Je tourne sur mon siège à roulette. A la base installée face à mon bureau, je me suis mise à tourner doucement lorsque mon mal de tête a commencé à percer. J'ai avalé un doliprane et attendu que ça passe en fermant les yeux. Je sens une boule de poil sauter sur mes genoux et s'y coucher sans gène aucune. Je pose une main sur le pelage de Nox et éteint mon ordinateur. Ça ne servira à rien d'insister, le boulot attendra demain. Ce n'est pas bien grave de toute façon. Puis je fais ce que je veux. Pour une fois, la seule envie que j'ai est d'aller me coucher en tenant les chats très fort contre moi. J'en ai marre, marre, marre. Marre d'attendre des nouvelles d'Alexis au compte-goutte comme une desperate housewife qui ne jure que par son mari. Marre qu'Alexis ne m'envoie que des nouvelles de temps en temps, comme si c'était pas important. Ou alors je me monte la tête toute seule et lui il a l'impression que c'est beaucoup ? Je sais pas, j'en sais rien. Je veux oublier mes problèmes existentielles débiles et penser à autre chose. J'ai pas envie de surtout mais vu comment je suis, ruminer chez moi ne va faire qu'empirer mon état. Bon. Pas d'autres solutions. J'attrape mon téléphone. « SOS soirée pourrie en vue. Je passe te prendre à 21h. » Il est 17h, je suis large. Et Lucas ne va certainement pas rechigner à sortir s'amuser pour me changer les idées. De toute façon, Lucas il rechigne pas souvent. Non pas qu'il soit bonne pâte ou ne sache pas dire non, mais il est toujours partant. Comme si tout était une nouvelle aventure extraordinaire. Rah, il est génial. Enfin, je vais pas trop lui répéter, parce qu'il risquerait de finir par le croire. S'agirait pas qu'il prenne conscience qu'il est super-génial et qu'il décide d'aller voir ailleurs si il y a mieux comme meilleure amie. C'pas une très très très bonne idée. Je décide donc de commencer à me préparer dès à présent afin de prendre le temps. Je mangerais un peu avant de partir et, comme prévu, je passerais à son appartement. Je pars donc en direction de la douche et prend le temps de me faire des soins en tout genre. J'en ressors avec la peau décapée, gommée, hydratée, nourrie, raffermie et pleins d'autres choses (je crois) et les cheveux dans le même genre d'état. Après m'être séchée les cheveux et maquillée, je traîne en peignoir dans l'appartement en jouant avec les chats. Flemmardise à son paroxysme, je décide d'appeler un livreur en ville pour manger. Allez, ce soir ce sera italien. Merci les livreurs, merci le XXIème siècle. Ma commande reçue, je mange de bon cœur, la motivation retrouvée. L'heure tourne. Il est tant de terminer de se préparer. Non pas que j'ai une tendance à être en retard (si.) alors que Lucas est toujours à l'heure (non.), mais il s'agirait de se bouger. Je file donc de nouveau dans la salle de bain pour me coiffer puis enfiler une tenue de circonstance. Je suis prête. En prenant le temps et en allongeant au maximum chaque étape, il est 21h. Parfait. Un peu de retard mais pas trop. Comme j'aime. Je prends mon sac, mes clefs, mon portable et je file en direction de l'appartement de Lucas. Devant celui-ci je sonne, et après avoir sonné pendant cinq minutes, je me dis qu'il est VRAIMENT en retard le bougre. Je ronchonne toute seule devant sa porte close, avant de me souvenir que j'ai les clefs ! Eureka ! (Mais qui dit ça encore de nos jours?) J'entre dans l'appartement et passe la tête par toutes les portes. Vide. Mais. Qu'est-ce que quoi ? Finalement j'entends du bruit en provenance du balcon. Mais. Non. Mais. MAIS. Quel boulet ! Je sais pas si je dois rire ou pleurer de désespoir. « Mais qu'est-ce que t'as encore foutu ! » Je regarde Lucas, assis par terre devant un cadavre de pizza, presque étonné de me voir. Finalement le fou rire l'emporte et je ris à m'en briser les cotes. « Mais pourquoi ? » Question vide de sens. Je suis même pas sur que Lucas ai un soupçon de réponse.   

