Hurt my sensibility
Tes jointures blanchissent tellement tu ne veux pas la lâcher. Tu la tiens et pour rien au monde tu ne voudrais qu'elle relâche son emprise. Tu tiens cette main qui a tout fait pour toi depuis que tu es né. Tu sais où elle t'emmène et tu es vraiment très excité. Même dans la voiture tu ne tenais pas en place, elle a été obligé de mettre la radio à fond pour ne plus t'entendre déblatérer 1000 mots à la seconde. Mais maintenant tu es bel et bien là, dans cet endroit qui n'attend que toi. Les portes s'ouvrent à votre passage et tu arrives enfin à la destination tant attendue. Tu tournes ta tête puis tes yeux s'écarquillent lentement. Tu n'y crois, ça ne peut qu'être un rêve. Impossible, il est là, devant tes yeux. Couché sur un rocher, il se met à bailler avant de rugir légèrement. Face à lui tu n'es rien. Il pourrait ne faire qu'une bouchée de ta petite personne grassouillette. Son immense patte doit au moins faire la totalité de ta tête. Seule la vitre te permet d'être encore en vie. Ta bouche s'ouvre de plus en plus, tandis que tu sers de nouveau sa main. Elle voit les étoiles dans tes yeux et sourit. « Ça te plaît mon chéri ? » Tu ne bouges pas l'espace d'un instant, bien trop obnubilé par la majestueuse créature qui te surplombe de toute sa carcasse. Ce n'est que quelques minutes plus tard que tu daignes enfin hocher doucement la tête pour approuver ce qu'elle dit. Ses lèvres s'étirent de nouveau et cette fois elle se penche vers toi. « Tu veux aller le nourrir avec Maman ? » Ta mâchoire est presque en train de se décrocher quand tu pivotes la tête vers elle. Tu ne peux pas t'empêcher de sautiller sur place. « Vraiment ?! Vraiment ?! Je peux venir avec toi donner à manger à Monsieur Lion ? » Elle acquiesce de la tête et te fait passer devant elle pour te montrer la voix. Juste avant de rentrer dans le complexe, tu te retournes vers elle avec un grand sourire jusqu'aux oreilles. « Maman, plus tard, je veux être comme toi ! Je veux prendre soin des n'animaux comme tu le fais ! » Tu remarques une petite larme au coin de son œil, mais ça doit être une larme de bonheur parce qu'elle continue de sourire en te secouant les cheveux.

Hurt my pride
Tout le monde le sait, mais personne ne fait rien. Pas même tes amis les plus proches. Ils essayent de te réconforter, mais ne tenteront jamais de faire quelque chose de peur de finir la tête dans la cuvette des toilettes. Tu as passé l'année à te plier aux règles et aux demandes de ce groupe de populaires, filles comprises, et à crouler sous les menaces et les coups dans le dos quand ça n'allait pas. Il faut que tu fasses tout, vraiment tout ce qu'ils te demandent. Que ce soit mentir aux profs quand ils ne viennent pas en cours, faire leur exposé parce que soit disant ils n'y arrivent pas, porter leur plateau repas à leur place et finir par leur donner carrément ton plateau à toi parce qu'ils ont encore faim ; tu es passé par tout et ce pendant toute l'année. Mais tu ne dis rien, tu fermes ton clapet et continues ta petite vie de larbin. En soit au début tu les as admiré, mais maintenant tu te dis que c'était une belle façon de se mentir à soi-même parce qu'encore une fois, tout le monde le sait que ce sont des abrutis pas finis. Mais voilà, on arrive à la fin de l'année et ils commencent à être plus gentils avec toi, ce qui te paraît même bizarre mais pourtant ça te rend heureux. Ils te considèrent enfin à ta propre valeur. Enfin, c'est ce que tu crois.

