Derek venait de rentrer de son pseudo voyage d’affaire. J’avais entendu la voiture se garer dans l’allée. Une boule me noua instantanément l’estomac. Je savais qu’il était temps que j’ai une discussion avec mon compagnon. Je lui avais laissé une chance de s’expliquer au sujet de Thompson. Je le savais à l’affut de la moindre nouvelle de la part de Nightmare et il savait que j’en faisais de même, donc de ce fait il savait également que j’avais lu ce que cette commère avait écrit à son sujet. Seulement, il avait préféré fuir dans le montana – où ailleurs que sais-je, après il ne serait pas au premier mensonge – plutôt que d’être honnête avec moi. Il n’avait pas saisi sa chance et maintenant il allait falloir que je mette les choses au clair. La voix forte et imposante de l’homme d’affaire se fit entendre dans le hall de notre maison. Il me demandait de descendre. Je me rendis dans la cuisine où il avait migrer et croisa les bras sur ma poitrine alors que les mots que j’espérais ne jamais entendre sortirent de sa bouche. Il m’expliqua avoir croisé Thompson à Thanksgiving, chose que je savais déjà. Je ne m’étais pas interposé dans cette rencontre, espérant au fond de moi que Derek mettrait de la distance entre lui et son ancien amant. Mais ce ne fut pas le cas.
 
« Tu n’es pas non plus sa famille à ce que je sache … »
 
Je fronçais les sourcils et referma un peu plus fort mes bras contre moi. Je sentis mes ongles s’enfoncer doucement dans la peau de mon bras gauche. J’avais l’impression que mon cœur allait littéralement exploser dans ma poitrine. Derek s’excusa de trouver des réponses à ses actes. Je secouai la tête négativement. Je ne voulais pas de ses excuses. Et puis il ajouta que la réponse était oui. La réponse à quoi ? Je ne comprenais pas vraiment. Voulais-je le savoir en faite ? Non, j’en doutais … Il me dit m’aimer toujours autant, et cela malgré la réapparition de Thompson. Je ne pu retenir un rire mauvais, un peu moqueur, mais qui servait juste à cacher une douleur énorme qui se creusait. Mes bras se décroisèrent et une main vint saisir le poignet de mon compagnon qui tentait de fuir.
 
« Tu ne vas aller nulle part, cette discussion est loin d’être terminée. »
 
Je croisai son regard un instant, mais m’en détourna bien vite. Il m’était trop insupportable de croiser ses yeux remplis de douleur. Je ne voulais pas laisser un trop plein d’empathie prendre le dessus. Il n’était pas un patient avec lequel je pouvais avoir de la compassion. Derek faisait parti de ma vie et je devais prendre des décisions sur la manière dont je voulais la mener. Ma main se détacha de son poignet et je m’assis sur une chaise de la cuisine avant de me relever aussitôt pour prendre un café finalement.
 
« Je ne veux pas revivre ce que j’ai vécu la dernière fois que Thompson s’est retrouvé entre nous. » commençai-je à dire, le dos tourné au beau brun alors que je versai le liquide brulant dans ma tasse. « Je ne veux pas passer au second plan une seconde fois. »
 
Je me retournai, la tasse de café entre mes mains, et posa mes yeux sur la table de la cuisine près de laquelle se tenait Derek. Je ne voulais toujours pas prendre le risque de croiser son regard. Un regard qui, je le savais trop bien, me faisait perdre tous mes moyens.
 
« TU es revenu me chercher en Arizona alors que j’avais décidé de tourner la page. TU m’as supplié de t’accorder une seconde chance parce que TU m’as promis que cette histoire avec Thompson était derrière toi … mais voilà qu’à peine il réapparait, que tu retombes dans ses bras. Et en plus de ça, est-ce que tu as si peu d’estime pour moi que tu as décidé de ne pas être honnête ? Comment pourrais-je te faire confiance de nouveau ? »
 
Je soupirais, ma gorge se noua légèrement. Je savais que j’avais des mots durs, comme à chaque fois que je me sentais blessée. Mais au moins, moi, je ne manquais pas d’honnêteté en lui révélant ce que je ressentais véritablement.
 
« Tu étais avec lui cette semaine, n’est-ce pas ? »
 
Je levai les yeux vers Derek et les plongeai dans les siens.

C’était dur d’avoir cette conversation mais elle était nécessaire. J’avais besoin de réponses, j’avais besoin de prendre des décisions. Derek ne cessait de justifiait ses retrouvailles avec Thompson au travers de la maladie de ce dernier. Cela me mettait terriblement en colère. Peut-être était-il seul et sans un sou, peut-être que c’était égoïste que de lui dire que Thompson pouvait trouver du soutien ailleurs, mais tout cela n’excusait pas le comportement de l’homme d’affaire. S’il voulait se faire passer pour un bon samaritain, il n’avait qu’à offrir un logement à tous ses pauvres SDF dans la rue qui souffraient de l’hépatite, du sida ou bien même d’un rhume. Il avoua ressentir encore de l’affection et de l’envie envers son ex-amant. Je portai ma tasse de café à mes lèvres et le liquide brulant me brula légèrement la gorge, m’arrachant une petite grimace.
 
