Il fallait que je la revoie. Je l'avais dans la peau, dans la tête. Hayden, Hayden, son nom tournoyait sans fin dans mon esprit. Il fallait que je la voie, que je lui parle. Putain. Elle me rendait fou, me faisait perdre la tête. C'était presque un manque, oui, un manque physique et psychologique. Si j'avais bien une faiblesse ici-bas, c'était elle. J'étais pas du genre à verser facilement dans le sentiment, loin de là. J'étais pas non plus du genre à aimer mon prochain. Et pourtant, y'avait Hayden, mon phare dans la tempête ; Hayden qui avait toujours été là, tout au long de ma vie. Qu'est-ce que je ferais sans elle, sérieusement ? Les quinze mois que j'avais passé enfermé entre quatre murs, loin d'elle, m'avaient parus interminables. Cette obsession que j'avais pour elle devenait presque malsaine, à certains moments. Mais c'était comme ça : je ne supportais pas l'idée de la savoir loin de moi. En plus, nous ne nous étions pas vus depuis la scène de ménage, chez elle, avec Lily-Anne et Laufti. J'avais beau l'aimer de tout mon être (mais plutôt mourir que de l'admettre véritablement), je n'approuvais pas ses fréquentations. Lily-Anne était une peste, une vraie petite traînée, tandis que Laufti ne m'inspirait pas du tout confiance. Je n'aimais pas le voir tourner autour d'Hayden, de ma Hayden. Je n'aimais pas voir quiconque lui tourner autour, ceci étant dit, mais Laufti plus qu'un autre. Tout son être ne me revenait pas.

Depuis cette scène de ménage à quatre, je n'avais pratiquement pas eu de nouvelles d'Hayden, ce que je comprenais moyennement étant donné qu'elle avait pris en quelque sorte ma défense ce jour-là. Je l'avais appelé, plusieurs fois, envoyé des messages. Je n'avais eu que de très rares réponses, plutôt sèches. Il était évident qu'elle ne voulait pas me parler, et paradoxalement, cela me poussait encore plus loin. Plus elle me rejetait et plus je mourrais d'envie de l'approcher. C'était ainsi. Je pensais sincèrement qu'Hayden et moi étions faits l'un pour l'autre. C'était comme ça : nous avions été crées pour être ensemble. Assis à la minuscule table du salon de mon ridicule appartement, je fumais cigarette sur cigarette en repensant à nous. Je repensais à notre adolescence ensemble, nos jeux de gangs, puis cette phase d'amour sans nuages. Il y avait eu les complications, les disputes, les coups, les révélations. Et puis il y avait eu la fin. Notre histoire s'était terminé dans ce sordide bar d'Atlanta, Hayden hurlant et le poing de Laufti dans ma figure. Et pourtant la fin n'était pas encore terminée. Nous étions toujours au bord du vide, notre relation restant en suspend. Qu'est-ce que l'on était l'un pour l'autre, désormais ? Il suffisait qu'Hayden le dise, qu'elle agisse, pour que nous redevenions exactement ce que l'on était. Mes intentions à son égard étaient partagées ; à l'origine, je voulais avant ma revanche. Je voulais lui faire mal, lui faire connaître la pire solitude après ce qu'elle m'avait fait, me laisser comme si j'étais une crotte de chien dans le caniveau. Et puis, au fur et à mesure que mon regard s'était perdu dans le sien, j'avais oublié mes intentions perverties par ma haine. La soif de vengeance avait pris le pas, pendant un instant, sur le fait que j'étais tout simplement dingue de cette fille.

