure chose à faire, d’écouter sa soeur qui nous avait averti tous les deux et quitter par la suite une bonne fois pour toute.

Je ne savais même plus quoi dire face à tout ça. Je me rendais compte tout à coup de ce qu'on faisait. On se hurlait dessus, sans mégarde. On était deux adultes qui se hurlions dessus. J'étais face à elle, complètement désarmé. J'avais une boule dans la gorge et dans le ventre de la taille du Texas. Mes poings étaient serrés. J'étais en colère, triste et préoccupé. Je lui disais tout, sans réfléchir une seconde, sans me dire que j'aurais pu éviter de dire certaines choses. Je les disais comme elles venaient, en fouilli. Après ça, elle continuait de me hurler dessus. Elle me disait être néfaste pour moi, qu'elle espérait que ce que je dis j'y croirais pour la haïr et retrouver ma vie d'avant. C'est peut-être cette phrase qui me faisait retourner des semaines en arrière. Tout à coup, je me retrouvais propulsé le jour de notre rencontre. Je la revoyais, dans sa robe, regardant ce tableau. Je revivais ce que j'avais ressenti, à cet instant là. Une vague de fraîcheur, de violence à la fois. Elle m'avait apaisé en un rien de temps. Je repensais à nos premiers échanges, alors qu'elle me hurlait dessus. Je desserrais les poings, car y pensait accentuait la tristesse sur la colère. Ce qu'elle disait me blessait un peu plus aussi, il faut dire. J'avais trop parlé, j'avais dis ce que je ne pensais pas. C'était trop tard? Je ne sais pas. Je n'ai pas l'habitude de m'inquiéter de la réaction de quelqu'un. Je restais là, silencieux, à la laisser hurler. Elle ne hurlait pas, d'ailleurs, je le prenais comme ça parce que ça me touchait de cette manière là. Elle m'en voulait d'être allé chez ses parents, d'avoir su qu'elle avait un cancer. Pourquoi? j'en sais rien. Elle me disait que je n'étais pas obligé de tout savoir. Je ne disais rien, je n'étais plus capable de parler de toute manière. Je savais pourquoi j'étais allé chez elle, je ne m'en voulais pas. Je ne l'aurais peut-être jamais su dans le cas contraire. Je ne lui en voulais pas pour ne pas me l'avoir dit, mais pour me dire que je n'étais pas obligé de tout savoir. Je me rendais compte qu'on ne voyait pas du tout notre relation de la même manière. Moi, je lui aurais confié mon pire secret, sans problème. Je lui dis tout, dès que ça me passe par la tête. Je n'aurais jamais eu de mal à lui expliquer pourquoi j'avais peur d'être père, pourquoi j'avais peur de dormir dans le noir, pourquoi je suis si proche de ma soeur, pourquoi j'ai un casier judiciaire... mais pas elle. J'avalais un bout de la boule de ma gorge, alors que je disais la chose de trop, la chose que je n'aurais jamais pensé oser lui avouer un jour. Mais je le disais. Ce qu'elle répondait était aussi, la chose de trop. Je l'aurais bien remise en place, après ça, car c'était horrible de dire ça. C'était sans doute la goutte qui faisait déborder le vase. Je secouais la tête, dégoûté de ce qu'elle venait de dire. Elle ne comprendrait donc pas, à quoi bon. Je n'allais pas lui en vouloir, moi-même je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.

Je tournais les talons, silencieux, deux larmes coulaient sur mes joues. Il n'y avait plus rien à dire, je ne pouvais plus supporter cela. J'avais bien trop mal. Je ne savais pas comment j'allais guérir de ça. Je voulais m'enfuir, loin. Je voulais prendre un avion, là tout de suite. La première fois qu'elle me rappelait, je ne m'arrêtais pas. Mais je l'entendais ensuite courir et continuer de m'appeler. Je fis un net stop alors qu'elle réapparaissait devant moi. Elle pleurait. Je détestais ça mais finalement, j'y pouvais quoi? Notre récente discussion m'avait prouvé que je ne pouvais rien y faire. Je ne pourrais pas prendre soin d'elle, jamais. Il fallait que je commence à l'assimiler. Elle me posait alors une question qui m'interpella. J'oubliais tout le reste, tout à coup. Pourquoi me parlait-elle de Dani? J'avais bien mentionné qu'on m'avait interdit de la voir, oui. Je n'avais jamais mentionné Dani. Je fronçais les sourcils, la regardant. Dani? Non, c'est ton frère qui m'a interdit de te voir. Le hasard a fait qu'un de mes meilleurs potes s'est en fait avéré être ton frère, et je ne l'ai su que quand j'ai parlé de toi et qu'il m'a demandé de lui montrer une photo. Depuis, ce n'est plus vraiment mon pote. Il m'a menacé de tenter de t'approcher à nouveau, mais ce n'est pas ça qui m'en aurait empêché. lui expliquais-je alors. je parlais au passé parce que finalement la personne qui m'empêchait de la voir, c'était elle seule. Mais j'étais toujours interpellé. Mais pourquoi tu me parles de ma soeur? demandais-je d'abord, avant de changer de couleur de visage. Je commençais à comprendre.C'était Dani, Dani avait menacé Sky dans son coin. Attends, ma soeur est venue te voir pour te demander de ne plus me voir? demandais-je alors qu'une vague de colère repris son cours normal dans mon corps. Dani aurait menacé Sky de me voir de nouveau? Dani? Après tout ce qu'on a fait ces derniers jours? Tout ce qu'elle a pu me dire? Mes efforts à vouloir rencontrer Glenn, comprendre sa relation de couple, lui sous-entendre d'avoir des enfants? Après tout ce que je lui aie dis, elle osait??? Là, en fait c'était plutôt ça, la bonne goutte du vase.

