Dean comprit bien assez tôt que l'existence de cet enfant avait été découverte à tout hasard. Alors que Spencer avait simplement fait la démarche de retrouver l'un de ses amours égarés, - et peut-être le seul qui avait réellement compté -, il s'était retrouvé devant le fait accompli : un petit être d'un âge qui ne laissait, à priori, aucun doute sur sa parentalité. Des traits qui avaient fait tilt après un calcul probant ; c'était forcément le sien. Le soldat avait de la peine, autant pour son ami que pour cette Violette, sans oublier ce Georges ; Georges ? Un sourcil s'était levé sur son front. Un prénom fort original qu'il n'avait encore jamais entendu auparavant. C'est originaire de quel pays, demanda-t-il à celui qui lui faisait face.

La blague passée, les rires croisés, Spencer ne manqua pas d'un peu d'humour pour clôturer ce sujet de conversation. Prêtre, répéta l'asiatique, le sourire amusé toujours accroché aux lippes, tu sais mieux que moi qu'il n'y a pas que l'abstinence sexuelle, et je te vois mal prier du lever au coucher. C'était une évidence même : le quotidien de ces pratiquants n'allait pas avec la personnalité de l'homme devant lequel il se tenait assis. Dean ne doutait pas de l'enrichissement spirituel qui en résultait, mais imaginer Spencer étudier les textes bibliques, participer aux réunions d'information à parler du Seigneur chrétien et exercer d'autres méditations à la recherche d'une communion avec le Divin à toute heure de la journée... Il rit.

Je pense que le mieux à faire est d'être davantage vigilant, à moins que tu cherches à avoir une famille nombreuse ? Pour ça j'peux te conseiller de te tourner vers ma famille pour plus de renseignements, plissa-t-il les yeux, toujours dans la rigolade. Les Hassani étaient connus pour apprécier les foyers version XXL. Dean avait cinq frères et sœurs, et ceux-ci comptabilisaient déjà neuf enfants, - et ils ne comptaient pas s'arrêter en si bon chemin -. Le militaire avait longtemps eu le désir de faire de même ; cinq fils et filles, ça aurait été parfait à ses yeux, mais les années s'étaient écoulées sans qu'il ne trouve une femme avec qui se marier. Et la rupture abrupte avec sa Syrienne lui avait enlevé tout espoir.

En tout cas, le musulman ne chercha pas à donner de leçons, parce qu'il n'était pas mieux lotis que lui en terme de conneries. Certes le résultat était toujours moins grave du côté de Dean : aucun enfant n'était né d'une union sous la couette, mais tout de même ! J'veux bien le garder avec toi, si jamais il t'arrivait de l'avoir un après-midi de temps en temps, se montra-t-il présent pour son ancien camarade de classe, pendant mes permanences, bien entendu, ajouta-t-il, bien que cela était d'une logique sans pareille. Le jeune homme était plutôt à l'aise avec les enfants quand ces derniers avaient passé leur premier anniversaire, et être en leur présence lui était plus que familier depuis qu'il avait décidé de revenir sur Miami.

Et sinon, autre que cette découverte plus que surprenante, t'es toujours en contact avec les autres, l'interrogea-t-il. Il parlait bien évidemment de leur bande de potes d'antan, celle avec qui ils partageaient le plus clair de leur temps. Dean n'avait eu que de brefs contacts avec ces frères musulmans du groupe. Il avait compris que, pour deux d'entre eux, l'amour avait été rayé à coups de feutre indélébile après une rupture tragique pour l'un, et un accident mortel pour l'autre ; le mariage n'était ainsi plus d'actualité. J'ai appris, tu sais..., commença-t-il à déballer. L'infidélité, il connaissait, la mort, il la côtoyait. Mais cela devait être d'autant plus grave lorsque des projets concrets et personnels tombaient subitement à l'eau.  