Hurt my flesh
C'est le bal de fin d'année, le grand jour J. Ta créatrice t'as offert un magnifique costume trois pièces. C'est ta toute première fois habillé de cette manière, tout comme c'est ton premier bal. Il y a bien eu ces petites "booms" quand tu étais petit, mais ce n'est rien à côté de la fête de ce soir. C'est comme si on comparait une brosse à dents manuelle à une brosse à dents électrique, pas du tout le même délire voyez vous. Et bien là c'est pareil, mais c'est tellement énorme que tu as du mal à réaliser. Tu es super stressé, tellement que tu manques de te piquer avec ta boutonnière et que transpires à grosse gouttes dans tes vêtements. Juste l'idée que les gens se moquent de toi dans ce nouvel accoutrement te tétanise, tu as cette boule au ventre qui refuse de te lâcher. Mais ta mère est là, elle est là pour te réconforter et te dire que tout ira bien, que tu es « beau comme un cœur » comme elle le dit si bien. Tu rétorques que tu n'es plus un gosse, mais tu souris quand même parce que tu es tout de même content qu'elle soit là pour toi. Il n'y a quelle qui t'accompagne, ton père doit être encore au travail et ta sœur est restée à la maison pour profiter de son copain. Ça te fait crisser, parce que toi tu n'as personne. N'empêche que cette soirée serait peut-être l'occasion pour toi de trouver quelqu'un, alors tu reprends un peu espoir et pense à autre chose. Tu descends de la voiture, ton corps entier tremble comme un flan. Tu as l'impression que tes jambes se dérobent. Heureusement, le sourire compatissant de ta mère est là pour te redonner espoir. Tu prends ton courage à deux mains et entre enfin dans la salle des fêtes.
Tu n'en crois pas tes yeux, la décoration est juste magnifique ! Les délégués responsables ont vraiment fait du bon travail pour le thème de cette année. Il y a même un diaporama qui passe dans un coin de la salle, montrant toutes les photos des trombinoscopes de chaque classe de senior year. Ébloui, tu ne remarques pas le groupe de mecs bourrés de testostérones et de meufs superficielles. Ils arrivent vers toi avec ce même grand sourire aux lèvres qu'ils ont depuis quelques semaines déjà. Naïf que tu es, tu ne remarques rien, mais les autres semblent sentir le piège depuis bien longtemps maintenant. Comme si de rien n'était, ils te demandent comment tu vas, si tu veux un truc à boire ou un truc à manger. C'est bizarre que la situation soit inversée, que ce soit eux les petits toutous, mais tu ne peux pas dire que ça te déplaise. Dès qu'ils t'ont donné tout ce dont tu as besoin, ils te demandent, euphoriques, de te mettre en face du projecteur car ils ont une surprise pour toi. Tout fier, tu obtempères. Sans te douter des conséquences, tu bois une gorgée de ton verre comme si tu étais la plus grande star de la soirée. Et c'est à ce moment là précisément que le cauchemar commence. Les photos défilent et toi, tu ne peux rien faire. Elles sont tout simplement ignobles. Chaque cliché te montre dans une posture délicate et ces mêmes mots reviennent en boucle : " Mâchoire d'acier - Tableau de bord - Gros porc - Suceur de qu*ue - Quat' yeux - Fermeture éclair - Calculatrice - Gros lard - PD - La taupe ". Ça devient insupportable. Seuls les clichés restent au fond de ton crâne, même les rires derrière toi ne te parviennent plus. Les larmes commencent à couler le long de tes joues. Tu te surprends même à renifler bruyamment. Il ne te faut que quelques secondes pour te lever, lâcher tout ce que tu avais dans les mains, et aller te réfugier dans les toilettes de la salle. Tu trouves une cabine vide et pleure à chaudes larmes, à tel point que tu t'en rends malade. Tu sens tes boyaux se tordre, et la seule chose qui ressort c'est une masse immonde que tu reconnais comme étant le dernier repas que tu as mangé. Génial. Juste, génial. Quand le retour des Enfers finit enfin, tu t'assois à même le carrelage, la tête contre la cuvette à fixer le plafond. Au point où tu en es, plus rien ne peut te paraître dégueulasse. Ni le sol immonde, ni l'odeur nauséabonde qui se dégage des toilettes et pas même les toiles d'araignées qui pendent du plafond. Plus rien ne t'atteint à ce stade-là. Tu as été souillé et rien ne pourra te tirer de ce cauchemar. Mais qui a dit qu'il était fini ? Alors que tu