☾ Life is a theatre set in which there are but few practicable entrances.

C'était le Grand Jour, c'était là, ce soir. Halcyon ne tenait pas en place. Pourtant, ce n'était pas son premier spectacle, et d'ailleurs, il ne mettait même pas un seul pied sur scène. Mais c'était peut-être ça le pire. Ils avaient eu si peu de répétitions, et voilà qu'il se retrouvait entièrement impuissant. Il faisait confiance à ses acteurs, mais il savait qu'à présent, le bébé était entre leurs mains et c'était à eux de jouer. Si quelque chose se passait mal, s'il y avait le moindre accident, il ne pourrait rien faire de plus que regarder et espérer que ça se passe pour le mieux. Il avait évidemment passé la journée au théâtre, pour régler quelques détails, rattraper le retard catastrophique. C'était toujours la même chose. Deux semaines de répétitions et de travail en plus n'auraient pas fait de mal. Mais il fallait bien se lancer un jour ou l'autre, et ce jour était arrivé. Il avait la tête entièrement vide, n'avait pas pensé à autre chose que Désert depuis des jours. Il en avait presque oublié sa rencontre avec Eros. Oublié était un grand mot, car au contraire, le jeune homme avait été présent dans un coin de sa tête, et ce en permanence depuis qu'ils s'étaient tombés dessus. Et puis... il n'avait toujours pas contacté sa famille. Il avait essayé, quelques fois, était allé jusqu'à composer le numéro, mais après avoir répété plusieurs fois l'annonce qu'il comptait faire, il décida que ce n'était pas assez bien et qu'il devait encore travailler dessus. Et entre temps, son emploi du temps s'était chargé, et le jour de la première lui avait bondi dessus sans qu'il n'ait le temps de s'en rendre compte. Il aurait bien voulu contacter Eros, pour essayer d'en savoir un peu plus sur sa famille, pour retarder un peu le moment et espérer avoir une solution... mais le jeune homme avait oublié de laisser son numéro. Une fois cette soirée passée, Halcyon s'occuperait de tout ça. Il retournerait au bar, et les gens là-bas avaient semblé connaître Eros. Ils sauraient où et comment le trouver. Mais avant ça, il fallait survivre à ce soir. C'était une expérience stressante, celle des premières... peut-être le pire stress qu'il ait eu à vivre ? A vrai dire, il n'avait que cinq années de mémoire et la majorité de son temps, il l'avait passée dans des théâtres. C'était donc plutôt sensé. Il avait hésité longuement. Rester en coulisses ou se mettre dans le public ? Regarder le spectacle de la salle ? C'était comme le dernier niveau d'acceptation, de se dire qu'il les laissait réellement faire et qu'il se retirait... Bon. Au final, il regardait les gens s'installer dans la salle, et s'était mis confortablement dans la loge de la régie, qui lui donnait une vue parfaite. Le spectacle commença pile à l'heure, et il lui fallut un moment pour commencer à se détendre un peu, même s'il continuait de jouer nerveusement avec ses doigts. Les gens étaient silencieux, un beau signe d'attention, et ils semblaient être embarqués dans l'histoire. A l'entracte, il refusa de sortir de sa cachette. Et ce fut au milieu du second acte qu'il reconnut Eros. Oh. Eros était là, il était venu, et tout à coup le stress remontait en flèche. C'était drôle, parce que Halcyon ne connaissait pratiquement pas ce jeune homme, mais il avait terriblement envie de l'impressionner. Ou du moins, de ne pas le décevoir. Il se disait que Eros le connaissait depuis toujours, et il fallait être à la hauteur des souvenirs qu'il pouvait avoir. Et le travail d'Halcyon était fortement inspiré de son temps passé en Afghanistan, alors peut-être que quelque chose là-dedans parlerait à Eros. Jusqu'à la fin, il passa plus de temps à regarder le jeune homme que la scène, et très vite, le rideau tomba. Applaudissements, cris, ovation, c'était un succès. Il savait qu'on l'attendait à la sortie. C'était d'usage d'aller boire un verre, de saluer les professionnels présents ce soir. Et puis, il y avait Eros. Halcyon ne savait pas s'il aurait réellement du temps à lui accorder, ce qui le peinait au point où il espérait pouvoir faire comme s'il ne l'avait pas vu. C'était idiot. Il se leva et ajusta son costume. Les gens étaient encore dans la salle, et il espérait sortir avant la foule pour passer aux toilettes sans faire la queue et profiter de derniers moments de tranquillité. Il sortit de la pièce pour gagner les couloirs communs et aller faire ses besoins. Il n'y avait personne encore, heureusement. Et là, juste en sortant de la cabine. Il se retrouva littéralement face à celui qui avait perturbé son second acte. Il resta bloqué un instant. Il sourit un peu, bêtement. « Y'a... plus de papier » il dit en désignant la cabine de laquelle il sortait, et eut immédiatement envie de sa taper la tête contre un mur. Halcyon se mordit un peu la lèvre, et sourit avant de se diriger vers les lavabos pour se nettoyer les mains. « Je m'attendais pas à ce que tu viennes, surtout ce soir. D'ailleurs, t'avais oublié de noter ton numéro la dernière fois. » dit-il encore, en passant ses mains dans la soufflerie pour les sécher, et se tournant vers Eros.

