Quelques jours que j'étais de retour en ville après quelques mois loin de mon passé. Je me sentais mieux, j'étais en forme et à présent guérie. J'avais réussie à trouver un petit appart puisque j'avais du rendre le mien lorsque j'étais partie. Et tout ça en quelques jours seulement, j'étais joie. Il ne fallait plus que je trouve un job, quelque chose qui me motiverait à me lever le matin et qui me ferait me sentir bien, utile. Faire ce que j'aime. C'était toujours assez compliqué pour moi de trouver des mots sur ce que je voulais, sur ce que je pensais. À présent, je me laissais du temps pour moi-même, s'il fallait que je reste sans rien faire pendant encore des mois ou des années, je me laisse le temps. D'ailleurs, du temps, j'en avais à revendre, spécialement aujourd'hui, alors je me décidais de sortir de chez moi pour aller me balader dans les rues de Miami, me retrouver avec ma ville natale le temps d'un après-midi. Passant par le sud, je vois à ma droite un salon de tatouage. J'hausse les épaules en regardant la vitrine et me décide à entrer à l'intérieur. L'ambiance m'avait l'air sympa et un sourire mi sadique, mi amusé s'affichait sur mes lèvres lorsqu'un client criait de douleur. Je me dirige vers le comptoir, laissant le gérant ainsi qu'un homme que je n'ai pas réellement regardé, vagabonder à leur discussion, me saisissant du book présent, feuilletant les pages une par une. Me sortant violemment de ma rêverie, le gérant me demandait ce que je voulais, levant les yeux vers lui, j'hausse une seconde fois les épaules, faisant un signe las de la main. « J'regarde pour l'instant, juste par curiosité. » Il s'éloigne de son homologue et de moi pour vaquer à ses occupations tandis que je refermais avec force le book, levant les yeux vers l'homme que je n'avais pas regardé avant. Son visage me disait quelque chose, il ne m'était pas inconnu. « Je te connais. » Lui lâchais-je de but en blanc alors qu'il tourna son visage vers moi, un sourcil relevé. « Oh ouais, ce regard de braise est inoubliable. » Je souris amusé, m'accoudant au comptoir afin de me souvenir d'où j'avais rencontré cet homme.

Je claquais des doigts en sa direction avec un léger rire, me souvenant parfaitement bien de cette soirée, bien que j'étais éméchée comme pas deux. Je venais de me faire plaquer, ou tout du moins, sans raisons équivoques après plus de sept ans de relation, autant dire que je l'avais mauvaise. Et tellement mauvaise d'ailleurs que depuis ce jour, je ne me suis jamais remise en couple. Il m'avait tout bonnement brisé le coeur, il avait été la seule chose positive dans toute ma vie, la seule chose qui justifiait mon bonheur. Je revenais peu à peu à mes esprits lorsque mon interlocuteur me disait être surpris de ma mémoire vu tout ce que j'avais bu. « Oh, tu sais, j'étais loin d'être à mon premier coup d'essai. » Je balaye ma phrase avec un geste de la main. L'alcool aussi était loin de ma vie. Depuis un peu plus d'un an maintenant, j'étais fin sobre. Une chose dont j'étais pas peu fière je devais me l'avouer, malgré toutes mes péripéties qui ont faillit causer ma perte et bien que le manque se faisait toujours sentir, j'étais une nouvelle femme et j'espérais le rester longtemps. « Contente de voir que tu te souviens même de mon prénom! » M'exclamais-je avant de rire, posant ma main devant ma bouche. Joe la pot de vache, la vulgaire et la dépravée tout craché. « Désolée. » Enfin, mon excuse était surtout pour la forme, par habitude. C'est vrai que je n'avais pas été cool avec lui ce soir là, mais en même temps, comment aurais-je pu l'être. « Kyle te va mieux que petit con de merde. » Je lui fis un clin d'oeil, secouant la tête de gauche à droite. Tout ça m'amusait encore aujourd'hui puisque c'était moi tout craché. Bourrée ou non d'ailleurs. J'ai connu mes heures sombres qui ont durées des années et je sais aussi qu'aujourd'hui encore, certaines habitudes sont restées encrés. « Pour ma défense, je venais de me faire plaquer! Est-ce une justification valable? Ou pardonnable? » Le questionnais-je, un air amusé sur les lèvres.

