(#)Sujet: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 2:22
R.J.
Ryker
☽ ☆ ☾
“I didn’t like having to explain to them, so I just shut up, smoked a cigarette, and looked at the sea.”
ft. Garrett Hedlund
Richard Jonathan "R.J." Ryker, mais on ne l'appelle que par son patronyme.
30 ans, né le 18 août 1988 à Belle-Chasse (La).
Américain, il a néanmoins des origines russes du côté de sa mère.
Éternellement célibataire, marié à une carrière possessive.
Hétérosexuel.
Senior case officer manager, CIA ; quoiqu'il dira généralement, sans plus s'étendre, qu'il travaille pour le gouvernement.
☽ ☆ ☾
Loyal – Secret – Manipulateur – Carriériste – Bourreau de travail – Méfiant à outrance – Parfois paranoïaque – Indépendant – Froid – Réfléchi – Patient – Intelligent – Curieux – Méticuleux – Observateur – Charmeur – Peu loquace – Terriblement cynique – Détaché – Parfois insensible – Rationnel – Plutôt solitaire – Discret – Logique – Athlétique – Gentleman – Forte volonté – Calme – Difficile à faire sortir de ses gonds – Stable – Responsable – Parfois têtu – Exigeant – Opiniâtre.
◈ Il ne se présente jamais que sous son patronyme, sans préciser s’il s’agit d’un prénom, nom de famille, ou surnom. Seules quelques rares âmes à Miami savent qu’il s’appelle R.J., et plus rares encore sont celles qui connaissent la signification de ces deux lettres.
◈ Il n'existe pas sur les réseaux sociaux, ni sur internet de manière plus globale.
◈ Il parle anglais, russe, arabe, et a gardé quelques bases de pachto. Il est capable de dire « bonjour », « merci », « eau » et « ne bougez pas » dans une vingtaine de dialectes parlés, pour la plupart, à l’est du monde arabe.
◈ Il a appris à jouer de la guitare quand il était plus jeune, pour séduire les filles. Il traîne encore quelques bons réflexes.
◈ Il a une aversion toute particulière pour le métal, notamment le brutal death metal.
◈ Il a dans son garage une vieille Boss 429, datant de 1969, qu’il ne roule que par nécessité d’entretenir le moteur, mais qu’il entretient pourtant sans réellement comprendre pourquoi. Il hait viscéralement cette voiture ayant appartenu à son père pour tout ce qu’elle représente, mais il n’a pu s’empêcher de la récupérer à la première occasion, pour rendre furieux son géniteur.
◈ Il ne fume que des Craven A, qu'il écrase dans un cendrier de poche dont il brûle les restes, par mesure de sécurité.
◈ Lecteur assidu, les seuls effets personnels qu'il laisse chez lui sont les nombreux ouvrages qui composent sa bibliothèque. Du reste, il n'a aucune décoration, rien qui pourrait donner une quelconque piste sur qui il est.
◈ Il a une passion pour le cinéma expressionniste.
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PSEUDO ☽ Louyse. AGE ☽ la vingtaine doucement entamée. Pas trop vieille, mais déjà contrainte de caler des verres d'eau entre chaque consommation lors de soirées d'ivresse.. PAYS/VILLE ☽ la Cigognie ! Pays de la tarte flambée, des bretzels, des accents traînants et des noms de villages imprononçables. . FREQUENCE DE CONNEXION ☽ 5/7, au moins. COMMENT ES-TU ARRIVE(E) SUR LE FORUM ? ☽ A force de pérégrinations sur Facebook. ES-TU UN SCENARIO ? ☽ hell yeah. AS-TU ENVOYE TES DEUX SECRETS A NIGHTMARE ? ☽ voui Monseigneur. UN PETIT MOT ? ☽ Rhododendron. CHOIX DE GROUPE ☽ Action me semble fort convenable.
Ain’t nothing like a Louisiana Saturday night.
Toutes les maisons se ressemblaient sur la route d’Oak Tree. Étonnamment, de chênes, la rue n’en avait plus vu la moindre racine depuis bien des années, le dernier de ces arbres ayant bénéficié d’un joyeux ravalement de façade à grands renforts de macadam. Il l’avait bien fallu pour lisser le paysage urbain et donner au lotissement ce cachet subtil qui seyait si bien les nouveaux quartiers des villes de Louisiane ; de quoi vendre, clés en main, l’intégralité des habitations du projet immobilier à des familles qui elles aussi se ressemblaient. R.J. était né dans l’une d’elle, mais il aurait pu naître dans celle d’à côté tant rien ne permettait de les différencier.
La demeure familiale ne tranchait guère de celle du voisin : des murs de briques automnales, des portes blanches assorties aux fenêtres comme aux gouttières, des tuiles grises et lisses pour s’y installer avec un télescope, un gazon entretenu aux ciseaux, un palmier planté non loin de l’entrée, le dernier SUV à la mode roulant ses mécaniques devant le garage, et pour couronner le tout, le drapeau des États-Unis flottant haut. A Belle-Chasse, on était patriote, puisque bien souvent militaire.
Daniel Ryker ne dérogeait pas à cette règle. Fruit de trois générations d’officiers militaires, il n’avait eu d’ambition, plus jeune, que celle de plaire à son père. Par un triste coup du sort, le don familial n’était jamais arrivé jusqu’à lui ; son manque d’obstination et son absence criante de talent en firent un mauvais soldat qui n’embrasserait, au sommet de sa carrière, que le malheureux grade de sergent maître. S’il avait passé la majeure partie de sa vie au nord du pays, son patriotisme bancal eut raison de son chauvinisme et le força à troquer le Maryland de son enfance contre le sol lourd et poisseux de la Louisiane. Il avait emporté avec lui la voiture dans laquelle il passait ses économies, son sac militaire, et une femme rayonnante comme le jour qu’il ne méritait pas : Iélizavéta. Mais tout le monde l’appelait Véta.
Véta était une jolie chose, le visage rond et les yeux clairs, le sourire doux et les lèvres pleines. Une femme discrète, si ce n’était par la beauté de ses traits, élevée sobrement dans une famille orthodoxe qui la voulait mariée à un enfant du pays plutôt qu’à un Américain. Mais elle, esprit libre, avait sacrifié à des études de lettres et sa Russie natale le rôle de femme aimante en territoire ennemi. Personne ne sut jamais ce que ces deux contraires purent se trouver. Sans doute était-ce leurs différences qui les avaient attirés, la belle idée de compenser les faiblesses de l’autre et de créer une histoire équilibrée et harmonieuse. Pour eux, le bonheur ne ferait que passer. On l’arracherait quelques temps plus tard, comme on avait arraché les grands chênes de la route d’Oak Tree. Véta, parfois, se rappellerait avec indulgence les premières années de sa vie aux côtés de Daniel. Et son sourire si doux se teinterait d’une nostalgie triste à en crever le cœur.
C’était une femme croyante, devenue orpheline dans une ville qui ne connaissait de sa religion que le nom et les stéréotypes. Mais puisque son Dieu était semblable à celui des voisins, elle apprit à prier en anglais et à entendre les messes de la paroisse catholique. Elle gênait un peu, avec son accent et ses coutumes, avec son rire fluet et son regard malicieux. Véta ne plaisait pas aux femmes de la rue, si bien que certaines vieilles commères se plurent vite à prêter quelques histoires adultères à cette étrangère venue d’un pays de l’est qu’on méprisait par simple souvenir du bon vieux temps. Mais l’expatriée trouva toujours grâce aux yeux de son mari. A Belle-Chasse, comme dans la ville d’origine de la Russe, on était fidèle, puisque bien souvent superstitieux. On craignait le Bon Dieu plus qu’on ne craignait le diable. Et cette foi aveugle, qui forçait Daniel à n'honorer que sa femme, cette foi aveugle, qui poussait Iélizavéta à prier chaque semaine dans l’église se trouvant non loin, la forçat un jour à pousser autre chose entre les murs du lieu saint. Richard Jonathan inspira ainsi, pour premier bol d’air, entre un prêtre ahuri par le sexe offert d’une femme et un public désabusé par la scène, un mélange douteux d’odeur d’encens, de Bibles poussiéreuses et de parfum de grenouilles de bénitier.
Amelia Lynn naquit deux ans plus tard, à l’automne dix-neuf-cent quatre-vingt-dix, à quelques jours d’intervalle seulement du deuxième enfant des voisins d’en face, et de ceux trois maisons plus loin. Les femmes du quartier ne s’étaient accordées sur ces naissances rapprochées que parce que leur mari avait quitté le domicile pour une mission neuf mois plus tôt, et qu’il était de bon ton d’imiter les autres pour assurer l’homogénéité parfaite d’un quartier qui l’était d’apparences tout autant. La petite ne rencontra son père qu’un an plus tard, lorsqu’il rentra finalement. Elle pleura à chaudes larmes la première fois que Daniel la prit dans ses bras, réclamant la douceur de ceux de sa mère. R.J., tout gamin encore, n’aima pas cet étranger dont il avait trop peu de souvenirs qui brisait soudain la tranquillité de leur vie. Il n’apprécia ni sa voix, ni sa manière de s’adresser à lui, ni cette sale habitude qu'il prit de l’appeler mon P’tit Gars quand Véta le surnommait déjà Zaïtchik. Pire que tout, il détesta ces vipères de voisines qui le comparèrent constamment à lui.
