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 The fog is clearing; life is a matter of taste ft. Andrès

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Kathelyn Parks
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(#)Sujet: The fog is clearing; life is a matter of taste ft. Andrès  |   Dim 8 Aoû - 16:05

The fog is clearing; life is a matter of taste
Quand tu es heureux, regarde au plus profond de toi. Tu verras que seul ce qui t’apporte de la peine, t’apporte aussi de la joie. Quand tu es triste, regarde à nouveau dans ton cœur, et tu verras que tu pleures ce qui te rendait heureux.
C’était dans la nuit du neuf au dix août que le téléphone sonna. Les yeux à demi-clos, je saisis mon portable et reconnu l’indicatif de la prison de Miami. Il était trois heures du matin, passés de quelques minutes. D’une voix endormie, j’avais décroché. Une femme m’informa qu’un incident grave était arrivé dans la journée d’hier. Une bagarre avait éclaté au centre pénitentiaire et William avait reçu des coups de couteau. Il avait été opéré en urgence mais malheureusement les blessures étant trop grave, son état s’était aggravé. Mon fiancé avait fini par succomber à ses blessures il y a tout juste une demi-heure. Je restai muette un instant, asséner par la puissance du choc émotionnel que je venais de recevoir sans prévenir. Mon interlocutrice m’appela plusieurs fois mais je ne l’entendais pas. Je raccrochai et retournai me coucher comme si je venais de cauchemarder. Je me réveillai le lendemain matin avec mon portable en main. Un tas d’appels en absences, des messages vocaux en attente. La réalité me rattrapa. Ce n’était pas un cauchemar. Je me mis à fondre en larmes, mes yeux se posant instinctivement sur une photo de mon couple. Je rappelai les personnes qui m’avaient contacté et organisai les jours suivant l’enterrement de William.
 
Sa famille, ses amis se déplacèrent pour les funérailles – laïques pour respecter ses croyances – puis repartirent au bout de quelques jours à leurs vies respectives. Cela avait été un soulagement de les voir rentrer chez eux. Même si tout le monde avait été prévenant avec moi et m’avait aidé du mieux qu’ils le pouvaient, ils m’étouffaient sans le vouloir. J’annulai mon rendez-vous mensuel avec mon psychologue, pour me retrouver seule avec mes émotions.
 
Je courais deux fois plus qu’en tant normal, je me défoulais deux fois plus sur mon sac de frappe à la salle de sport. J’étais en colère. En colère contre le système pénitentiaire qui n’avait pas su protéger mon fiancé. En colère contre Dieu qui m’avait retiré celui que j’aimais le plus au monde au tout début de notre relation. En colère contre moi-même qui, par ma faute, s’était retrouvé en prison. Je n’avais pas ressenti tant d’injustices depuis longtemps et cette injustice me faisait terriblement souffrir. Les larmes coulaient sur mes joues tendit que je fixais l’idole de la vierge Marie ainsi que la croix qui se trouvait devant moi. Pourquoi ? Je me relevai et saisis tout ce qui traînait devant moi pour les balancer dans la pièce. J’avais l’impression d’être consumé par cette rage et il fallait que je m’en débarrasse. Je saisis ma robe de mariée accrochée dans la penderie et tous les magazines de mariage et les balançai par la fenêtre de la chambre. La vision de ces choses me rappelait sans cesse que jamais ce rêve ne pourrait aboutir. Que j’avais tout perdu en un claquement de doigts.
 
