Il devait être près de deux heures du matin. Elisha avait dû effectuer un voyage pour se rendre chez le fournisseur de boisson. Ses employés avaient eu la bonne idée de donner un préavis de grève pour la journée à venir, et son patron ne voulait pas prendre le risque de devoir fermer le bar lendemain. Évidemment, c'était sur elle que c'était tombé. C'est sûr, elle n'avait pas d'enfant à s'occuper, pas de mari qui l'attendait, pas même un chat à nourrir. Il était donc logique que l’éternelle célibataire se sacrifie. Le tout avec cette vieille camionnette que Jerry lui avait refourgué. Cette voiture devait être aussi âgée que lui, c'était pour dire. Elle sentait le tabac froid et l'alcool. Ce qui résumait assez bien l'hygiène de vie de ce patron plutôt loufoque. Melle Parker venait de sortir de la ville avoisinant la sienne, elle était soulagée de savoir que d'ici une demi-heure, elle se trouverait sous sa couette et rien que d'y penser, elle poussait un peu plus les rapports de l'engin espérant y gagner quelques minutes. De toute façon, l'endroit était littéralement désert. Et la seule chose qu'elle observait face à elle, c'était cette longue route qui traversait la forêt. Mis à part faucher un animal sauvage, elle ne voyait pas ce qu'elle risquait. La vieille musique qui émanait du post radio la tenait éveillé, bien qu'elle ne devait pas être de son époque. Elisha avait les yeux fixés sur la route. Affalée sur sur siège, une odeur de brûlé interpella son attention. Elle se redressa, voyant soudainement une fumée blanchâtre s'extirpait du capot de la camionnette. "Oh,Non non non..." Lâcha t-elle en voyant l'aiguille du compteur kilométrique se diriger rapidement vers le zéro. La voiture ne semblait plus alimentée et bien qu'elle tentait à plusieurs reprises de redémarrer le moteur, cette dernière ne donnait plus de signe de vie.

Elle eut le temps de se rabattre sur le bas côté de la route avant d'être complètement à l'arrêt. Elle tenta à nouveau de redémarrer le véhicule, en vain. Elle jura et se passa la langue sur ses lèvres nerveusement. Qu'est ce qu'il pouvait y avoir de pire que de tomber en panne, au beau milieu de nulle part en pleine nuit? Elle prit une grande inspiration et sortit de la voiture avec une certaine crainte. Elle observa autour d'elle, pas rassurée, il lui semblait entendre des bruits provenir des buissons un peu plus loin. "Tu es une femme forte, c'est pas une voiture qui va dicter ta vie...Il y a rien ici" se souffla t-elle à elle même en ouvrant le pare choc. Elle toussa face à l'assaut de fumée qui s'échappait de l'habitacle, et grimaça en observant le moteur. C'était pas bon du tout tout ça. Elle ne s'y connaissait pas du tout, mais ça sentait pas bon... Elle sortit son téléphone portable et tenta d'appeler son patron. Évidemment, le réseau semblait avoir prit la fuite lui aussi. Elle jura, se retenant de ne pas donner un coup sur cette put*** de fourgonnette. Elle se passa les mains sur le visage, observant de chaque côté la longue route qui l’amènerait jusqu'à chez elle. Quand est ce qu'elle avait croisé un véhicule pour la dernière fois? Elle ne s'en souvenait même pas. Il ne lui restait plus qu'à attendre sagement dans son véhicule que quelqu'un s'inquiète de son sort. Elle s'enferma dans ce dernier, la boule au ventre. On y voyait rien dans cette forêt, n'importe quel fou pouvait surgir de nulle part et tenter de la tuer. Elle chassa cette idée morbide de sa tête, c'était pas le moment de psychoter, elle se cala dans le fond de son siège, et ferma les yeux. C'était mieux que de guetter ce qui l'entoure, et puis peut être qu'elle finirait par trouver le sommeil à la longue...

