Voulant revoir certaines personnes de mon entourage, Emma n'en était pas exclue, bien au contraire. Emma est ma meilleure amie depuis tant d'année qu'elle était à présent comme ma propre famille. En fait, elle l'était, tout simplement. Nous avions tellement vécue, qu'il m'était impossible de vivre sans elle, elle était mon pilier. Alors lorsque je lui avais envoyé un message pour lui signaler de mon retour et mon envie de la revoir, je fus passablement étonnée de la savoir dans un centre de désintox. J'étais plutôt contente en réalité. La savoir qu'elle voulait guérir de quelque chose que je n'avais pas forcément vu puisque j'y avais profondément sombré, me remplissait le coeur. Mais après, je ne savais pas dans quelles conditions elle avait été admise là bas. Si c'était de son propre chef ou si au contraire, elle a du y être internée de force. Dans tous les cas, dès que je reçue sa réponse, je me devais de m'y rendre dans les minutes qui suivaient, me renseignant sur le lieu, m'y conduisant dans l'instant d'après avec une voiture que j'avais réussie à louer en attendant que je me trouve un emploi. Arriver à l'intérieur, je me dirigeais vers l'accueil, devant une femme particulièrement froide. Tout du moins, c'était ce que j'avais ressenti des que mon regard avait rencontré le sien. « Bonjour. J'voudrais voir Emma Wood. » La jeune femme me regarda et me donna l'endroit d'où était censée se trouver ma meilleure amie. Sans un remerciement, passablement agacée de son manque de politesse, je la regardais d'un air glacial avant de me rendre vers ma destination finale où je retrouva enfin Emma. « J'vais la défoncer la pétasse à l'accueil. » Lui lâchais-je alors qu'elle se retournais vers moi. « L'alcool, c'est mal Wood. » Je ris avant de la prendre dans mes bras assez fermement. Elle m'avait horriblement manqué cette chaudasse. Nous n'étions pas très sentimentale, mais pour le coup, je pouvais bien l'être une fois dans ma vie pour cette occasion. « Comment tu te sens? » La questionnais-je avant de me détacher d'elle et m'asseoir à ses côtés. J'avais aucune idée dans quel état d'esprit elle était rentrée ici.

Clairement, on pouvait pas faire comme bon nous semble ici. Il y avait des règles à respecter et les privilège comme avoir accès à son téléphone ça se gagnait, tout comme les visites de l’extérieur. Tout se passait bien pour moi, je pouvais pas dire la même chose de la première semaine que j’avais passé ici mais là, ça en faisait cinq, bientôt six et je me sentais nouvelle. Je ne me souvenais pas dans ma vie m’être sentie aussi bien. J’aurais pu en vouloir à Joe de ne pas avoir été présente pour moi dans les derniers mois, j’aurais pu lui reprocher le tout lorsque j’avais lu son SMS mais en fait non, ça m’avait fait sourire et immédiatement, je l’avais invité à venir ici. La rencontre avait été accepté. Elle allait pouvoir passer l’après-midi, ici, avec moi, dès le lendemain. Je m’étais levée tôt ce matin là, trop impatiente de pouvoir voir ma meilleure-amie et lorsqu’on m’annonça qu’elle était là, et qu’elle s’approcha finalement de moi, je ne pouvais plus enlever ce petit sourire débile de sur mes lèvres, en plus de ça, elle était bien fidèle à elle même, à détester tout le monde, tout le temps. « Et ça t’arrives, des journées où t’as pas eu envie de défoncer quelqu’un?  » lui demandais-je en riant tout en m’approchant d’elle avec la bonne intention de lui sauter dans les bras. Elle me balança au dernier moment que l’alcool c’était mal, ouais bon… elle savait pas encore tous les détails. Je le serrai contre moi en venant l’embrasser sur la joue. « Ouais, mais l’héro c’est pire. » Au moins, raide sec comme ça, elle savait la raison de mon entrée ici. Les bleus sur mes jambes et entre mes orteils étaient choses du passé, signe que je pouvais bien cacher maintenant, ma dépendance antérieure. J’allais mieux, vraiment mieux mais ici, tout était fait pour me faire sentir bien et me donner confiance que j’étais