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Tout s'était bien passé, le public était content, les gens avaient vraiment l'air d'avoir passé un bon moment. Les acteurs étaient fiers, et ils méritaient les applaudissements après le travail effectué ces dernières semaines. Halcyon quant à lui avait très envie d'aller aux toilettes, et il comptait éviter un maximum de monde, c'est pourquoi il se leva prématurément et fila en direction des toilettes. Les couloirs étaient encore vides, tout le monde était dans la salle, et il souffla un peu en profitant du silence dans la petite cabine. Quand il en sortit, cependant, il fut extrêmement surpris de tomber face à Eros. Bien sûr, il l'avait vu dans la salle, et ça l'avait même perturbé, mais le trouver là... c'était inattendu. Il en perdit même l'usage de la parole pendant un instant, et les mots qu'il sortit après cela le firent pratiquement rougir tant il était dépouillé de tous ses moyens. Ce n'était pas normal de réagir ainsi, vraiment. Il avait honte. Ce n'était en plus de ça que le début de la soirée, et il avait un tas de rencontres importantes à venir ce soir. En tous cas, il parvint à faire sourire Eros. Merci de l’info, je n’en aurais pas besoin, mais c’est important de prévenir lorsque ce genre d’incident arrive. Tout ça n'aida en rien, et il se sentit rougir comme une fillette prise en flagrant délit de vol de bonbons. Il tenta de lui sourire et se pressa vers les lavabos pour se laver les mains. Il reprit alors la parole. Pourquoi je ne serais pas venue? J’aime beaucoup le théâtre, je ne suis pas un spécialiste, mais j’apprécie une bonne pièce. Et c’était fait exprès. Si la première partie de sa réponse était très pertinente, il resta surtout bloqué un moment sur la seconde. Fait exprès ? Pourquoi ? Il était confus, ne savait pas si c'était là un jeu qu'il était censé connaître... Mais en tous cas, il releva la tête pour fixer son regard dans celui d'Eros, par l'intermédiaire du miroir, une lueur d'amusement dans le regard et un sourire en coin sur les lèvres. « Tu voulais me rendre la tâche difficile ? J'ai été un peu obsédé toute la semaine par le spectacle, mais je comptais retourner au bar et questionner les gens là-bas jusqu'à obtenir ton numéro. Maintenant que t'es là, ça m'évite de faire ça, tu vas pouvoir me le donner cette fois » il dit, en souriant, se tournant et sortant son téléphone de sa poche pour l'ouvrir sur un nouveau contact et le tendre à Eros. Il n'allait tout de même pas se moquer de lui une seconde fois. Il récupéra son téléphone, et laissa le jeune homme faire ce pour quoi il était venu ici. Quand il sortit, ils échangèrent un regard. « Alors tu vas beaucoup au théâtre ? Ca t'a plu ? Sois honnête ! » interrogea-t-il en se pinçant les lèvres. Il ne voulait pas qu'on lui dise que c'était bien juste pour lui faire plaisir. Il savait bien que ce qu'il faisait ne pouvait pas plaire à tout le monde, et il attendait de la part d'Eros une critique sincère. Surtout de sa part à lui, oui, car il avait l'impression folle qu'Eros avait dans sa paume un petit bout de son âme, et son avis comptait réellement.