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Face aux angoisses de Spencer, Dean lui avait proposé son aide dans le cas où l'enfant, encore tout jeune, lui serait laissé de temps à autre. Cela lui avait semblé naturel, même si au fond il n'était pas mieux entraîné que son ami. Le soldat n'avait jamais bercé un nourrisson, ni n'avait changé la couche d'un de ses neveux ou d'une de ses nièces jusque là, mais cela paraissait si simple lorsqu'il voyait faire les autres. Ils ne pouvaient pas être si empotés, tous les deux. Et puis, deux paires de mains valaient mieux qu'une. Au pire des cas, Internet serait leur allié. On y trouvait tout un tas de tutoriel, il était donc quasiment certain qu'une puéricultrice ou une maman expérimentée avait eu l'idée de former les novices. Psychologiquement, l'asiatique était prêt, mais que ne fut pas sa surprise d'apprendre la disparition de la maman, là, de but en blanc.

Comment ça, elle a disparu, s'était-il exclamé, totalement surpris par l'annonce que venait de lui faire son vis-à-vis, à tel point qu'il avait lâché son gobelet de ses lippes sans en prendre une gorgée. A peine retrouvée, elle s'en était allée sans prévenir le père de son enfant, le laissant ainsi d'autant plus déstabilisé. Le pire, dans tout ça, avait été l'ajout du « encore ». Spencer était-il habitué à ça ? Dean avait froncé les sourcils, incapable de comprendre ce qui se tramait dans la tête de cette jeune femme. Elle ne semble pas très responsable, cette Violette, ne s'était-il pas retenu de la juger ; n'en avait-il pas le droit, après cette discussion ? Appréciant déjà jouer ce rôle auprès des enfants de ses frères et sœurs., il était un peu déçu de l'annonce que venait de lâcher le brun, car il s'était imaginé en véritable tonton pour ce petit Georges.

Pour éviter à son compagnon plus de remue-méninges, il avait dérivé sur un sujet qui les liait tous les deux : leur ancien groupe d'amis. Spencer étant resté sur Miami, il avait espéré que ce dernier ait pu garder contact avec quelques uns de leur grande bande, mais il en avait été autrement. Qui plus était, il ne paraissait pas être au courant des drames qui avaient foudroyé deux d'entre eux. Oh, fit-il simplement, laissant ses lèvres former un « o » quelques secondes supplémentaires avant de reprendre : Salim a perdu sa copine. Il avait senti sa gorge se nouer à ces mots, à tel point qu'il eut besoin de finir sa boisson chaude avant d'ajouter un détail. Dans un accident tragique, articula-t-il, la voix un peu plus morose ; ça changeait tout, n'était-ce pas ? Aux dernières nouvelles, ils allaient se marier, et pensaient à construire un foyer.

Tu devrais l'appeler un de ces quatre, ça lui ferait du bien, hocha-t-il la tête tout en même temps. Est-ce que cela voulait dire qu'il était mal en point ? Oui. Bien plus que ce que Spencer pouvait imaginer. Il avait d'abord perdu tout espoir en la vie, et puis, par un regain soudain d'énergie, avait commencé à vouloir se sentir libre et revivre, mais peut-être pas de la meilleure des manières. Il enchaîne les soirées, commença-t-il d'un ton qui ne pouvait rappeler ô combien il avait détesté le bruit à une époque, il boit et paye des coups à qui le veut bien, enchérit-il d'une mimique qui laissait à désirer. Et le pire, dans tout ça, c'était qu'il se mettait parfois en danger. Malheureusement, ils n'étaient pas assez nombreux, et pas toujours disponibles pour l'accompagner. Un pote de plus dans son entourage ne serait pas de trop, fit-il comprendre l'enjeu.

Dean avait connu ce sentiment de ne plus avoir de raison d'être un homme bien. A sa rupture, il avait fait des conneries qu'il regrettait aujourd'hui. Et s'il n'avait pas été épaulé par ses frères d'arme, nul doute qu'il aurait perdu la vie de façon déplorable. Aujourd'hui, cela appartenait au passé, et il priait pour qu'il en soit de même pour Salim un jour. Il commence à se faire tard, jeta-t-il un coup d’œil à sa montre, je dois encore faire des courses pour le dîner. Tu sais combien ma mère détestait déjà me savoir à la bourre dans son planning, plissa-t-il les yeux, tout en lâchant un rire. Ô, il en rigolait, mais ça n'avait pas toujours été le cas. Le pauvre garçon avait souvent tapé des sprint dignes des plus grands événements sportifs. C'était cool de te revoir, adressa-t-il à son voisin, faudra qu'on remette ça plus souvent, lui proposa-t-il.   


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