Comme chaque jour, après avoir terminé mes heures au salon, je me rendais au garage afin d’aider Noah s’il était encore dans les parages. Le cas contraire, je plongeais ma tête dans la paperasse, mais je n’étais pas vraiment un homme qui était fait pour se retrouver derrière un bureau. De ce fait, je ne résistais jamais bien longtemps avant de me salir les mains. Aujourd’hui, mon meilleur pote était présent, ainsi que deux de nos employés. Les deux autres restants étant en jour de repos. Je me chargeais d’une voiture qui avait un problème d’huile lorsqu’une voix féminine émanait de devant mes pieds. « Bien entendu, juste un instant. » répliquais-je en tirant la planche à roulettes sur laquelle j’étais allongé, afin de sortir de sous la voiture. J’essuyais rapidement mes mains avec un chiffon avant de lever mon regard. Mon visage se décomposa immédiatement. Encore elle ?! Je pensais pourtant avoir été clair. Je ne voulais plus jamais la revoir. Ce n’était pourtant pas compliqué à assimiler. Celle-ci prétendait être ma sœur, mais je n’en croyais rien. En effet, les papiers que cette dernière m’avait il y a quelque temps foutu sous le nez était à cou sur falsifier. Je n’avais pas famille. Je n’en avais jamais eu pour la simple et bonne raison que j’ai été abandonné alors que j’étais à peine haut comme trois pommes. Je n’avais jamais voulu rechercher mes géniteurs, et vingt ans plus tard, je ne le voulais toujours pas. J’avais réussi à faire ma vie sans famille, je n’avais toujours pu compter que sur ma personne et ce n’est pas maintenant que ça allait changer. Je n’avais pas de sœur, ce n’était pas logique. Pourquoi abandonner un gosse pour en faire un autre un peu plus tard ? C’était stupide, tout comme cette brunette qui prétendait être du même sang que moi. « Tu me suis maintenant ?! » Je me levais, et m’éloignais par la même occasion. « Je pensais avoir été clair, je n’ai rien à te dire. » J’évitais de croiser son regard. Un gosse, une sœur et puis quoi d’autre ? C’est quoi la suite ? J’en avais ma claque.

Aujourd'hui je bossais au garage, enfin surtout je décidais de me plonger dans la paperasse puisque la personne qu'on avait engagé pour ça, m'avait littéralement planté, la seule personne en qui j'avais confiance pour ce genre de chose me laisse tomber, alors je préfère m'arracher les cheveux moi-même là-dessus, mais la confiance c'est finit. - Putain de saloperie de merde ! Lâchais-je la clope au bec dans le bureau. Wayne m'avait céder sa place car lui et la paperasse ça faisait deux et pour le coup je le comprenais, j'étais en train de devenir fou entre ces quatre murs. Tandis que je cherchais un dossier sur l'ordinateur, une jeune femme débarquait dans l'atelier s'adressant à Wayne, probablement une cliente, donc je n'y prêtais pas plus attention, mais j'entendais le ton monter légèrement donc je relevais la tête pour observer les deux individus, je me levais alors toquant à la fenêtre qui donnait sur l'atelier, lorsque Wayne tournait la tête dans ma direction je lui fis signe de venir voir, je n'allais pas lui dire ce qui était bien ou pas, mais s'il voulait que je m'en occupe, je le ferais tout comme je sais qu'il me remplacerait si c'était ma situation. - Qu'est-ce qui ce passe ? Tu veux que j'm'en occupe ? Demandais-je alors en le regardant. Il avait l'air plutôt agacé, énervé après cette fille.

Je ne comprenais pas pourquoi elle s’obstinait. Je ne me souvenais même pas de son prénom alors que celle-ci avait un dossier détaillant toute ma putain de vie. D’ailleurs je devrais peut-être m’en inquiéter un peu plus ? Comment avait-elle eu ses informations ? Je ne croyais absolument pas en son histoire de famille, et je me demandais bien pourquoi cette dernière faisait-elle tout ceci. À quelles fins ? Énormément de personnes avaient de mauvaises intentions et j’en avais largement eu mon compte. Peut-être étais-je trop méfiant, peut-être que cette brunette était réellement ma sœur. Mais c’était bien ça le problème, tout n’était que des « peut-être » et je n’avais pas de temps à perdre avec des possibilités. Je n’avais plus le cœur à ça, il avait été bien trop brisé par le passé.