Daniel ne resta pas bien longtemps, on le rappela peu après que son épouse lui ait annoncé attendre un troisième enfant. Lauren Grace, vit le jour au printemps dix-neuf-cent quatre-vingt-treize. Ce jour-là, quatre femmes de Belle-Chasse accouchèrent dans l’une des cliniques de la Nouvelle-Orléans. Deux leur succédèrent, et trois après elles. On se battrait, une fois les petits en âge, pour l’organisation des fêtes et goûters d’anniversaire.
*
R.J. était un enfant curieux qu’il fallait avoir constamment à l’œil de crainte qu’il n’aille se perdre à l’autre bout de la ville. Tête en l’air, il avait si souvent le nez dans les nuages qu’il finissait toujours par se l’écraser sur le plancher des vaches. Petit et frêle pour un garçon de son âge, il se faufilait partout sans qu’on ne le remarque, grimpait aux arbres et aux toits avec une facilité déconcertante, échappait aisément à la surveillance de sa mère dont le cœur manquait chaque fois un battement. Il avait cette étrange capacité de se trouver précisément où on ne l’attendait pas, où on ne voulait pas le voir. Il écoutait aux portes, prêtait attention aux secrets de la rue, aux confidences chuchotées dans la cour de récréation. Plus d’une fois les adultes lui tirèrent les oreilles en lui faisant jurer de ne rien répéter de ce qu’il avait vu ou entendu. R.J., innocent, secouait la tête et filait en courant, un rire muet sur les lèvres.
Il ne parlait pas beaucoup, cet enfant. Pas du tout, en réalité. Quand ses camarades de classe ne cessaient de poser des questions ou de réciter les poèmes qu’ils apprenaient à l’école, lui restait cloîtré dans un mutisme volontaire. Non qu’il ne savait causer, plutôt qu’il n’avait rien à dire. Alors il se taisait et observait en silence. Il souriait pour indiquer à Véta qu’il comprenait lorsqu’elle lui parlait dans sa langue d’origine, hochait la tête pour que l’institutrice se rende compte qu’il saisissait ce qu’on lui demandait de faire, s’exprimait en gestes, en regards, et quand il sut écrire, se fit entendre en encre et en papier. Il était commun à Belle-Chasse de se mêler des affaires des autres, si bien que de vieilles commères, celles-là même qui parlaient adultère, eurent tôt fait de suggérer que l’aîné de la fratrie avait quelque tare venue de sa mère. Mais Véta, qui avait la patience d’une reine et la douceur du soleil, avait toujours le mot pour répondre, d’une voix d’ange et dans un sourire divin, à ces vipères qui n’avaient d’autre loisir que celui de cracher leur venin. Elle disait dans son anglais imparfait imprégné d’accent, qu’il parlerait quand bon lui semblerait, mais qu’en aucun cas elle n’avait besoin de conseils pour lui apprendre à éduquer ses enfants. Elle soutint le même langage à Daniel lorsqu’il hurla pour la première fois sur ce fils silencieux, à son retour de mission.
Amelia Lynn et Lauren Grace, trop petites pour se rendre compte qu’un étrange poison tissait sa toile dans la maison, profitaient de la présence bénie de leur père. Leurs grands yeux clairs brillaient de joie lorsqu’elles s’amusaient avec lui, et elles riaient aux éclats dès que Daniel les poursuivait. Quelque chose avait changé en lui. Tous les hommes de la rue revinrent différents, mais Daniel ne fut plus jamais le même. La nuance subtile, qui se remarquait à peine au début, s’intensifia à mesure que les mois passaient. Ce n’était qu’un verre de vin ou une bouteille de bière. Qu’un digestif pour aider après un repas copieux ou pour soulager les maux de crânes d’une journée éprouvante à la base. Mais il y en eut un deuxième, le soir uniquement, lorsque les enfants étaient couchés. Puis d’autres, au point de préférer la compagnie du téléviseur et le confort du canapé au lit matrimonial. Et d’autres encore, qui dévorèrent les journées. Il aimait le goût du whisky, le caractère brut du bourbon ou du cognac. Avec le temps, à mesure qu’il perdrait sa dignité et son palais sa sensibilité, Daniel se rabattrait sur les alcools bas de gamme et la bière de mauvais goût, parfois même sur l’antigel. Il boirait sa vie jusqu’à la lie.
R.J., conscient et malin, n’avait pas la candeur de ses sœurs ; il comprenait, malgré les efforts de Véta pour cacher la triste vérité qui gangrénait lentement le foyer familial. Il rôdait autour de sa mère, protecteur, prêt à lui sauter au cou et à couvrir ses joues de baisers pour ne pas qu’elles se couvrent de larmes. Plus d’une fois il se trouva précisément là où on ne voulut pas qu’il soit : coincé entre son père, montagne aux yeux morts, et sa mère, qui se ternissait. Il l’aima moins encore, cet homme qui avait une prédilection pour la violence, comme tout militaire de bas étage qui se respectait ; cet homme qui le secouait parfois en lui vomissant qu’il avait tout intérêt à commencer à parler s’il ne voulait pas s’en prendre une. Et quand il se décida enfin à l'ouvrir, ce ne fut que pour prononcer des insultes que le paternel s'empressa de lui faire ravaler d'un aller-retour bien placé. Sa gueule, il la ferma davantage encore. Il attendait qu’il s’imbibe un jour à en crever, que l’alcool qui inondait ses veines le noie une bonne fois pour toutes. Mais le vieux avait le foie résistant et la carapace dure, il s’accrochait à la vie quand le monde entier savait qu’il l’avait laissée de l’autre côté de l’océan.
*
Seuls les départs professionnels de Daniel ralentissaient la décomposition des Ryker ; sa présence à la maison viciait l’air. Plus ils le respiraient, plus ils étouffaient. L’école aurait pu être une bouffée d'oxygène pour un enfant dont la famille se désagrégeait un peu plus à chaque instant, mais la liberté gagnée dans le monde scolaire n’avait pas le parfum espéré. R.J. brillait plus par son manque de concentration que par ses résultats. S’il n’était pas dernier de la classe, il n’accédait jamais au podium pour autant. Le garçon avait une intelligence propre qui le faisait se disperser, mais surtout s’ennuyer. Assit dans un coin de la classe, les lèvres bien souvent scellées, il espérait que le temps passe sans qu’on ne s’intéresse à lui, en vain. Quand bien même il haïssait son père, le gosse regrettait de n’avoir eu sa carrure. Avec son physique malingre, et son éternel silence, Ryker était une cible facile qui prit plus de coups qu’il n’en distribua. Bien sûr, il écrasa plus d’une fois ses maigres poings dans le visage des grands, ceux qui embêtaient plus faibles qu’eux, ceux qui s’en prirent à ses sœurs lorsqu’elles furent en âge de le rejoindre en primaire, mais il était celui qui rentrait à la maison l’arcade ouverte, la joue rougie, l’œil noircit en fin de journée. Cette misérable condition achevait de briser le cœur de Véta qui le raccommodait constamment avec la douceur maternelle qu’il lui connaissait bien. Ce n’était pas tant ses colères qu’il craignait, elle n’en avait pas, mais celles de son géniteur. Incapable de satisfaire l’égo de son père, il reprenait habituellement une correction pour lui remettre les idées en place et lui rappeler l’aversion qu’il nourrissait à son encontre. R.J. perfectionna ainsi son écriture en copiant des lignes et sa résistance aux rossées de son père à force d’exclusions lorsqu’on le prenait à se battre.
Le cercle vicieux qui le broyait eut tôt fait de l’agacer. S’il était une chose que le garçon avait comprise, c’était qu’on survivait par ses alliés plus que par ses ennemis, et qu’il était inutile de frapper lorsque l’avantage de la force n’était pas de son côté. Son talent éclata un jour comme une bombe, frappant d’une vérité cuisante le torse d’une petite brute qui tyrannisait Amelia Lynn avec un plaisir notable. La rumeur lancée inonda l’école à une vitesse fulgurante, et le lourdaud, humilié, se retira sans demander son reste. R.J., conscient de son pouvoir, se constitua rapidement un réseau d’informateurs, de petites souris qui laissaient leurs oreilles traîner à gauche à droite et venaient le trouver pour lui offrir toutes les choses intéressantes qu’elles avaient pu entendre. Le jeune garçon devint rapidement le centre névralgique de l’école, celui qu’il fallait interroger pour connaître la dernière histoire en date, celui qu’il fallait éviter si on ne souhaitait pas que ses plus sombres secrets soient révélés, l’ami à avoir pour se sentir à l’abri. Il savait tout, avait toutes les cartes en mains, pouvait tout dévoiler mais ne le faisait que rarement, la menace de son savoir suffisant à éviter qu'on lui cherche querelle. Et, lorsqu'on le sous-estimait, il s’arrangeait pour divulguer une histoire embarrassante sur la personne doutant de ses capacités. L’humiliation ressentie faisait passer l’envie de s’y frotter une seconde fois. Il monnayait ses services, vendait ses secrets, se faisait payer pour en taire d’autres, promettait monts et merveilles pour peu qu’on lui apprenne quelque chose de compromettant, un détail, aussi insignifiant fût-il : un goûter, le nouveau jeu à la mode, le droit de tenir la main du garçon qui plaisait, un baiser de la plus jolie fille de la classe. Il avait l’esprit d’un espion plus que celui d’un leadeur mais bénéficiait étrangement de la même impunité et était révéré au même titre.