« Te moques pas ... Elle est où la sauce tomate ? »  I'm done with this guy. Sérieux. Je me tiens les côtes à force de rire et manque de m'étouffer. GLAMOUR. Je finis par me redresser et ouvre la porte du balcon qui, donc, s'était refermée sur Lucas et l'avait enfermé dehors. Par contre, je ne veux pas savoir comment il a réussi à avoir sa pizza. Le connaissant ça fait sûrement des heures qu'il est coincé là. Il se frotte le coin de la bouche comme si une tâche d'encre noire y était incrustée. Il va finir par se faire un trou dans la joue si il continue. Je m'évente le visage avec la main alors que je reprends ma respiration. Avec ses conneries j'ai l'impression d'avoir couru un marathon et d'avoir largué mes poumons sur le goudron devant mon immeuble. « Je n'avais pas de serviettes sous la main, ça peut arriver. » Je lève les yeux au ciel en replaçant mes cheveux d'un mouvement de main. « Oh, au temps pour moi princesse Raiponce, ça peut arriver de pas avoir de serviettes sous la main quand tu t'enfermes sur ton balcon. SANS BLAGUE. » Mais je finis par éclater de nouveau de rire avec lui. Je le prends par le bras et le ramène à l'intérieur. Ce serait quand même sacrément con qu'on se retrouve tous les deux enfermés sur ce foutu balcon. Lucas a les yeux qui pétillent et vient d'être nourri. Il respire la forme en gros ! « Tu es en retard ! » Cette fois je secoue la tête, desespérée. « Putain tu manques pas de culot Burton. Tu sais que ça fait genre presque une demi-heure que j'attends dehors à cause de tes conneries ? TU es en retard. » Mais j'ai l'impression que son sourire Signal White Now Gold (pour une blancheur optimal les gars!) est impossible à décoller de sa face. Genre, ça y est, il est sorti de son balcon, il a mangé, alors tout va bien. Tu me diras, tout va toujours bien avec Lucas et c'est ça qui est magnifique. « Bon, tu es prêt pour ce barathon j'espère, j'ai bien l'intention de tester tous les daïquiri de la ville. » Je glisse de nouveau mon bras sous celui de mon meilleur ami et nous quittons l'appartement bien décidés à finir trop imbibés pour rentrer chez nous. « Bon dis moi, comment tu as fait ton compte sur le balcon tout à l'heure ? Et puis comment t'as chopé ta pizza ? » Je suis vraiment curieuse. Il a pas pu s'enfermer de base avec la pizza. Quoi que, qui sait. Lucas est un grand mystère tellement le champs des possibilités est varié et immense. Chaque jour avec lui a son lot de surprise et en même temps ça fini par être habituel. Il ne fait rien comme les autres. Même son foutu animal de compagnie c'est un perroquet. Qui réclame à bouffer en balançant des insultes. Il fait rien comme tout le monde cet homme. On arrive devant le premier bar et je pousse Lucas à l'intérieur. A BOIRE. Les mains posées sur les épaules de mon meilleur ami je le guide jusqu'au bar. Je m'adresse au barman avec mon sourire le plus charmeur. « Un daïquiri fraise et tu veux quoi Lulu ? Quelle sera ta cible ce soir ? Dans quels tonneaux je vais te retrouver en train de rouler au petit matin ? » Je hausse un sourcil en le regardant. Je vois d'ici ses méninges s'activer et je me maudis intérieurement de lui avoir demandé de faire un choix. Lucas ! Faire un choix ! On aura tout vu. Je vous le dis, on est pas sorti de la berge. Mais d'un côté si on peut y patauger dans l'alcool jusqu'à ce que le soleil se lève, dans la berge, ça annonce une bonne soirée.   

Partir de l'appartement s'est révélé encore plus compliqué que de savoir ce qu'il était advenu de Lucas. Il a du faire au moins quarante douze aller-retour avant qu'on réussisse à partir pour de bon. Ce mec perdra sa tête un jour et je suis prête à prendre le pari qu'il s'en rendra compte qu'au bout de deux semaines. Du genre « Eh mais, j'avais pas un truc à c't'endroit avant ? ». C'est avec difficulté qu'on quitte donc son immeuble et qu'il me répond « T'as vu ma tête ? Ça se passe d'explications non ? » lorsque je lui demande comment il a réussi à s'enfermer dehors. Après réflexion, il avait entièrement raison. Plus rien ne me surprend venant de Lucas. J'aimerais pouvoir faire semblant de ne plus être surprise de temps en temps devant ses conneries mais je peux pas nier qu'il réussi à me surprendre à chaque fois. De manière plus poétique (pouettique, mouahaha), Lucas est un spectacle en renouvellement permanent. Chaque jour le show est différent. Et c'est pour ça que je l'aime autant ! Tandis qu'il babille comme un enfant, nous voilà accoudé au premier