capable d’aller de l’avant. Une fois à l’extérieur, je n’allais plus avoir une psy chaque jour, ni même des groupes de soutien pour me venir en aide à tout moment. En fait oui, il existait des services mais les tentations étaient beaucoup plus élevés à l’extérieur. Je travaillais dans le domaine de la musique, la drogue, c’était littéralement dans mon quotidien. Ça allait être un sacré défi. « Je vais bien, vraiment… j’y croyais pas au début à ce genre de centre, du moins, pas pour moi… enfin, on pense toujours comme ça, on se dit que c’est bon pour les autres mais quand ça nous concerne, c’est différent. » lâchais-je, un petit sourire sur le coin des lèvres. « J’étais rendu au bout du rouleau, c’était nécessaire et je regrette pas… mais je t’avouerais que j’ai hâte de sortir d’ici et de reprendre ma vie. » J’avais l’impression qu’elle avait tellement manqué dans ma vie que je ne savais pas trop par où passer. J’imaginais bien qu’elle avait ses questions, mais on allait y venir. « Et si on allait dans la cour? C’est moins déprimant que cette salle. » Ça donnait l’impression d’être en prison ici. La jolie brunette accepta, pendant qu’on s’y rendait, je la questionnai un peu à mon tour. « Et toi ça va alors? Tu étais où pendant tout ce temps? » C’était comme ça Joe et moi, depuis toujours. On se perdait de vue, on perdait contact quelques peu puis on se retrouvait comme si de rien n’était. On se retrouvait toujours et rien ne changeait jamais. C’était bien pour ça que je l’aimais autant.

La sachant en désintox, je me devais d'être là pour elle. Je n'étais déjà pas présente ces derniers mois pour pouvoir me guérir moi-même, alors évidemment que je m'en voulais. Enormément même parce que je n'avais pas su voir que ma meilleure amie allait mal au point d'en être rendue là. Bien trop absorbée par mes nouvelles résolutions qui étaient de prendre du temps pour moi, ne penser qu'à moi et surtout, avancer. Alors, je m'en voulais. Mais lorsque je la voyais face à moi, je laissais ma peine de côté juste pour pouvoir la serrer dans mes bras, ne voulant la lâcher sous aucun prétexte, voulant sentir son odeur qui m'avait tant manqué, ses bras qui m'entouraient à leur tour, tout ça me fit un bien fou. J'hausse les épaules, levant les yeux au ciel faisant mine de chercher une journée où je n'avais pas eu l'envie d'éclater quelqu'un. « M'ouais, non, je trouve pas. » Je ris légèrement avant de sortir avec elle à l'extérieur. Je la suivais, lâchant une moue entendue quand elle m'avoua qu'en réalité, c'était surtout pour l'héroïne qu'elle était là. Ces conneries, toujours présentes pour nous faire redescendre sur terre. C'est sur que sur le moment, ça nous fait du bien, on se sent comme puissant et inébranlable, jusqu'à ce que la sentence ne tombe et te fait redescendre brutalement. Mais j'étais contente, même fière qu'elle se sente d'attaque à continuer le processus qui allait être long et loin d'être tranquille. Je savais Emma forte et battante. « Ecoutes, je vais mieux. Vraiment. J'ai comme repris goût à la vie tu sais. J'étais partie ici et là, j'me suis dis, ok j'étais pas bien riche, mais mon argent fallait bien que je le dépense dans quelque chose qui allait m'être bénéfique. J'suis allée dans les îles et j'ai fini les dernières semaines à Tokyo. » Je souris, me remémorant mon petit voyage de quelques mois. Cela m'avait fait un bien fou, j'avais repris goût à tout ce qui me faisait avant déprimé. « On n'a qu'une vie, Emma. » Je la regardais cette fois avec sérieux, sous entendant qu'il ne fallait pas tout gâcher par des vices aussi dangereux. Je n'étais pas devenue une nouvelle personne aussi barbante les unes que les autres. J'étais restée la même mais beaucoup plus lucide. « Parles moi de tout ça. Comment t'as pris conscience qu'il fallait que tu passes un séjour ici? » Lui demandais-je, ne tenant plus en place de ne pas savoir. Je voulais tout connaître de ses descentes jusqu'à ses montées comme aujourd'hui.

