emma & joe.  

Joe vivait chez moi temporairement depuis un peu plus de deux semaines maintenant. On s’entendait bien, car on se croisait pas trop souvent non plus. Entre mon boulot, le sien… et le long weekend que j’avais passé à New-York, puis ensuite avec ma mère en Caroline du Sud, disons que c’était tout juste si on se croisait. Je continuais de veiller sur elle quand même et j’étais heureuse de voir que les choses semblaient aller mieux aussi de son côté car c’était clairement pas la même chose du mien. D’abord, le truc avec Sebastian qui avait été un vrai choc, il n’y avait rien de pire que de se faire faire un truc aussi horrible par quelqu’un en qui on avait confiance, par un ami qui appréciait depuis de nombreuses années déjà. Plus jamais maintenant, j’avais envie de croiser cet homme, j’avais toujours été consciente puisque j’avais toujours su qu’il n’était pas un enfant de coeur, mais maintenant je pouvais bien confirmer qu’il était plus que ça, il était un vrai monstre. Puis, il y avait Matthew aussi. Ça c’était une chapitre assez intense à gérer je dirais bien. Joe m’avait avertie dès le début, et moi-même, je l’avais bien su dès l’instant où j’avais couché avec lui que ça allait devenir rapidement du gros n’importe quoi. Et par gros n’importe quoi j’entends : qu’on s’entende bien, qu’on continue à coucher ensemble, à voyager ensemble et finalement, par réaliser que les sentiments qu’on avait eu l’un pour l’autre, étaient juste endormis depuis des années dans nos coeurs respectifs que tout bonnement, ils avaient décidé de se réveiller à coup d’insultes, de musique, des tatouages, de baises, de baisers et de nuit à se coller - mais pas trop.

Et ça, ça me faisait chier, car j’avais été faible. J’aurais dû dès le départ, arrêter de le fréquenter comme avec les autres gars, d’établir les mêmes règles et pourtant, ça avait été si facile de continuer ainsi. Je lui avais laissé le pouvoir d’avoir de nouveau emprise sur moi et voilà que je me retrouvais face à un mur. La veille, il était venu à l’appartement, juste après mon retour de Caroline pour me tenir tête et me laisser clairement comprendre qu’il voulait être sérieux avec moi, qu’il voulait essayer qu’on soit un couple. Ça m’avait semblé tellement irréel de penser une seule seconde qu’on pouvait être ça… nous deux, que j’avais préféré me bloquer au lieu d’embarquer dans sa folie de “peut-être qu’on y arriverait…”. J’avais eu bien en tête de tout arrêter, et je pensais bien que c’était ça qui allait se passer à l’avenir. Et depuis hier, j’étais dans chambre à chialer et à me frustrer contre moi-même… et contre lui aussi. C’était pas moi d’être comme ça, je me trouvais tellement ridicule que malgré le fait que je savais que Joe était là, je sortais pas de ma chambre, j’osais pas puisque je redoutais sa réaction à me voir le visage et les yeux tout gonflés. C’était une accumulation de bien des choses et comme j’étais en train de me dire que je devais reprendre sur moi, on cogna à la porte. « Non… » criais-je en essuyant rapidement le dessous de mes yeux. J’avais pas envie qu’elle entre et pourtant, elle le fit malgré tout. Assise dans mon lit, je tentai de cacher rapidement la montagne de mouchoirs sous mes couvertures. Je pris une grande respiration à tentant de me la jouer : tout va bien… je suis juste occupée. Mon ordinateur était sur mes genoux, ça aidait niveau crédibilité, je crois bien. « Qu’est-ce qu’il y a ? » lui demandais-je en osant pas trop remonter mon regard vers elle.

emma & joe.  

