Arielle se réjouissait déjà du fait qu'il était probable qu'Antey soit plus présente dans l'avenir, alors qu'elles discutaient de la future retraite de la jeune femme. Mais Anteynara n'était pas encore tout à fait sûre de ce à quoi l'avenir allait ressembler, rien n'était sûr. Malgré tout, elle aimait plutôt bien son job, elle ne s'était pas exactement retrouvée là-dedans parce qu'elle était désespérée ou parce qu'il n'y avait rien d'autre pour elle. Au contraire, elle aurait très bien pu décider de ne pas se lancer là-dedans, de continuer les conneries sans pour autant tuer des types sans arrêt. Et en plus de ça, elle avait suffisamment d'argent pour vivre dans le confort extrême jusqu'à la fin de ses jours. La vérité, c'était que le danger, cette vie instable, tout ça, ça lui plaisait. Mais maintenant qu'elle était à deux doigts d'avoir à nouveau une famille, elle savait aussi que ces deux vies n'étaient pas tout à fait compatibles. Elle n'avait clairement pas envie de faire ce choix, alors elle préférait laisser traîner, et précisa à Arielle que rien n'était sûr encore. « Oh, ouais bien sûr. Et bien, je suis tout de même bien heureuse si je peux te voir plus souvent. » répondit Arielle, ce qui fit sourire Anteynara. A elle aussi, ça lui ferait du bien, un peu de stabilité, quelque chose qui tient à peu près la route. Arielle était son amie, sa seule vraie, véritable amie. L'avoir auprès d'elle était rassurant, même pour Anteynara qui ne craignait pas grand-chose. Après cela, Arielle lança le film, et comme toujours, Antey se mettait à s'agiter, à vouloir s'occuper parce que l'écran ne lui suffisait pas. Elle avait encore dix mille questions sur ce qui s'était passé ce soir, et au final, elle en posa deux. Demanda d'abord qui était ce type, puis enchaîna en lui demandant si elle avait eu des problèmes avec lui par le passé. « Oh c'est... Un client habituel. Enfin, c'était. Ce le sera plus maintenant. » répondit Arielle, haussant un sourcil, et Anteynara imita son expression, peut-être pas pour les mêmes raisons. Elle espérait bien que ça ne le serait plus, bien qu'elle aurait préféré s'en assurer d'une manière plus radicale. « Non, il ne m'avait jamais menacé. » Et c'était au moins ça, ça voulait dire qu'il n'était rien arrivé pendant qu'Antey n'était pas là. « T'inquiètes pas.. Ça ne devrait pas se reproduire. » elle ajouta, et Anteynara ne put retenir un vague rire un peu moqueur. « J'espère bien » Elle baissa le regard vers le pot de glace et y plongea la cuillère. « J'trouve quand même que t'as été trop gentille avec lui » elle dit très simplement en se concentrant sur ce qu'elle faisait avec cette foutue cuillère. A sa place, elle lui aurait gentiment défoncé la gueule, à ce type. Il s'en était trop bien sorti, de toute façon. Si Anteynara revoyait son visage, elle ne savait pas si elle serait capable de s'empêcher de lui faire payer ses conneries. « Si tu changes d'avis, tu me dis et j'm'en occupe » elle dit simplement tout en fourrant une cuillère de glace dans sa bouche, comme si elle était en train de parler de shopping et non de meurtre. Puis de toute façon, Arielle le savait bien, qu'elle pouvait lui demander n'importe quoi et qu'Anteynara le ferait. Elle pourrait faire un massacre pour elle sans le regretter une seconde.

