Ma garde à l’hôpital n’allait pas tarder à finir. En théorie, elle était déjà finie. Il était déjà 20h et j’aurais dû partir 20 minutes avant, mais les urgences ne désemplissaient pas. Il y avait peu de grosses urgences. C’était en général des petits bobos à soigner, et même si ce n’était pas très palpitant, ça faisait parti du job. Je venais de finir de recoudre une plaie lorsque la secrétaire m’interpella. « Khiran, tu peux encore rester un petit peu…  - Je suis sensé être déjà parti depuis 20 minutes. – Je sais mais… - Oui, c’est le bordel, je sais. Okay, je m’en occupe » répliquais-je en prenant la tablette avec le dossier qu’elle me tendait. C’était régulièrement la même chose. Je ne finissais quasiment jamais à l’heure, mais je ne m’en plaignais pas. J’aimais ce que je faisais. «Jeudi, c’est moi. Je compte sur toi pour le paquet de M&M’s ! » dis-je avec un large sourire tout en me dirigeant vers le box où une nouvelle mission m’attendait. Sur le chemin, je pris le temps de lire le dossier qu’on venait de me donner. Patiente : Sasha Cavendish. Symptômes : douleur au poignet gauche. Son dossier m’informait qu’elle était déjà venue chez nous 2 ans plus tôt et apparemment c’est moi qui m’étais occupé d’elle. Le nom ne me disait rien, mais j’étais plutôt physionomiste.

« Bonjour, je suis le docteur Mahal, c’est moi qui vais m’occuper de vous… encore une fois. » dis-je dans un léger sourire une fois dans le box. En effet son visage me parlait vaguement. C’était plutôt rigolo de voir que la première fois elle était venue à l’hôpital pour une entorse au poignet droit et que là, c’était son poignet gauche qui la faisait souffrir ! Enfin, je n’étais pas sûr qu’elle soit du même avis que moi. Elle ne devait certainement pas trouver la situation drôle. « Alors qu’est ce qu’il vous ait arrivé ? »

( Pando )

Mais non mais il n'y a qu'à moi que ça arrive ce genre de choses ! Ce n'est pas possible d'être aussi maladroite. Je me suis vraiment fait mal et à quelques jours de ma prise de poste ce n'est pas vraiment malin. J'espère juste que ce n'est pas grave. J'ai voulu rattraper Litchi qui sautait de l'arbre et j'ai perdu l'équilibre. Je me suis mal réceptionnée  et j'ai très mal au poignet. Je ne peux décemment pas conduire pour aller aux urgences alors je décide de prendre le bus. Respect des règles sanitaires oblige je n'oublie pas mon masque et en un peu plus de vingt minutes j'arrive à l’hôpital. On me fait remplir un formulaire puis j'attends avant qu'on ne m'amène dans un box. Je m'assois sur le brancard et je patiente jusqu'à ce qu'on me prenne en charge. Un médecin arrive et je penche légèrement la tête. Il me dit quelque chose. Et le "encore" dans sa phrase avec son léger rire. Oh oui ! Je vous remets ! Mon poignet droit c'était vous ! Il y a deux ans c'est vrai je m'étais fait une entorse côté droit et c'était lui qui m'avait soigné. Maintenant je m'en souviens. Il me demande ce qui m'est arrivé. Eh bien j'ai voulu rattraper mon chat coincé dans l'arbre. Et je suis mal retombée. Ce coup-ci c'est le gauche. Je lui montre mon poignet qui était un peu gonflé maintenant. Me dites pas que c'est encore une entorse je dois prendre mes fonctions au zoo de la ville dans quelques jours seulement. Je lui fis une moue triste. Je n'avais vraiment pas de chance avec ça.

( Pando )

Comme beaucoup de monde ici, je n’étais pas du genre à compter mes heures de travail. Je restais bien souvent après la fin de mon service. Les urgences étaient surchargées et le manque de personnel très important. Ce soir n’échappait pas à la règle. A la vue du dossier de la prochaine patiente qui venait de mettre confiée, cela n’allait pas me prendre 3 heures. D’ailleurs, il s’agissait d’une patiente que j’avais déjà vu 2 ans plus tôt, plus où moins pour la même raison.  Ce qui d’ailleurs était plutôt rigolo quand on y pensait. (Oui « rigolo », tout dépend de quel point de vue on se place !)

« C’est ça ! » souriais-je avant de lui demander ce qui lui était arrivé. Un accident banal. En même temps, nombreuses personnes finissaient aux urgences pour des accidents très bêtes ! Celui-ci en faisait partie. « Une raison de plus pour laquelle je n’ai pas d’animal ! » En réalité c’était surtout parce que j’étais allergique à leurs poils et que je ne voyais aucun intérêt à avoir un animal type poisson rouge ou tortue.