La journée avait été éreintante. J’avais hâte de pouvoir dormir même si une grimace s’installait sur mon visage quand je réalisais que je dormais sur le canapé de Lily et non dans un lit. Je lui étais reconnaissant de m’héberger mais je devais à tout prix trouver un appartement, surtout si mes soirées se déroulaient toutes de cette façon. Mes yeux se fermaient quasiment tout seul alors que je patientais sur le banc du bus près de l’hôtel, laissant la fatigue me gagner peu à peu. Un coup de klaxonne me fit sursauter et rouvrir mes yeux. J’avais eu un peu de mal à comprendre qu’il m’était destiné avant de voir le propriétaire de la voiture me faire de grands signes en sortant de la voiture. Merde. C’est le seul mot qui m’était venu en tête. Un peu plus tôt, j’avais revu Madison qui m’exprimait clairement à quel point elle me détestait et à présent, c’était lui. Son cri pour me dire de rentrer dans la voiture ressemblait plus à un ordre qu’à une invitation. J’aurais certainement dû l’ignorer ou m’éloigner mais je ne voulais pas prendre le risque de m’attirer des ennuies. J’avais jeté un coup d’œil à ma droite puis ma gauche comme si j’avais peur d’être pris en flagrant délit avant d’obéir. Il démarra brusquement et poussa un long soupire avant de laisser l’habitacle de la voiture dans un silence gênant. Je préférais m’abstenir de parler et j’avais bien fait. Quand il prit la parole, sa colère avait pris le dessus. Selon lui, je lui devais de l’argent et j’avais été un sérieux petit con en partant sans prévenir. Il avait perdu des clientes à cause moi et il ne cessait de m’insulter à la fin de chacune de ses phrases. Je regardais la route, droit devant moi en tendant de faire abstraction de ses paroles. Puis, soudainement, il s’était arrêté. Il avait tourné la tête vers moi puis s’était mit à me dévisager dans un calme complet et assez terrifiant. Il n’avait pas envie de rire et il me tuerait sans doute pour le moindre mot de travers. « Pourquoi tu portes ces fringues ? » me balança-t-il en lâchant une main de son volant pour se mettre un joint dans la bouche. « J’ai passé des essais pour obtenir un poste comm… » Tentais-je de répondre avant de sentir ma tête se cogner brutalement contre le tableau de bord. Bordel de merde. Je sentais une petite coupure au niveau de mon front mais rien de très grave. Je n’avais même pas réalisé sur le moment qu’il avait fait le tour de la voiture pour me tirer à l’extérieur et me jeter sur le bord de la route. J’aurais dû m’en douter. Il ne me laisserait pas aussi facilement quitter mon ancien travail d’escort. Je lui rapportais bien trop d’argent pour qu’il fasse un trait dessus. Après une énième insulte et un coup de pied dans l’abdomen, il avait fini par se rediriger vers sa voiture en ajoutant qu’une bonne marche à pied me ferait du bien pour me remettre les idées en place et que j’avais une semaine pour le contacter.

La voiture s’éloignant à toute vitesse, m’avait donné envie de tout caser. Seulement, à part la forêt et l’herbe, je ne voyais pas trop de ce que je pouvais utiliser pour me défouler. Je fis donc la seule chose qui me restait à faire. Marcher en tentant d’arrêter une voiture ou un bus qui passerait par là. Malheureusement, rien à l’horizon. Pas étonnant, vu l’heure.  Après une vingtaine de minutes, j’avais aperçu une vieille camionnette sur le bas côté de la route. J’espérais que ce n’était pas une prostituée mais je ne laisserais pas une opportunité de m’enfuir d’ici. Il faisait froid, j’avais mal au ventre et je détestais rester dehors. Le bruit des insectes rendait l’ambiance un peu glauque. J’avais frappé contre le véhicule avant de coller mon visage sur la vitre côté passager. Il y avait une fille. J’allais pour sortir d’ici. « Hey ! Est-ce que ça vous dérangerait de me déposer en ville ou à un arrêt de bus ? Un ami m’a déposé sur le bord de la route et je suis vraiment épuisé. » Criais-je pour être certain qu’elle puisse m’entendre. « S’il vous plait. » rajoutais-je pour tenter de la faire craquer.