Je pris une moue mi boudeuse face à ses dires, c'est vrai que d'un point de vu extérieur, voir une personne qui s'enfilait des litrons d'alcool comme de l'eau devait être étrange, voir même honteux. J'avais honte de qui j'étais, à présent j'avais constamment peur de retomber dans mes vices, je me savais sobre depuis plus d'un an maintenant, mais la tentation continuait d'être si grande, si forte qu'à des moments les soirs, je me tâtais d'aller à l'épicier du coin pour m'acheter une bouteille. Et par je ne sais quelle force, je revenais toujours à la raison, me disant que je n'avais pas fais tout ce travail pour un rien, que je n'avais pas risquer ma vie pour ensuite retomber dedans bêtement. Mais je souris à nouveau, riant presque quand il me disait que j'avais l'alcool très mauvais. Ce n'était pas faux. « Et même quand je suis pas bourrée je suis mauvaise tu sais. Enfin... J'étais! Apparemment il est jamais trop tard pour changer. Bien que j'ai toujours gardé mon sale caractère, j'suis un peu plus terre à terre à présent. » J'hausse les épaules pour accompagner mes dires. « Wow, première personne qui se dit se marrer sur ça. A voir qui est le plus étrange des deux. Serais-tu un peu maso sur les bords? » Le questionnais-je en prenant un faux air suspicieux. J'étais plutôt contente en fin de compte d'être rentrée dans ce salon de tatouage, bien que je n'avais aucune idée de ce que je voulais me faire, j'avais pu au moins retrouver un homme qui m'avait servit de punching-ball d'un soir à l'époque. Je levais les bras, l'air innocente. « Yep, pas larguée depuis la dernière fois, même! » Je ris doucement et m'accoudais sur le plan de travail pour approcher mon visage vers le calepin de mon interlocuteur, fronçant légèrement des sourcils lorsque je l'entendis me parler de ma venue ici. Certes, c'était totalement idiot de débarquer pour ne pas savoir quoi faire. En fait, c'était plus sur un coup de tête, je passais devant, je suis entrée. Je voulais me faire tatouer, peut-être uniquement pas envie de me faire du mal avec des aiguilles. Justification débile et un brin maso, mais réelle. Cependant, je n'y trouvais rien à redire, et fut même étonnée de le voir prêt à m'écouter. Savait-il dessiner pour me proposer ça? Mais pour le coup, il me prenait de court. J'ouvrais et refermais la bouche, sans trouver quoi dire. « Euh, je.. » Un silence de quelques secondes tomba alors qu'il me disait de ne pas trop réfléchir. « Un arbre.. » Soufflais-je tout bas, me sentant gênée pour je ne sais quelle raison. « .. un arbre "de vie". » Continuais-je sans le regarder, peut-être par peur d'être jugée. « Tu sais, j'ai une image bien précise dans ma tête, mais l'expliquer reste compliquée. Genre un bel arbre en plein été, bien fleuri mais avec, au sol, les racines apparentes et quelques feuilles mortes autour. » Peut-être qu'en réalité, je savais précisément pourquoi j'étais venue ici. J'avais besoin de graver dans ma peau cette partie de ma vie qui a faillit être la dernière.

Evidemment, j'étais intérieurement contente de voir qu'il ne s'était pas arrêté à la première impression. Autant dire que celle-ci n'avait pas été très cordiale, je l'avoue. J'ai, de toute façon, toujours été une peau de vache à vouloir gueuler plus fort que les autres, être constamment désagréable et sur la défensive. Il est certain que je me suis calmée depuis quelques mois, mais mes vieux démons ne m'ont jamais quittés. J'essaie juste de vivre au dessus de qui j'étais, et de devenir une meilleure personne. Surtout pour moi que pour les autres. Il est vrai que je pense souvent, encore aujourd'hui à mon passé; quelques souvenirs de qui j'étais me manquent, mais pourquoi redevenir celle qui m'avait fait couler au plus bas alors qu'aujourd'hui, j'avais l'opportunité de devenir une meilleure personne, quelqu'un de bien? Et, toujours dans mes pensées, je m'entendais vaguement donner mes idées à cet homme face à moi, qui s'apprêtait à la tâche, le crayon entre les doigts, son regard figé et concentré sur son calepin. Je lui donnais plus de détails, autant qu'il m'en demandait jusqu'à ce qu'il me montre le rendu final. Sans m'en rendre compte, un sourire se dessina sur mes lèvres. C'était exactement ce que j'avais en tête, avec quelques minuscules feuilles mortes au pied de l'arbre, les racines sombres jusqu'au milieu du tronc pour que ensuite, l'arbre se remette à fleurir, à revivre. Tout comme moi ces derniers temps. Je me suis battues becs et ongles pour rester en vie, j'ai dis adieu à mes anciens démons qui avaient faillit me coûter la vie. Dans un élan de gratitude, mais aussi de folie incontrôlée; je lui sautais dans les bras en le serrant tellement fort qu'il eu un hoquet de surprise. « Merde. Désolée. Pas contrôlé. » Je marmonne, gênée avant de reprendre contenance, m'affalant sur le plan, regardant le dessin de plus prêt. C'était comme s'il avait vu ce que je voyais moi-même. Ce que je vivais. « J'sais pas comment tu fais, mais t'es vraiment doué. » Lâchais-je enfin après quelques secondes de silence, mes mots restants à moitié bloqués dans ma gorge. C'est que l'émotion était présente, la plaie encore ouverte, difficilement cicatrisable. « Ca paraît surement rien pour toi ou pour les autres. Juste un arbre, la belle affaire! Mais si tu savais Ô combien ça compte pour moi! » Je soupire longuement avant de taper la paume de ma main sur le calepin. « Cet arbre signifie tout. Merci, tu gères! » Je lui souris grandement, heureuse de ne pas être venue pour rien en fin de compte.