Ma patiente semblait inquiète quant à l’idée de ne pas pouvoir reprendre son travail. Son poignet était enflé et tout laissait supposer qu’il s’agissait d’une entorse. Je pris son poignet pour l’examiner de plus prês. « Est-ce que la douleur est importante ? » demandais-je. Même si le ressenti de la douleur restait subjectif et propre à chaque patient, cela pouvait toujours être une aide. « On va faire une radio pour être sûr, mais je pense qu’il va falloir laisser votre poignet se reposer au moins quelques jours. Vous faites quoi exactement comme travail ? » Dans certains domaines un arrêt de travail n’était pas nécessaire pour une entorse au poignet.

( Pando )

Mes souvenirs revenaient suite à ma première entorse. C'était le même urgentiste qui s'était occupé de moi. Comme quoi le monde est vraiment petit. C'est hallucinant. Il me demande alors comment ça s'est passé et je lui explique. Il me répond alors que c'est pour ça qu'il n'a pas d'animaux et je le regarde avec des yeux ronds. Oh je ne pourrais pas vivre sans animaux c'est impossible même allergique à tous les poils je ne saurais pas ! C'est ma vie. Je lui avoue ensuite mon inquiétude par rapport à ma prise de poste quasi imminente. Il me demande si la douleur est importante. Je fais une grimace. Pour que je vienne encore vous déranger aux urgences ... Je dirais bien que oui. Il m'annonce alors qu'on va devoir faire une radio. J'acquiesce avec un signe de tête. Il continue en me disant qu'il faudra que je laisse mon poignet au repos quelques jours pour finir par me demander quel métier j'exerce. Quelques jours ? Ça peut être vaste ça ... Je suis vétérinaire et j'ai été engagé au zoo de la ville section gros chats. D'où le fait que je ne puisse pas me passer d'animaux. Un sourire timide se forme sur mes lèvres. C'est un métier manuel même si je ne serais pas toujours en action, j'aurais besoin de mes mains pour la paperasse les dossiers à remplir etc ... Je suis désemparée. Est ce qu'il y aurait quelque chose à faire mise à part le repos pour guérir plus rapidement ? Il me répond tout en me demandant de ma suivre en salle de radiologie où j'ai le droit à de jolis clichés de mes os. J'ai toujours rêvé de voir mes os comme ça c'est magnifique la technologie ! Je lance à la blague pour un peu me détendre parce que j'ai vraiment peur de ne pas être d'attaque pour ma prise de poste. Quel est le verdict ce coup ci docteur Mahal ? J'angoisse à l'idée qu'il annonce une bonne entorse qui pourrait m'handicaper une semaine voire plus. Ça serait la cata !

( Pando )

Ma nouvelle patiente, n’était pas totalement nouvelle. Je n’avais pas la mémoire des noms mais j’étais très physionomiste et je me rappelais d’elle et de son entorse. Aujourd’hui, la jeune femme était là pour une autre entorse dû à un accident bête : un sauvetage de chat ! « Croyez-moi, quand vous vous réveillez tous les jours avec yeux les gonflés, rouges et que vous n’y voyez rien, beh, vous vous en passez ! » dis-je dans un léger rire. Et je savais de quoi je parlais !

Son poignet était douloureux et à première vue, je n’étais pas très optimiste quand au fait qu’elle puisse reprendre le travail si rapidement. Une entorse, même bégnine, pouvait s’aggraver rapidement si on ne faisait pas attention. Le repos dans ce genre de situation était ce qu’il y avait de mieux. « Si vous êtes vétérinaire, vous devez savoir que parfois le repos est la seule option. » même si dans son cas, cela devait être plus compliqué que moi, de faire comprendre à un félin qu’il fallait se reposer ! Quoi que parfois, les humais pouvaient se montraient bien plus bêtes que les animaux !

Une radio me permettrait de poser un diagnostic plus sûr. Malgré la situation, la jeune femme était impatiente et carrément excitée à l’idée de voir la radio de son poignet. Peut-être tentait-elle simplement de se détendre.

Ce fut mon collègue qui fit la radio et les clichés de tardèrent pas à arriver. Pas de doute, c’était bien une entorse. Cela n’allait pas lui plaire, mais elle n’aurait pas d’autre choix que de laisser son poignet au repos quelques jours. Et vu son travail, un arrêt semblait nécessaire. « Le même que la dernière fois. C’est une belle entorse et même si cela ne vous plait pas, du repos sera nécessaire. Des poches de glace pourront vous aider à soulager la douleur, mais ce n’est pas miraculeux. Et vu votre travail, je vais devoir vous arrêter. »

( Pando )