Arielle était peut-être trop gentille. Anteynara savait que si elle avait été à la place de sa meilleure amie ce soir, elle lui aurait fait sa fête à ce type. Elle ne l'aurait peut-être pas tué, finalement, mais elle aurait fait en sorte qu'il apprenne sa leçon, l'envoyant à l'hôpital pour un mois ou deux, avec quelques bouts de lui-même en moins. Ou bien elle aurait réglé ça avec une balle dans la tête. Ca dépendait de son humeur et de son état de fatigue, clairement. Du coup, elle fit tout de même comprendre à son amie qu'à son avis, elles auraient dû lui régler son compte, tout simplement. En être débarrassées et ne plus jamais avoir à se soucier de ce problème. « Hum, t'sais même si j'avais l'air super brave avec le flingue tout à l'heure et que je semblais prête à le descendre et bien... J'crois pas que j'en aurais été capable. Ça me hanterait ou je sais pas quoi. » dit Arielle en riant un peu. A vrai dire, Anteynara l'avait bien ressenti, tout ça. Arielle avec son arme dans les mains, qui se serait sûrement retrouvée parterre à cause du recul. Mais elle resta silencieuse sur le sujet, préféra ne pas avouer à Arielle ce qu'elle avait compris. Étrangement, pour une tueuse à gages, Anteynara était assez partagée sur la possibilité d'être hantée. Elle aussi, elle avait fait des cauchemars, après avoir tué des gens qui ne le méritaient pas. Ca lui était arrivé, surtout au début de sa carrière. Aujourd'hui, elle avait plus confiance en elle, elle se permettait de faire ce qu'elle voulait, parce qu'elle avait compris quelque part en chemin qu'elle était la seule à être en mesure de se donner des ordres. « Aucun doute là-dessus. T'es vraiment meilleure que moi pour ce genre de trucs de toute façon. » répondit Arielle alors qu'elle lui proposait de s'occuper du type, au cas où elle changeait d'avis. « Et heureusement » elle répliqua avec une touche de sarcasme, avant de sourire un peu, plantant à nouveau sa cuillère dans le pot de glace. Elles se concentrèrent un peu sur le film, jusqu'à ce que le téléphone d'Arielle ne se mette à sonner. Anteynara regarda du coin de l'oeil vers elle, essayant de jauger d'après son expression et de deviner qui pouvait bien l'appeler. Arielle se leva et s'éloigna pour prendre l'appel, et Antey ne put s'empêcher de vaguement écouter d'une oreille. Elle ne capta pas tout... en fait elle ne capta pratiquement rien. Elle comprit juste qu'ils'agissait du père d'Arielle au téléphone. Lorsque son amie revint, elles tentèrent de faire comme si rien ne s'était passé, mais arrêtèrent bien vite de faire semblant, Arielle se tournant alors vers elle. « Antey, j'me sens nulle d'avoir à te demander ça mais... Tu penses que tu pourrais me prêter un peu d'argent? À cause du mec de ce soir, j'ai rien eu et... Mon père a dépensé l'argent pour les factures en alcool. » lui dit Arielle. Anteynara ne commenta pas sur les problèmes familiaux d'Arielle et son père relativement douteux. Ce n'était pas à elle de faire ça, et de toute façon elle n'avait rien à dire sur le sujet. Elle se contenta de hocher la tête, se levant du canapé pour se diriger vers le petit coffre qu'elle avait chez elle. « Ouais bien sûr » elle répondit simplement, faisant quelques pas vers la bibliothèque. D'un geste, elle poussa quelques bouquins sur le côté pour accéder à la porte, faisant signe à Arielle de la rejoindre. Elle composa le code et ouvrit la porte derrière laquelle se trouvait une partie de ses économies sous forme de liasses de billets. « Tu veux combien ? » elle demanda, avant de finalement se reculer et ramasser les livres qu'elle avait laissé tomber une minute plus tôt. « Sers-toi » elle lança à Arielle. Tout en reposant les livres sur l'étagère, elle se perdit rapidement dans ses pensées. Finalement, elle ne s'en était pas trop mal sortie niveau famille. Ses parents adoptifs avaient été des gens peu recommandables, mais ils l'avaient aimée et lui avaient toujours donné ce dont elle avait besoin. Quant à sa famille biologique, c'était une longue histoire. Et peut-être que du côté paternel, elle avait hérité d'un enfoiré, il y avait toujours moyen de rattraper le coup avec son frère et sa sœur. « Tu sais, si un jour tu veux vraiment te barrer de chez ton père... la chambre en-haut est à toi » elle dit lentement. C'était la vérité. Personne d'autre n'y dormait. Il y avait d'autres chambres dans le palace d'Anteynara, et de toute façon, il était rare qu'elle invite qui que ce soit à passer du temps ici, mise à part Arielle.