te dis que ta crise est passée, tu entends des voix que tu ne connais que trop bien. Elles t'appellent toujours avec ces surnoms horribles. Elles paraissent peut-être totalement éméchées, mais tu sais très bien qui c'est. C'est eux. Les sanglots remontent et tu recules le plus possible de la porte. Tu veux juste fuir loin, disparaître, mais le mur froid t'arrêtes et tu sais que c'est la fin. Tu paniques, tu respires fort comme si tu étais poursuivi par un tueur en série. Ils te trouvent et ouvrent la porte avec tellement de force qu'elle se décroche de ses gongs et te tombe dessus. Tu te protèges comme tu peux avec tes petits bras, mais elle te les écorche. Sans prévenir, une main puissante s'abat sur ton bras et te tire vers l'extérieur de la cabine, te faisant tomber de tout ton long par terre et cassant tes lunettes au passage. Tu restes par terre, à quoi ça servirait que tu te relèves s'ils te refont tomber ? Aucune utilité. Mais tu te retournes comme un verre, remettant tes bras devant toi. Tu t'affoles. Une des filles te crache dessus tandis ce qu'une autre exprime sa pensée qui va tout faire basculer : « Ta gueule me répugne sale rat. Faites quelque chose pour arranger ça les gars ! » Tu les entends rigoler comme des dindes avant qu'un premier poing ne s'abatte sur toi. Puis un deuxième. Et ainsi de suite. Tu ne peux rien faire contre eux, ils sont bien trop forts. Jusque là tu n'aimais pas te sentir faible, mais à ce moment précis tu l'es plus que tu ne l'as jamais été auparavant. T'es une simple merde sur leur passage, un pauvre chewing-gum accroché à leur chaussure dont ils voudraient se débarrasser. Mais à ce niveau, ce n'est même plus vouloir se débarrasser, c'est vouloir anéantir. Les coups continuent de fuser et tu te demandes bien ce qui n'est pas encore cassé chez toi. Tout ce que tu sais, c'est que tu ne vois plus rien de l’œil droit, que tu es ouvert profondément juste en dessous de la lèvre et que tu ne sens plus plus rien dans à peu près...tout ton corps en fait. Les yeux fermés, tu ne sais pas vraiment ce qui se passe autour de toi. Les acouphènes dans tes oreilles t'empêchent de situer les présences et de te rendre compte de la situation. Après quelques minutes de silence intense, une chose est désormais sûre : ils t'ont laissé là pour mort. En effet, tu peux à peine bouger, même le bout de tes doigts ne répondent pas autant que tu le voudrais. Bientôt, tu entends quelqu'un s'approcher de toi. Savoir qui c'est t'es impossible, mais tu entends seulement sa voix. « Oh merde oh merde putain... Hé ho ! Que quelqu'un appelle une ambulance ! Vite ! » Un temps. Puis la personne s'accroupit près de toi et sa voix se fait plus proche. « Mec ça va aller, les pompiers arrivent ! » Est-ce que ça a vraiment l'air d'aller ?
Diagnostic : çà et là d'écorchures, quelques côtes fracturées, un trou béant dans la joue qui pisse le sang et la pommette cassée. Meilleur bal de toute ta vie.

Hurt my brain
Peut-être que tes blessures corporelles se résorbent avec le temps, malgré une belle cicatrice juste en dessous de la lèvre, mais ta dépression, elle, elle est bien réelle. Difficile de t'en débarrasser. Tu ne veux plus du tout retourner en cours, ni faire quoi que ce soit d'autres en fait, alors tu rates intentionnellement ton entrée à l'université. Cette tragédie réussit à te faire abandonner tes rêves de petit garçon. Elle te dégoûte des autres mais aussi et surtout de toi-même. Tu ne parles plus, ne manges plus, ne dort plus... Tes parents décident alors de changer complètement d'air, déménageant d'Orlando à Miami, avant de t'emmener voir un psychologue. Enfin, à quoi il peut bien te servir à part te répéter ce que tu sais déjà ? Les premières séances sont compliquées parce que tu ne t'ouvres pas beaucoup. Mais grâce au soutien de tes paternels, tu y arrives enfin. Ils te redonnent espoir, même plus que le médecin finalement. Tu recommences à reprendre goût aux choses. Cependant, ce que tu veux le plus au monde, c'est changer. Alors ta transformation dure approximativement deux années entières. Tu pars de rien. Quand tu étais au fond du trou, seule cette lumière aveuglante et apaisante que t'ont procuré tes parents a su te guider vers ta renaissance. Car oui, tel un phoenix, tu renais de tes cendres.