J’étais retourné à l’arrière du garage, près du bureau. Je me braquais très facilement lorsqu’il s’agissait d’une conversation autour du mot « famille ». Pour cette fille, comme pour Hannah, ça avait été la même chose. Je ne voulais rien avoir affaire avec ça. C’était surement un mécanisme de défense dû à mon enfance merdique, mais c’était comme ça et pas autrement. Quoi qu'il en soit, celle-ci m’avait suivi en affirmant qu’elle avait réellement un problème avec sa voiture et qu’elle devait absolument rendre un devoir pour ses cours. Elle me bloqua également le bras, geste que je n’appréciais pas le moins du monde. Je soupirais tout en détachant mon bras et relevais la tête lorsque l’on frappait à la vitre. Noah me demandait de venir le rejoindre. « Reste ici, j’en ai pour une minute. » Sur ses mots je partais en direction du bureau. Une fois à l’intérieur, mon meilleur ami me demanda de lui expliquer ce qui se passait. Il avait surement dû m’entendre hausser le ton. Puis de toute manière lorsque j’étais de mauvaise humeur, il le remarquait directement. Je regardais à travers la fenêtre et déposais rapidement mon regard sur la brunette, et soupirais de plus belle. « Elle prétend être ma sœur. » lançais-je en passant une main dans mes cheveux.

Je me trouvais dans le bureau en train de me noyer sous la paperasse, ça commençait à m'agacer tout ces papiers que j'avais qu'une envie c'était les brûler, mais on serait bien emmerder après. Wayne se trouvait dans l'atelier à bosser sur une voiture lorsqu'une jeune femme débarquait sûrement pour un problème de voiture enfin je pense. En jetant quelques coups d’œils de temps à autres je constatais que le ton montait entre les deux jeunes gens, je me levais alors et tapais à la fenêtre pour attirer l'attention de Wayne, je fis signe à se dernier de venir dans le bureau, une fois qu'il fut là, je lui demandais ce qu'il ce passait et s'il voulait que je m'en occupe. Il regardait la jeune femme puis soupirait. « Elle prétend être ma sœur. » Dit-il. Je le regardais alors surpris, puis penchais la tête pour regarder la jeune femme, puis me redressais à nouveau pour regarder mon meilleur ami. - Depuis quand t'as une sœur toi ? Lâchais-je alors étonné. La jeune femme débarqua ensuite dans le bureau. « Ce n'est pas très classe de laisser une demoiselle en détresse qui veut réussir sa vie. » Dit-elle d'un ton ferme. Je regardais Wayne avec un petit sourire. - Ouais y'as pas de doute ça l'est ! Lâchais-je alors pour le taquiner gentiment. - Excusez-nous on doit régler un petit soucis de paperasse ! Si vous voulez il y a une machine à café à l'accueil. On fait au plus vite. Lâchais-je à la jeune femme en la dirigeant vers l'accueil, je retournais dans le bureau et fermais la porte derrière moi. - T'as pas l'air heureux de retrouver ta sœur toi.. C'est plutôt une bonne nouvelle non ? Lui dis-je en m'appuyant sur le bureau. - Je sais t'as toujours été tout seul et ça ne changeras pas, mais si elle est vraiment celle qu'elle prétend être, tu devrais peut-être la laisser s'expliquer… Enfin moi c'est ce que je ferais... Lui confiais-je alors en haussant doucement les épaules. Je sais que Wayne à toujours été un peu réticent concernant ce sujet là 'famille'. Il à été abandonné quand il était petit et on en a jamais vraiment parler, mais c'est ce qui à fait ce qu'il est aujourd'hui et je comprends que ça puisse perturbé de savoir que du jour au lendemain on a de la famille quelque part, mais je pense qu'il devrait au moins l'écouter.

J’étais agacé, frustré même perturbé par la présence d’Eléana. Je crois que Noah ne pouvait rien y faire. Quoi qu’il me dise. Soit, Eléana mentait sur toute la ligne et dans ce cas-là, elle ne savait vraiment pas à qui elle avait affaire. Ou alors, c’était vraiment ma sœur et… Je n’étais absolument pas prêt pour ça. Toute ma vie j’avais refusé de penser à mes géniteurs, je n’avais jamais essayé de les retrouver, lorsque je me surprenais à penser à eux, j’avais toujours fait en sorte que ça n’arrive plus. Ou le moins possible. Je ne le disais à personne, mais évidemment que j’avais souffert comme un chien à cause de tout ça. De mon abandon, de ma vie en famille d’accueil et en foyer. Enfant turbulent, à cause de quoi à votre avis ?! En grandissant j’avais réussi à dompter cette colère, et de l’enfouir tout au fond de moi. J’évitais d’y penser au maximum et même si à certaines périodes de l’année, comme Noël, ou même le jour de mon anniversaire, le fait de ne pas avoir de famille se fait ressentir, je tenais le coup. J’avais Noah et Cassidy, des amis formidables sur qui je pouvais compter. C’était eux ma famille, et ça m’allait parfaitement. Quoi qu'il en soit, les deux solutions ne m’enchantait pas vraiment.