Véta, soulagée de n’avoir plus à frotter le sang de son fils sur ses vêtements ne s’inquiétait pas moins de ses notes. Si on lui avait demandé son avis, R.J. aurait répondu que l’école le barbait, qu’il avait plus de plaisir à grimper aux arbres et à écouter aux portes qu’à apprendre bêtement ce qu’on leur enseignait dans les matières conventionnelles. Mais jamais ses professeurs ou ses parents ne prirent la peine de la questionner quant à cela – les enfants ignorant après tout ce qui était bon pour eux. Peut-être, se serait-on intéressé à son point de vue, aurait-on pu saisir d’où venait ses lacunes et quels points améliorer pour lui offrir une éducation qui lui aurait correspondu. A la place, on préféra penser qu’il avait besoin d’être recadré dans une institution moins laxiste. Le grade minable de Daniel lui accordait somme toute quelques privilèges dont il aimait profiter, considérant que ses années à servir le pays méritaient amplement rétribution. Un heureux hasard voulut que se trouvât parmi elles l’assurance d’une place dans un collège préparatoire. Véta, qui aurait préféré la proximité de l’école catholique de la Nouvelle-Orléans n’eut aucunement son mot à dire dans la décision de son époux. Elle empaqueta, le cœur lourd, les affaires de son fils de douze ans que son angoisse maternelle avait condamné à l’Académie de l’Armée et de la Navy de Carlsbad, à l’autre bout du pays.
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 2:22
We don't need no education.
Aucune histoire n’était la même à l’Académie. Et pourtant, chaque enfant ressemblait à l’autre. Ils étaient des adolescents soutenant de leurs maigres épaules la nécessité de faire la gloire d’un père ou l’idéal d’une mère ; des gamins terribles que leur famille avait éloignés, sans qu’on ne les consultât, dans l’espoir égocentrique de les voir devenir quelqu’un. Quelqu’un de grand, idéalement quelqu’un de bien. On leur avait donné un uniforme gris, un matricule, retiré leur prénom, attribué le grade de cadet pour qu’ils ne deviennent plus que cela : des garçons à forcer dans un moule jusqu’à ce qu’ils se redressent. Carlsbad, ainsi, ne différait en rien des autres pensionnats, fussent-ils militaires ou non. On imposait une discipline de fer qu’on espérait fructueuse, et quand elle échouait, on écrasait la volonté des plus récalcitrants à grands renforts de corvées en tous genres. R.J. vivrait son lot de coupe de pelouse aux ciseaux et de remise en état des murs saccagés à coups de pinceaux d’artiste. Petit, il n’avait jamais eu l’âme d’un réel trublion, quoiqu’il fût toujours plein de malice. Ce n’était pas tant une rébellion que la curiosité qui l’habitait qui créa en lui le besoin viscéral de repousser les limites. Il n’était, avant même les vacances d’hiver, une seule règle qu’il n’avait brisée ou savamment contournée. S’il payait les pots cassés lorsqu’on le prenait la main dans le sac, il tut la plupart de ses méfaits et s’assura comme à son habitude qu’aucun camarade n’aurait l’idée de souffler sa culpabilité. Certains d’entre eux étant plus fauteurs de troubles qu’il ne l’était, il entreprit de les protéger pour peu qu’ils le soutinssent en retour lorsque les instructeurs leur hurlaient dessus, jusqu’à s’en faire des amis. Ils n’étaient que des bons à rien – conscients de cela – qui écopaient pour la peine de plusieurs tours de terrain de football sous la pluie ou de quelques dizaines de pompes supplémentaires. R.J., silencieux comme à son habitude, les effectuait volontiers en se mordant les joues pour ne pas éclater de rire.
Ryker, au grand dam de ses professeurs, était loin d’être l’élève le plus prometteur de sa promotion. Il avait la fainéantise de ceux qui ne s’intéressaient guère à une voie tracée vers une université prestigieuse mais l’intelligence de conserver des notes au-delà de la moyenne pour éviter d’éreintantes heures de rattrapage qui l’auraient privé de certaines activités. Si certains camarades savaient de quoi leur futur serait fait, l’adolescent le considérait avec une méfiance certaine. Il n’était sûr de rien si ce n’était de conchier une carrière militaire ; préférant la mort au chemin de son père, ignorant alors qu’il embrasserait la Navy quelques années plus tard. Il lui arrivait, parfois, lorsque les lumières du dortoir étaient éteintes et qu’il se trouvait à fixer le plafond, incapable de s’endormir, de songer à un avenir sportif. Il s’imaginait wide receiver, un maillot de couleur sur les épaules, celui des Warrior de l’Académie suspendu dans son appartement pour lui rappeler ses origines. Sa stature et sa vitesse avaient attiré l’œil de l’entraîneur de l’équipe de football, et il attendait avec impatience l’année où il pourrait enfin quitter le banc de touche pour jouer pleinement. Il y restait sagement assis pour l’instant, les yeux brillants de rêves lorsqu’ils n’étaient pas cerclés de noir.
L’Académie du début du millénaire était loin de celle de ses origines. L’entraide qu’on prônait alors avait laissé place à une compétition sous-jacente qui empoisonnait les étudiants, ces gosses capricieux qui ressentaient l’urgence de prouver leur supériorité pour alimenter l’égo surdimensionné de leur géniteur. Il n’était plus seulement question de notes, encore moins de classement aux événement sportifs ; on comparait sa ridicule puissance en prenant en grippe d’autres élèves. Les plus faibles, pour faire bonne mesure, visitèrent plus d’une fois les poubelles et cuvettes de l’établissement. Ryker, sans jouer les justiciers, se trouva bien souvent là où on ne l’attendait pas : entre un gamin apeuré et une petite brute au sourire orgueilleux. Daniel ne lui avait jamais appris qu’une chose, encaisser les coups. Il se trouva par le plus grand des hasards que l’esprit mimétique de l’adolescent lui permit de se servir de son paternel comme d’un modèle lorsqu’il fallut en distribuer. Il s’entraîna ainsi, s’esquintant les poings sur des mâchoires carrées, craquant plus d’un nez sous le coup de la rage, attendant inconsciemment que le Sergent Davis l’attrape par le col pour le traîner jusqu’à son bureau et appeler la demeure familiale. Ryker prierait plus de fois qu’il ne saurait s’en rappeler pour qu’il tombât sur Véta. Mais Dieu n’était que rarement clément.
Davis, à bien des égards, avait une étrange sympathie pour le gamin compliqué qu’il était. A force de le voir retourner d’un renvoi temporaire plus mal en point qu’il n’était parti – la main de Daniel gagnant en poids à mesure que les années passaient –, il négligerait le protocole et cesserait d’appeler ses parents pour les prévenir du retour prochain de leur raté de fils. C’était un homme grand et fier, la coupe de cheveux soignée et l’uniforme toujours impeccable qui ne figurait aucun pli, quand bien même il le portait au quotidien. Il avait le don d’apprécier les cas désespérés, et, parmi la troupe de forcenés que comptait l’Académie, Ryker en particulier. Il fallut plusieurs mois à l’adolescent pour comprendre que les bruits de couloirs qui relataient les exploits d’un étudiant, plusieurs décennies auparavant, ayant fait plus de conneries que lui n’en ferait jamais, racontaient en réalité une tranche de vie du Sergent.
*
Ryker ne rentrait que rarement en dehors de ses congés forcés. Et chaque fois il s’étonnait de l’absence de changements sur la route d’Oak Tree. Le lotissement, figé dans le temps, ne comptait de rides que celles de ses habitants. Les maisons ne vieillissaient pas, les palmiers restaient les mêmes, les tuiles identiques, le nombre d’étoiles sur les drapeaux inchangé. Seules les voitures évoluaient, s’effaçant pour laisser place à de nouvelles mécaniques plus performantes, débordantes d’options inutiles dont il fallait s’équiper pour concurrencer le voisin.
On l’avait oublié à l’école, remplacé son empire de l’information par la dictature violente qui faisait rage avant qu’il ne l’abolisse. Mais ses quelques amis de primaire, eux, attendaient son retour au moins autant que lui. Il retrouvait les gamins qu’il fréquentait avant, devenus grands. Il constatait avec plaisir leur voix qui muait, leur barbe qui poussait au même rythme ridicule que la sienne, leurs regards qui se perdaient soudain sur le corps des filles qu’ils réprouvaient encore quelques années auparavant. Et les courbes. Les premières courbes féminines, hypocritement dissimulées dans des vêtements proches du corps. Les rires malicieux, les sourires faussement ingénus, les lèvres claires. La rue si conventionnelle de ses souvenirs avait une saveur différente de celle de son enfance. L’année de ses quinze ans fut le théâtre des premières expérimentations. Première soirée, premier verre. Première bouffée de nicotine qui paverait la voie d’une vie entière de tabagisme. Premier amour, Lina Miller. Premier joint. Première voiture. Premier rapport sexuel sur la banquette de cette voiture. Première petite-amie qui lui intimait de se cacher de son père rentré plus tôt du travail. Première crise de larmes quand elle découvrirait qu’il avait passé la nuit avec Lina. Première gifle d’une copine, qui ne serait pas la dernière. Première gifle de Véta, qui avait cru mourir en apprenant qu’il avait eu un accident avec la voiture qu’il avait subtilisée à son père. Énième rossée se Daniel qui le fit cravacher pour remplacer les pièces de ladite voiture qui avait manqué de peu la casse : une Boss 429 à laquelle il accordait plus d’attention qu’à sa famille.
