En même temps que le soleil se levait le 09 avril 1987, j’ai pointé le bout de mon nez dans une somptueuse demeure de Bombay. Même si comme beaucoup le sait, avoir une fille en Inde n’est pas la chose la plus désirée, moi je l’ai été. Je sais bien qu’au fond mon père aurait sans doute été plus ravi d’avoir un garçon mais il ne m’a pas rejetée pour autant. Au contraire, il m’a élevé avec le plus grand des amours, comme si j’étais le plus beau diamant que la terre n’ait jamais connu. Peut-on dire que j’ai été gâtée ? Oui, au-delà de bien plus des habitants de ma ville natale. Ma mère, quant à elle, était plus ferme avec moi elle essayait d’équilibrer la balance de mon éducation afin que je devienne une femme forte et indépendante et je ne pourrais jamais l’en remercier assez.

Mais ce portrait de famille si joliment dépeint avait beaucoup de zones sombres que mon père essayait de me cacher. Mais j’étais intelligente et je savais observer et écouter ce que je n’aurais pas dû. Les allées et venues d’hommes armés ou des hommes d’affaires avec des valises remplies de laisses de billets ont finis par attiser ma curiosité. Je voulais comprendre pourquoi je vivais dans une bulle et que je ne pouvais pas m’échapper de chez moi sans être accompagnée de deux hommes de mains de mon père, que je ne pouvais pas fréquenter qui je voulais sans l’autorisation de celui-ci ou encore d’où ma famille tirée toute cette fortune ?

J’ai fini par comprendre vers l’âge de douze ans que mon père n’était pas un homme d’affaire respectable qui avait quelques ennemis. Non pas du tout. Mon père était à la tête d’un des plus grands cartels de drogues du pays. Mon père est alors subitement tombé de son piédestal sur lequel je l’avais mis si longtemps. L’adolescence n’aidant pas, je rentrai dans une phase de rébellion où je rompis tout contact avec mon père. J’en voulut à ma mère de m’avoir caché la vraie nature de mon père, ne comprenant pas pourquoi elle avait accepté cette vie. Ma mère n’avait pas eu le choix et au-delà de la profession douteuse de son époux, elle voyait un homme généreux et bon avec sa famille. Elle fut un soutien important dans ma vie et me poussa à devenir une personne juste. Mon père avait beau avoir du pouvoir dans ses affaires, ma mère était l’autorité au sein de leur couple et c’est grâce à elle que je pu m’échapper de cette prison dorée.

J’étais brillante à l’école et ma mère l’avait bien vu. Je sautai deux classes au cours de ma scolarité ce qui me rendait plutôt fière. Elle me poussa toujours plus à croire en mes capacités, à donner tout mon possible pour réussir et surtout de ne pas perdre de vue mes objectifs. Je voulais quitter Bombay. M’enfuir de cette vie et c’est ce que je réussis à faire pendant mes études de sciences à l’université. En 2006, à l’âge de 19 ans, je profitai d’une proposition d’échange scolaire aux Etats-Unis pour quitter l’Inde et m’installer à Miami où je poursuivis mes études. J’obtiens mon diplôme brillamment avec les honneurs.

Avant même l’obtention de mon diplôme, je savais que je ne voudrais pas revenir dans mon pays natal. Je savais très bien que si j’y retournais ma vie ne serait pas celle que j’avais pu connaitre aux Etats-Unis. Je savais que si je retournai à Bombay je ne pourrais plus vivre comme je l’entendais, je ne pourrais plus voir qui je voulais quand je voulais et je savais que ma vie risquait d’être mise en danger en étant la fille de l’un des plus puissants mafieux. De plus, j’avais peur que mon père n’essaye de me faire rentrer dans ses rangs. Il y avait eu des rumeurs au cours des dernières années qui disaient qu’il ne faisait pas seulement du trafic de drogue mais élargissait son trafic sur de la traite d’humain et la vente d’arme biologiques. C’était trop pour moi et je ne pouvais pas cautionner cela.

J’ai entrepris des démarches pour obtenir la nationalité américaine et après l’avoir décrochée je rentrai dans une formation militaire afin de travailler dans l’industrie de l’armement biologique en tant que chercheuse. Avec de la persévérance et de la détermination c’est ce que je réussis à faire, décrocher un poste dans un laboratoire secret défense.

Lorsque j’ai obtenu ma nationalité américaine et que je suis rentrée dans l’armée, mon père l’a pris comme une traitrise de ma part et m’a coupé les vivres et a clairement déclaré m’avoir renié. Aujourd’hui, même si je porte son nom, je ne suis plus rien pour lui.

Depuis treize ans je n’ai pas remis les pieds en Inde, je n’ai pas revu ma famille. En 2012, mon père a été arrêté par les forces de l’ordre mais aussitôt relâché grâce à de gros pots de vins. Il sait qu’il est sous surveillance mais cela ne l’empêche pas de continuer son trafic.

J’ai régulièrement des nouvelles de ma mère que je tente de convaincre de quitter l’Inde pour venir s’installer avec moi à Miami. Seulement elle aime trop mon père pour l’abandonner.

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