Je balançais à mon meilleur pote que cette fille prétendait être ma sœur. Il se penchait, il parut nous analyser une seconde avant de me demander depuis combien de temps est-ce que j’avais une sœur. Je faillis l’étriper avec cette question stupide, mais à peine eus-je le temps d’écarquiller les yeux du genre, à bout de nerfs, que la brunette fis irruption dans le bureau. Putain niveau impatiente c’était la reine ! Je fusillais Noah du regard après sa remarque. Bon, il n’avait pas tort, la patience ce n’était pas mon fort non plus. Dieu merci, il s’occupa de la jeune femme en la faisant patienter dans la salle d’attente. Il revenait à mes côtés, et je me retournais furtivement suite à ses dires. « Une bonne nouvelle ? Bien sur que non ! La dernière chose dont j’ai besoin c’est qu’une inconnue débarque de je ne sais ou en prétendant être ma sœur ! J’ai pas de famille, j’en ai jamais eu ! On m’a abandonné putain ! Comment je pourrais avoir une sœur ?! C’est impossible ! » Je parlais avec mes mains, j’étais sacrément irrité. « Je sais t'as toujours été tout seul et ça ne changeras pas, mais si elle est vraiment celle qu'elle prétend être, tu devrais peut-être la laisser s'expliquer… Enfin moi c'est ce que je ferais... » Je soupirais un bon coup en regardant le sol. Je ne savais pas quoi faire… J’étais perdu. J’en avais marre de souffrir et faire entrer une nouvelle personne dans ma vie, spécialement celle-ci, augmentait les chances de tout chambouler à nouveau. Je reprenais mon attention sur Noah. « Ta peu être raison… » Je me retournais et regardais la jeune femme à travers la vitre. Un petit moment, je la scrutais. Si c’était vraiment ma sœur, c’était une bonne chose non ? Putain, pourquoi je flippais autant. Ce n’était pas dans mes habitudes. « Je vais l’aider avec sa voiture. Pour le reste, on verra. » Je me dirigeais vers la porte mais me stoppais en l’ouvrant. « Merci bro. » Lançais-je à Noah en me retournant avant de quitter la pièce. Je pris une bonne inspiration et me dirigeais vers la brunette. « 2 km au nord c’est ça ? » Je marchais ensuite vers le camion de dépannage. « Grimpe ! » lui balançais-je en montant moi-même à l’intérieur, côté conducteur.

Noah avait réussi à foutre le bordel dans mon esprit. Pour autant, je ne lui en voulais pas. Il avait probablement raison. Rien ne me coutait de la laisser s’expliquer, peut-être avait-elle de bons arguments, de bonne raison ? Mhh, j’étais sceptique. Mais également énerver. De quel droit se permettait-elle de débarquer dans ma vie un beau jour et d’y foutre le bordel ? C’est toujours quand on s’y attend le moins qu’une merde se ramène. Ça m’exaspérait. Mon mécanisme de défense m’ordonnait de la repousser, de continuer à mettre cet énorme mur entre nous. De ne surtout pas la laisser entrer, de ne pas la laisser corrompre mes pensées avec de quelconques espoirs. En revanche, ma curiosité elle, me guidait vers la brunette. Et je savais pertinemment qu’elle n’allait plus jamais s’en allez si je fermais la porte à cette jeune femme qui prétendait être de la même famille que moi. J’avais horreur qu’une personne est un tel pouvoir sur ma personne. Réussir à me déstabiliser n’était pas donner à tout le monde. Mais de toute évidence, cette fille était la détentrice de cet exploit. Ce qui m’irritait d’autant plus, évidemment.

J’avais cédé. Je n’avais plus de temps à perdre en connerie inutiles. Je lui avais demandé de monter dans le camion de dépannage, et par chance, elle s’exécuta immédiatement. Elle paraissait intimidée par ma personne, ou alors elle était du genre discrète de base. Je n’allais pas mentir, ça m’arrangeait. La dernière chose dont j’avais besoin c’était d’avoir une grande gueule à mes côtés. Je restais silencieux tout le long du trajet, et elle en fit de même. Au moins elle savait quand est-ce qu’elle devait se taire. Elle était intelligente. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ses dires, de penser au passé, j’avais l’impression qu’une plaie se rouvrait et commençait à saigner de nouveau. Moi qui pensais avoir depuis le temps cicatriser, j’avais manifestement tort. Mon abandon me touchait encore beaucoup plus qu’il ne le devrait. J’avais beau faire genre, la peine était toujours là.

Arriver sur les lieux, je ne trainais pas. J’identifiais très rapidement la raison de sa panne, puis remorquais la voiture. Je reprenais place dans le camion, et reprenais la route direction le garage. Après quelques instants, celle-ci prenait la parole afin de me remercier. Je me contentais de poser mon regard une seconde sur elle, d’esquisser un sourire que l’on pouvait remarquer uniquement à l’aide d’une loupe et hochait la tête. Je reprenais par la suite mon attention sur la route mais celle-ci enchaina. Je restais silencieux deux bonnes minutes après ses dires. « Comment c’est possible ? » lâchais-je ayant essayé de lutter du mieux que je pouvais, en vain.