Foutue chute ! Il fallait bien qu'une merde pareille m'arrive à quelques jours de prendre mes fonctions au zoo de la ville. J'étais pas de nature malchanceuse d'ordinaire mais là fallait bien avouer que j'avais fait fort. Puis, surtout c'était la seconde fois que ça m'arrivait et le médecin en face de moi devait vraiment me prendre pour un boulet. Je le suis pour réaliser la radio de mon poignet et le verdict semble sans appel. Encoooore ? J'avais vraiment peur que ça soit ça, je suis vraiment en sucre, c'est pas possible ! J'écoute attentivement ce que me dit le Docteur Mahal et il préconise du repos avec un peu de glace mais que ça ne fera pas de miracle. Je suis dépitée et au bout de ma vie. Vous m'arrêtez ? J'ai pas encore commencé. Mais ... Et si je désobéis, ça fait quoi ? Je suis une personne raisonnable d'ordinaire mais là j'avais besoin de travailler et j'étais tellement heureuse d'avoir trouvé cette place si rapidement. Est-ce que je pouvais vraiment me permettre de ne pas embaucher à la date prévue? Je faisais une moue de chien battu. Il fallait qu'on trouve une solution. C'était pas possible autrement.

Je soupire alors qu'on retourne dans le box où on était précédemment. Vous êtes sûr de sûr que vous n'avez pas une crème miracle ? Rien du tout ? J'étais désespérée. Mon travail c'était tout pour moi et puis là je n'avais même pas commencé que j'étais déjà en arrêt ça la foutait mal. Heureusement que je m'étais fait une petite réputation parce que sinon je pense que le poste aurait pu largement me passer sous le nez. C'était inacceptable pour moi. Juste du repos et de la glace et je désobéis pas alors ? Je tentais encore une fois de l'amadouer avec mon regard le plus attendrissant possible.

( Pando )

Après radio, je confirmai à la jeune femme qu’il s’agissait une nouvelle fois d’une entorse. Je n’avais pas vraiment doute, mais sans radio, elle n’aurait peut-être pas été convaincue. Au moins maintenant, elle savait à quoi se tenir. Repos, repos, repos. Bon je savais qu’au vu de sa situation professionnelle, ça n’allait pas lui plaire. « Et bien vous risquez d’aggraver votre blessure et de finir au bloc. De plus, sachant que vous avez un arrêt de travail que vous n’aurez pas remis à votre employeur, vous risquez de vous faire virer et si vous aggravez votre blessure sur votre lieu de travail, il peut se retourner contre vous. Mais je ne peux vous obliger à rien… » En général, le discours que je venais de faire laissait réfléchir les gens. La majorité des gens se fichait pas mal d’une aggravation de blessure mais dès qu’on parlait de licenciement, ils décidaient d’être plus raisonnable.

La jeune femme insista pour savoir s’il n’y avait pas un produit miracle, mais comme je lui avais précisé avant : le repos était le seul remède à son mal. La glace diminuerait un peu la douleur, mais pas de miracle ! « Rien qui ne vous fera reprendre le travail plus rapidement. » répliquais-je en rédigeant son arrêt de travail. Une dernière tentative de la jeune femme me fit sourire. Elle ne lâchait pas l’affaire. Et dire que certaines personnes feraient tout pour ne pas aller travailler ! Ce n’était clairement son cas ! Et c’était appréciable de savoir que des personnes comme ça existaient encore ! « Vous avez tout compris ! » souriais-je avant de lui tendre le papier. « Voilà, je vous l’ai fait pour une semaine. A la fin de l’arrêt, allez voir votre médecin traitant. C’est lui qui jugera si vous pouvez reprendre où s’il vaut mieux prolonger. Si vous laissez votre poignet au repos, tout devrait bien aller d’ici une semaine. »

( Pando )

Aucun espoir n'était possible mis à part de patienter pendant de longs jours pour que ma blessure guérisse. Le docteur Mahal allait me faire un arrêt et me dissuadait bien en me disant ce que je risquais si je désobéissais. Je devrais donc appeler le zoo pour repousser mon arrivée. J'espérais vraiment qu'ils soient compréhensifs. Après tout ça doit bien se produire des accidents, je ne dois pas être la seule. J'étais résignée. Le docteur rédigea mon arrêt tout en m'expliquant qu'il fallait que je vois mon médecin traitant pour pouvoir reprendre mais que si je laisse bien au repos mon poignet tout devrait rentrer dans l'ordre. J'appréciais beaucoup ce médecin, il était clair dans ses explications, patient et agréable à regarder ce qui ne gachait rien en plus de tout ça. Ce n'était pas le lot de tous les médecins que j'avais pu voir. Non pas pour la beauté mais pour l'amabilité et le professionnalisme. Merci beaucoup docteur ! Je me tiendrais à vos recommandations alors je tiens trop à ce travail pour faire des bêtises. J'espère juste qu'ils seront cools et que ça ne me fera pas râter cette occasion.  Je prends le papier qu'il me tend et tout est en règle maintenant. Je peux rentrer chez moi. Au revoir docteur et je ne vous dis pas à bientôt ! Ou alors si mais dans une autre circonstance que celle là ! Sait-on jamais on pouvait bien se croiser n'importe où dans cette ville. On dit souvent que le monde est petit alors ... L'avenir nous le dira. Je sors du box et je retourne chez moi où m'attendent mes deux poilus.

( Pando )