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Bien sûr qu'il le laissait courir aux toilettes. Halcyon eut un peu envie de se taper la tête contre le mur en se rendant compte d'à quel point toute cette rencontre était gênante. Le lieu n'était pas le plus sympa qui soit, même si pour des toilettes, c'était très bien décoré. Bref, il hocha la tête en souriant pour laisser Eros aller se soulager, et l'attendit sagement en se séchant les mains. Quand il sortit, Halcyon lui adressa un sourire par l'intermédiaire du miroir, et le relança sur la question du numéro de téléphone. Le jeune homme avait oublié de le lui donner la dernière fois, mais aujourd'hui, Halcyon lui tendit directement son portable pour qu'il s'enregistre dans les contacts. Une fois cela fait, il lui demanda comment il avait trouvé la pièce. Evidemment que la question lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes déjà. Il crevait d'envie de connaître son avis, qui lui importait beaucoup. Même s'il n'avait aucun souvenir d'Eros, mise à part leur rencontre quelques jours plus tôt, il savait qu'ils avaient un passé tous les deux, et qu'à une époque, cet inconnu avait été important pour lui. Perturbant, mais génial. Il commença, avant de s'étendre un peu et de donner quelques détails concernant son expérience du spectacle. Il avait une façon de parler de ce qu'il avait vu et ressenti qui faisait battre le coeur d'Halcyon bien plus rapidement qu'à la normale. Il essayait de se contenir, de ne pas trop sourire, mais c'était compliqué de se battre contre lui-même. Il était simplement très heureux d'avoir réussi à  provoquer ce genre de choses, que ce soit chez Eros ou d'autres personnes... mais surtout parce que c'était Eros, tout de même. « Merci. C'est pas la première fois que je le monte, mais jamais avec cette mise en scène, c'est plutôt inédit, et j'suis hyper heureux que ça ait pas fait un gros... flop » il dit doucement, avec un sourire. Et en effet, le texte de la pièce n'était pas tout neuf, mais il avait entièrement recréé la mise en scène et la scénographie. Ca changeait tout. C’est à moi de te poser une question non ? Et je me demandais, tu organises tout, tout seul ? Ou tu as une entreprise extérieure qui t’aide pour la réservation de la salle et ce genre de truc ? questionna Eros. C'était toujours plaisant pour Halcyon de parler de son travail, de sa passion, et de tout ce qu'il faisait. Il était capable de déblatérer pendant des heures au sujet d'une de ses pièces, il en rêvait sans arrêt. Alors là, il était plus qu'heureux de répondre. « Ca dépend ! Il y a des théâtres qu'il faut démarcher, contacter plusieurs fois, d'autres qui fonctionnent avec des partenariats. J'ai une équipe qui m'aide quand même, qui me donne un coup de main pour choisir les salles, et pour tout ce qui est marketing et communication » dit-il. « Pour ici, les choses se sont bien faites. J'étais à Paris avec mes associés et on rêvait un peu d'Amérique tu vois » il raconta en riant un peu. « Et on avait envoyé quelques dossiers, mais sans chercher plus. Au final, c'est la direction du théâtre - et ils travaillent en partenariat avec la ville - qui a eu des échos des représentations à Paris, et a demandé si j'étais intéressé pour venir jouer ici. Et puis, ça s'est fait rapidement » il haussa les épaules. La vie était surtout une histoire de chance, et ces derniers temps, il en avait eue beaucoup. Il espérait que cela allait continuer. On peut sortir ? Il y a un bar qui sert de bon verre, j’ai eu la chance d’en boire deux avec mon charmant voisin que je dois retrouver plus tard. Il sourit et hocha la tête à l'évocation du bar. Effectivement, il y avait de quoi s'y faire plaisir. Mais quand Eros mentionna son voisin, et ajouta à cela un sourire qui en disait long, Halcyon fut un peu pris de cours. Il n'y avait pas de raison pourtant. Peut-être parce que leur relation était indéfinie et qu'entendre ça, comme ça, c'était étrange ? Ou peut-être parce qu'Halcyon aurait bien aimé passer du temps avec Eros, sans que celui-ci n'ait à partir tôt pour rejoindre quelqu'un d'autre ? « Mmh. Oui. Oui on peut sortir » il fit, se raclant la gorge après les premiers mots. A ce moment, les gens commençaient à arriver. Ils se dirigèrent donc vers le bar, arpentant le long corridor jusqu'à arriver dans la large pièce où se trouvait un monde fou. Halcyon fut obligé de répondre à quelques salutations, mais fit au plus court, et alla commander un whisky accompagné d'Eros, pour qui il régla la boisson en plus de la sienne. Il se demandait un peu s'il devait s'attendre à ce que le fameux voisin de siège s'incruste dans la conversation, ou lui vole Eros. Il était bête, il s'en voulait de penser de cette façon. Ca n'avait aucun sens, qui plus est. Il essaya de passer à autre chose. « Y'a des VIP ce soir » fit-il, presque dans un chuchotement, en essayant d'être dscret étant donné que les gens dont il parlait se trouvaient non loin de là. « Faut que je fasse bonne impression, si je veux programmer d'autres spectacles dans le coin de Miami. J'ai l'air présentable ? » dit-il en se tenant droit, un sourire amusé sur les lèvres après s'être recoiffé à la va-vite. « Le type juste derrière toi est blindé de thunes et produit des comédies musicales à Broadway. Rien que ça » il rit un peu avant de boire deux gorgées de son whisky. L'homme en question avait l'air complètement absorbé dans sa discussion avec deux autres, et faisait de grands gestes passionnés. « Tu veux aller visiter les coulisses ? » il proposa subitement à Eros, très enthousiaste.

