@Khira Arana

Cure de désintox. Séance numéro 5. Je me demande encore pourquoi on m'a condamné à suivre cette cure stupide qui me fait perdre un temps fou. Enfin non, je me demande surtout à quel moment sous entendre à un policier que sa mère fréquente beaucoup d'hommes sur son temps de travail est un outrage à personne dépositaire de l'autorité. Oui, j'avais bu ce soir là. Peut-être un peu trop. Mais qui est le plus zélé des deux ? Le citoyen lambda, qui n'a jamais rien fait de préjudiciable et pour qui l'alcool a eu un effet un brin trop désinhibiteur, ou l'agent de police, biberonné au respect des règles, du cadre, de l'autorité, et qui n'accepte pas qu'une personne puisse mettre en doute sa conception de la vie ? La justice à tranché et c'est moi le méchant, condamné à verser une amende très salée et à suivre cette thérapie grotesque. En plus des séances chez une spécialiste, je dois m'astreindre à des prises de sang chaque semaine pour vérifier que je n'ai pas d'alcool dans l'organisme. Pas une trace, sinon je risque de me retrouver sous les barreaux pour quelques mois. Mais Miami a besoin de moi, je ne peux pas la laisser tomber. Alors, pour une rare fois dans ma vie, je suis obligé de faire ce que l'on me demande, sans contestation possible.

Cela dit, le côté moins ennuyeux de toute cette mascarade est donc la consultation obligatoire hebdomadaire chez un psychiatre spécialisé en addictologie. Non pas car cela m'aide à combattre mes "démons", car en réalité, encore une fois, je n'ai absolument aucun problème avec l'alcool. Et même si un grand philosophe français du XXIème siècle disait que "si tu dis que t'as pas de problèmes avec l'alcool, c'est que t'en as un", cette maxime ne s'applique pas pour moi. Pourquoi est-ce si distrayant de voir ce docteur alors ? Pour deux raisons. La première, c'est qu'elle est très agréable à regarder. Ne voir parfois que ses longues jambes ciselées devêtues dans cette blouse blanche avait une légère tendance à me renvoyer à des pulsions n'ayant strictement aucun rapport avec l'alcool. Elle est peut-être là, ma réelle addiction. Au fur et à mesure des séances, nos échanges se détournaient du sujet principal pour en aborder d'autres moins conventionnels. Ou est le mal ? Je suis en droit de savoir à qui je dois confier mes "problèmes d'alcool". Savoir sa situation maritale est un élément important, qu'on le veuille ou non. Et l'autre facteur de "plaisir", c'est qu'elle est tenue par le secret professionnel. Alors je peux lui dire absolument tout et n'importe quoi, je sais que cela ne sortira jamais de son bureau. Et je dois avouer que ça a un côté pratique.

J'arrive donc à son cabinet, avec toujours 5 minutes d'avance, une sorte de contrainte que je m'impose depuis ma plus douce enfance. Lorsque mon nom résonne dans la salle d'attente, je lève mes yeux vers le docteur, coiffée et maquillée de façon légèrement différente que d'habitude. Je prends la direction de son bureau, tout en n'oubliant pas de lui serrer la main pour la saluer. Vos mains sont encore plus douces que d'habitude docteur. A l'intérieur du bureau, rien ne semble bouger. C'est la cinquième fois que je viens, et j'ai l'impression de vivre un éternel recommencement. Une fois installé, j'ai le droit à un résumé des séances précédentes. On se croirait sur Netflix, c'est génial docteur, ne changez rien. Et alors que le résumé n'est pas encore terminé, je lui coupe la parole un peu sèchement, intrigué par ce visage encore plus resplendissant qu'à l'accoutumée. Pardon docteur, mais vous êtes vraiment magnifique aujourd'hui. Rendez-vous galant prévu en fin de journée, je me trompe ?