S'il fallait que je fasse une rétrospective de mes 28 années, il faudrait prendre le temps de m'écouter, c'est un comble pour quelqu'un qui a horreur d'écouter les autres. Je suis né à New York, la ville qui ne dort jamais. Je n'ai jamais manqué de rien, mon père étant un homme influent pour qui l'argent coulait à flot. J'ai longtemps voulu travailler pour sa société d'import-export qui l'avait fait devenir multi-millionnaire. Jusqu'à ce que l'idée ne me passe. En même temps, mon père était du genre à avoir un amour "vache", je ne savais plus comment faire pour me faire remarquer, apprécier et aimer à ma juste valeur. C'est un sentiment épuisant que de devoir prouver à son propre père que je n'étais pas un bon à rien. J'ai toujours réussi là où on ne l'attendait pas. J'ai obtenu chacun de mes diplômes haut la main, malgré le fait que j'ai une réputation de tombeur de ses dames. Oui, vous savez, le fils à papa qui profite du luxe et de l'argent familial pour attirer des jeunes femmes entre ses griffes ? C'était moi.

D'ailleurs, ne me demandais pas la liste exhaustive du nombre de femmes que j'ai pu côtoyer, je ne la connais pas moi même. Il y en a une cependant qui a réussi à marquer mon histoire New yorkaise: Elisha. J'étais un homme qui avait le vent en poupe, et elle me plaisait. J'avais toujours eu tout ce dont je désirais, vous vous souvenez ? Et elle, je la désirais. Au début, je me suis fais refouler. A priori, ma réputation d'homme à femmes ne lui plaisait guère. Puis il y a eu un soir. Puis un second. Jusqu'à ce que cela ne devienne régulier. Je ne me prenais pas la tête. Nous vivions au jour le jour et je commençais à me dire qu'une relation exclusive pouvait être envisageable. Elle me faisait croire que l'amour n'avait rien de bien ennuyeux, elle qui ne voulait pas pour autant s'engager. Le destin est parfois traître. Il se joue de vous, de vos sentiments et de votre vision de la vie. Vous touchez le bonheur du doigt, jusqu'à ce qu'il ne disparaisse subitement, du jour au lendemain. C'est ce qui s'est passé avec Elisha.

Il m'a fallu quelques temps pour m'en remettre. Du moins en apparence. Car malgré toutes les femmes avec qui j'ai pu me réconforter, il y avait toujours une part de moi qui comparer chacune d'entre elles à Elisha. Je me consacrais pleinement à mon cabinet d'expert comptable que j'avais ouvert. Merci papa d'avoir "généreusement" donné des fonds à ton fils adoré... Blague à part. Le temps passa est je devenais un peu plus "mature". J'avais rencontré une jeune femme aux abords d'un verre, accoudés au comptoir d'un bar chic dans New York. La belle-fille idéale en quelque sorte aux yeux de mes parents. Belle, intelligente, à deux doigts d'être avocate au barreau de la cour de New York. Je me laissais tellement emporter par l'enthousiasme de notre entourage, que j'en venais même à la demander en mariage. Nos mères respectives se lançaient corps et âmes dans les préparatifs, et je me faisais baratiner chaque soir en rentrant par Maëlle sur le choix d'entrées, de plat et de desserts possibles. Je n'étais pas un mauvais acteur, mais plus le temps passait, plus la date fatidique s'approchait et moins je réussissais à faire semblant: le feu s'éteignait avant même d'avoir réellement pris. C'était sans compter ces lettres anonymes que je recevais régulièrement à mon bureau, et certains coups de fil à notre domicile. Les courriers se ressemblaient tous: des photos volées où on pouvait apercevoir un enfant, une famille, profitant tout simplement de la vie. Des lettres de menaces où bien trop de détails de ma vie étaient mis en danger. Et une seule demande: me séparer de Maëlle. De quoi me conforter dans mon idée première: j'étais en train de faire une erreur.

Je n'eus pas le courage de l'avouer à la principale concernée, ni même de la quitter avant la cérémonie. Je pris ma décision devant l'autel au moment de dire oui. Sans une explication, sans même la regarder, je laissais mes invités et la future mariée en plan face au prêtre, prenant la fuite face à tout ces visages familiers. Je pris ma voiture et décida de rouler, sans but réel. De Baltimore à Colombia en passant par Washington, ma route fût ponctuée de nombreux arrêts parmi lesquels je me plongeais régulièrement dans l'alcool et le laisser aller. J'avais gardé sur moi ces lettres de menaces mais surtout ces photos que je regardais régulièrement, un verre à la main. Malgré mon esprit embué, je n'avais qu'une idée en tête: me rendre à Miami pour demander des comptes à Elisha.

Je m'étais arrêté quelques semaines sur Jacksonville, dans le but de vider mes comptes en banque et d'ouvrir une nouvelle entreprise, me permettant de pouvoir m'établir très prochainement à Miami. J'y venais, je comptais bien y rester aussi longtemps qu'il faudra pour obtenir des réponses à mes questions. N'oubliez pas, j'ai toujours eu ce dont je désirais.