Joe et son caractère explosif, ça allait la suivre pour toujours et c’était bien pour ça que je l’aimais autant! Elle avait fait son entrée assez remarqué et je l’avais serré tellement fort en l’ayant devant moi. On avait manqué beaucoup de la vie l’une de l’autre et même si j’aurais préféré qu’on se voit dans un autre contexte, j’étais plus que contente qu’elle soit ici pour venir me voir. Elle devait bien se demander ce que j’avais bien pu faire pour me retrouver ici, bien qu’elle était franchement au courant de la vie assez olé olé que je pouvais avoir. Mais là, il n’était même pas question d’alcool mais d’un truc beaucoup plus fort que ça, un truc que je ne pensais jamais me rendre et pourtant, j’en étais devenue bien accro dans le temps de le dire. Je tenais quand même à la rassurer immédiatement sur le fait que j’allais bien, mieux… et que j’étais bien confiante pour la suite des choses. Mais c’était assez parlé de moi pour l’instant, je savais qu’elle avait eu bien des problèmes aussi de son côté, clairement, on était pas des enfants de coeur mais elle aussi allait bien. « T’as vraiment l’air d’aller mieux… en tout cas, t’as retrouvé ton gros cul que j’aime tant! » lui balançais-je pour alléger un peu l’intensité de notre conversation. « Ça m’a l’air d’un voyage vraiment top que t’as fait là! Mais dis-moi, t’es de retour pour de bon han? » J’étais ok de la laisser partir pour vivre ce genre de chose mais j’étais tout aussi ok de savoir qu’elle était de retour pour de bon et que j’allais pouvoir la revoir aussi souvent que je le désirais. « T’as raison, une vie… et faudrait arrêter d’essayer de la bousiller autant! Du moins, faudrait essayé! » Sans s’empêcher de vivre non plus mais disons, vivre équilibrement! J’avais jamais tenté mais j’avais tout de même envie de voir si je pouvais bien faire ça. Ma meilleure amie voulait savoir ce que j’avais bien pu faire pour me rendre compte que j’avais besoin d’aide. Je soupirai, c’était pas très glorieux et c’était pratiquement une chance que je ne me souvienne pas trop des jours avant que je sombre complètement. « Parce que j’ai essayé de m’injecter trop de merde et Seb m’a sauvé à temps. » Sauvé… de son point de vue, interrompt mon plan, de mon point de vue à ce moment là. Elle savait qui était Seb, c’était mon pote depuis toujours, et je couchais avec depuis… pratiquement toujours aussi. « Et puis quand tu arrives à  l’hôpital pour overdose, ça prend pas de temps qu’ils essayent de te transférer dans un centre, évidemment. À ce moment là j’allais plus bien, je voyais plus le bout… j’avais même plus personne pour moi. Matt et moi c’était terminé mais on l’a quand même contacté pour l’avertir, on a parlé de tout ça et puis visiblement, ça m’a donné le petit coup de pied au cul que j’avais besoin. » Je regrettais pas du tout, je me sentais vraiment mieux et ça nous avait permis de se retrouver aussi lui et moi. « J’ai commencé à prendre mes médicaments pour ma bipolarité, ça aide aussi. Je sais pas trop comment je vais gérer en sortant d’ici mais j’garde espoir et j’espère que tu seras là. » lui dis-je, souriante. Parce que clairement, j’allais avoir besoin d’elle plus que de n’importe qui et n’importe quoi.