Une voix se fit entendre en bas. Je baissai la tête et constatai avec stupeur la présence de Andrès. « Oh mon Dieu. Pardon, est-ce que tu vas bien ? » lui demandai-je toute gênée. Je me reculai dans la pièce et regardai le désastre que je venais de commettre. La pièce était sans dessus-dessous. Je sortis de là et fermai la porte pour descendre voir le jeune homme en bas. J’essuyais les larmes qui avaient coulé sur mes joues, rattacha mes cheveux et… regarda ma tenue. Un jogging, une brassière et un pull-over sentant sans doute légèrement la transpiration de ma séance défouloir à la salle.  Habillée de noire, je faisais bien pâle figure, mais j’avais au moins l’excuse de dire que j’étais en deuil pour excuser ma négligence vestimentaire. J’ouvris la porte, essayai de sourire poliment mais j’eu l’impression que c’était au-dessus de mes forces. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Mon ton était abrupt. J’aimais la compagnie de Andrès mais là… Je crois que j’étais moi-même de mauvaise compagnie… Et je ne voulais pas qu’il connaisse cette partie de moi qui ressortais en ce moment. Cette fille en colère, triste et meurtrie.
 
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Andrès Muñoz
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(#)Sujet: Re: The fog is clearing; life is a matter of taste ft. Andrès  |   Dim 8 Aoû - 17:35

The fog is clearing; life is a matter of taste
Quand tu es heureux, regarde au plus profond de toi. Tu verras que seul ce qui t’apporte de la peine, t’apporte aussi de la joie. Quand tu es triste, regarde à nouveau dans ton cœur, et tu verras que tu pleures ce qui te rendait heureux.
Je me levais pour une journée normale, banale. J'allais aller bosser, sûrement courir, peut-être que je croiserai Joshua, j'en savais trop rien. Je me levais pour une journée ni incroyable ni nulle. Pourtant, quand je recevais la notification pour la dernière publication Instagram de Kathelyn et que je recevais son SMS, je sentis une douleur dans la poitrine. Je ne connaissais pas son mari, c'est vrai. Mais sa douleur faisait miroir sur moi. Déjà parce qu'elle me plaisait et que je détestais la savoir souffrir, et parce que je ne savais que trop bien ce qu'était le deuil, bien que de mon côté j'y étais préparé. Je savais que ma petite fille était malade, je savais qu'il arriverait peut-être un jour où elle me quitterait. Là, il semblerait que la mort de son futur mari soit soudaine, un accident provoqué en prison. Quoiqu'il en soit, sa douleur me touchait aussi. Je lui disais que j'étais là, si elle avait besoin. Je savais que ces mots étaient assez basiques dans ces moments-là mais, que dire d'autre? Je ne pouvais pas lui forcer ma présence, ni lui imposer ce qu'elle avait besoin de recevoir. Je préférais rester alerte, au cas où.

Après plusieurs jours sans trop de nouvelles, je commençais à m'inquiéter. Je savais ce que c'était d'organiser des obsèques, de recevoir la famille, de recevoir des mots dont on se fou, dont on écoute que la moitié. Je sais ce que c'est de vouloir être seul, d'être en colère, triste, perdu, abandonné, ne plus savoir quoi faire, vers quoi se diriger. Je ne voulais pas lui imposer quoique ce soit mais je pris le devant. J'attrapais mes clés et je conduisais jusque chez elle, près de la plage. Je voulais simplement passer, voir si ça allait et repartir si c'est ce qu'elle voulait. Je voulais simplement la voir, m'assurer que tout allait bien, si elle avait besoin de quoique ce soit. C'était plus fort que moi. Je m'avançais vers la porte, ne sachant toujours pas ce que je lui dirais. Qu'est-ce que tu fous là, Andrès, sérieux? Qui es-tu, toi, dans sa vie, pour venir tenter de l'aider dans son deuil? C'est ridicule. J'hésitais encore à taper quand la fenêtre du haut s'ouvrit en trombe et qu'un tas de magazines tombaient de là haut ainsi qu'une robe de mariée qui m'arrivait pratiquement entièrement dessus. La tête de Kathelyn dépassa la fenêtre presque instantanément, s'excusant déjà. Le temps qu'elle descende, je repoussais légèrement la robe de mariée, sans vouloir l'abîmer. Elle ouvrait la porte et me lança une phrase un peu moins courtoise mais qui faisait écho à ce que je pensais un peu plus tôt. Je regardais la robe entre mes mains et lançais légèrement : eh bien écoute je me suis dis qu'il était temps que je me mette à porter du blanc mais, ça n'a pas l'air de m'aller vraiment au teint. Faut que je révise mes magazines. fis-je alors d'une petite voix, sans trop abuser le côté volontairement "rigolo" de l'écho à la situation actuelle. Je remettais la robe correctement avant de la regarder plus attentivement.