Il n'y avait pas moyen. Il fallait que je la revoie. Elle ne voulait pas répondre au téléphone ? Bien. Elle ne me connaissait pas bien si elle imaginait qu'elle allait s'en tirer comme ça. J'étais particulièrement possessif envers elle. Pas question qu'elle m'abandonne encore une fois. À peine avais-je pris la décision que j'étais devant sa porte. Par réflexe et sans aucune gêne, j'ouvris la porte et pénétrai dans sa demeure. Sa villa m'impressionnait de par sa grandeur. Mon logis était vraiment ridicule à côté de cela. En réalité, ce qui me dérangeait le plus dans le fait qu'elle vive dans cette baraque énorme, c'était le fait qu'elle ait pu réussir ainsi sans moi. Quand nous étions ensemble, nous vivions dans un appartement très correct, mais largement moins grand qu'ici. Hayden était devenue quelqu'un, elle s'était intégrée dans le système. Très bien pour elle. Mais ce n'était pas pour moi. J'étais décidé à ne pas rentrer dans le moule, à ne jamais faire comme tout le monde. À avoir un petit emploi, un salaire, une voiture et une famille. Je ne voulais pas de cette vie routinière qui semblait pourtant plaire à Hayden. Elle semblait avoir changé, s'être affirmée ; et pourtant, je savais que ce n'était pas entièrement vrai. Elle était toujours aussi faible face à moi, je le sentais. Et, bien que ce soit difficile à admettre, je l'étais également. Pris d'un excès de confiance, j'attrapai la poignée et ouvris la porte. Celle-ci était ouverte, à ma grande surprise. J'entrai dans le salon, pas plus gêné que cela de pénétrer chez elle. « Hayden ? » l'appelai-je à plusieurs reprises avant que celle-ci n'arrive. Ses cheveux étaient encore humides. « Faut pas laisser la porte ouverte comme ça, c'est dangereux » commentai-je d'un ton neutre en m'asseyant sur le canapé, tout à mon aise. Je la regardai un certain temps. En fait, c'était bien simple, je n'arrivais pas à porter mon attention sur autre chose. Elle était belle, ouais, incroyablement belle. Il n'y avait qu'elle qui me plaisait, ici bas. « Pourquoi tu m'as pas répondu, pendant tout ce temps ? J't'ai appelé je ne sais combien de fois » Je me levai, et me plantai droit devant elle, plongeant mon regard dans le sien. J'étais déterminé à savoir la cause de ce silence.

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J'étais rentré chez elle comme s'il s'agissait de ma demeure. Cela ne me gênait pas plus que ça. Au fond de moi, Hayden était restée ma copine, mon repère. La mienne. J'étais terriblement possessif envers elle et je savais bien que c'était l'une des principales choses qu'elle m'avait reproché lors de notre "rupture", quelques années plus tôt. Cependant, il me semblait plus ou moins normal de débarquer chez elle à l'improviste, et ce n'eut pas l'air de la déranger non plus car elle ne sembla pas particulièrement étonnée. J'étais incapable de changer. J'avais constamment cette peur de la voir avec un autre, de la voir refaire sa vie loin de moi, et puis de voir cet autre lui offrir quelque chose que je n'aurais jamais pu donner. Ouais, j'avais peur de l'abandon. La faute à mon cher paternel. Je ne l'avais jamais dit à personne, parce que c'était franchement ridicule qu'à mon âge, j'ai peur de cela. C'était d'autant plus risible quand on voyait ce que je faisais dans la vie ; arnaques et braquages en tout genre. Je passais un peu pour un caïd. Donc non, vraiment, cela ne devait pas se savoir. Moi-même, je m'en rendais à peine compte. J'essayais de me convaincre que ce n'était pas vrai, que je n'étais pas complètement dépendant d'Hayden. Oui, j'essayais vraiment d'y croire, mais cela sonnait terriblement faux. Elle était tout ce que je possédais sur cette foutue planète et dans cette chienne de vie. Et pourtant, malgré cela, elle m'avait laissé. Abandonné. Aujourd'hui encore, le goût amer de cette trahison me restait dans la gorge. J'éprouvais à la fois une infinie tendresse pour elle et une violente envie de lui faire subir la même chose. J'avais envie qu'elle retombe amoureuse de moi, pour au final la laisser, et la regarder souffrir. Mais je n'étais pas sûr d'avoir le courage de le faire.