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C'était clair que les toilettes étaient un lieu un peu étrange pour avoir une conversation, et si au début, ça n'avait pas été forcément gênant, le fait de s'y éterniser devenait bizarre. Ils furent tous deux ravis d'en sortir, au point d'en être vaguement soulagés. Halcyon entendait les gens discuter dans les couloirs. Ca y est, le monde était sorti de la salle de spectacle et envahissait les allées. Son moment d'intimité avec Eros était révolu. Halcyon n'avait jamais été très bavard, mais lancé dans ses quelques sujets de prédilection, il pouvait devenir particulièrement éloquent. Le théâtre, ses spectacles, il aurait pu en parler pendant des heures. Tu joues autres parts après être venue ici ? Ou alors ce sont les dernières représentations ? Et tu apparais parfois dans des films ? Enfin tes pièces sont filmées ? Pour la télé ou même pour le cinéma ? le relança Eros. D’ailleurs pourquoi le théâtre ? Il semblait vraiment s'intéresser à la vie d'Halcyon, ce qui le touchait. « Ummm j'ai commencé à écrire un peu, dans mon lit, pendant que je guérissais. Et par la fenêtre j'avais une vue directe sur les gamins dehors. Ils inventaient des situations et les jouaient avec tellement d'application et de sérieux... Puis, quand j'suis arrivé en ville, quelques temps après ça, il y avait un théâtre et... voilà. J'suis tombé dedans et ça a été une évidence, tout un tas de trucs que j'avais dans ma tête devaient finir là, d'une façon ou d'une autre, sur les planches » il tenta d'expliquer. « Puis pour ce qui concerne les films, ça m'intéresse pas trop. Même si ça m'est arrivé de réaliser des courts métrages, pour rire. Pour l'avenir, j'en sais trop rien. J'viens à peine d'arriver ici alors j'ai encore le temps de voir ce que je veux faire après. Peut-être que j'aurai la chance de signer de nouveau avec ce théâtre, ou avec d'autres théâtres aux Etats-Unis, que ce soit pour cette pièce ou une autre... On verra ! » Ils arrivèrent enfin au bar, et Halcyon paya leur deux consos, rougissant lorsque Eros le remercia. Son regard parcourut la salle, où toutes sortes de personnes étaient regroupées de part et d'autre, discutant avec leurs connaissances. On pouvait s'imaginer qu'ils échangeaient au sujet de la pièce, mais Halcyon était assez habitué à ces moments-là pour savoir qu'ils saisissaient surtout l'occasion de se donner des nouvelles de leurs projets personnels, et de leurs vies privées, dans le cas où ils se connaissaient un peu. Il plaisanta à moitié en annonçant à Eros qu'il devait être présentable, pour faire bonne impression. Il fut un peu surpris lorsque le jeune homme s'avança, posa son verre, pour aller arranger son costume et s'assurer que tout était parfaitement en place. Voilà, tu es absolument parfait et ils vont tous tomber sous ton charme. Si tu leur fait ton sourire charmeur, ils vont tous tomber sous ton charme. Spontanément, il décrocha un sourire en coin. « Comme ça ? » dit-il, une lueur d'amusement dans le regard. Il rit un peu, se détendant. Il aimait être avec Eros, et tout semblait tellement naturel avec lui. C'était dans ces moments-là qu'Halcyon se rappelait qu'ils se connaissaient avant, que même s'il ne s'en souvenait pas, il devait y avoir quelque chose qui fonctionnait entre eux, peu importe l'époque et le lieu. Et tout à coup, voyant que tout le monde avait l'air très occupé et que de toute façon, la soirée serait longue, il se dit que ce n'était pas forcément obligatoire pour lui de rester là, ici, à attendre. Il pouvait bien s'absenter une petite demi heure... non ? Il proposa à Eros d'aller voir les coulisses. Avec grand plaisir, tu es certain de ne pas vouloir rester pour parler avec certaines personnes ? Je ne peux pas produire tes futurs spectacles même en vendant mon corps. Le