Cela faisait déjà huit jours qu'Hannah avait accouché, et plus de dix que nous ne nous étions pas vus. J'étais toujours extrêmement en colère contre elle. J'essayais vainement de me calmer depuis notre dernière rencontre. C'était simple, ce qu'elle m'avait fait me restait en travers de la gorge. Elle m'avait fait la morale parce que je n'avais pas été assez présent, ce que je pouvais comprendre, pour qu'au final je découvre qu'elle m'avait trompé. J'avais trouvé ça odieux qu'elle puisse me faire la morale alors qu'elle me trahissait derrière mon dos. Je savais bien que j'avais mes torts dans cette histoire, que je n'avais pas été assez présent, mais j'aurais pensé qu'elle essaierait de me comprendre, de savoir pourquoi avant de me jeter la pierre. Or, comme presque à chaque fois, elle s'était mise à me hurler dessus à peine entrée chez moi. Et maintenant que j'avais appris la tromperie, c'était encore de ma faute. Je n'aurais jamais eu l'idée d'aller voir ailleurs. Un engagement était un engagement. J'étais purement et simplement dégoûté. Je ne donnais que très rarement ma confiance par peur de le regretter ; j'avais mis du temps à faire confiance à Hannah, et voilà que j'apprenais cela. J'avais été très tolérant et compréhensif envers elle. Peu aurait supporté que leur petite-amie soit enceinte d'un autre. Et pourtant, je lui avais promis de l'aider à élever cet enfant comme si c'était le mien. J'aurais tué pour Hannah, j'aurais donné ma vie pour elle. Et c'était comme cela qu'elle remerciait mon moment de faiblesse, en allant voir ailleurs.

Néanmoins, j'avais décidé de mettre ma rancune de côté aujourd'hui pour lui rendre visite, à elle et au petit Carter. Même si nous allions mal, je ne pouvais oublier tout ce que nous avions vécu. Cette naissance était tout de même plus importante que nos différends. Je m'étais donc rendu chez elle et je l'avais attendu sur la balancelle, dans son jardin. J'étais passé par-dessus la haie, sans aucune gêne. J'étais assez tendu, en vérité. Finalement, elle arriva, le petit dans les bras. Je sentais que mon regard était assez dur, mais je ne pouvais pas contrôler ma rancoeur. Je m'approchai pour l'aider avec ses sacs et les déposai sur la table. Carter était drôlement mignon, et ressemblait beaucoup à Hannah. Plus à Hannah qu'à Wayne, d'ailleurs. " Je pensais tu voulais pas me voir " fit-elle d'une voix neutre. C'était vrai que mes messages avaient été on ne peut plus clairs. J'haussai les épaules, et répliquai sur le même ton : « C'est pas facile pour moi. Tu m'as fait beaucoup de mal » Je marchai un peu et allai m'asseoir à la table. Je voulais que l'on parle calmement, et plus dans les cris de la dernière fois. « Je voulais te féliciter pour Carter. Et m'excuser de ne pas avoir été là à la naissance —j'aurais pas pu prévoir qu'il naîtrait dans un ascenseur » fis-je avec un petit sourire. Elle m'avait terriblement manqué. « Même si j'ai mal, actuellement... Je pense que Carter est plus important que nos disputes, non ? J'ai juste besoin d'un peu de temps... ».

C'était étrange de voir enfin le petit Carter. Il avait été le sujet de tant de discussions et de tant de disputes entre Hannah et moi... Alors qu'il n'était même pas né. Et il ne saurait sûrement jamais tout cela. Il était absolument minuscule et paraissait fragile. Je ne savais pas pourquoi, mais ce petit bout d'être me touchait beaucoup. Il me rappelait Charlotte à sa naissance, début 2014. J'avais l'impression que je pouvais la briser rien qu'en la prenant dans mes bras. Oui, Carter me faisait terriblement penser à ma propre fille, et je remarquais désormais à quel point elle avait grandi. Elle allait bientôt avoir deux ans, parlait relativement correctement et marchait. Cela me rendit nostalgique. J'aurais aimé voir toutes les étapes de sa vie. Malheureusement, on ne pouvait pas dire que j'avais été très présent pour elle depuis sa naissance. Je comptais bien me rattraper, maintenant qu'elle était ici avec moi. Cela, c'était grâce à Hannah. Sans elle, je n'aurais jamais pu récupérer Charlotte. Ouais, Hannah avait fait beaucoup pour moi, et c'était comme ça que je la remerciais. En me tirant, en l'abandonnant alors qu'elle était enceinte de sept mois. Je ne saurais expliquer la raison de cette absence. Moi-même, je l'ignorais. Je m'étais plongé dans mes études, je m'étais concentré sur Charlotte, et le temps avait semblé passer à la vitesse de la lumière. Pourquoi ç'avait été comme ça, au fond ? Pourquoi faillait-il que tout finisse toujours ainsi ? Je me posais beaucoup trop de questions, ces derniers temps. Au fond, est-ce que c'était fait pour moi, les relations sérieuses ? Et si je ne faisais que du mal à Hannah, en vérité ? Depuis le début, j'avais la tenace impression que notre relation était faite presque entièrement de disputes. Nous n'avions vraiment pas eu de chance, il fallait l'admettre. Mais notre couple n'avait pas su tenir le choc et nous nous tenions tous les deux, muets, devant l'épave de notre amour échouée.

