Enfant unique, choyé par ses parents, il aurait certainement eu une vie ennuyeuse au possible s'il n'avait rencontré dès la petite école Edward Keller. Le seul et unique réel ami qu'il ait jamais eu. Mais avec lui à ses côtés, il n'avait jamais eu besoin de personne d'autre. Ils partageaient tout, c'était le meilleur ami et le seul ami qu'il ait jamais eu, le frère qu'il ne désirait plus avoir, le pote de délire -bien que c'était surtout Edward qui délirait !- des jeux vidéos et des week-ends. Edward était bien suffisant pour tout !

Parce que s'il n'y avait jamais eu grand chose à dire à son niveau, enfant puis adolescent ne posant pas de problème, bon élève en classe et fierté de ses parents, Edward devait lui batailler avec des visions. Lui ne comprenait pas, il n'avait en fait jamais compris, mais il essayait. A sa manière, un peu gauche, tentant de bien faire sans avoir jamais le sentiment de réellement y parvenir. Mais c'était pourtant toujours vers lui qu'Edward se tournait lorsque quelque chose n'allait pas et il tenait plus que tout à ce rôle de confident.

La cassure survint à 15 ans lorsque Edward fut hospitalisé d'office par ses parents pour troubles mentaux. Du jour au lendemain, il perdit tout et se retrouva plus seul qu'il ne l'avait jamais été. Se raccrochant à la seule chose qu'il lui restait, ses études, il passa de bon élève à excellent élément promit à un brillant avenir, rangeant les jeux vidéo dans une vieille boite à chaussures et effaçant de son ordinateur les sites de vidéo porno qu'ils avaient l'habitude de visionner en douce.

Il ne trouva jamais assez de courage en lui pour franchir les grilles de l'hôpital. Parfois, lorsque la culpabilité se faisait trop forte, il se débrouillait pour aller jusque là-bas mais s'arrêtait toujours dès qu'il avait vue sur les hauts murs qui ceignait le bâtiment de toutes parts. Pour repartir encore plus piteux et plus malade qu'il n'était arrivé, sans jamais avoir pu ne serait-ce que s'approcher de la grille d'entrée.

Comme promis, il obtint facilement une bourse d'études pour aller étudier le droit dans une des plus brillantes université américaine. Et à partir de ce jour, il évita de rentrer chez lui à Vancouver. Il avait entre-temps appris qu'Edward était sorti de l'hôpital et n'était lui non plus jamais revenu.
L'aurait-il seulement cherché si celui-ci avait laissé une trace derrière lui ? Il n'en savait strictement rien. Et il ne voulait surtout pas y réfléchir ! Mais parfois le destin savait mieux que quiconque vous remettre le nez dans vos propres défaillances.

Son diplôme en poche, nombre de cabinets d'avocats lui firent un pont d'or. Il n'eut donc aucun mal à se lancer dans la vie active, tout comme ses camarades de promo. Et ce fut l'un de ceux-ci qui lors d'une rencontre d'anciens élèves évoqua le nom d'Edwars Keller qui serait intervenu sur une de ses affaires en tant que détective privé ET médium. A Miami. A l'autre bout du pays. Littéralement. Le soir même, il démissionnait, acceptait une offre d'emploi nettement moins intéressante et faisait ses bagages.