Il me semble que c’était plutôt simple le principe de s’enfermer dans sa chambre non? C’était qu’on avait pas envie de voir qui que ce soit. J’étais pas en état, je vivais des émotions - ça m’arrivait rarement - et j’avais pas envie de m’exposer au grand jour, mais si c’était Joe donc il était question. Toutefois, cette dernière n’avait pas trop compris mon envie de solitude puisque malgré mon refus qu’elle entre, elle s’était précipité à l’intérieur de chambre, me faisant réagir assez rapidement pour cacher toute trace du fait que j’avais - peut-être - de la peine ou un truc dans le genre En s’approchant du lit, ma meilleure-amie jugea bon de me faire un petit commentaire qui me fit automatiquement soupirer. « Ouais c’est ça… envoie-moi un courriel, on ira prendre un café! » lâchais-je en repoussant mon ordinateur de sur mes cuisses. Adieu Jessica Jones pour l’instant, visiblement. J’avais la tête bien basse et c’est une fois près de moi que Joe se permit de me la relever du bout de ses doigts en me demandant ce qui se passait. Je repoussai sa main immédiatement. « Rien, je suis fatiguée c’est tout. Ça arrive à tout le monde, non? » Bullshit, elle le savait bien mais je me voyais mal lui éclater en sanglots dans les bras, c’était trop pas moi de faire ça. Bon, il faut dire que c’était trop pas moi non plus d’être un pareil état. Je me trouvais complètement ridicule, encore plus devant elle. Et maintenant, je pouvais plus cacher mes gros yeux rouges gonflés comme deux grosses tomates. Je vis bien dans son visage qu’elle commençait à s’inquiéter, qu’elle comprenait que c’était pas normal… elle allait bien rire si elle terminait par savoir. Du moins, par connaître une partie de toute la galère car ce qui s’était passé avec Seb, jamais je n’allais en parler.  Aussitôt, Joe alla vers le pire, je secouai immédiatement la tête. « Calme-toi là… personne est mort, du moins, pas encore. » Je reniflai un bon coup en me redressant dans mon lit. « Tu lâcheras pas l’affaire hein? Au fond, tu veux pas le savoir, crois-moi... » Evidemment que non, j’avais même pas besoin de lui demander pour savoir que non, qu’elle allait rester le cul sur le coin de mon lit à me regarder avec de gros yeux en attente que je me vide le coeur. « Tu avais raison, c’est tout… » soupirais-je en relevant le regard vers elle. « Tu avais raison que j’allais finir bousillée une fois de plus. »  

emma & joe.  

Ce qui était chiant avec Joe, c’est que c’était foutrement rare qu’elle croyait mes mensonges. C’était comme si avec les années, elle s’était développé un détecteur interne qui permettait de cerner les conneries que disait Emma. Bon, en même temps, mes gros yeux rouges et ma voix érayée était un assez bon indice du fait que ça allait pas trop. D’autant plus que j’avais dû sortir de ma chambre que deux fois, et pour aller pisser, tout simplement. Là, elle était sur le coin de mon lit à me demander ce qui se passait alors que je tentais de lui faire comprendre que j’avais pas envie d’en parler, comme si c’était trois fois rien. Je me résignai finalement à lui dire ce qui se passait, d’une manière très large. Elle n’aimait pas Matthew, depuis toujours. En fait, c’était Joe qui m’avait soutenu lorsque ma réputation m’avait collée à la peau au lycée. Elle avait été ma seule amie et j’étais devenue beaucoup plus forte grâce à elle, jusqu’à m’en foutre de ce que les gens pouvaient penser de moi. En gros, elle avait guérie les bobos laissés par Matt donc je pouvais comprendre qu’elle n’acceptait pas son retour dans ma vie : elle voulait me protéger.  Elle m’avait bien dit de faire attention et je ne l’avais pas écouté car j’avais retombé dans le piège Sanders. Ma meilleure-amie aurait aimé avoir tort là-dessus et cherchait à avoir plus d’information sur ce qu’il m’avait fait. Et il était là le problème en fait car ça n’avait pas été réellement de sa faute, mais plus de la mienne si je me retrouvais ainsi. Bon, il avait sa part des responsabilités car il était revenu dans ma vie… « Il m’a dit qu’il avait envie d’être en couple avec moi. » lui expliquais-je. Naturellement, la surprise sur son visage se fit voir bien rapidement. Et elle me regardait, limite dévisageait à essayer de comprendre où était le problème. Elle pensait probablement que c’était l’inverse qui s’était passé, que c’était moi qui lui avait déballé mes sentiments, eh bien non… J’enchainai car clairement, il manquait d’information à mon histoire. « Et puis je lui ai dit que c’était pas possible, que je voulais pas d’une relation sérieuse… que je pouvais pas lui donner ce qu’il voulait car je voulais pas reproduire ce qui s’était déjà passé quoi! » Ce qui me semblait logique, non? Alors pourquoi est-ce que j’étais enfermée ici à rien foutre de ma vie. « Mais depuis, j’me sens comme une merde et ça m’énerve, voilà… » Bon, au moins je lui avouais que ça allait pas, contrairement à plutôt où je mettais ça sur le dos de la fatigue. Naturellement, elle n’y avait pas cru une seule seconde.