Véta, autrefois si jolie, avait les traits tirés et le visage creusé, et sa voix se perdait en sanglots étouffés chaque fois que son fils, inquiet, lui demandait comment elle allait. Ryker n’avait plus l’âge de lui sauter au cou, de la prendre dans ses bras maigres pour effacer ses larmes dans des baisers d’enfant. Il attendait, l'estomac noué, l'heure du coucher d'Amelia Lynn et Lauren Grace, que le vieux s’assoupisse, rond d’alcool, pour prendre la main de sa mère et la supplier, dans sa langue d’origine, de s’en aller. De prendre ses sœurs, de quitter Daniel, quitter cette ville qui n’avait jamais voulu d’elle. La Russe baissait chaque fois le regard, prétextait que les filles étaient trop jeunes pour qu’elle les déracinât. Qu’elle n’avait de toute manière pas les moyens. Que les choses s’arrangeraient. Que tout irait à nouveau bien, un jour. Qu’il fallait pardonner. Mais le gamin ne pardonnait pas. Il gardait en rancœur et en rage les coups que son géniteur lui portait chaque fois qu’il posait le pied dans la maison aux briques automnales. Il en rendait quelques-uns avant de capituler lorsque Véta s’interposait, comme lui le faisait avant, quand il n’était encore qu’un enfant sachant difficilement supporter l’ire de ce qui lui semblait être alors un titan. Véta se tenait ainsi, fière et forte, rempart inébranlable, dernier grand chêne de la route d’Oak Tree, entre le feu d’une révolte adolescente qui refusait de se soumettre et les coups d’ivresse violents d’un homme qui n’était plus. Elle attendait que le patriarche se détourne pour renvoyer son fils et calmer les pleurs apeurés des petites. Ryker rassemblait sa dignité, attrapait son paquetage, rejetait sa capuche sur son visage tuméfié et claquait la porte de la ruine familiale.
Il rentra moins encore, évita les conflits, préféra les stages durant les vacances scolaires aux longues journées empoisonnées par l’existence de son père, s’accrocha à son rêve de football américain, suivit les conseils de Davis en s’investissant dans ses études et dans la vie de l’établissement. Ryker aurait tout fait pour esquiver la route de son enfance. Il la vit pour la dernière fois à seize ans, alors qu’il rentrait pour l’anniversaire de la benjamine.
Véta avait un sourire doux ce jour-là, celui qu’il lui avait toujours connu et qui réchauffait le cœur. Elle avait dressé la table comme elle le faisait pour les grandes occasions, avec un faste élégant dont elle avait le secret. Lauren Grace, jolie comme le monde, avait eu droit à son repas favori. Elle se sentait grande, grande et fière de n’être plus une enfant, enivrée d’une préadolescence inconnue qu’elle considérait comme un passage important de sa vie, heureuse de voir sa famille réunie, sa mère maquillée, sa sœur habillée, son frère le visage clair, sans aucune trace de lutte qui aurait justifié un renvoi. Il parlait avec émotion de la possibilité d’une bourse sportive pour continuer ses études une fois l’Académie terminée, d’une éventuelle place de receveur dans l’une des équipes universitaires les plus en vues du pays. Et tout se désagrégea. La dispute partit d’un rien. D’un mot plus haut que l’autre, d’un ton mal placé, mal perçu, d’un regard de travers en réponse à un regard assassin, d’un rictus railleur qui mit le feu aux poudres, d’une chaise qui se renversa sous l’impulsion d’un géant qui se levait, de poings sur la table et d’une assiette propulsée contre un mur, d’une fierté de jeune homme qui refusait de ployer. Et Véta, fière et forte, rempart inébranlable, qui s’interposa après avoir éloigné les filles. Elle temporisa comme elle le put le monstre qu’était son époux, implora son fils de se taire, de ne pas en rajouter. Elle supplia l’un de retourner à son alcool, l’autre à son école. Jusqu’à ce que le coup parte.
Et le dernier grand chêne de la route d’Oak Tree, balayé par une tempête de colère, fut déraciné. Il frappa sourdement le sol en craquant et resta allongé là, sur un carrelage glacial, les joues rongées de larmes. Il fallut que les voisines, ces mêmes femmes à la langue fourchue, alertées par Amelia Lynn et Lauren Grace, interpellent en hurlant leur mari pour qu’on vienne maîtriser ce fils qui manqua de tuer son père.
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Il s’en retourna à l’Académie la mine basse, le cœur lourd et le nez brisé, les jointures ouvertes d’avoir tant cogné l’homme dont il était le portrait craché. R.J., fidèle à lui-même, répondit d’un silence glacial aux questions qu’on put bien lui poser. Il laissa courir les rumeurs, médire ses camarades, chuchoter les instructeurs, incapable de démentir ou d’affirmer quoi que ce fut. Il se souviendrait longtemps du choc écœurant de sa mère qui frappait le sol, de la nausée qui avait noué sa gorge, du craquement des os de Daniel sous ses poings, des poignes de fer qui se refermaient sur ses bras pour le tirer en arrière, du regard terrorisé des filles quand elles l’avaient vu ainsi. Elles avaient fait un pas en arrière quand il avait voulu s’avancer pour les rassurer. Un seul.
R.J. ne revit plus son père. Il n’aida pas Véta à déménager, ne porta pas les cartons des petites dans la camionnette qui devait les mener ailleurs, loin des souvenirs poisseux et de la violence éthylique ; les voisines se chargèrent de cela. A Belle-Chasse, on était solidaire, puisque bien souvent hypocrite. On referma la porte du SUV, celle de cette maison qui ressemblait tant aux autres, et la route d’Oak Tree tut l’histoire de la famille Ryker. L’adolescent ne fut pas présent lorsque sa mère retrouva son nom de jeune fille et s’installa à la Nouvelle-Orléans. Il crevait d’une culpabilité détestable qui le poussait à s’éloigner, quand bien même on l’avait pardonné. Véta, un millier de fois, le contacta pour le rassurer, assurant qu’elle se portait bien, qu’il n’avait rien à se reprocher, l’appelant Zaïtchik, comme elle le faisait autrefois. En vain. Ryker, quand il n’en put plus d’entendre la voix douce de la femme qui l’avait élevé, se débarrassa de son téléphone portable et pria Davis de ne plus lui transmettre ses messages. Il se réfugia dans le monde palpable de l’exercice scolaire et militaire imposé par l’Académie, y cuva sa colère, sa déception et son dégoût de lui-même. Singulièrement, l’aversion qu’il nourrissait envers sa propre personne le poussa vers l’avant. De l’élève quelconque et fainéant qu’il avait un jour été, il ne resta définitivement plus rien ; il grimpa les échelons d’officier, irradia dans ses notes comme sur la pelouse du terrain de football, jusqu’à ce que ses pas vers le repentir le renvoient en arrière. Inconsciemment, il ne pouvait accepter d’avancer sans saboter sa progression, si bien qu’il brisa ses chances de carrière sportive en même temps que le bras de son quarterback au cours d’une stupide querelle d’adolescents. Ryker, gamin finalement prometteur, fut mis sur la touche, loin des regards des sélectionneurs. On ne lui laissa son grade de Cadet Colonel que par la grâce de Dieu et l’intervention céleste du Sergent Davis.
Perdu comme à son premier jour à Carlsbad, il appréhendait la fin de ses études secondaires avec la crainte caractéristique des jeunes gens qui se trouvaient le nez écrasé contre un mur infranchissable, ses espoirs de gamin réduits à néant. Ryker n’avait pour tout bagage qu’un passé déconstruit baigné de violence, un futur diplôme trop peu ciblé pour qu’il puisse se spécialiser dans une matière en particulier, et sous les yeux un enchevêtrement infernal de briques grises qui ne lui permettaient plus d’apercevoir autre chose. Et quand bien même il s’esquintait le front et les doigts sur ses pierres, elles restaient impassibles à le mépriser. Jusqu’à ce qu’enfin on abattit le mur. Soutenu par le Sergent Davis et appuyé par certains membres du corps enseignant, Ryker récupéra son certificat dans son uniforme cérémoniel. Il remercia le directeur de l’Académie, un sourire narquois aux lèvres, pour les nombreuses heures de corvées qu’il lui avait flanquées avant de descendre de l’estrade. Dans la foule qui avait applaudi se trouvaient Amelia Lynn, Lauren Grace et Véta, dont le sourire fier se teinta d’inquiétude lorsqu’elle le vit serrer la main d’un diable de la Navy.
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In the muddy water we're crawling.
Ryker n’avait que dix-sept ans lorsqu’il vendit son âme à un homme grisonnant vêtu de blanc qui lui promit une belle carrière, une nouvelle famille, l’honneur et l’estime concédée à tout homme qui servait dignement le pays. Il ne révélerait jamais s’être engagé par dépit plus que par patriotisme, par crainte de n’être pas plus que par désir d’être un héros de la nation. Il signa en silence son nom au bas du contrat, rendit l’uniforme gris de l’Académie et attendit qu’on lui fourrât entre les bras une tenue au camouflage en nuances de bleu, comme il en existait des milliers. Rasé de près et dévêtu de tout sauf de son patronyme, rien ne permettait de le distinguer des autres recrues. Ils se ressemblaient tous : jeunes cons insolents, inconscients de la réalité qui les attendait, avec dans l’âme une violence sourde qui méritait d’être muselée et un grondement lourd qui devait être canalisé. Tous avaient cette étrange lueur dans les yeux, tantôt incertaine, tantôt digne. Ils ignoraient alors qu’il n’y avait aucune noblesse à rejoindre la Navy.