Avant toute chose, tu décides de t'occuper de ton avenir. Tu ne veux pas abandonner ton rêve d'être vétérinaire, mais en attendant tu travailles comme dog-sitter de temps en temps ainsi que comme livreur chez Uber Eats pour au moins payer tes frais de scolarité s'il y a besoin. Pour quelqu'un qui n'avait jamais fait de vélo aussi "intensivement", tu ne te débrouillais pas si mal que ça. Bon, peut-être que tu arrivais souvent avec 15 minutes de retard et en prime certains plats asiatiques disparaissaient malencontreusement, mais ça c'est une autre histoire. Enfin bref, après le professionnel il faut passer au physique. Pour cela, tu changes quelques petites choses déjà physiquement qui ont, ma foi, toute leur importance. Tu commences par t'occuper de ta peau, en prenant rendez-vous avec un dermatologue qui a su te donner des conseils avisés sur les produits à utiliser. Miraculeusement, ça marche. Dans la même année, par un heureux coup de chance, l'orthodontiste t'enlève tes bagues. Ne supportant plus le regard des autres sur le port de tes lunettes, tu décides de porter des lentilles quand tu sors dans le monde extérieur. Il ne manque plus que tu travailles le reste de ton corps, parce que ton poids ça n'était pas encore ça. Tu t'inscris donc à un salle de sport et, suivi par un coach sportif et une diététicienne, tu fais en sorte de manger sainement pour réussir à façonner ce corps qui sera tien. Tu ne veux plus qu'on se moque de toi. Tu veux juste être normal. Ce n'est qu'après de multiples repas équilibrés et des séances épuisantes qui te font cracher tes poumons et transpirer à grosses gouttes que le résultat final apparaît enfin. Tu ne peux être qu'heureux, tu as atteint ton dernier objectif. Maintenant, il ne te reste plus qu'à faire du ménage dans tes armoires, à prendre tes cojones et à vraiment, pour la toute première fois, mettre un pied à l'université afin de toucher du bout des doigts ton souhait de gosse.

Hurt my heart
Elle est là, devant toi. Elle est juste resplendissante. Sa démarche élégante, sa silhouette digne d'un mannequin, ses cheveux bruns virevoltant au-dessus de ses épaules quand elle les balance derrière d'un simple geste de la main, ses lèvres pulpeuses qui s'étirent dans un large sourire éblouissant dès qu'elle est tout simplement heureuse, ses yeux bleus océans dans lesquelles tu pourrais te perdre infiniment; tout chez elle te plaît. C'est un  véritable coup de foudre en fait. Ça ne fait que quelques jours que les cours ont commencé, et tu as déjà le coup de foudre pour cette fille. Seul problème : tu ne l'as jamais approché et encore moins adressé la parole. Tu n'es certainement pas le genre de mec à t'aventurer dans une drague qui serait premièrement très culottée et deuxièmement horriblement gênante. Et puis en arrivant devant elle, tu vas lui dire quoi, hein ? Tout ce que tu vas réussir à faire c'est lui postillonner dessus en bégayant et dans le meilleur des cas elle pourrait totalement t'ignorer pour finir ce supplice au plus vite. En fait, la drague ce n'est pas du tout ton truc et ça ne l'a jamais été. Même parler avec une personne lambda est un challenge pour toi. Alors tu te contentes de l'admirer de loin, seul dans ton coin. Espérant qu'un jour, peut-être, elle te remarque. Mais si seulement tu savais dans quoi tu t'es fourré...