rire d'Halcyon accompagna celui de son ami. « J'pense que tu pourrais obtenir tout et n'importe quoi... mais j'ai des principes heureusement » il répliqua en riant, entraînant Eros avec lui à travers une porte "accès réservé". « Le temps qu'ils finissent de discuter, on sera de retour » il ajouta pour répondre à l'inquiétude d'Eros. Ils montèrent alors des escaliers de couleur rouge, couleur classique des théâtres, et arrivèrent au croisement de plusieurs couloirs. Le but n'étant pas de surprendre les comédiens à moitié dévêtus, il décida plutôt de l'emmener en direction de la scène. « J'vais te montrer ce qu'il y a derrière les rideaux » il dit, entraînant Eros dans un long couloir qui traversait le théâtre entier, et là, il fallut à nouveau descendre des escaliers, passer une porte, pour arriver dans une pièce. « C'est ici que les acteurs attendent entre deux scènes, qu'ils se changent, quand ça doit être rapide... Chacun a son petit espace. Et juste là, c'est la porte vers la scène » Ils passèrent entre les deux rangées de miroirs et les costumes suspendus sur des portants, et passèrent la fameuse porte. De ce côté, il faisait sombre, seules quelques lampes de services étaient là pour tuer l'obscurité. Ils se trouvaient pile derrière les rideaux, dans les côté de la scène. « Voilà, c'est par là que les comédiens entrent. Là, y'a un régisseur de posté pendant tout le spectacle, il communique avec les techniciens en face, qui gèrent le son et les lumières, et aussi avec les équipes en coulisse » il expliqua vaguement. Puis il attrapa Eros par le bras et le tira sur la scène, au milieu de celle-ci. Un rideau les séparaient de la salle, mais on voyait tout de même à travers. « Et voilà. T'es une star » il déclara en souriant.

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Halcyon avait clairement l'impression de débarquer de n'importe où... et c'était la vérité. Il ne savait pas d'où il venait, n'avait même pas d'origines, de passé, et son histoire naissait cinq ans plus tôt, quelque part en Afghanistan. Il n'était réellement personne, et pourtant il avait des rêves et des ambitions immenses, qui dépassaient tout. Et jusqu'à présent, ça lui réussissait. Il était là, à Miami, et sa pièce était jouée dans ce sublime théâtre. Il était terriblement chanceux. J’espère que tu pourras faire et obtenir tout ce que tu veux dans ton métier alors. Si tu deviens une star internationale, n’oublie pas de me citer dans une de tes interviews prestigieuses. Halcyon ne put retenir un petit rire. Il hocha la tête, avant de parler un peu à Eros de quelques invités privilégiés qui se trouvaient dans la pièce. Il essaya de s'assurer qu'il était présentable et en mesure de faire bonne impression face à de possibles producteurs. Eros évoqua son sourire charmeur, et il ne put évidemment pas s'empêcher d'en faire une belle démonstration. Oui celui-là, je vois que tu sais déjà bien t’en servir. Il se mit presque à rougir, mais parvint à détourner le regard et à s'occuper pendant quelques brèves secondes, de façon à ce que ça reste discret. Il décida, très spontanément, d'inviter Eros à visiter les coulisses du théâtre, et les pièces privées, cachées du grand public. Et voilà qu'une simple réplique qui se voulait amusante en disait bien plus sur ce qu'Halcyon ne comptait pas du tout dévoiler. Loin de là, et pourtant, il venait de complimenter Eros à sa façon. Je t’assure que non, la preuve, tu me résistes. Halcyon ne savait absolument pas quoi faire de cela, et il resta planté comme un idiot avant de décider que la visite commençait maintenant, à cet instant précis, et qu'Eros devait donc le suivre. Il l'entraîna dans les couloirs, puis à travers le théâtre, jusque derrière la scène, et enfin, sur celle-ci... et le laissa planté là derrière le rideau fraichement tombé. La