Elle avait le teint pâle, habillée de noir, elle était en deuil et physiquement ça se voyait. Je voyais que son sourire était forcé, qu'elle avait voulu le faire par courtoisie et sa voix la trahissait. Je ne connaissais que trop bien cet état et quelque part l'écho était plus fort que prévu - je n'avais certainement pas fini mon deuil de mon côté et replonger serait bien facile malheureusement. Mais il fallait que je passe par dessus ce que tout cela reflétait en moi. non je... j'ai vu ton post sur Instagram et comme tu ne me répondais pas je... Je suis juste passé voir si tout allait "bien". Même si je sais que, ça ne peut pas aller bien. Et que je sais qu'aucune parole ne pourrait te réconforter ne serait-ce qu'à 1% de ce que tu ressens actuellement. lui fis-je alors en levant les épaules. Je clignais des yeux légèrement. enfin je... je me disais que peut-être ce n'était pas une bonne idée de venir te voir sans que tu ne l'aies demandé. Je.. Je voulais être sûr que tu ne manquais de rien. Je me mettais à ramasser les magazines, à les empiler proprement sur le porche, plus près d'elle. tu.. tu devrais peut-être plutôt les mettre dans des cartons... tu es en colère aujourd'hui, profondément blessée mais tu risques peut-être de regretter plus tard de t'être séparé de tout ça. lui fis-je alors en évitant d'abord son regard avant de lever les yeux vers elle. j'avais une horrible envie de la prendre dans mes bras, de la laisser se vider, ou qu'elle me frappe. Je me souvenais tellement de la douleur que c'était que c'était comme si elle m'envahissait de nouveau. Je, je suis désolé. C'est juste que... Personne ne le sait ici mais j'ai perdu quelqu'un aussi il y a peu et.. j'aurais aimé avoir quelqu'un avec qui... ne rien dire. sur qui frapper même à l'occasion, sur qui hurler et aussi avec qui je pouvais pleurer et je... je levais les épaules, les yeux soudain humides. je voulais juste que tu saches que je pouvais être cette personne là pour toi si... si tu le souhaitais. mais tu peux m'envoyer boulet, je ne t'en voudrais pas. fis-je alors avant de reculer d'un pas.
 
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(#)Sujet: Re: The fog is clearing; life is a matter of taste ft. Andrès  |   Ven 13 Aoû - 0:23

The fog is clearing; life is a matter of taste
Quand tu es heureux, regarde au plus profond de toi. Tu verras que seul ce qui t’apporte de la peine, t’apporte aussi de la joie. Quand tu es triste, regarde à nouveau dans ton cœur, et tu verras que tu pleures ce qui te rendait heureux.