Elisha se maudissait tellement. Elle qui était du genre à avoir une grande gueule, pourquoi ne s'était t-elle pas manifesté lorsque son patron lui avait imposé cette mission stupide?! Ça sentait mauvais dès le départ ce plan! Vous voyez une belle petite minette se retrouver seule dans une zone industrielle en pleine nuit, c'était tordue! Alors imaginez cette dernière, vêtue d'un jean ultra moulant et d'un tee shirt qui laissait apparaitre le bas de son ventre, se taper à porter des caisses de bières aussi lourdes qu'elle dans le fourgon. C'était complètement grotesque! Sans oublier les hommes qui s'étaient bien rincé l’œil au passage. Ah c'est sûr, elle y avait vu l'occasion de rentrer plus tôt chez elle et d'avoir une petite prime à la clé. Mais quand on voit où ça la menait, elle aurait peut être du se contenter de dire "Merde", oui, elle aurait dû! Maintenant, elle se retrouvait seule, en pleine nuit, au beau milieu de la forêt, avec pour seule sécurité, cette tôle de voiture. Et puis ce téléphone qui n'avait plus aucune utilité étant donné la situation. Ça ne pouvait pas être pire! Elle avait regagné le véhicule. Entendre les feuillages et bruitages d'animaux la faisaient flipper au plus haut point. Cela n'empêchait qu'elle jetait un coup d’œil méfiant régulièrement à l’extérieur, pour se rassurer. La scène ressemblait clairement à un film d'horreur, dans lequel un homme avec une hache allait sortir de nulle part et se chargerait de la couper en petits morceaux pour ensuite éparpiller les morceaux dans un point d'eau... Elle soupira, tentant de chasser cette pensée qui était finalement autant probable que d'être sauvée par son propre patron. Il fallait qu'elle soit forte, et surtout patiente. Elle avait laissé volontairement le capot de la voiture levé. Si quelqu'un passait par là, ça permettrait d'attirer son attention et d'avoir enfin l'occasion de regagner son appartement. En attendant, rien ne l'empêchait de fermer les yeux et de piquer un petit roupillon, le temps passerait beaucoup plus vite dans ces conditions.

Le sommeil semblait peu à peu la gagner, elle venait d'oublier où elle était et parvenait enfin à lâcher prise, dans un silence royal... Jusqu'à ce qu'un bruit assourdissant la réveille. Elle hurla de toutes ses forces, ne sachant plus qui elle était, ni même où elle se trouvait. Son cœur allait lâcher d'un moment à l'autre tandis qu'elle remarqua l'homme qui se tenait devant la vitre côté passager. Il était complètement terrifiant! Elle cria de nouveau de toutes ses forces, pétrifiée face à cette silhouette masculine, et se jeta contre la portière dont elle était la plus proche pour s'éloigner au maximum de lui. Elle s'était d'ailleurs cogné la tête au passage contre la vitre, mais peu importe. Il était le monstre à la hache!!! Et elle vivait sûrement ces derniers instants."Hey ! Est-ce que ça vous dérangerait de me déposer en ville ou à un arrêt de bus ? Un ami m’a déposé sur le bord de la route et je suis vraiment épuisé. » Elle saisit son sac brusquement et le balança sur sa fenêtre. "DEGAGEEEEEEZ!" lâcha t-elle entre deux cris. Le coeur battant et les cheveux en bataille, elle tenta de reprendre son souffle, voyant qu'il ne bougeait pas. Elle l'observa avec un peu plus d'attention, remarquant qu'il n'avait à priori pas d'arme pour l'agresser. Elle hésita et se redressa légèrement, abandonnant pendant quelques secondes cette attitude de folle furieuse qu'elle était devenue. « S’il vous plait. » Elle se pinça les lèvres nerveusement. "Et qu'est ce qui me dit que vous allez pas tenter de me tuer et de me laisser inerte sur le bord de la route?" Elle haussa les sourcils, attendant une réponse qui lui permettrait de la faire changer d'avis ." De toute façon ça sert à rien, le moteur de la voiture a lâché..."