Il fallut se battre pour exister dans ce monde étrange qui broyait les adolescents dans l’espoir qu’ils devinssent des hommes. La survie, à la Naval Amphibious Base de Coronado, dépendait de la capacité d’encaisser sans broncher des ordres ridicules autant que des aptitudes physiques testées quotidiennement sur les parcours d’entraînement. Ryker, l’enfant qui n’avait jamais voulu suivre les traces de son père, se retrouvait finalement le nez dans ses empreintes, à recracher la boue qui emplissait ses poumons chaque fois qu’il rampait au sol sous ces mêmes obstacles que son géniteur avait endurés plusieurs décennies auparavant. Quand bien même il avait lutté pour s’éloigner de cette figure paternelle empoisonnée, le jeune homme lui ressemblait chaque jour un peu plus. Il se remémorait avec dégoût le sourire de Daniel lors de son premier jour à l’armée, encadré de bois noir, fièrement accroché à l’un des murs de la maison aux briques automnales, et se maudissait d’avoir le même. R.J., nauséeux, se fit un devoir et une nécessité de n’être pas son parent ; aussi redoubla-t-il d’efforts pour s’illustrer où le patriarche avait échoué, s’affirmant dans les disciplines qu’il maîtrisait déjà, se surpassant dans celles qui lui étaient jusqu’alors étrangères. Il ne lui fallut que quelques mois pour atteindre les idéaux qu’il s’était fixés, et, ces objectifs franchis, en dresser de nouveaux. S’il devait vivre une carrière à la Navy, il en ferait une d’exception, non pour racheter le nom d’un père, mais pour s’offrir une identité propre.
Il n’avait pour tout bagage que son nom et ses tripes, qu’une hargne motivée par la crainte de devenir ce qu’il haïssait le plus au monde ; et ces simples armes suffirent à attirer l’attention de quelque haut-gradé qui veillait sévèrement à l’évolution des recrues. Ryker, autant que les autres, étaient constamment surveillés, comme l’étaient les chiens et les enfants par crainte qu’ils ne s’échappent, par des autorités supérieures pouvant décider dans un caprice de leur avenir. L’ombre des grands du régiment rôdait autour d’eux comme la mort, et elle fauchait sans autre forme de procès les matelots qui ne satisfaisaient pas leurs attentes. On leur laissait alors un choix : la porte ou la laisse, l’abandon ou la réussite. Il n’existait pas d’entre-deux dans le monde de la marine de guerre. Ryker, si on lui proposa la laisse, eut la chance d’en obtenir une tissée de soie, une chaîne tressée d’or qu’il se passa lui-même au cou peu avant que son insigne se parât d’une troisième bande oblique. Engagé prometteur, on lui figurait un avenir resplendissant dans les forces spéciales, si bien qu’il signa sans broncher sa demande de transfert à l’École Préparatoire de la Naval Special Warfare. Il empaqueta ses affaires quelques jours après avoir reçu une réponse positive, rejeta son sac sur son épaule et embarqua dans le premier avion qui put le mener en Illinois.
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Les journées se confondirent rapidement durant les deux mois qui suivirent, les heures s’entrechoquant entre elles jusqu’à devenir une ritournelle insupportable rythmée d’éreintants exercices physiques et tests psychologiques supposés le préparer à ce qui l’attendait. Ryker, volontaire, s’entraîna sans relâche, appréhendant avec méfiance la tempête qui approchait et qui raserait avec une violence déconcertante ses certitudes. Ils étaient des centaines comme lui, aux premiers jours de la formation : le dos droit, la fierté gonflant leurs poumons, le physique de jeune homme et l’âme encore intacte d’un enfant qui se demandait à quoi ressemblerait son futur. Lorsqu’ils parlaient, ils évoquaient avec une fierté candide la carrière de leur père, dévoilaient naïvement leur rêve d’intégrer une équipe SEAL ou une autre, sans réaliser que la formation Basic Underwater Demolition/SEAL, communément appelée BUDS, briserait leurs espoirs, leur résistance et leur amour-propre. Une poignée ravala son égo et s’en fut au bout de deux semaines, une autre abandonna le deuxième mois entamé. En fin de compte, il n’en resta plus que cent cinquante à grimper dans les bus de l’armée qui devaient les reconduire sur les côtes californiennes, à Coronado, où tout avait commencé.
Ryker, s’il n’avait songé à aucun instant que la formation pour intégrer la force spéciale de la marine de guerre serait une sinécure, n’aurait jamais pu imaginer l’ampleur de la tâche. On taisait volontiers la réelle difficulté des sélections dans les reportages et témoignages, ne dressant qu’un portrait tronqué – quoique déjà éreintant – de la réalité. Une réalité écrasante au goût de semelle de rangers et d’ordres vociférés qui restaient en travers de la gorge. La sensation écœurante des os qui se glaçaient, des poumons qui se remplissaient d’eau, du sommeil qui se dérobait, l’odeur du vomi, les vagues tranchantes, le sable, le sel, les coups, le froid, la fatigue, la déshydratation, la brûlure des muscles, les grincements de la résistance qui se craquelait et de la volonté qui se brisait. Aucun mot, aucun texte ne pouvait retranscrire ces choses-là. Ce ne fut qu’un enchaînement incessant d’épreuves pour repousser les limites ridicules que son corps et son esprit s’étaient fixées depuis tant d’années pour se protéger. Il tint bon, malgré les conditions déplorables et les assauts répétés, malgré l’abandon des hommes qu’il soutenait par devoir, malgré les obstacles qui lui maintenaient le nez dans la boue et le faisaient mordre la poussière. Ryker tint bon, par besoin, par nécessité, pour se prouver qu’il était capable d’endurer tout cela. Il apprit à marcher en dormant et à dormir en marchant, à vaincre définitivement une peur de la noyade déjà apprivoisée du temps où il n’était qu’un cadet persuadé qu’il s’éloignerait à jamais de l’armée, à vivre différemment, se déplacer autrement, respirer d’une manière qu’il ne considérait pas jusqu’alors. Il apprit à placer les autres avant sa personne, à se taire, à crever de douleur les dents serrées, à ne ployer sous aucune menace, fût-elle réelle ou fictive. Et petit à petit, sa résistance et sa volonté, fendues jusqu'à l'âme, se consolidèrent.
Des cent cinquante gamins inconscients qui s’étaient mis en tête d’affronter la BUD/S, seule une trentaine d’éléments termina la formation sur les genoux. Ryker, la détermination plus tenace que jamais, passa avec succès les dernières épreuves, brisant quelques records, hissant son nom au sommet des classements, par égo plus que par passion, pour prouver aux autres autant qu’à son reflet dans la glace qu’il pouvait faire quelque chose de correct sans faillir sa tâche. Du gosse quelconque, élève moyen qui parvenait à peine à conserver la tête hors de l’eau, il ne restait rien. Le jeune homme était brillant, ses résultats et sa motivation remarquables, si bien que plusieurs unités lui proposèrent un contrat. Il abandonna sans regret l’uniforme bleu de matelot pour le camouflage plus conventionnel des SEAL en s’engageant auprès de la Team 3. Et soudain, l’enfant qui n’avait jamais eu d’ambition, celui qui considérait, perdu, un avenir dans lequel il ne se figurait pas, finit par s’imaginer plus loin encore. Il se prit à rêver de grandeur, d’élite, de DEVGRU.
Tout ce qu’il entreprit n’eut plus de raison que celle-ci : paver une voie qui le mènerait à l’équipe d’entraînement de la Team 6. Et les premières pierres qu’il posa furent faites d’or, immuables et rutilantes, preuves de son assiduité. Le jeune homme, s’il démontra avec brio sa valeur sur le territoire américain avant les premières missions, laissa éclater ses capacités lorsqu’il posa le pied en terre inconnue.
C’était une chose de s’acharner sur le corps de mannequins d’exercice durant la BUD/S, s’en fut une autre lorsqu’il se trouva pour la première fois sur le terrain, le cœur battant si fort qu’il menaçait de lui briser les côtes, la respiration lourde, la gorge nouée, comme si son âme elle-même cherchait à l’étrangler pour l’empêcher d’aller au bout de sa mission. Mais Ryker, qu’une dizaine d’années avaient préparé à cet instant précis, ne se déroba pas. Il attendit patiemment que son esprit s’éteigne, que sa conscience se taise, que la voix de son leadeur d’escouade commande son geste. Il pressa la détente. Et ne ressentit rien. Rien, si ce ne fut le recul de son arme. Le gamin abattu devait avoir l’âge de Lauren Grace. Bien des années plus tard, quand ses démons viendraient enfin dévorer son sommeil, il verrait les yeux de sa sœur percer le visage de cet enfant qu’il avait eu dans son viseur. Il n’y eut pas de grande révélation ce jour-là, aucune prise de conscience, aucun besoin soudain de se tourner vers Dieu dans l’espoir qu’on le pardonne, pas une seule promesse de ne plus prendre de vie. Il y en eut rapidement une deuxième, en réalité, un soir, alors que la ville était couchée. Puis une autre, et une autre encore, jusqu’à ce qu’il cessât enfin de compter.
Il rentra au pays la tête vide, les pensées claires, abandonnant son histoire en territoire ennemi, là où les tirs et les bombes artisanales finiraient par l’ensevelir. Ryker retourna à sa vie comme on revenait chez soi après une journée banale à remplir d’innombrables dossiers administratifs : satisfait de laisser le labeur au travail, soulagé de retrouver le confort qu’il connaissait. Il ne se rongea jamais les sangs du temps de son service au sein de la Team 3. Dans la guerre que les États-Unis menaient contre la terreur, il n’était qu’un instrument, un employé comme un autre, nullement différent de l’officier qui ordonnait depuis sa tour d’ivoire ou du gratte-papier qui lui apportait son café. Ils étaient tous coupables, à leur manière ; pourtant innocents, le gouvernement américain veillant au salut de leur âme.