scène ne dura pas longtemps, car Eros se pressa pour retourner dans les coulisses latérales et y rejoindre Halcyon. Je déteste ça, je ne suis pas comme toi. Même avant, tu avais cette capacité à attirer les gens et la lumière sur toi. Tu le vivais bien et moi ça m’arrangeait bien vu que je pouvais être invisible. Il esquissa un sourire, essayant une fois de plus d'imaginer ce qu'ils avaient pu être tous les deux, avant. A quoi ça ressemblait, de croiser Eros et... Zan. Parce que visiblement, c'était ça son nom. Zan. Ce n'était pas complètement bizarre, pas comme un corps étranger qu'on chercherait à s'extirper du corps par tous les moyens possibles. Non, ça aurait pu être pire que Zan. Mais il préférait Halcyon, définitivement. Peut-être que son cerveau avait retenu ce nom-là pour cette raison. Un choix inconscient. Il n'en savait rien, et ce n'était pas le sujet. Tu viens ? Je dois avoir plein d’autres lieux à découvrir non ? On peut voir les lumières ? interrogea le jeune homme. « Ouais ! Bien sûr » répondit-il, lui faisant signe de le suivre. Ils firent demi-tour, reprenant le chemin initial pour emprunter à nouveau le long couloir, mais au lieu d'aller jusqu'au bout, ils passèrent par une porte qui se fondait dans le rouge du mur. « C'est par là » Là encore, ils avancèrent dans un couloir, pour se retrouver à un point où différentes allées se rejoignaient, et trouver une porte qui portait les simples lettres REGIE. Il ouvrit cette dernière et la tint pour laisser passer Eros en premier. Face à eux, une large vitre qui offrait une vue directe sur la scène. Ils se trouvaient dans la petite cabine de régie installée sous le premier balcon, au-dessus des dernières rangées de spectateurs, au fond du parterre. C'était un emplacement plutôt idéal. « Tu peux t'asseoir » dit-il, tirant une des chaises pour Eros. Il y avait là une longue table sur laquelle se trouvaient toutes sortes de tablettes, de boutons, réglant tout autant le son que les lumières et d'autres effets. Il pressa un bouton qui fit ouvrir le rideau et donna une vision du plateau vide. « Faut pas toucher ça, parce que c'est les réglages du spectacle. Mais tout ça, c'est pour actionner les différents projecteurs, alors fais-toi plaisir » il dit en montrant tour à tour les rangées de boutons dont il parlait, laissant la liberté à Eros de prendre place derrière la table de régie et d'expérimenter comme il le voulait. Halcyon, lui, s'était installé sur la chaise d'à côté, un peu en retrait, préférant ne rien faire et laisser le jeune homme découvrir. Il avait l'air d'y trouver quelque chose d'intéressant. Ca l'était, bien sûr. Halcyon trouvait intéressant tout ce qui touchait de près ou de loin le monde du théâtre. Mais pour Eros, il semblait en tous cas qu'il trouvait plus d'intérêt là-dedans quand dans le fait de fouler les planches de la scène, quelques minutes plus tôt. Il resta longuement silencieux, regardant d'un air un peu absent ce que faisait Eros et les lumières qui s'allumaient et s'éteignaient sur la scène face à eux. « Je t'imagine bien, en train de piloter tes drones, avec cette concentration » il remarqua, un vague sourire sur les lèvres, parce qu'Eros avait l'air dans son élément et Halcyon ne pouvait s'empêcher de faire un rapprochement. « Enfin, ici c'est du théâtre. Ce que tu fais toi, ça doit être beaucoup plus... intense. J'essaye pas de comparer, ça n'a rien à voir » il se rattrapa vaguement lorsqu'il réalisa que le rapport était un peu maladroit. Mais il était curieux aussi, surtout qu'à en croire les dires d'Eros, ce milieu avait fait partie de sa vie passée. « Les drones que tu pilotes, c'est genre... pour quoi ? De la surveillance ? » Il avait là une centaine de questions sous-jacentes, certaines plus importantes que d'autres, mais il ne savait pas comment les poser.