Je remarquais qu'elle avait l'air passablement fatiguée ; mais à part cela, elle n'avait pas changé depuis la dispute chez elle. Elle porte une jupe et un haut, qui, malgré mon peu de connaissances niveau mode, lui allaient très bien. C'était une Hayden dans son plus simple apparat que je trouvais là, sans maquillage et fraîchement sortie de la douche ; et c'était bien comme cela que je la préférais. Tandis que je lui demandais ce qu'elle avait foutu ces derniers temps, à m'ignorer totalement, je ne pouvais détacher mon regard d'elle. Tout m'avait manqué, ses cheveux roux, ses yeux d'un bleu/vert terribles, ses tâches de rousseurs, le regard qu'elle lançait juste avant de sourire, sa façon de retrousser un peu son nez avant de parler. Je pensais bien être le seul à avoir remarquer ces choses-là. À vrai dire, je n'étais pas le genre d'homme romantique qui voyait particulièrement ses mimiques avec une tendresse absolue, mais c'était juste qu'avec le temps, j'avais appris toutes ses expressions. Je la connaissais sur le bout des doigts, voilà tout. À présent, elle fuyait mon regard, fixait successivement autour de moi sans oser me regarder véritablement. Elle était mal à l'aise. Mes yeux, toujours posés sur elle, l'examinaient calmement. Hayden était perturbée et cela jouait indéniablement en ma faveur. « Je n'ai répondu à personne, pour faire court, je n'avais pas envie de vous voir, ni de vous entendre. Pas après ce qui s'est passé. » Cet épisode l'avait tant dérangée que cela ? Je n'aurais pas pensé. Je m'amusais plutôt bien, à voir Lily-Anne se démener à convaincre Hayden que je n'étais pas bon pour elle alors qu'elle avait déjà fait son choix, jusqu'à ce que Laufti se pointe. Je n'avais aucune confiance en lui. « T'as répondu à personne ? Pas même à Lily-Anne ? Ça m'étonnerait franchement » fis-je d'un ton relativement neutre. Ce n'était pas un reproche. Je savais qu'Hayden ne lâcherait pas Lily si facilement. Elle ne m'écouterait jamais sur ce point. Je l'aurais voulu, pourtant, mais après tout, si Hayden faisait toujours ce que je lui disais, je crois que je ne l'aimerais pas autant.

Hayden me lança un sourire. Je marquai des points. Un léger, très léger sourire se forma aux commissures de mes lèvres. « Et puis j'avais pas mal de choses à faire, mais maintenant que tu es là, je suis contente de te voir. » Hm. Je me demandais bien ce qu'elle pouvait faire dans la vie. Quelque chose de bien payé, vu la grandeur de sa villa. Voir qu'elle avait mieux réussi sans moi me m'était un peu la rage, mais la réussite matérielle ne valait cependant pas grand chose à côté de la réussite affective. J'étais loin d'être matérialiste, pour tout avouer, et je ne prêtais pas grande importance aux objets et aux logements. Et je ne prêtais pas non plus une grande importance aux sentiments. En réalité, rien n'était vraiment important à mes yeux, sauf peut-être Hayden. « Je t'offre à boire ? » me demanda-t-elle. Bien, elle essayait de changer de sujet. Elle était gênée. Je ne pouvais pas m'empêcher d'analyser ses moindres faits et gestes, ses moindres mimiques, dans le seul but de deviner son état d'esprit. Il n'était pas bien difficile de voir qu'elle était relativement mal à l'aise mais qu'elle tâchait de paraître sur d'elle. Oui, Hayden voulait toujours se montrer forte face à moi. Elle devait ignorer que je lisais en elle comme dans un livre ouvert. Je me demandais si elle aussi parvenait à me décrypter, mais j'en doutais. J'avais un visage assez peu expressif et je n'étais pas enclin aux expressions des sentiments. Enfin, peut-être qu'elle parvenait à voir derrière mes défenses, je n'en savais rien. « Oui, un coca, s'il te plaît » Je ne buvais pas d'alcool et aujourd'hui ne ferait pas exception à la règle. Tandis qu'elle cherchait dans son frigo, je m'asseyais, toujours à mon aise. « Qu'est-ce que t'as dit Lily-Anne à propos de moi ? Nan, parce que je suis persuadé qu'elle a dit n'importe quoi. J'aurais pas levé la main sur elle... » Je ne savais pas si Hayden croirait à cela, si elle me croirait si je disais que je n'avais pas frappé Lily. «... si elle ne l'avait pas cherché » complétai-je. Je comptais lui parler de Laufti, mais j'avais peur qu'elle se braque, alors je lui posai une question plus passe-partout. « Et, euh... Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Ça a l'air de marcher ».

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