Anteynara savait que la vie de famille de sa meilleure amie n'avait rien de très glorieux. Son père se noyait dans l'alcool, et Arielle se chargeait de tout, s'occupait de son frère et de tout le reste. Elle travaillait pour subvenir à leurs besoins, payait les factures pendant que son père passait son temps au bar du coin. Antey savait qu'elle n'avait pas à juger tout ça, mais parfois, elle ne pouvait s'empêcher d'en vouloir énormément à cet homme, et à tout le reste, pour avoir plongé Arielle dans cette merde. Quand Arielle lui demanda de lui prêter des sous, Anteynara n'hésita pas une seconde, se dirigea vers le petit coffre qui se trouvait dans son salon, et demandait combien il lui fallait. « Heum.. 200? » répondit Arielle, avant qu'Antey ne lui dise de se servir, laissant le coffre ouvert devant elle. Elle était sa meilleure amie, sa seule amie, à vrai dire, et Antey lui faisait confiance. De toute façon, ce n'était même pas une histoire de confiance, elle serait prête à donner beaucoup pour Arielle. Son amie pouvait se servir comme elle le voulait dans ce coffre, Anteynara ne manquerait de toute façon de rien. « Merci tellement, ça m'enlève un poids. » dit Arielle en prenant ce qu'il lui fallait. Anteynara lui adressa un simple sourire. Elle serait toujours là quand Arielle aurait besoin d'elle, de toute façon. Ensemble, elles replacèrent les livres devant le coffre, jusqu'à ce que Anteynara décide finalement de lui proposer de s'installer chez elle. Ce n'était pas une grande proposition ou une invitation qui à ses yeux méritait de longues réflexions. Non, Anteynara annonçait simplement ce qu'elle pensait depuis un bon moment déjà. Ce n'était pas rare que son ami passe la nuit chez elle, et si elle voulait un jour s'installer dans la chambre d'amis un peu plus sérieusement, Anteynara n'y verrait aucun inconvénient. La porte lui serait toujours ouverte. Il y avait une brosse à dents rien que pour elle dans la salle de bain de cette chambre d'amis, une serviette propre toujours disponible pour Arielle. Alors vraiment, c'était une proposition qui ne coûtait rien à Anteynara. Au contraire. « Quoi? » fit Arielle qui semblait surprise. « Ce serait tellement parfait... Mais... Je ne peux pas juste laisser mon frère avec mon père. Ils pourraient même plus avoir de maison tu vois. » Antey hocha doucement la tête. Elle comprenait tout à fait, même si elle n'avait jamais eu de frère ou de soeur, mais elle pouvait comprendre d'une certaine façon. Elle reconnaissait un peu de son propre passé dans ce qui était la vie d'Arielle. « C'est de la merde cette vie. » fit la jeune femme, blasée, sa tête appuyée sur son coude. Anteynara tourna la tête vers elle. Ce n'était pas trop habituel chez Arielle d'admettre ainsi ce qui pouvait passer pour une faiblesse. Ce n'était pas son genre de se plaindre si ouvertement. Et ça voulait dire que d'une certaine façon, elle n'en pouvait vraiment plus. Anteynara la regarda un instant. « T'sais... j'ai grandi dans un coin pourri du Queens, ma mère se droguait et mon père trafiquait je sais pas trop quoi avec les pires types de la ville, je pensais jamais finir un jour ici, et pourtant... » elle raconta en désignant sa villa d'un petit signe de la main, haussant les épaules. « C'que je veux dire c'est que les choses resteront pas comme ça éternellement, pour toi et ton frère » ajouta Anteynara en prenant une cuillère de glace. « Si t'as besoin d'aide, tu sais que tu peux toujours venir... et puis j'ai toujours besoin de monde à l'hôtel alors si ton frère a besoin de boulot » elle proposa finalement. Elle savait très bien que son amie aurait du mal à accepter la charité, mais peut-être que si Antey avait un job à offrir, ça pourrait les aider. De toute façon, elle proposait simplement, elle n'attendait pas de réponse immédiate, ou de grande décision. C'était juste une proposition, histoire qu'Arielle sache que si un jour elle avait besoin de quelque chose, Antey serait là, prête à l'aider. Toujours prête à trouver des solutions à n'importe quel problème. C'était un peu son métier, après tout, trouver des solutions et se débarrasser des problèmes.