Je venais de mettre sans dessus-dessous la chambre dans laquelle j’aimais habituellement me recueillir et là où je gardais précieusement tous les préparatifs de notre mariage, quand Andrès débarqua en bas de chez moi. J’étais gênée qu’il se soit reçu ma robe de mariée, mais il dédramatisa la situation avec une plaisanterie. Je ne m’attendais tellement pas à cette pointe d’humour que j’en restai stoïque pendant quelque secondes. Tous le monde passait son temps à marcher sur des œufs avec moi ces derniers temps que j’en avais oublié que l’humour existait. Dans d’autres circonstances j’aurais sans doute ris de cette blague, mais là c’était au-dessus de mes force. Tout de même j’appréciais l’effort de paraitre naturel en ma présence. N’ayant pas eu de réaction en adéquation avec sa remarque, il sembla se sentir obligé de m’offrir une réponse plus sérieuse. « Merci Andrès. » lui dis-je simplement. Je ne voulais pas paraitre mal malpoli en lui disant qu’il aurait mieux fait de rester chez lui, que je n’avais besoin de rien. L’envie était pourtant forte mais je ne voulais pas être plus désagréable que je pouvais déjà l’être. Je sentis ma gorge se nouer lorsqu’il se pencha pour ramasser les magazines que j’avais fait volé par la fenêtre à l’étage. « Qu’est-ce que je pourrais bien en faire à l’avenir ? William est mort et je ne me marierais jamais. » répliquai-je sèchement en regardant le jeune homme faire un tas sur mon porche. Plus jamais je n’aurais envie de poser mes yeux sur ses pages qui avaient accueillis durant de longs mois de grands rêves. C’était trop douloureux de faire face à ce que j’avais perdu. Andrès s’excusa. Sans doute que mon ton sec avait dû remettre en doute sa légitimité à essayer de me réconforter et plus largement à être présent en ce moment. Il me confia avoir connu récemment la perte de quelqu’un. Je sentais que c’était encore un évènement douloureux pour lui aussi et les paroles empathique qu’il prononça étaient remplies de sincérité. J’en vins presque à oublier ma propre douleur le temps de quelques secondes. Personne dans mon entourage ne semblait réellement comprendre et pourtant certains avaient connus le deuil, mais j’avais comme l’impression qu’ils ne se souvenaient plus ce que c’était. Andrès, lui, il savait et je sentais que ses paroles n’étaient pas vides et juste polies. Je croisai son regard. Je sentais qu’il était prêt à accueillir ma douleur avec sincérité et bienveillance.
 
Je me décalai sur le côté du pas de la porte. « Entre, je t’en prie. » J’avais envie de rester seule, à pleurer au fond de mon lit mais mon instinct me poussait laisser entrer Andrès dans cette petite bulle dans laquelle je m’enfermais depuis plusieurs jours maintenant. Je posai les yeux sur les magazines repensant à ce qu’il m’avait dit avant de les détourner rapidement. Je ne pouvais pas les ramasser, c’était trop dur. Il tenait toujours ma robe de mariée dans les mains. Je la lui repris et la posai maladroitement sur le meuble de l’entrée. Je l’amènerais aux bonnes œuvres, ce sera toujours mieux qu’elle fasse une heureuse dans le besoin plutôt qu’elle soient mises en lambeaux par les roues des voitures. Silencieusement, je me rendis dans la cuisine et proposai une boisson chaude à mon invité. J’avais le cœur lourd et je sentais que j’étais sur le point d’être de nouveau submergée par l’émotion. Je pris de la vaisselle qui trainait dans l’évier et commençai à la laver. « Je me surprends parfois à penser que je vais aller lui rendre visite … Et ensuite j’en viens à me mettre à penser pour quelle raison il était en prison. » Je sentais que je me mettais encore en colère. Je détestais cet état qui s’emparait de moi et qui faisait de moi une fille à l’opposée de celle que j’étais. Mais c’était incontrôlable. Ca me prenait aux tripes avec une telle puissance que cela envahissait mon être en moins de temps que j’ai le temps de reprendre une respiration. « J’ai vécue des choses … traumatiques … » oui j’employais ce mot car mon psy m’avait appris qu’il n’était pas mal de les définir telles qu’elles étaient réellement. « J’ai enfouis ça au fond de moi durant des années avant de me souvenir de ce que j’avais subi au cours d’une séance d’hypnose. Quand Will l’a appris il a replongé dans l’alcool et c’est comme ça qu’il a finit en prison. Il a opéré un jeune garçon en état d’ébriété et son patient est mort. Et je me dit que si je n’avais pas essayé de déterrer mon passé, si je ne lui avais rien confié ou même si je ne l’avais jamais rencontré il serait toujours vivant. » J’éclatai en sanglots face à mon évier et frotta davantage l’assiette déjà bien propre que je tenais en main. Andrès allait sans doute tourner les talons, regrettant la main tendue qu’il m’avait proposé. Je lui balançais des morceaux de vies bien lourdes et dont il lui manquait les trois quart des éléments. Il allait me prendre pour une cause perdue et pathétique.
 