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Chaque décision, chaque mouvement, chaque respiration fut ne fut plus orientée que vers l’objectif qu’il s’était fixé de rejoindre DEVGRU. Les missions de courte durée qu’il effectua n’avaient pour but que celui d’ajouter de nouvelles réussites à son tableau, et, rapidement, il se laissa happer par sa carrière. La vie de SEAL avait cela de terrible qu’elle emprisonnait jalousement ceux qui l’embrassaient. Les couples se défaisaient, les mariages éclataient, les familles se brisaient. Le jeune homme fut plus d’une fois un compagnon de beuverie pour les membres de son équipe dont le front personnel se morcelait avant de s’effondrer une bonne fois pour toutes. On ne pouvait que difficilement appartenir aux États-Unis et espérer mener une existence classique, inspirée du modèle américain de base, en même temps. Ce n’était pas tant de partir qui posait problème, c’était de ne jamais revenir, ou pire, de revenir changé, une partie de son humanité laissée en pâture dans une des nombreuses zones de conflit du globe. Ryker, s’il fut souvent charrié par ses coéquipiers pour ne pas réussir à garder une femme dans sa vie plus de quelques semaines, se satisfaisait bien de la situation. Il ne pouvait promettre de rentrer, encore moins d’être le même en le faisant, et cette simple pensée lui rappelait avec dégoût le moins que rien qui lui servait de géniteur. Il aurait mieux aimé crever que de reproduire le schéma que son père avait dessiné, crever que de noyer son mal-être dans l’antigel quand il n’y aurait plus rien à boire, crever que de beugler aveuglément sur des enfants qui ne voulaient qu’une figure paternelle pour les aimer, crever que de frapper un gamin haut comme trois pommes pour se passer les nerfs, crever que de déraciner le dernier grand chêne de la route d’Oak Tree. Il appela souvent Véta cette année-là, renouant avec la femme qui l’avait élevée et qui s’inquiétait toujours de le voir s’en aller.
Ryker s’apprêtait à repartir en déploiement, son escouade devant embarquer sept heures plus tard pour l’Afghanistan, quand l’information les frappa de plein fouet, broyant dans l’œuf le courage et la confiance de tous. On les convoqua ensemble : hommes d’assauts, officiers et supports, les faisant s’asseoir dans une salle de conférences qui embaumait la mort à plein nez. Les soldats, à bien des égards, étaient comme les chiens lorsqu’on les menait vers une salle d’euthanasie : ils se décomposaient lentement, freinaient des quatre fers par crainte de franchir la porte, conscients, sans même le savoir, de ce qui les attendrait de l’autre côté. Et ce qui patientait ce jour-là les crucifia sur place. Ils fixèrent tous en silence l’écran qui diffusa sans un bruit la prise de vue des voitures civiles des douze membres des escouades Delta et Foxtrot, deux ramifications de la Blue Team de DEVGRU. Ils ne cillèrent pas, ne respirèrent plus, attendant tous un couperet qu’ils savaient imminent et qui frappa, sous la forme de roquettes, le véhicules des SEAL. En une fraction de seconde seulement, deux des meilleures formations que leur branche pouvait porter avait été rayée de la surface du globe, balayée d’un revers de main comme un vulgaire château de cartes. Ils partirent tous le cœur lourd, l’estomac grippé d’appréhension, l’esprit brouillé par la crainte de ne jamais revoir leurs proches. On les somma d’être prudents, les hauts-gradés ne souhaitant pas rapatrier six nouveaux cercueils striés et étoilés, avant de les envoyer à l’autre bout du monde où ils devaient prêter main forte à certains déployés de la Team 6.
L’annonce de la disparition brutale de douze camarades sapa le moral des troupes, les poursuivant lorsqu’elles posèrent le pied en Asie centrale, le poids de la nouvelle rendant l’air de la base américaine invivable. Ryker, s’il fit le deuil comme les autres et honora la mémoire des défunts autant qu’il le put, trouva néanmoins une opportunité qui ne se représenterait jamais plus. A fréquenter les membres de l’équipe qu’il rêvait d’intégrer, il se fit une place dans leurs esprits comme le gamin brillant qui mériterait de les rejoindre lorsqu’il aurait suffisamment de bagages derrière lui, quelques années de plus au compteur pour s’assurer qu’il n’abandonnerait pas la vocation. Mais plus que tout, il fit ce qu’il savait le mieux : s’informer. Il apprit, les semaines faisant, que le commandement n’avait pas reformé de nouvelles Delta et Foxtrot, les grands pontes attendant le retour de certaines escouades pour proposer des transferts ; que la libération de certains postes dans les équipes entraînerait le besoin imminent de former de nouveaux SEAL, et que la Green Team, en manque d’effectif, reconsidérerait ses standards. Il tut son excitation, se concentrant sur sa mission les mois restants, s’illustrant plus que jamais par son efficacité, son pragmatisme et son sang-froid, ajoutant quelques pierres dorées au sentier devenu boulevard qui devait l’emmener au sommet de sa carrière. Et lorsqu’il foula à nouveau la sainte terre états-unienne, ce ne fut que pour se présenter à son supérieur et lui demander son autorisation autant que son soutien dans le dossier de candidature qu’il comptait envoyer à la Green Team.
On lui accorda une réponse positive, malgré son jeune âge, et Ryker soupçonna plus d’une fois que ses contacts à la Team 6 avaient grandement payé. Il rejeta une nouvelle fois son paquetage sur ses épaules et s’installa dans un avion inconfortable qui le mena à l’autre bout du pays, là où l’air atlantique lui paraîtrait plus frais que jamais : à Virginia Beach.
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Si la BUD/S avait été intense, la formation attendue d’un membre de la Green Team eut le don de remettre en cause nombre de ses certitudes. Ryker, bien qu’il ne se fût jamais reposé sur ses lauriers, se trouva plus d’une fois à genoux, le souffle court, tiraillé entre le besoin de rendre les armes et le désir d’aller plus haut encore, par nécessité, par égo, pour ne pas faire une croix sur la carrière qu’il s’était imaginée. Il ne se serait jamais relevé de cela. Ce ne furent que six mois de dépassement constant de soi, d’objectifs qui lui rappelaient sans cesse qu’il n’avait pas l’expérience d’un combattant qui avait passé plus de cinq ans sur le terrain et qui se trouvait dans l’équipe d’entraînement parce qu’il l’avait mérité, non parce que la crise de Delta et Foxtrot l’avait permis. Plus d’une fois on lui fit entendre que sa place était ailleurs, qu’aucune des escouades ne pouvait se permettre d’embaucher un blanc bec à peine majeur, et plus d’une fois il prouva sa détermination en faisant partie des cinq recrues les plus efficaces quand les cinq dernières se retrouvaient sur la sellette. Il fit ses preuves à la base, sous les yeux de ses instructeurs et des membres des formations définitives, lors des courtes missions qu’on leur attribuait, mais surtout durant le programme de Survival, Evasion, Resistance and Escape, SERE, qui acheva une bonne fois pour toutes d’éteindre sa conscience humaine et de faire naître celle d’un SEAL. Ce fut à l’issue de dix jours de torture supposés le préparer à toute éventualité qu’il fit officiellement son entrée dans le monde de DEVGRU. Il rejoignit le Silver Squadron, devint India 6, sixième et nouveau membre de la troupe du même nom qui fut contraint, pour tout bizutage, d’apporter plus de caisses de bières qu’il n’en but de toute sa scolarité à l’Académie. Enfin, le gamin bon à rien, celui qui ne parlait pas et qu’on avait longtemps cru idiot, celui qui prenait plus de plaisir à contourner le règlement qu’à s’appliquer en classe, embrassait son rêve. Finalement, le gosse révolté qui aurait mieux aimé se tuer que d’être militaire comme son père, faisait partie de l’élite.
Il était apprécié, parfois couvé par un membre ou un autre de son équipe, à son grand désarroi, terriblement efficace lorsqu’on l’envoyait sur le terrain. Ryker, à la hauteur de la réputation qu’il s’était forgée sa courte carrière durant, démontrait sans faillir qu’il était digne de porter l’insigne du Naval Special Warfare Development Group. On lui figurait même quelque promotion lorsque ses camarades tireraient enfin leur révérence après de nombreuses années de bons et loyaux services. Il avait un avenir prometteur, chaque fois encensé par les nombreuses réussites de l’escouade India. Jusqu’à ce que tout basculât.
Ryker servait sans une seule ombre au tableau, le parcours impeccable, les décisions constamment réfléchies, la conscience claire malgré la crasse des missions et l’esprit droit quand bon nombre de ses camarades de la BUD/S auraient craqué à sa place. Il ne se sentit tiraillé par aucune appréhension lorsqu’il fallut embarquer, au début du mois d’octobre deux-mille dix, pour l’Afghanistan. Il y avait passé tant de temps ces dernières années que ses terres lui paraissaient étrangement familières, malgré leur hostilité, aussi ne craignait-il pas la tâche pourtant délicate qu’on leur avait confiée. La vallée de Korengal, où on les mandata, aurait pu être un rien de paradis si elle n’avait pas été déchirée par tant de conflits. Ils s’y reposèrent quelques jours, à l’écart de toute civilisation, là où leur présence ne pourrait être détectée. Ils étudièrent durant de longues heures un plan d’action semblant infaillible pour secourir une otage anglaise récemment prise par les talibans. Et lorsqu’il fallut passer à l’action, le jeune homme régla son dispositif de vision nocturne, s’accrocha à son arme et attendit que son leadeur indique la charge, peu avant l’aube, du périmètre établi dans le village de Dineshgal.