« Tu pouvais juste le placer dans un établissement, payer ses soins et couper les ponts. Mais tu as préféré aller plus loin alors arrête de dire que tu as renoué juste pour l’aider dans sa maladie. Tu as fait un choix qui me blesse. »
 
Je soupirai tout en m’adossant au plan de travail de la cuisine. Je camouflai ma nervosité en faisant tourner ma tasse de café entre mes mains, délicatement afin de ne rien renverser de ce qui s’y trouvait à l’intérieur. Derek me disait m’aimer tout autant qu’il pouvait aimer l’autre homme. Je ne l’écoutai que d’une oreille. J’avais l’impression que mon cerveau ne souhaitait pas entendre ses paroles, des paroles bien trop familières que j’avais entendues quelques années auparavant. Il s’excusa de nouveau de me faire du mal.
 
« C’est peu dire … » lâchai-je dans un murmure presque inaudible. Je me redressai, droite comme un piquet m’approcha de mon compagnon d’un pas. « Je crois que tu ne te rends pas compte de ce que je peux ressentir actuellement. Tu m’as trahi, encore une fois. Peut-être aurais-je du être plus clair dans les termes de notre ‘contrat’ … » dis-je en imitant des guillemets d’une main, autour du mot contrat. « … mais je ne pensais pas qu’exclure Thompson était nécessaire de le mentionner. J’ai accepté des choses dont je ne me croyais pas capable de faire, pour toi Derek, et encore une fois tu as dépassé la limite. J’ai l’impression que, quoi que je fasse, quoi que je t’accorde, rien ne sera jamais assez, alors ce serait plutôt à moi de m’excuser de n’avoir rien à t’offrir d’assez suffisant pour que tu ne puisses t’empêcher de retourner dans les bras de ton ex … »
 
Je me sentais tellement impuissante. Je savais que l’amour ne se contrôlait pas, qu’on ne pouvait pas prédire de qui on allait tomber amoureux. Je savais que ce n’était pas de sa faute s’il avait de l’attirance pour cet homme et ce n’était pas tellement cela que je lui reprochais. Ce que je lui reprochais c’était plutôt sa manière de gérer les choses. J’avais envie d’éclater en sanglots, d’hurler voir même de briser quelque chose, mais je m’abstins en gardant le plus grand self-control que je pouvais avoir sur moi-même.
 
« Quoi que tu dises sur le fait de nous aimer tous les deux, je refuse de me retrouver à devoir partager ton amour avec quelqu’un d’autre. Je ne peux pas, je suis désolée. Donc … soit tu décides de prendre tes distances avec Thompson, soit … je m’en vais avec Maxence. »
 
Mon ton était sans appel. A m’entendre dire ces mots, j’eu l’effet d’un coup de poing dans l’estomac. Pourtant c’était ma décision mais j’avais autant de douleur en moi que si c’était Derek qui venait de me poser un ultimatum. Je me retenais d’espérer qu’il allait me choisir et accepter mes conditions sans broncher car son amour pour moi était quand même bien supérieur à celui de Thompson. Je ne voulais pas ressentir le moindre petit espoir car plus dur serait la chute si ce n’était pas le cas.
 

Il me demanda de ne pas mêler Maxence à notre histoire de couple. Je ne l’y mêlais pas, il se trouvait déjà au centre de notre histoire et il était important que je le protège. Je ne relevai pas, même si l’envie était forte de lui dire, que c’était mon fils aux yeux de la loi et non pas le sien, donc j’aurais toujours le dernier mot sur la manière que je voulais utiliser pour le préserver. Derek me demanda si j’allais pouvoir lui pardonner son écart même si Thompson sortait de sa vie.
 
« Si j’ai la certitude qu’il ne reviendra pas, oui. » dis-je sur un ton plus qu’assuré.
 
J’aimais Derek, mais je ne pouvais juste pas l’aimer tout en sachant que lui en aimait un autre. C’était bien trop difficile pour moi et mon cœur. Je lui avais pardonné une fois, je pouvais lui pardonner une seconde fois. Certaines personnes pourraient me juger trop bête de croire encore en notre couple et en la fidélité de Derek mais je savais ce qu’il valait. Il fallait juste que ce type, Thompson, sorte de sa vie. Mais cela, tant que je n’avais pas la certitude qu’il était prêt à tirer un trait sur lui, c’était impossible. Il m’expliqua que son amant était prêt à s’investir. Je fis des grands yeux quand il parla de mariage. J’avais l’impression qu’il rejetait la faute de ses écarts, sur le faite que je n’étais pas prête à me marier avec lui.
 
« Vraiment ? Tu utilises cet argument pour te défendre de ce que tu fais maintenant ? »
 
Je n’en croyais pas mes oreilles. On était passé du bon petit samaritain à l’excuse de l’homme malheureux en ménage parce que sa compagnonne ne veut pas se marier. Je secouai la tête légèrement choquée par ses propos. Je lui en voulais de me dire des choses comme ça.  
 