Mes pieds souffraient le martyr et chacun de mes muscles suppliaient à mon corps de se reposer au moins un instant. J’avais travaillé toute la soirée et me voilà en train de marcher en pleine forêt sur le bord de la route à ne plus en voir la fin. Je n’en pouvais plus et ça ne s’arrangeait pas de minute en minute. J’étais déjà prêt à m’asseoir et attendre qu’une voiture veuille bien emprunter cette fichue route en plein milieu de la nuit. Non, en réalité, je n’avais plus aucun espoir. La seule envie qui me parcourrait le corps c’était de faire marche arrière et repartir de Miami. J’avais peut-être surestimé mes capacités à me réintégrer ici sans trop de difficultés ou sans en subir les conséquences. Tandis que je perdais espoir, l’image d’une camionnette à plusieurs mètres m’avait finalement motivé à nouveau. J’étais sauvé et je ne cachais pas ma joie. Je m’étais mit à courir dans sa direction comme si la fatigue ou la douleur n’existaient plus. En arrivant à sa hauteur, j’avais frappé quelques coups pour ne pas prendre le propriétaire par surprise avant d’arriver à l’une des vitres pour coller ma tête dessus. Un cri s’échappa de la voiture et j’avais deviné que je lui avais sans doute faire peur. Une jeune fille brune, d'une vingtaine d'années. Elle dormait sans doute dedans. Bizarre. J’avais levé mes deux mains en m’empressant de lui expliquer en quelques mots la situation et en la suppliant de me déposer en ville. Je pensais que mon regard désespéré suffirait à la convaincre de me tendre la main. Seulement, ce n’était pas suffisant. « Et qu'est ce qui me dit que vous allez pas tenter de me tuer et de me laisser inerte sur le bord de la route? » J’aurais dû m’en douter. J’étais un mec, c’était une fille et nous étions dans une forêt sans la moindre présence à l’horizon. A sa place, je ne me serais pas fait confiance non plus et je dois avouer que je ne savais même pas comment argumenter pour lui donner la bonne réponse. « Est-ce que j’ai l’air d’un tueur ? » riais-je dans un premier temps avant de soupirer. C’était stupide. Les tueurs n’avaient pas de tête en particulier. J’avais donc glissé ma main dans ma poche pour en ressortir ma carte d’identité et la plaquer sur la vitre. Je savais que ce ne serait pas suffisant. Je lui donnais mon identité mais ça ne voulait pas dire que je ne pouvais pas m’en prendre à elle. « De toute façon ça sert à rien, le moteur de la voiture a lâché... » Répondit-elle finalement. « Vous auriez pu me le dire avant. » lançais-je sans réfléchir avec un goût un peu amer. Je ne voulais pas m’énerver contre elle mais ce n’était pas ma journée. J’avais officiellement la poisse. J’avais remit ma carte dans ma poche en continuant ma marche pendant à peine dix mètres avant de poser mes fesses par terre. J’étais épuisé et j’en avais assez. Je ne continuerais pas plus longtemps même si je pouvais mourir de froid dehors. Après cinq minutes assit, je m’étais allongé comme une masse. Avec un peu de chance, elle aurait pitié de moi et elle me balancerait une couverture ou un truc du genre.

La situation était réellement embarrassante. Elle ne voulait qu'une seule chose, c'était que les heures passent, que la solution vienne enfin à elle et qu'elle puisse dormir dans son lit qui était vraiment plus confortable que cette banquette qui sentait le tabac froid et qui devait regorger de mini trésor s'il l'on y passait la main. Mais pour le moment, elle devait se contenter de ça. C'était pas confortable, c’était affreusement flippant, mais elle devait se dire que c'était provisoire! Un véhicule finirait bien par la voir et se chargerait de la raccompagner dans le centre ville... C'est ce qu'elle espérait en tout cas. Parce que dans le sens inverse, elle n'aurait sûrement pas ralenti pour voir si quelqu'un avait besoin d'aide. C'était le Karma ça! Elle débarquait dans la ville pour retrouver cette demi-sœur, sachant pertinemment qu'elle déclenchait d'avance un véritable séisme pour Leyla, mais que ses parents risquaient clairement l'attaque s'ils venaient à l'apprendre. C'était sa punition, c'était si logique!