Les balles ne furent pas plus bruyantes qu’à l’habitude, son cœur ne frappa pas sa cage thoracique différemment que lors des précédentes missions, il ne se sentit pas plus fiévreux, plus nerveux, moins concentré. Le doigt sur la détente, l’épaule absorbant le recul, les yeux concentrés vers ces cibles mouvantes qui pouvaient l’arrêter à chaque instant, Ryker chemina selon les ordres, suivant de près le troisième membre d’India. Il l’agrippa par le poignet lorsqu’il voulut se saisir d’une grenade pour libérer leur voie de plusieurs ennemis, lui hurlant qu’il risquait de compromettre l’opération entière vu la proximité de l’otage. Il le retint quelques secondes supplémentaires, le suppliant de réfléchir, raisonnant, arguant qu’ils avaient d’autres options, qu’ils pouvaient contourner l’obstacle humain qui se dressait devant eux ; mais son aîné, jouant du temps qui leur manquait, dégoupilla l’explosif. India 1 et 2 retrouvèrent leur objectif à quelques mètres de là, les jambes repliées contre son torse dans une ravine, grièvement blessée par ce que le rapport estima être une ceinture explosive. L’Anglaise, malgré les soins qu’elle reçut, ne tint pas le jour.
Ryker, lorsque l’escouade reposa le pied à la base, improvisa un violent tête-à-tête avec son camarade, l’attrapant au collet, crachant de rage, à voix basse, qu’ils savaient tous deux les réelles raisons de la mort de l’otage. Le maintenant contre un mur, son bras écrasant de toutes ses forces sa trachée, il exigea d’India 3 qu’il allât rétablir la vérité s’il ne voulait pas qu’il s’en charge lui-même. Le jeune homme, conscient du risque que posait cette grenade qu’il avait pourtant essayée de retenir, refusait que sa carrière vole en éclat par la bêtise d’un autre. Mais l’homme, pourtant acculé, refusa de compromettre sa place de choix, et l’arrivée importune de leur officier supérieur confirma cela. On lui ordonna explicitement de se taire, de soutenir son équipe, de garder en tête la version dictée par le premier rapport. Et Ryker, dont le palpitant crevait les côtes de hargne, ferma sa gueule.
Deux mois ne passèrent pas que les enregistrements vidéo des membres de l’assaut crevèrent le mensonge. On le remercia de la même manière qu’India 3, en noircissant son dossier impeccable d’une ombre immense qui torpillerait à jamais ses chances de prendre la tête d’une escouade. C’était une chose de commettre une erreur en mission, c’en était une autre de briser la loi militaire. Ryker, qui n'avait été stupide que dans son respect d'un ordre direct, put s’estimer heureux de n’être pas congédié sur le champ.
Il tira sa révérence deux ans plus tard, lorsqu’il eût compris que sa faute avait à jamais brisé l’évolution de sa carrière, lorsque l’officier de liaison de la CIA qui travaillait avec son escouade lui proposa de tourner la page sur le Silver Squadron et de rejoindre les forces spéciales de l’Agence, où il pourrait s’épanouir indépendamment de son passé militaire. Où tout serait pardonné. Il ne se fit pas prier.
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I can't see that I got red hands, I'm colorblind.
L’âme qu’il avait vendue sans s’interroger plusieurs années auparavant en signant à l’encre noir le nom qu’il pourrait perdre pour la gloire d’un pays ou l’orgueil d’un gouvernement, Ryker la récupéra pour mieux la négocier dans un bureau aseptisé. Mais le diable, cette fois-ci, n’avait ni grade, ni nom ; qu’un costume sombre pour le personnifier et une voix monocorde pour siffler son offre. Il n’y eut pas de promesse ce jour-là, aucun miracle certifié, aucune assurance de carrière, qu’une simple proposition que les circonstances lui firent considérer sérieusement. On avait lu son dossier, analysé son caractère, interrogé ses proches, déshabillé ses capacités, disséqué son être, tiré les conclusions nécessaires, et on lui avait annoncé, sans forme aucune, sans rien enjoliver, qu’il ferait un fantôme comme on les aimait : fidèles et loyaux, menaçants, puisqu’invisibles. Il apposa sa griffe au bas d’un contrat supposé faire de lui ce qu’il ne serait pas : un gratte-papier, une image purement administrative, une façade pour couvrir les vices et les actes qui viendraient. Et Ryker, lorsqu’il eût terminé une énième formation qui n’avait ni la saveur ni la difficulté de celles supportées jusqu’alors, rejoignit le groupe d’opérations paramilitaires de la Division des Activités Spéciales de l’Agence, devenant le plus jeune membre de l’escouade Charcoal, affiliée à la Floride.
Il ne sut jamais combien d’opérateurs spécialisés dans les missions de terrain comptait le Special Operation Group. Tantôt centaine, parfois dizaines, il en croisait certains qui lui parlaient d’autres qu’il ne verrait pas une seule fois au cours de sa carrière ; l’Agence, si elle protégeait ses hommes du monde extérieur, s’assurait surtout que le secret courait également dans les groupes d’intervention, les défendant d’eux-mêmes. Charcoal, elle, était majoritairement composée d’anciens militaires ou contractuels, parfois disgraciés, généralement sélectionnés pour leur incapacité notable à dresser la limite du bien et du mal, la morale et l’éthique souvent douteuses – c’était qu’il en fallait peu pour se faire à la tâche imposée. Ryker, dont la conscience humaine s’était éteinte lorsqu’il était devenu SEAL, s’en composa à nouveau une autre. Plus torve que la précédente, moins exigeante encore, plus froide et détachée que jamais. Et ce fut elle qui lui permit de se relever d’une carrière militaire fracturée pour briller dans l’ombre maintenue par l’Agence ; elle qui consolida lentement son rêve d’avenir à mesure qu’il se fit une réputation. Dans les bureaux des pontes comme sur le terrain, on répéta bien vite le nom de ce gamin passé de petit nouveau à troisième de son unité à force de missions fructueuses.
Ryker fut envoyé en terrains connus et en terres inconnues ; il foula les sentiers familiers de l’Afghanistan, pesta contre les jungles d’Amérique du Sud, suffoqua des chaleurs subsahariennes, pratiqua sa langue maternelle en Russie. Charcoal était déployée où on l’attendait le moins. Lui qui, autrefois, se trouvait toujours où on ne voulait pas qu’il soit, reproduisait le même schéma avec la nuance subtile qu’il savait ne plus se faire remarquer. Pris la main dans le sac comme il l’était, enfant, on se contentait de lui tirer les oreilles et de lui faire jurer silence. On ne se serait plus encombré à présent que de lui aérer l’esprit à coup de balle entre les deux yeux, aussi fit-il toujours son possible pour n’être pas détecté. Il tenait à la vie, en dépit des missions suicides, en dépit des collègues qui tombaient et des cadavres qu’ils laissaient dans leur sillage. Il s’y accrochait, s’y enracinait avec une ferveur certaine, craignant la mort, conscient que le Dieu de Véta, celui qu’il priait gamin, celui que sa mère implorait encore tous les soirs pour qu’il gardât son fils, ne pourrait laver son âme, son temps venu. Si le salut lui était accordé par l’Oncle Sam dans son ancienne vie, l’Agence ne garantissait pas d’expier les pêchés qu’elle ordonnait. Il y en eut tant qu’il ne prit pas même la peine de les compter. Quatre ans durant, il engagea des guerres civiles, insuffla des révolutions, fournit les preuves que les armes vendues dans le plus grand secret par sa nation représentaient un danger nécessitant l’intervention du pays, abattit des ressortissants pour mieux accuser les talibans, fit tomber des dictateurs pour aider l’accession au pouvoir d’autres tyrans qu’ils avaient créés, confisqua les drogues d’un clan pour les distribuer plusieurs kilomètres plus loin à une population devant être abrutie. Et plus ses mains se couvraient de rouge, plus il perdait le sens de cette couleur, jusqu’à ce qu’il ne restât finalement que le gris. Un gris terne et morne, laid, qui recouvrait tout sur son passage. Un gris froid et solitaire, qui l’isolait à mesure qu’il s’épaississait. Un gris omniprésent qui déracinait de son esprit la vision manichéenne des choses, comme on avait déraciné les chênes de la route de son enfance. Puisqu’enfin, son monde, rendu fade par cette palette inexistante de couleurs, n’était plus régi par un stupide conflit aux relents bibliques entre le bien et le mal, mais entre ce qu’il y avait de terrible, et ce qui était pire encore. Ryker, devenu insensible mais pas aveugle, comprenait chacun de ses gestes avec une clairvoyance notable. Et il se félicitait d’avoir eu la décence de ses choix passés, de se tenir du bon côté du fusil, d’être protégé de ses crimes et de ses démons aussi longtemps qu’il fermerait sa gueule. Il était l’un des acteurs d’une pantomime en nuances monochromes, silencieux, bâillonnés par un contrat professionnel classé secret et des missions simplement inexistantes aux yeux d’une administration volontiers éblouie de cécité. Les rapports, comptes-rendus et témoignages de leurs actes, l’Agence les détruirait bien avant qu’ils ne tombent dans le domaine public. Ryker, comme les autres membres de son escouade, n’existeraient jamais réellement.