« Et tu crois que ma conception de la famille c’est se marier à un homme qui voit un autre homme dans mon dos ? Un mari qui ment en prétextant partir une semaine travailler alors qu’il s’en va batifoler avec son amant ? Pardon, mais ce n’est pas parce que nous ne sommes pas mariés que la fidélité et l’honnêteté ne compte pas. Et ne me dit pas que si tu avais été marié, tu ne serais pas retombé dans les bras de Thompson car cela voudrait dire que notre couple actuel à moins de valeur que si ca avait été le cas … »
 
Je sentais mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine. J’étais en colère, encore plus qu’au début de cette conversation. Comment pouvait-il penser que le mariage serait la solution aux problèmes que nous avions ?
 
« La première fois que je me suis mariée, je l’ai fait parce que je savais qu’entre Max et moi les choses allaient bien. Je ne me suis pas mariée avec lui pour essayer de résoudre des problèmes. On avait confiance l’un en l’autre et je savais qu’il n’y avait que moi dans sa vie. » Je pris une inspiration. « Si je refuse de t’épouser c’est parce que je voulais que tu me prouves que tu pouvais être digne de ma confiance, que même si les choses étaient difficiles tu serais là pour moi et seulement pour moi. Et tout cela tu me le prouvais de jour en jour. Si je n’avais pas eu confiance en toi, je ne t’aurais pas accordé d’aller fréquenter des hommes. Mais finalement, tu as de nouveau tout brisé … Alors ne rejette pas la faute sur moi. »
 
 Je posai mon regard sur son visage et lui lançai un regard noir. Je n’étais pas parfaite, j’avais des défauts, mais moi je me dévouai à lui. Je disais l’aimer et il était le seul. Je n’allais pas me jeter dans les bras de mes ex à la moindre difficulté.
 

J’avais l’impression de ne pas réussir à me faire comprendre face à Derek. Peu importe ce que j’essayais de lui expliquer, il ne cessait de trouver des plates excuses à son comportement. Qu’il utilise le prétexte de l’empathie, certes c’était une chose, mais maintenant il venait mettre sur le tapis notre façon de vivre ensemble. L’entendre dire qu’il m’avait été infidèle avec son ex parce que j’avais toujours refusé de me marier s’en était vraiment trop. Et puis, c’est alors qu’il me posa un ultimatum des plus insensé. L’épouser ou le perdre.
 
« Sérieusement ? Tu entends ce que tu me dis là ? »
 
Je me retournai et balançai ma tasse dans l’évier qui explosa en morceaux. Un geste un peu brutal mais tellement spontané. J’avais une telle rage en moi que j’avais envie de faire bien plus que juste casser une tasse. Si j’avais pas tant de self-contrôle je crois que Derek aurait pu se prendre une gifle en pleine figure. Je fis de nouveau volte-face pour le regarder.
 
« Tu me fait du chantage, un chantage odieux en plus ! Tu parles du mariage, mais as-tu vraiment conscience de ce qu’est le mariage ? C’est un engagement sacré qui ne devrait jamais, jamais être souillé dans un chantage affectif aussi honteux que ce que tu viens de dire ! »
 
Je croisai les bras sur ma poitrine. Je ne le pensais pas s’abaisser aussi méchamment à ce genre de méthode avec moi. Me demander de devenir sa femme alors qu’il venait de me tromper derrière mon dos, en me mentant effrontément … Je ne pouvais y croire.
 
« On est plus au 18^e siècle Derek. Je suis désolée mais je crois qu’on a pas la même conception du mariage toi et moi, même peut-être la même vision de ce qu’est un couple qui se respecte et s’aime. Je ne vais pas me marier avec pour essayer de marchander ton amour et te garder pour moi … Accepter ta demande ce serait pour de mauvaises raisons et je respecte trop le mariage pour m’abaisser à y consentir. »
 
Je ne savais même pas s’il se rendait compte de l’aberration qu’il venait de me dire. J’avais clairement l’impression qu’il se fichait de ce que signifiait réellement le mariage. J’en venais à me demander qui était cet homme qui se tenait face à moi. S’il avait réellement voulut me garder auprès de lui, il aurait juste dit qu’il allait couper tout contact avec Thompson et cette conversation ce serait arrêté là. Mais encore une fois, il était clair que je passais derrière cet homme, et ce serait bien la dernière fois.
 
« Vu que tu tiens tant à ce type, va donc le retrouver, va donc l’épouser. Il a l’air tellement parfait à tes yeux tandis que je te laisse avec plein de frustrations … Mais, je ne ramperais pas à tes pieds pour te récupérer. J’en ai assez. Et ne vient pas me voir le jour où il te quittera, je ne t’ouvrirais ni ma porte ni mon cœur. »
 
Encore une fois mes paroles étaient dures, mais j’étais tellement en colère que je ne pouvais pas faire semblant de prendre les choses avec détachement. J’avais le cœur en miette. J’avais envie d’éclater en sanglots, mais il ne méritait tellement pas mes larmes que je me retenais de toute mes forces. Je ne pleurerais pas pour un homme qui ne me respectait pas.