J'allais immédiatement aider Hannah à porter ses courses. Je me sentais prêt à parler posément, aujourd'hui. J'avais eu le temps de me calmer, ces derniers jours, même si je savais que la moindre des choses me faisait partir très vite et très loin. J'aimais trop Hannah pour lui en vouloir véritablement ; mais mon orgueil avait été blessé et ça, ça faisait très mal. J'essayais néanmoins de prendre sur moi et ne pas me mettre à hurler comme lors de notre dernière rencontre. J'avais laissé éclater ma colère et j'avais bien vu qu'Hannah avait eu peur. Mais merde, j'en avais besoin. J'avais parfois l'impression de devoir toujours me contrôler. Pas de drogue, Bellamy, pas de cris et pas de bagarres. Je comprenais pourquoi, mais j'étais comme cela et il fallait qu'elle l'accepte, non qu'elle prenne peur. Enfin... Tout était très compliqué, mais je tâchais de rester calme et tentai même un peu d'humour. " Je n'aurais pas pu prévoir que j'allais accoucher dans un ascenseur Bellamy " me répondit-elle sèchement. Ok, pas d'humour aujourd'hui, le message était passé. Elle commença à donner le biberon à Carter, et je trouvai ça assez attendrissant. Pour autant, je n'osais même pas m'approcher du petit. C'était étrange. C'était l'enfant d'Hannah, de ma Hannah, mais je n'arrêtais pas de me dire que c'était aussi celui de Wayne et ça me bloquait un peu.  " Bellamy je suis fatiguer cette année a été la plus horrible de ma vie je pensais qu'on aurait pu se soutenir l'un l'autre et puis tu as disparu alors que j'étais enceinte de 7 mois et que j'avais tout fait pour que tu récupères Charlotte " déclara-t-elle. Je savais très bien que j'avais des torts, même beaucoup de torts, mais dans une relation on était toujours deux fautifs. Peut-être l'un plus que l'autre, certes, mais elle aussi avait fait des erreurs. La première étant de constamment me faire des reproches. Merde, c'était presque comme si je me sentais enchaîné. J'avais besoin d'un peu de liberté. « Des reproches, des reproches, encore des reproches » lançai-je froidement. À quoi bon faire des efforts pour être calme si elle s'en foutait royalement ? J'allais non plus me casser le cul pour me retrouver face à un mur.

" On devrais prendre le temps de réfléchir à notre relation le temps des fêtes " continua Hannah. Et voilà, on en était finalement arrivé à cela. Le temps des questionnements. L'ombre de la rupture planait sur nous depuis déjà quelques temps, mais je crois qu'aucun de nous d'eux n'avait eu le courage d'en parler. Pour moi, rompre semblait irréalisable. Malgré nos embrouilles, nos soucis, je ne pensais pas que l'on puisse en venir à ça. Et même si je n'étais pas vraiment surpris de la tournure que prenait la situation, une colère sourde monta en moi. C'était comme ça, je savais pas me contrôler. J'étais trop impulsif et ce depuis toujours. Je me levai brutalement et me mis à faire les cents pas devant elle. « Alors, c'est comme ça ? Tu veux que l'on casse ? Non parce que dis-le de suite, pas besoin de tourner autour du pot » crachai-je en la gratifia d'un regard noir. Comme à chaque fois que j'étais énervé, ma petite intonation de mec de la rue ressortait, accompagné de mon accent hispanique. « Nan mais putain Hannah j'y crois pas ! Toutes ces belles promesses pour rien ! Putain mais quand est-ce que t'arrêtas de t'foutre de ma gueule un peu ? T'embrasses un type et ensuite c'est encore des reproches pour moi ? Putain Hannah, mais j'ai changé pour toi, j'ai fait tout pour toi ! T'as pas idée de tous les efforts que j'ai fait pour t'avoir et te garder ! J't'avais bien dit que ça s'rait pas un putain de conte de fées, et tu l'savais très bien. Tes belles paroles, hein, c'était que du vent ! Quand tu m'disais que tu m'acceptais comme j'étais, avec mes défauts, tu t'foutais bien de moi en vérité. Il a juste fallu que quelqu'un de mieux passe pour que je parte à la poubelle » continuai-je. Je parlais doucement pour ne pas effrayer Carter. « T'sais quoi, vas-y, sois honnête avec moi. Dis-moi tout ce que tu penses, franchement, vas-y, mets moi-en plein dans la gueule! Que j'suis un pauvre type irresponsable, immature, qui pense qu'à sa gueule, qui traîne dans les rues et qui prend de la drogue. Parce que oui j'prends de la drogue, c'est comme ça ! T'aimerais me formater pour que je devienne ton parfait petit prince mais crois-moi c'est pas près d'arriver » continuai-je la rage aux lèvres.