J’avais complètement perdu les pédales mais est-ce que je pouvais vraiment trouvé ça surprenant? Dans ma situation - et bien que je sois l’unique responsable, je ne tente pas ici de mettre la faute sur quelqu’un d’autre - c’était parfaitement justifiée. Je voyais ma vie partir à la dérive et j’avais beaucoup de mal à remonter la pente de tout ce qui s’était passé. J'assumerais pas de faire autant de peine à des gens que j’appréciais énormément. Je m’étais toujours forcée pour être une bonne personne, on m'avait toujours perçu comme une fille bien et voilà que je posais des gestes complètement stupide qui foutait non seulement en l’air mon mariage, ma famille, mais également le bien psychologique d’un jeune homme qui avait été mon ami et qui se trouvait à être… je ne sais plus trop quoi désormais! D’ailleurs, j’avais Chad devant moi qui ne faisait que faire augmenter ma culpabilité et ce fut trop pour moi, j’étais en train de dire des trucs que je ne pensais pas réellement, que j’allais regretter mais qui, sur le coup de la colère, fit un bien fou à évacuer. Je savais bien que c'était pas correct d’agir ainsi mais quelque part, je ne connaissais pas quelqu’un qui agissait correctement dans l’élan d’une colère et d’une culpabilité aussi grande que la mienne. J’avais même été jusqu’à lui dire que lorsque j’allais crever - parce  que oui, maintenant, ce dernier était au courant de mon cancer… - que ça allait être mieux pour lui, pour son petit coeur et tout ce qu’il voudrait!

On s’en était tellement dit en si peu de temps qu’à peine que le jeune homme avait tourné les talons, comme pour partir que je l’avais rattrapé. Soudainement, je me demandais qui avait bien pu lui demander de se tenir loin de moi. Je me disais que si c’était également sa soeur, qu’on pourrait en parler lui et moi pour en venir au fait qu’elle avait raison de vouloir qu’on s’en tienne ainsi. Mais visiblement, ce n’était pas le cas. En fait, c’était mon propre frère. « Kyle????? » dis-je en ouvrant les yeux bien grands. Oh mon dieu… ça venait donc de là tout ça. « C’est donc ça! Il… il est allé dire des trucs à mon mari avant que j’ai le temps de lui en parler moi-même. » Je savais très bien que j’allais devoir avoir une discussion avec lui et ça annonçait rien de bon. D’ailleurs, pendant que je congitais un peu là-dessus, Chad me fit revenir à la raison en me questionnant à propos de sa soeur. Là, j’étais mal… je m’étais foutue dans une situation mais très plaisante (pire qu’elle l’était déjà à vrai dire) « Quoi? Je… non, non… » bégayais-je en secouant négativement de la tête. Bon ok, j’étais la pire des menteuses pour ce coup là mais je ne pouvais que penser à la conversation que j’avais eu avec sa soeur sur le fait que je n’allais pas en parler avec Chad. Elle avait voulu faire ce qu’il y avait de mieux pour lui et je pouvais comprendre de vouloir ainsi le protéger d’avoir encore plus mal à cause de la pauvre conne que j’étais. « Même si c’était le cas, ça… ça aurait été justifié de sa part de le faire par contre. » ajoutais-je, pour rien arranger les choses, j’avais l’air encore plus “coupable” pour la peine. Je soupirai en fronçant les sourcils puis je décidai qu’il valait mieux pour moi de couper court à cette conversation qui était allée dans tous les sens bien rapidement et ça n’arrêtait toujours pas. Je voulais pas foutre encore plus de merde dans sa vie, voilà tout. « Je dois y aller. » dis-je en pointant derrière moi en lui jetant un dernier coup d’oeil pour finalement tourner les talons dans la direction de mon studio.

À noter que j'ai terminé d'écrire cette réponse en écoutant cette chanson : https://www.youtube.com/watch?v=qNpbFN5kTus