Si elle semblait contrôler la situation, l'arrivée de l'inconnu déclencha chez elle une véritable crise d'hystérie. Elle se voyait déjà l'attaquer avec le stylo qu'elle avait laissé sur le tableau de bord. Certes, elle voulait être sauver. Mais pour qu'on vienne l'aider, fallait t-il déjà qu'elle laisse l'autre personne l'approcher. Mais en jetant un bref coup d’œil de chaque côté, elle s'était aperçu qu'il n'y avait aucun feu de voiture dans les parages. Donc c'était qui ce mec? Elle avait tenté cependant de canaliser cette énergie soudaine afin d'échanger avec celui qui en était la cause. Sa réponse, ne fût pas celle qu'elle attendait.« Est-ce que j’ai l’air d’un tueur ? » Il se mit à rire, sous le regard déstabilisé de Parker et soupira."Je dois vraiment répondre à ça?". Et puis quel tête ça a un tueur d'abord? Elle restait sur ses gardes, malgré que la tension était redescendue d'un cran. Elle voyait assez mal son visage, mais il ne devait pas être très vieux. La même tranche d'âge qu'elle peut être. A bout d'argument, il vint à plaquer sa carte d'identité sur la vitre, sous le regard dubitatif de la jolie brune. "Oh, je suis tout de suite plus rassurée, vas y, prends même mon portefeuille si tu veux" lanca t-elle sur un ton assez agressif et ironique à la fois. De toute façon, tout ça ne servait à rien, le fourgon était tombé en rade « Vous auriez pu me le dire avant. »  Cette simple phrase suffit à lui faire baisser la garde un instant. Alors il était vraiment dans le même cas qu'elle? Bloqué ici? Ça méritait réflexion... Il s'éloigna, tandis qu'elle se redressait pour l'observer, alarmée. Il n'allait quand même pas la laisser dans cette situation? Elle jura en ouvrant la portière du fourgon et manqua de tomber au passage. " Et tu vas quand même pas me laisser toute seule ici?!" Elle fronça les sourcils en le voyant s'asseoir à même le sol quelques mètres plus loin. Elle resta sur place, hésitant à l'approcher et détourna le regard en soupirant. Il semblait littéralement au bout de sa vie. C'était pourtant à lui, l'homme de la situation, de la rassurer et de trouver une solution. Elle sautilla sur place, tentant de se réchauffer alors qu'elle n'avait aucune idée de où elle se trouvait précisément. Après quelques secondes, elle le vit s'allonger et s'approcha en braillant. "Et MacGyver, qu'est ce que t'attends pour nous sauver la vie?" Elle se retrouva rapidement à sa hauteur, et poursuivit. "T'es un homme, je sais pas moi...Trouve nous un truc pour réparer ce tacot! Un clé à molette, une pince..." Bah oui, un homme sait forcément comment s'en sortir en mécanique dans les situations d'urgences, pas vrai? Si il s'y connaissait autant qu'elle, autant dire qu'ils étaient condamnés à passer cette nuit à la belle étoile.

Cette fille était totalement parano. Je pouvais comprendre la situation et sa réaction mais ses réflexions me faisaient halluciner. J’avais envie de la virer de la camionnette et de démarrer en la laissant sur le bord de la route. J’avais tenté de la convaincre que je n’étais pas un psychopathe, un tueur ou même un voleur. Seulement, rien n’y faisait. Elle ne voulait pas m’accorder sa confiance et alors que je comptais baisser les bras, elle m’avoua que sa camionnette était en panne. Je l’avais plutôt mal pris mais je comprenais mieux la raison de sa présence. Aucune voiture n’était passée depuis tout à l’heure, j’avais été stupide de croire qu’une camionnette se serait arrêtée sur mon chemin. Comme je lui faisais peur, j’avais pris la décision de partir plus loin n’écoutant pas sa remarque de l’avoir laissé seule. Il fallait bien qu’elle décide à un moment ce qu’elle voulait vraiment au lieu d’être contradictoire. Un coup j’étais un malade mental prêt à la tuer et la seconde d’après son compagnon qui l’aiderait à avoir de la compagnie. Cette femme était folle. Je m’étais assit par terre. Tant pis pour les fringues. Finalement à bout de force, je m’étais éloigné. Avec un peu de chance, j’arriverais peut-être à trouver le sommeil. La voix de la femme de la camionnette résonnait dans mon oreille. « Et MacGyver, qu'est ce que t'attends pour nous sauver la vie? » me balança-t-elle. Je n’arrivais pas à le croire. Elle se foutait vraiment de moi, ce n’était pas possible autrement. Je voulais l’ignorer mais très rapidement, elle était arrivée à ma hauteur. « T'es un homme, je sais pas moi...Trouve nous un truc pour réparer ce tacot! Un clé à molette, une pince... » Je n’étais pas du genre patient et elle jouait clairement avec nerfs. Apparemment, sa peur s’était évanouit et elle jouait à la princesse. « Bah oui, c’est évident. Je traine toujours avec une clé à molette dans ma poche de pantalon, c’est bien connu ! Tout le monde fait ça. » Répondis-je sans la regarder en essayant de contrôler ma mauvaise humeur. Après tout, ce n’était pas sa faute si je me retrouvais ici et je ne voulais pas finir ma nuit dans cette forêt. J’avais poussé un soupire avant de me relever pour me diriger vers sa camionnette. Je n’avais pas attendu son autorisation pour ouvrir le capot. Je ne sais pas trop pourquoi je regardais dedans. J’avais toujours roulé en moto et je savais la réparer. Mais une voiture, je n’y connaissais pas grand-chose. Je n’en avais jamais eu une. Ce n’était pas mon truc. « Bon, alors, Miss casse pieds ? Il n’y a aucun outil dans cette antiquité qui pourrait nous aider ? » Demandais-je en me tournant vers elle. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que c’était le moteur. Avec un peu de chance, si je tapais dessus, ça redémarrerait. Preuve de mon manque de connaissances indiscutable.