*
Ce furent la conviction de n’être pas ailleurs que dans ce monde, autant que la crainte de se voir une nouvelle fois privé d’un avenir incertain qui lui donnèrent la hargne nécessaire à continuer, à ramper encore dans la boue jusqu’à tapisser ses poumons de terre, à s’étouffer encore de la poussière rougie de sang que ses bottes soulevaient où il posait le pied, à salir encore ses mains, à crever encore ses yeux, à assourdir encore son âme. Ryker, la conscience professionnelle aiguisée, était un élément rare que ses supérieurs surveillaient avec un intérêt tout particulier. Il restait brillant, malgré son passé noirci d’une erreur stupide, malgré les pavés éventrés de ce qui avait un jour été le sentier de sa carrière. Il tentait, à sa manière, de racheter une faute qui lui avait pourtant été pardonnée à l'instant où il s'était engagé, aussi se surpassait-il en toutes circonstances, redoublant de sérénité malgré la pression qui plombait ses épaules. Il n’avait rien à perdre, tout à gagner ; aucune femme à laisser veuve, pas d'enfant à faire orphelin, aucun chien pour mourir de faim si son maître ne revenait pas. Il effectuait ses missions comme il respirait, avec ce naturel déconcertant qui perdait se son charme lorsqu’on tentait de le contrôler ; si bien qu’il ne parvenait plus à s’épanouir ailleurs que sur le terrain. Les retours au pays se firent de plus en plus lourds, faux, empreint d'une gêne qui le rendait étranger dans son appartement. Le studio quelconque qu’il louait à Biscayne Park, au nord de Miami, avait l’odeur poussiéreuse des tombeaux, une saveur nauséeuse qui lui laissait un goût âcre dans la bouche. Il y noyait l’ennui et le manque de stimulation et d’adrénaline à sa manière, enchaînant livres et cigarettes, cigarettes et livres, jusqu’à ce qu’il eût abattu tous les ouvrages de sa bibliothèque et fait déborder les cendriers. Et lorsque les quatre murs blancs de décoration et nus d’effets personnels le broyaient un peu trop, il claquait la porte d'entrée et s’en allait rejoindre les vivants, en quête d’un verre ou d’une compagnie qu’il n’emmenait jamais chez lui. L’Agence lui avait appris à se méfier de tout et de tous, y compris de lui-même ; et cette leçon s’était ancrée au plus profond de son être, ravageant les derniers liens qu’il tenait avec le monde extérieur. Ryker n’était plus que par un emploi qu’il n’exerçait pas. Il n’avait pas de nom, n’était pas là, ne faisait jamais rien, ne voyait pas, entendait moins encore. Il était un fantôme ayant autrefois eu une vie qu’un malheureux concours de circonstances avait arrachée. Mais plus que tout, il était un bon soldat, dont l’ambition, quoique mise à mal, ne s’était jamais éteinte.
Il s’étonna lorsqu’on le convoqua, un soir d’octobre, à l’abri des regards, dans un bureau au silence pesant et aux murs sourds. Il y retrouva le diable qui lui avait pris son âme, quelques années plus tôt, le costume monocorde et la voix sombre ; à ses côtés son supérieur hiérarchique, l’homme qui tenait d’une main de fer l’Agence de Miami, et qui le considérait froidement, le transperçant de part en part. On lui parla longuement ce jour-là, avançant sur la table des négociations une proposition indécente qui séduisait par sa simplicité autant qu’elle repoussait par l’odeur nauséabonde qui s’en dégageait. Ryker, la curiosité piquée à vif mais l’instinct alerte, écouta sans broncher la mission qu’on lui proposait : partir seul, obéir aveuglément sans poser de question, sans broncher, oublier ce qu’il s’était passé, rentrer, ne jamais plus évoquer la tâche. Si le travail, ainsi exposé, ne semblait en rien différent de tout ce qu’il avait bien pu commettre par le passé, la résultante finale était sans précédent : on le contraindrait à quitter la Division des Activités Spéciales. Il travaillerait un temps sur le sol américain comme officier traitant, serait placé sur une enquête importante qui déterminerait la suite de sa carrière. Puis viendrait la récompense, celle qu’il avait attendue sa vie durant, la consécration méritée. Il lui suffirait de quelques années loin du terrain, quelques années sacrifiées aux forces spéciales pour atteindre enfin le rêve de gamin dont on l'avait privé : une place de leadeur d’escouade. Sa méfiance le poussa à rire, son expérience à refuser, rappelant avec cynisme la sanction qui avait étêté sa carrière la dernière fois qu’il avait exécuté un ordre sans rien dire. Mais l’Agence trouva les mots, faisant tour à tour vibrer ses cordes sensibles jusqu’à ce qu’il acceptât finalement. Ils n’échangèrent rien de plus qu’une poignée de main austère et se quittèrent en silence, emportant avec eux un secret lourd de sens.
Ryker embarqua un matin d’hiver, l’estomac noué, les pensées embrumées d'appréhension, craignant d'avoir substitué à son honneur de soldat l'obéissance lâche d'un chien. Et ses inquiétudes crevèrent la réalité lorsqu'il entendit l'ordre vriller ses tympans. Il courba l’échine ce jour-là, ploya sous le poids d’une autorité trop importante pour qu'il puisse la contester, une autorité qu'il avait embrassée sans regret, par opportunisme et égoïsme. Il serra les dents, serra les poings, ravala le dégoût qui lui brûla la gorge, retint son souffle et tira. Une fois. Une fois encore, et encore, jusqu’à ce qu’il ne restât plus un seul civil debout dans le camion supposé les emmener en lieu sûr. Jusqu’à ce qu’il ne restât pas un seul militaire pour les protéger. Jusqu’à ce qu’il ne restât pas un seul membre de la Division pour mener à bien la mission d’extraction qui leur avait été assignée. Il expira douloureusement et compta, pour la première fois de sa carrière, pour se souvenir, le nombre de vies qu’il avait fauchées pour quelques pavés dorés de plus. Il garderait leur nombre en mémoire, comme les yeux de Lauren Grace qui perçaient le visage de cet enfant qu’il avait abattu, bien des années auparavant, lors de ses premiers pas de SEAL.
Il foula la sainte terre américaine la mine basse, l'esprit défait, la conscience salie. Ryker accusa violemment le poids soudain de ses années de service, et ses genoux tremblaient tant il peinait à en supporter la charge. Il se demanda plus d'une fois si le Dieu de Véta, celui auquel il avait cru si longtemps, celui auquel il avait sacrifié un gouvernement monstre, avait été témoin durant tout ce temps, et s'il avait pressé ses épaules pour les alourdir, faire peser son âme dans sa cage thoracique douloureuse.
Il abandonna Charcoal sans demander son dû, rendit son gilet tactique, passa autour de sa gorge nouée le nœud coulant d’une cravate qui chercha longtemps à l’étrangler et espéra que le fardeau de la culpabilité finirait par passer. En punition ou juste rétribution, Ryker peina à s'épanouir dans son nouveau travail. Le monde terrible des officiers-traitants n’avait d’excitant que le café qui rythmait ses longues journées et dévorait ses nuits. L’homme de terrain qu’il était se retrouvait tel un lion en cage, à tourner sans cesse dans des bureaux étroits qui l’étouffaient. Et il jaugeait avec aigreur les barreaux qui l’éloignaient de celui qu’il avait si longtemps été, de celui qu’il serait à nouveau une fois sa mission accomplie. S’il haïssait le costume et la tâche qui lui étaient imposés, il s’acharnait pourtant à donner le meilleur de lui-même, craignant de voir s'éloigner l'heure de sa libération. Mais les jours s’étiraient, les semaines se faisaient longues, et sans qu’il ne pût rien y faire, une première année passa. Le temps lui échappa, moqueur, punitif, entamant doucement le décompte d’une deuxième année tandis qu’il dépérissait, prisonnier de sa propre ambition.
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 2:35
Bienvenue parmi nous, tu fais une heureuse
Alexie R. Wilson
i'm a sexy pnj
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 2:59
Bonjour monsieur, bienvenue chez toi Super bon choix de scénario
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 10:25
Bienvenue Tu fais mon weekend je crois là Bon courage pour ta fiche, j'ai hâte de lire ça Ma boîte à mp est grande ouverte si besoin
PS : je suis alsacienne aussi (même si je suis à Paris la plupart du temps) le destin.
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 11:05
Hahahaha mais BIENVENUE BIENVENUE !!!!!!
Clairement, tu fais une heureuse, elle va nous saouler je crois avec toi En tout cas, j’ai bien l’impression qu’on va bien s’entendre On sera peut-être mené à se croiser avec James ( le frère d’Antey à l’occasion ) Mais hâte de lire ton histoire, j’aime déjà ta façon d’écrire A bientôt
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 12:19
Hanw, merki pour votre accueil jeunes gens ! J'espère être à la hauteur du scénario et remplir vos désirs de stalker des RP qui éclatent la vision manichéenne du bien et du mal.
Antey : je te laisserai sans doute tranquille ce soir puisqu'occupée, mais je continue l'histoire dès demain. Prépare-toi à recevoir des pavés en MP. Et destin bien fait : en théorie (j'touche du bois èwé) je m'exporte à Paris l'an prochain haha !
Justin : ouh, ce sera avec plaisir ! J'irai lire ta fiche une fois validée pour voir ce que nous pourrions faire de ce lien commun ! \o/
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 13:53
Owi des pavés Je croise les doigts pour ton expatriation du coup
April Wilson
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Ven 16 Nov - 21:20
Bienvenuuue chez toi !! Super choix de scénario et bon courage pour la suite
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker | Dim 18 Nov - 3:09
Merki April ! °3°
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(#)Sujet: Re: Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker |
Three may keep a Secret if two of them are dead. | Ryker