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(#)Sujet: Re: The fog is clearing; life is a matter of taste ft. Andrès  |   Dim 29 Aoû - 15:39

The fog is clearing; life is a matter of taste
Quand tu es heureux, regarde au plus profond de toi. Tu verras que seul ce qui t’apporte de la peine, t’apporte aussi de la joie. Quand tu es triste, regarde à nouveau dans ton cœur, et tu verras que tu pleures ce qui te rendait heureux.
Je savais que Kathelyn vivait un moment difficile, bien trop difficile. Je n'imaginais pas ce qu'elle pouvait ressentir ces derniers jours. Je n'avais eu aucune nouvelle de sa part et au final, je n'étais pas étonné. Même si j'aurais aimé être là pour elle, bien plus que ce que je n'aurais imaginé, j'essayais de prendre sur moi. Elle n'avait pas besoin d'un ami de si courte date, de plus je ne connaissais pas son mari alors elle voulait sûrement s'entourer de personnes se souvenant de lui. Néanmoins, je m'inquiétais. Mon esprit n'arrivait pas à se défaire de s'imaginer ce qui pouvait bien arriver dans les murs de sa maison. Je passais parfois devant, je voyais des lumières, je la voyais passer devant la fenêtre ou une fois je l'avais vu de loin courir, mais je ne voulais pas la forcer à me faire entrer dans sa bulle.