Est ce que la demoiselle était une emmerdeuse? Sans aucun doute. Il lui avait fait tellement peur qu'il lui avait fallu un certain temps pour revenir dans son état normal. En même temps, bien qu'elle faisait comme si la situation ne l'atteignait pas, elle était complétement flippé à l'idée de se retrouver dans un endroit aussi sombre en pleine nuit. Elle avait maté tellement de film dans lesquels l'un des personnages se faisait massacré au beau milieu des arbres, que la ressemblance avec la situation scellait presque son destin. En même temps, il débarquait de nulle part, n'avait pas de véhicule et lui demandait de l'aide, c'était assez étrange. Qu'elle se trouve là à cause d'une panne de voiture, c'était compréhensif, mais quel était son histoire à lui? Le fait qu'il baisse les bras si facilement avait permis de la mettre un peu plus en confiance. Un tueur en série ne se contenterait pas de partir même si on le lui avait demandé. Il était donc peut être de son côté, enfin, presque! Il la laissa sur place en apprenant que leur seul moyen de s'échapper avait finalement rendu l'âme. Sa fuite suffit à la remettre sur les rails. Elle était seule, et si lui avait la solution pour les ramener en ville, il allait falloir le retenir.

Son approche fut assez brute, il faut l'avouer. L'instant d'avant elle lui criait dessus en lui demandant de dégager, et là, elle le poursuivait sur cette route toujours aussi déserte. Elle avait donc tenter de l'encourager afin qu'il jette un œil à ce véhicule qui pourrait les sauver. Le regard qu'il lui lançait en disait long sur ce qu'il pouvait penser d'elle. Elle tenta de se radoucir. Il pourrait toujours changer d'avis et se débarrasser d'elle.« Bah oui, c’est évident. Je traine toujours avec une clé à molette dans ma poche de pantalon, c’est bien connu ! Tout le monde fait ça. » Elle tenta de cacher cet air agacé qui l'envahissait soudainement. C'était pas le moment de s'en faire un ennemi. Elle croisa les bras, préférant rester silencieuse en l'observant. Il se leva en soupirant et se dirigea vers le seul moyen de transport. Elle le suivit, gardant cependant une distance entre eux.« Bon, alors, Miss casse pieds ? Il n’y a aucun outil dans cette antiquité qui pourrait nous aider ? »  Un air offensé s'empara d'elle. C'était pour eux qu'elle faisait ça. Elle se pinça les lèvres, préférant cette attitude passive à une insulte. " J'en sais rien, c'est pas la mienne!" Lâcha t-elle avant de se diriger vers le coffre. Elle espérait de tout coeur que ce vieux Jerry ait laissé un outil qui permettrait de les aider. Faux espoir...Elle soupira en constatant que la réponse n'allait pas lui plaire. "Je pense pas que tu y parviendra avec un cric..." Lâcha t-elle, déconcertée. Elle sortit son téléphone de sa poche et leva la main vers le ciel, espèrant que le réseau ferait son apparition, mais toujours rien... C'était trop là. Elle qui tenait le coup jusqu'à présent et faisait bonne figure abandonnait à son tour. Elle se laissa glisser le long du véhicule, afin de se retrouver assise contre la tôle du fourgon. Comment pouvait t-elle être positive dans un moment pareil? Jamais rien de tout ça ne serait arrivé si elle avait laissé ses fesses bien sagement à New-York...