emma & joe.  

Je m’étais un peu fait prendre dans un moment de tristesse/colère dans mon lit en solitude par ma meilleure-amie. Parfois, j’oubliais qu’elle vivait temporairement chez moi et que mon intimité n’était plus celle qu’elle était. Ça me faisait plaisir de pouvoir l’héberger afin qu’elle se remettre correctement de ses problèmes mais là… j’aurais vraiment aimé vivre ça toute seule, comme quand une émotion me prenait généralement. J’étais pas du genre à partager ça… surtout que là, c’était encore plus stupide car c’était à cause d’un gars. Et pas n’importe lequel… non non, il fallait que ça soit celui qui m’avait déjà fait assez de mal comme ça autrefois et que Joe détestait plus que tout. J’assumais tellement pas lui avouer qu’il était le responsable de tout ça. J’avais d’abord essayé de le faire passer pour le méchant encore une fois en lui disant qu’elle avait raison d’avoir dit qu’il allait finir par me faire du mal mais au final, j’étais la plus responsable de ce que je vivais présentement. Je me trouvais tellement stupide d’être retombée dans ses bras, je comprenais maintenant que jamais j’aurais dû me laisser aller une fois de plus. J’aurais dû écouter Joe depuis le début et elle-même à voir la manière dont elle me regardait, elle trouvait ça complètement bizarre. Peut-être aussi parce qu’elle s’attendait pas à ça, qu’elle s’était attendu plutôt à ce que je lui dise qu’il avait décidé de couper les ponts avec moi pour se taper d’autres filles. « Je crois pas que je m’empêche… c’est juste que je veux pas, c’est tout. Tu m’imagines moi en couple? Juste le dire à voix haute, je trouve que ça sonne complètement faux! » Emma et célibat, ça rimait pas juste phonétiquement parlant, ça rimait aussi dans le sens. J’avais toujours juste eu ça depuis mon adolescence, j’avais grandis en étant qu’avec moi-même, sans rien devoir à personne réellement. Je soupirai, puis mon amie reprit parole en me demandant si j’étais bien certaine de ma décision. Énervée, je soupirai de nouveau : « Oui! » affirmais-je, aussitôt en regardant Joe qui me regardait, les sourcils levés. « Arrête de m'regarder comme ça merde! » Elle allait finir par m’énerver… mais quelque part, c’était con de faire semblant, je le savais bien, elle le savait bien aussi. Je levai les yeux au ciel « … non, je sais pas… merde, j’le déteste. Pourquoi fallait qu’il tombe amoureux de moi ce con? Je suis la fille la plus désagréable qui soit en plus. Il doit bien être bien dans sa tête c’est certain. » Et puis là… autant que j’avais pas voulu de sa présence, autant que de déballer tout ça me faisait du bien, ou pas… car j’étais énervée aussi en même temps mais on disait que c’était bon de ressentir des choses de temps en temps? J’en étais pas si persuadée mais bon. « Je fais quoi de tout ça? Je l’ignore jusqu’à la fin de mes jours? Parce que clairement, j’vais pas aller cogner à sa porte en lui citant un poème pour lui demander de me faire des enfants là! C’est ridicule! »