Néanmoins aujourd'hui, j'avais craqué. J'avais décidé d'aller voir si tout allait bien et j'étais accueilli par des débris balancés par les fenêtres dont sa robe de mariée que je recevais en pleine tronche. Elle descendait rapidement et je décidais de lui faire une petite blague, histoire de détendre l'atmosphère, même si elle ne réagissait pas à celle-ci. je me disais que ça lui montrerait que j'étais ouvert à elle. prendre mille pincettes n'aidait pas, je ne le savais que trop bien. Néanmoins, je voulais simplement lui faire savoir que je voulais être sûr que tout allait "bien", et que j'étais là si elle en avait besoin car je savais un peu ce qu'elle pouvait vivre, même si je n'avais pas vécu tout à fait la même histoire. Personne ne savait un tiers de ce que je lui confiais alors que ce n'était qu'un huitième de l'histoire. Je m'attendais à me faire envoyer paître mais au lieu de ça, elle se recula pour me laisser entrer. J'aimais cette version de ce moment, je dois le dire. Elle me laissait entrer dans sa bulle, dans sa sphère de dépression. Oui, j'avais face à moi une Kathelyn bien différente de celle que j'avais connu jusque là. Elle avait le visage lugubre, elle se tenait même très renfermée, très lointaine. Son sourire me manquait, ses cheveux en bataille étaient toujours là mais, ils avaient moins d'éclats. Le soleil qui l'habitait s'était éteint, reculé. Mais qui pourrait l'en blâmer? Elle en restait belle, quoiqu'il en soit. Belle dans sa souffrance, belle dans sa blessure. Elle m'avait pris la robe des mains puis s'était avancé dans sa cuisine pour faire sa vaisselle après m'avoir servi un café. merci lui avais-je soufflé. Puis en frottant une assiette bien plus propre que ce qu'elle semblait faire croire par ses gestes, elle prit la parole. Elle semblait s'en vouloir pour le pourquoi il était en prison, l'endroit où il avait été tué. Je la laissais parler, je la laissais massacrer cette pauvre assiette alors qu'elle me parlait de choses qu'elle avait vécu, de choses qu'elle avait fait resurgir avec une hypnose. Je l'écoutais attentivement. Elle me parlait de la réaction de William face à ça, qu'il avait repris l'alcool et que c'était suite à cela qu'il avait échoué une opération. Je fronçais les sourcils. C'était une histoire affreuse. Je n'avais pas eu la raison jusque là et je devais avouer qu'elle faisait froid dans le dos, une histoire terrible. Je me doutais bien que ce n'était qu'un morceau de la vérité. Mais Kathelyn lâcha un des sanglots qu'elle retenait et frottait de plus belle son assiette.
Je posais mon café en m'approchant d'elle, par réflexe. Je passais derrière elle pour attraper ses mains dans l'eau, la faire tout lâcher et entourer ses bras et les miens autour d'elle. Je la prenais dans mes bras comme ça, mon nez contre ses cheveux, je la sentais sangloter contre moi, elle faisait des sursauts de pleurs et je la tenais fermement pour contrebalancer la violence qu'elle mettait dans sa vaisselle. Elle aurait pu la casser et se couper dans l'eau, ce qui aurait été horrible. Je ne l'empêchais pas de pleurer, bien au contraire. Mon geste signifiait que j'étais là pour elle, qu'elle avait le droit d'être triste, le droit d'être en colère, le droit de ressentir mille émotions. c'est normal que tu t'en veuilles. c'est une étape logique dans le deuil. mais son alcoolémie n'était pas ton choix, Kathelyn. Tu n'es pas responsable de ses actes, ce n'est pas ta faute s'il a pris un travail aussi important dans un état d'ébriété. tu as le droit de connaître ce que ton cerveau te cache. le cerveau cache des choses pour nous protéger mais qui a le plus de légitimité à connaître tout de ses souffrances si ce n'est que soi-même? Les cacher n'aide en rien, les faire ressortir, malgré l'horreur que ça puisse être comme tu l'as fais, y'avait rien de plus saint. C'est la meilleure manière pour les accepter, en faire un vrai travail, l'intégrer et avancer délivré. le reste, ce n'est pas de toi. tu n'as pas à t'infliger ça... lui soufflais-je alors. Je savais très bien ce que je disais. Je ne savais que trop bien ce qu'était ce sentiment de penser que c'est notre faute, qu'on aurait pu faire autrement et sauver l'être aimé. Mais à quoi bon? tu as des lunettes et des gants? lui demandais-je alors en attrapant sa vaisselle pour aller dehors en la laissant attraper ça au passage. Je lui donnais l'assiette et lui montrait un mur devant elle au pif. vas-y. une des meilleures thérapies. On s'en fou tellement du matériel. C'est quelque chose qui nous attache à des souvenirs douloureux, qui qu'ils soient là ou non, sont toujours présents, alors à quoi bon? Elle avait retourné sa chambre, voulu mettre en péril des choses importantes, qu'elle pourrait regretter. De la vaisselle, ça se remplace. Elle aimait la boxe, se défouler, je savais que ça lui ferait du bien. Elle avait besoin d'évacuer, de pleurer s'il le fallait, et je n'allais pas l'en empêcher par ma présence, au contraire. on peut même faire de la boxe si ça te fait du bien lui fis-je alors. quoiqu'elle veuille faire pour se défouler, je la suivrais. Je me disais que quelque part, moi aussi, ça pourrait me faire du bien. J'étais prêt à balancer de la vaisselle contre le mur avec elle si je la voyais accepter l'idée.

Toute sa souffrance faisait miroir de la mienne. Je revoyais ma petite fille, je la revoyais sourire, à l'hôpital, crier mon nom quand j'entrais dans la chambre en tenue officielle. Je me revoyais dormir avec elle, lui raconter des histoires, faire des nuits blanches pour la regarder dormir. Je revoyais ma femme me lancer des assiettes dans la pièce, comme ce que je lui proposais de faire, parce qu'elle m'en voulait de ne pas avoir été assez présent. Je revoyais ma femme avec cet autre homme, je me revoyais entendre un de ses appels dans le couloir de l'hôpital alors que notre fille s'était endormi sous respirateur. Je me rappelais de chaque sourire, chaque pleurs, chaque regard, sa voix. Mes poils se hérissaient. J'étais loin d'avoir fais mon deuil, de mon côté. Que ce soit de mon mariage, du fait de m'en vouloir d'avoir travaillé pendant qu'elle était malade à la maison, de ma fille. Je sentais que tout ce que je tenais enfoui la plupart des jours remontaient à travers mes tripes.
 
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