Je faisais du mieux que je le pouvais pour tenter d’aider mais on ne pouvait pas dire que cette femme m’aidait beaucoup. Elle avait même enfoncé le coup de grâce en me disant qu’elle ne savait pas si elle avait des outils dans la camionnette car ce n’était pas la sienne. J’avais pensé à une plaisanterie mais non, elle semblait sincère et ça ne m’arrangeait pas du tout. On n’allait pas s’en sortir et la moindre possibilité d’une solution partait en fumée. Je la vis se diriger vers derrière, sans doute pour voir s’il n’y avait pas dans le coffre quelque chose pour nous aider. Je dois avouer qu’un espoir s’était formé. Tout le monde gardait au moins un outil dans son véhicule surtout si celui-ci était vieux et sur le point de mourir à tout instant. « Je pense pas que tu y parviendra avec un cric... » Me lâcha-t-elle finalement en revenant vers moi. J’avais envie de dire une vacherie mais je m’étais retenu. C’est la colère qui était en train de parler et ce n’était pas sa faute à elle si on n’avait rien pour nous aider dans une situation tel que celle-ci. J’avais mes mains dans le moteur en tentant de regarder de tous les côtés mais sans succès. Même si j’avais la solution, je ne pourrais rien réparer avec mes mains. J’avais l’impression d’être un incapable fasse à une énigme de débutant. Je regardais du coin de l’œil cette femme qui tentait par tous les moyens de tendre son bras avec son portable à la main. Elle avait un téléphone mais vu son visage et ses gestes, son réseau devait être au minimum. C’est dans un moment comme ça que je regrettais de ne pas avoir de téléphone. Le dernier que j’avais eu en ma possession, je l’avais vendu en Thaïlande pour de l’argent. Argent que j’avais aussitôt utilisé pour de la drogue. J’étais vraiment trop stupide. En la voyant se laisser tomber contre le véhicule, j’avais poussé un soupire. Elle avait abandonné. Je devais faire pareil au lieu de continuer à mettre mes mains dans un moteur et tourner des trucs au hasard. A mon retour, j’allais prendre des cours de mécanique pour apprendre à connaître le fonctionnement d’une voiture. C’était nécessaire. « Je m’appelle Kenneth. » avais-je dis subitement en m’éloignant du capot avant d’essayer les mains sur mon pantalon. Il serait foutu mais tant pis. Je m’étais mit à mon tour contre la camionnette pour me laisser glisser. Je n’étais pas très proche d’elle, je ne voulais pas lui faire peur à nouveau. Ce n’était pas le but. Je regardais droit devant moi. Des arbres. Une partie de moi voulait s’apitoyer sur son sort. « Ce serait le moment parfait pour boire une bouteille de vodka et se plaindre de sa vie, vous ne trouvez pas ? » lui demandais-je en riant. Peut-être que cette soirée serait mieux passé si j’avais de l’alcool pour finir totalement par terre. Je voulais juste oublier que j’étais ici, dehors.

Sa seule chance de pouvoir rentrer chez elle, sans avoir à subir aucune conséquence, venait d'être réduit à néant. Peut être que le jeune homme en question aurait été capable de faire repartir l'engin. Mais sans outil digne de ce nom, c'était impossible. MacGyver avait beau être particulièrement inventif, il n'aurait certainement pas été plus loin qu'eux pour le coup.Saloperie de KARMA! C'était sûrement la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Elisha était assez calme en tant normal, il lui arrivait d'être sujette à une certaine impulsivité , je vous l'accorde, mais dans l'ensemble, elle savait se contenir en société. Elle aimait avoir le contrôle sur les choses, que ce soit sur sa "vie amoureuse", si on peut vraiment la nommer ainsi, ou sur son travail. Elle n'aimait pas sentir les choses lui échapper, un petit côté perfectionniste qui lui allait à merveille depuis son plus jeune âge. Et bien là, elle jetait tout simplement l'éponge. Le sort s'acharnait clairement sur elle, mais qu'il fasse! Elle ne se battrait plus, c'était fini! Kenneth n'avait qu'à la laisser en plan, elle pouvait se faire renverser par un poids lourd, ça n'avait plus d'importance! Le regard perdu vers le côté plus sombre de la forêt, elle s'était laissée tomber sur le sol, ne prêtant plus attention à l'homme qui n'avait pas d'autre choix que d'abandonner à son tour. Elle entendit le son de sa voix, mais ne prit pas le temps de l'observer jusqu'à ce qu'il s'installe à ses côtés. Elle pouvait être au bout de sa vie, elle ne pouvait pas se montrer indifférente face à cet homme qui avait tenté de lui venir en aide, bien que ça s'était soldé par un échec. "Elisha" Lâcha t-elle en l'observant un peu plus en détails. Elle n'avait pas osé le faire jusqu'à présent, mais maintenant qu'elle était un peu plus rassurée sur la personne et qu'elle avait du temps a perdre... Elle tenta de lui adresser un sourire, par simple politesse, il était plutôt discret pour l'occasion. Bien qu'elle n'en voulait pas du tout à son sauveur, elle était surtout déconcertée par la situation. Un léger silence s'installa entre eux, il n'était pas gênant pour Parker. A vrai dire, plus rien ne pouvait être gênant, ils avaient touché le fond.« Ce serait le moment parfait pour boire une bouteille de vodka et se plaindre de sa vie, vous ne trouvez pas ? » Son regard se posa de nouveau sur lui, et son rire la fit céder.