bar en train d'attendre le choix de Lucas. « Que la soif soit avec moi ! Et avec toi ! Je vais commencer par de la téquila, c'est bien la téquila ... Tu vas me retrouver ... j'ai pas décidé si on me retrouverait à la fin de la soirée, on verra ! »  La couleur était donc annoncé. « Je pense que je vais te coller une étiquette avec ton adresse et un mot qui dira « je suis perdu et bourré, appelez moi un taxi ». Je vais pas sacrifier mon lit si tu décides de passer la nuit dans un fossé, Burton ! » Nous levons nos verres et il descend la moitié de son verre. Finalement, le fossé ce sera peut-être trop confortable pour l'état dans lequel il va être. Soudain il saute à côté de moi. « Tu veux danser ce soir hein dis ? J'ai la bougeotte moi ! Regarde mon nouveau pas de danse » J'éclate de rire en manquant de recracher mon daïquiri. Le glamour, toujours. Je ris encore à moitié quand il se réinstalle à côté de moi. « Je veux danser ce soir à condition que tu intègres ce magnifique pas de danse à chaque chanson. Ce truc vaut au moins un 10 à Dancing With The Stars. » Mais je crois qu'il est déjà trop absorbé par le contenu de son verre déjà...vide ? « Ça part vraiment trop vite ces choses-là ... Barman ! » Je bois une gorgée de mon cocktail en ricanant. « T'es particulièrement en forme ce soir. C'est la pizza et le grand air de ton balcon qui font ça ? Parce que si c'est ça, j'en veux aussi avant chaque soirée. » Sans déconner, y'a quoi dans l'air de son appart' ? Alors que le barman sert un second verre à Lucas, je me penche vers lui avec l'air que je préfère abordé : ma tête de commère curieuse. Bon, ok, c'est UN des airs que je préfère. « Dis moi Burton, avant que tu sois trop imbibé pour comprendre ma question, t'as pas quelqu'un en ce moment ? On dit que l'amour rend bête et l'alcool rend amoureux. Quels cœurs as-tu fauché sur ton passage cette fois ? » Je lui souris malicieusement puis je vide mon verre. Si son premier verre lui est assez rapidement monté au cerveau, je vais peut-être avoir des scoops ! Ou ne serait-ce que des ragots sur sa vie sexuelle. Tant que ça croustille !  

 « La pizza, c'était le bonus, mais c'est plutôt ce que j'ai fumé avant elle qui me met la patate ... J'en ai gardé pour toi aussi après si tu veux. » Je soupire à moitié. Il est incorrigible. Mais il sait comment me parler le bougre ! Puis Lucas a ce sourire de gamin qui donne l'impression qu'il va bouffer le monde. Je peux pas lui refuser. Il serait trop triste. Enfin, c'est seulement pour me donner bonne conscience, il en faut plus pour ébranler Lucas. Il est tellement dans son monde. Je souris à mon tour en affichant un air curieux. « Tu ne peux pas me faire plus plaisir que ça. Finalement je crois que je vais faire attention à toi ce soir, ne serait-ce que pour avoir mon du à la fin de la soirée. » Je fais signe au serveur de me servir un nouveau verre alors que je vois Lucas se perdre dans la contemplation du fond de son verre. Oh oh. Il n'entend même pas la question que je lui pose je crois. Oh oh ! Houston we have a problem. « C'était pas ma faute ! La petite vieille arrivait en face et puis j'ai plus de frein sur mon vélo, mais je l'ai relevé hein ! Elle avait juste une bosse après ! » OKEY, finalement il se réveille comme si je venais d'interrompre un rêve bizarre. « QUOI ? T'as renversé une vieille dame ? Je sais que je suis pas la plus gentille mais quand même, laisse les vieilles tranquille Burton, je t'ai pas élevé comme ça ! » Ce qui est magnifique avec Lucas c'est qu'il a de grande difficulté à garder quelque chose pour lui. D'une manière ou d'une autre il est suspicieux et un peu du genre « foutu pour foutu ». Si il sait que je connais un secret à propos de lui, il sera persuadé que je sais tout. Il se vend tout seul ce nul. JE L'ADORE. Je lui donne un léger coup de coude dans les côtes pour lui montrer que je le taquine puis je me rapproche de lui pour l'écouter alors que derrière nous le bar commence à se remplir un peu plus.  « J'ai pas de copines ... Je cours la gazelle à droite, à gauche ... Mais je peux pas les ramener chez moi, c'est trop le bordel ... Tu m'aiderais à ranger toi un jour ? » Je secoue la tête en souriant malicieusement. Chez Lucas on ne peut pas faire un pas sans risquer de découvrir un trésor enfoui depuis plusieurs semaines. Par chance, Lucas mange beaucoup et fini tout ses plats, donc c'est rarement des découvertes culinaires. Je fais la moue en exagérant mon côté charmeur. « Hors de question. Je suis la seule femme autorisée à dormir dans ton lit, je ne vais certainement pas ranger pour que d'autres y dorment à ma place. » Je lui tire la langue à mon tour et manque de m'étouffer l'instant d'après. « Et toi alors ? Toujours pas de nouvelles de ton petit bonhomme chanteur ? » « C'est pas juste. » Je grogne au fond de mon verre, renfrognée. « Non, toujours pas de nouvelles. Si les magazines étaient pas là pour certifier qu'il s'éclate je pourrais penser qu'il est mort tellement j'ai pas de nouvelles. » A part un sms de temps en temps du genre ''NYC C'EST GENIAL'' c'est pas la folie hein. Je jette un (faux) regard noir à Lucas. Je suis pas dupe petit homme, je sais que tu l'as fait exprès ! Derrière nous il y a de plus en plus de gens qui s'engouffrent dans le bar. Il y a même une fille qui a le culot de venir se frotter à Lucas. Je lui adresse mon plus beau sourire et un « Eh, t'as un cul, tu commences par t'en mêler et tu l'emmènes ailleurs, merci. » Je paye nos boissons et entraîne Lucas avec moi. On a toute la nuit et tout Miami à faire, il faut passer à la suite ! Il fait chaud dehors et Lucas est avec moi, tout va bien. « Mon Lulu, la prochaine tournée est pour toi donc je te laisse choisir le prochain bar ! »

« Je ne sais pas comment ça se passe, mais j'imagine qu'entre les dates et la route, il doit être crevé ton copain » Je ne sais pas si je dois rire jaune ou pas. Lucas a raison, Alexis doit sûrement être fatigué. Mais à côté de ça il participe à des soirées, des événements vip et que sais-je encore. Et si il a le temps pour ça, il doit sûrement avoir le temps pour envoyer des messages plus régulièrement. « Mouais. » Mais si je rumine toujours, ça va devenir impossible. Et ce soir n'est pas un soir où je peux me permettre d'être de mauvais poil. Puis il y a Lucas, alors tout va bien. Nous quittons le bar bras dessus bras dessous. « Ok pour la tourner et je sais où aller en plus... Et arrête de grogner, je t'ai pas appris à faire le grizzli. Tu le fais très mal, je te montrerai. » Encore une fois il gagne et me fait éclater de rire. Ce doit être un don qu'il a. Non pas que je sois difficile à dérider mais j'ai quand même un humour sarcastique et ironique assez particulier qui ne plait pas à tout le monde. Mais le naturel de Lucas est si désarmant que je pourrais faire n'importe quoi pour lui. « T'es pas doué pour faire le grizzli non plus. T'es plutôt une mouche dans un corps de chaton. Inoffensif et absolument fluffy. » Et encore,  il ferait pas de mal à une mouche. Non pas qu'il en soit pas capable, c'est juste complètement à l'opposé de ses pensées. Il nous fait entrer dans un bar aux accents terriblement latino et me fait asseoir à une table, comme une institutrice le ferait avec ses élèves.  « Tu nous gardes la place je reviens avec ce qu'il faut. » Je fais la moue en lui tirant la langue. « Oui maîtresse. Je t'ai fait un dessin maîtresse. Eh, maîtresse, reviens ! » Mais Lucas est déjà parti vers le bar pour chercher les rafraîchissements. Je sors mon téléphone car connaissant Lucas je vais patienter un peu. Le temps qu'il tape la discut' au barman et qu'il fasse son show. Je fais un tour sur les réseaux sociaux, tweet rapidement que je suis en ville avec Lucas, lit les réponses des abonnées de mon blog qui me souhaitent une bonne soirée. Cinq bonnes minutes plus tard, Lucas revient enfin. Les bras chargés de deux plateaux et les mains pleines. Si il arrive jusqu'à la table je lui donne un diplôme de funambule, EASY.  « Tu vas devoir lâcher un peu ton daïquiri, j'espère tu m'en veux pas ? » Je plisse les yeux en regardant tout ce qu'il ramène. « Si. Je t'en veux énormément donc il me va me falloir beaucoup de tout ça pour oublier ma peine. » Je saisis un verre à shooter...vide. Je fusille Lucas des yeux. « Saleté va ! » Je m'empare d'un second que je vide d'une traite. C'est le moment où je commence à me sentir câline. Alors je me penche vers Lucas pour l'embrasser sur la joue. « T'es arrivé jusqu'à la table sans rien faire tomber donc je te décerne un diplôme. » Ces soirées avec Lucas font parties des meilleures. Et attendons un peu qu'il se sente dans le mood avec la musique et il met le feu. Et je peux pas nier qu'en moins de deux heures ensemble je me sens déjà mieux. Il a cette capacité, inconsciente je pense, à m'apaiser. Peut-être que le fait de m'avoir connue lorsque j'étais au plus mal a joué. « Bon choix pour le second bar de la soirée. Je valide cette tournée ! »