L'expression dure qu'elle avait sur le visage depuis peu avait enfin laissé place à un sourire plus amusé. Elle fronça finalement les sourcils, ayant une idée derrière la tête. "C'est pas faux..."Elle se leva et se dirigea vers le coffre, s'ils voulaient boire, autant dire qu'ils avaient de quoi faire! Les canettes de bière étaient en premier plan, elle en extirpa deux du cagot et revint vers Kenneth alors qu'elle lui tendit avec un peu plus d'humour. "On a peut être pas de cric, mais on a de l'alcool à flot à l'arrière". C'était toujours ça de gagner! Elle s’essaya de nouveau à ses côtés, réduisant quelque peu cette distance qu'il avait laissé entre eux. Elle tenta d'enlever la capsule " Je propose déjà qu'on se tutoie. On risque de passer cette nuit à deux, autant faciliter l'échange!" Cette fichue capsule lui résista à son tour alors qu'elle fit une légère moue attendrissante au jeune homme afin qu'il s'en charge. C'était quand même un comble pour une barmaid..."Tu commences!" répliqua t-elle avec un fin sourire amusé sur les lèvres, en référence au plan de soirée qu'il avait énuméré quelques minutes auparavant. "Mais avant ça, j'aimerai ce que tu m'expliques ce que tu faisais au milieu de nulle part!"

On avait finalement tous les deux décidés d’arrêter de se battre et de baisser les bras. Aucun de nous deux n’avait eu le courage de proposer de finir le reste à pied. C’était décourageant et elle semblait aussi exténué que je l’étais en ce moment. On avait besoin d’une pause pour analyser la situation même si la conclusion était plutôt simple. Je n’avais pas du tout envie de passer ma nuit dans une forêt. Et j’étais persuadé qu’elle était de mon avis. Ce n’était pas qu’une de question de courage mais ce n’était pas rassurant et il faisait quand même assez froid. En tout cas, si nous devions rester ensemble encore plusieurs heures ou même toute la nuit, autant le faire dans de bonnes conditions. Je m’étais donc naturellement présenté face à la jeune femme qui serait ma compagnie pour ce soir. Par chance, elle ne me repoussa pas. Elle me répondit en se présentant comme Elisha. Jolie prénom. Tout était assez calme entre nous, ce qui était plutôt normal sachant qu’on ne se connaissait pas et qu’il fallait quand même digérer la situation actuelle. Je lui fis une remarque qui était plus une blague mais ma camarade s’était relevée et dirigée aussitôt vers le coffre. Je n’avais compris tout de suite avant de la voir revenir avec des bières à la main. Un sourire se dessina sur mon visage. « On a peut être pas de cric, mais on a de l'alcool à flot à l'arrière » C’était une bonne nouvelle. Une très bonne nouvelle. On allait pouvoir un peu faire la fête et s’évader de cette foret horrible tout en attendant qu’une voiture passe un jour par ici. « Tu es officiellement la meilleure ! » déclarais-je en la tutoyant comme elle me l’avait demandé avant d’attraper ma bouteille. Je retira facilement la capsule puis je fis de même avec la bouteille d’Elisha qui semblait elle, avoir beaucoup de difficultés à l’ouvrir. « Tu commences ! Mais avant ça, j'aimerai ce que tu m'expliques ce que tu faisais au milieu de nulle part! » Ajouta-t-elle finalement en me regardant. Je n’avais pas spécialement envie de rentrer dans les détails surtout pour lui raconter que j’avais été escort boy. Je savais comment les gens me regardait quand il le savait et la façon dont ils avaient de  juger. De plus, je ne la connaissais pas assez pour lui dire tout. Toutefois, j’avais quand même joué le jeu. « J’étais dans la voiture d’un ami qui voulait que je lui rende un service. J’ai refusé et il n’a pas vraiment accepté ma réponse. Selon lui, passer la soirée à marcher pour rentrer chez moi va sans doute me faire changer d’avis. » lui confiais-je en riant. Je prenais ça à la rigolade même si j’étais tout de même très énervé. Finalement, je leva ma bière et m’exécuta pour me plaindre en premier de ma vie. « Je voudrais commencer par me plaindre des amis qui nous foutent dans la merde ! » dis-je en faisant référence à mon anecdote précédente avant de reprendre. « A ton tour. Pourquoi tu te retrouves sur cette route et de quoi veux-tu te plaindre ? » la questionnais-je en la regardant.