Ce midi à la fac, nos cours avaient été annulés parce qu'il y avait une conférence dans l'auditorium. On était libre d'aller y assister, c'était même plutôt suggéré. Ce n'était pas vraiment une conférence en soi, mais plutôt un genre de débat. Personnellement, ce genre de trucs m'intéressaient tout le temps, alors je ne perdis pas de temps et me rendit à l'auditorium. La plupart du temps, ce genre d'activités à la fac étaient reliés aux futurs métiers que l'on pouvait faire, des entrepreneurs, ce genre de choses.. Là, c'était plutôt différent. En fait, dès que le débat commença, je fis plus qu'intrigué parce qu'il traitait de différents handicaps. Par exemple, l'un des représentants était sourd. Cela dura environ une heure. J'étais vraiment captivée parce que étant moi même atteinte d'un handicap, je trouve qu'on en discutait pas assez souvent dans la société. La façon que ce type parlait.. Je me sentais normale pour une fois.

On a détecté mon syndrome d'Asperger alors que j'étais encore plutôt jeune, j'avais environ 7 ans. Il s'agit d'une forme d'autisme et même si la maladie est beaucoup moins intense sur moi que sur certaines autres, on m'a toujours traité différemment. J'ai de la difficulté à gérer mes émotions, même que parfois c'est assez explosif.. J'ai aussi de la difficulté à communiquer, n'ayant souvent pas de filtre, on peut mal interpréter mes paroles. Peu de gens savent bien me gérer et ça me cause quelques soucis socialement parlant. On fait avec. Je pense que c'est pour ça que je me reconnais vraiment dans les paroles de ce garçon. Mathis, comme il s'était présenté. Lorsque le débat prit fin, je pris la décision d'aller lui parler. Il était plutôt impressionnant, parlant avec des signes aussi. J'en avais retenu quelques-uns au passage, faut dire j'avais une excellente mémoire. Je m'approcha donc assez timidement. « Excuse moi.. Mathis? » dis-je en m'approchant face à lui. « Je m'appelle Mackenzie. » lui dis-je avec des signes. Sauf pour le Mackenzie, ça je ne savais pas comment le dire. « J'ai beaucoup aimé ton débat. » lui dis-je en souriant. Je me sentais un peu stupide, qu'est-ce que je pouvais bien lui dire? Il allait me trouver bizarre d'être là. Socialement inapte, moi? Un peu, ouais.

J'aimais beaucoup le fait qu'il y ait ce genre de conférence à l'école. Ça faisait différent, ça faisait changement et je trouve que ça montrait une autre facette des gens à l'université. Nous n'étions pas tous semblables, nous n'étions pas tous ''normaux''. Si je reprenais les termes de Léo, certains étaient spéciaux et je pense que c'était bien de les mettre en avant. Certains naissent avec des handicaps et il faut faire avec. Ce n'est pas évident de s'adapter, surtout de nos jours où les gens jugent beaucoup. Même s'ils sont de plus en plus sensibiliser à ça, il y a toujours un paquet d'idiots qui agissent comme si on était encore au temps des Neandertal ou bien comme si la loi du plus fort dominait. C'était rare de trouver des gens qui nous acceptaient comme nous étions, sans jugement, sans regard de travers. À cette conférence, seul les gens vraiment intéressés s'y présentaient, alors on était dans une salle libre de jugement et libre d'opinions déplacés. C'était différent et j'appréciais vraiment ça. D'ailleurs, j'alla aborder le garçon qui avait fait une partie de la conférence, il était différent lui aussi et ça m'intéressait.

J'avais un peu répété dans ma tête ce que j'allais lui dire pour avoir l'air normale. Je n'aimais habituellement pas aborder les gens inconnus, mais là, c'était plus fort que moi je voulais lui parler. Peut être allait-il m'apporter quelque chose. Je lança la discussion en langage des signes parce qu'il était sourd et que j'avais une excellente mémoire. Sauf qu'il me répondit de la même façon et là, je figea totalement. Mes yeux s'arrondirent, tout comme ma bouche et je ne répondis rien. Je n'avais pas prévu ça. « Euh...» laissai-je s'échapper. Je ne voulais pas lui manquer de respect, mais j'étais assez déstabilisé. Il me répondit avec sa voix. Ça me fit sourire. « Non, excuse moi, j'aurais dû te le dire. » dis-je assez lentement pour qu'il puisse lire sur mes lèvres. « Tu parles bien.. Enfin, je trouve. Je veux dire.. J'ai croisé des gens sourds qui ne parlaient pas si bien. » ajoutai-je un peu maladroite. C'était bizarre ce que je venais de dire. Je fronça les sourcils et regarda un peu autour. Je mentionna que j'avais aimé son débat et le dénommé Mathis me répondit assez humblement. « Il est important je trouve ton point de vu. Je suis contente que tu l'aies partagé, les autres comme moi le sont aussi sûrement. » lui dis-je. Je voulais qu'il sache qu'il avait beaucoup de courage de parler comme ça et qu'il pouvait faire la différence, mais bon, ça ne sortait pas vraiment comme ça. « Tu es courageux, très brave. Les gens sont contents.. De t'écouter. Enfin, de t'entendre. D'entendre ce que tu as as dire plutôt, ça fait du bien. Enfin... Tu comprends. » dis-je ensuite. Mon dieu que je ne faisais aucun sens. Allô Mackenzie, apprend à parler aux gens!

Je vis qu'il avait un léger point d'interrogation sur le visage. « Est-ce que je parle trop vite? » dis-je en articulant beaucoup. Peut être qu'il ne comprenait rien à ce que je disais, je ne savais pas trop comment me comporter. Peut être aussi qu'il trouvait que ce que je racontais ne faisait aucun sens. Pour moi, Asperger était écrit sur mon front ou presque alors les gens s'habituaient simplement à m'écouter.

Je trouvais ça vraiment fascinant de parler avec ce Mathis et de voir sa façon d'agir malgré son handicap. Je trouve qu'il avait l'air totalement normal. Souvent, on pouvait remarquer les gens différents simplement par leur allure, mais pas lui. Je m'exprimais de façon très maladroite parce que ça me rendait très nerveuse de m'adresser à lui, ne le connaissant pas, mais il restait super poli avec moi. « Comment c'est arrivé? » demandai-je brusquement. Je mis ma main devant ma bouche, me sentant pas très poli moi-même. « Oh, c'est peut être indiscret? » demandai-je. Il m'avait dit qu'il n'avait pas toujours été sourd et j'avais sauté sur l'occasion pour faire la conversation un peu. Je me serais sentie bête de lui dire bonjour j'ai aimé ta conférence, au revoir. Autant en profiter pour me renseigner un peu, après tout, les nouveaux sujets me passionnaient toujours beaucoup.

Mathis releva le fait qu'on était beaucoup à être présent aujourd'hui. « Ne te méprend pas, la moitié ici ont des problèmes mentaux ou un handicap, l'autre moitié a seulement été forcé de venir ici parce que je reconnais plusieurs intimidateurs. » dis-je simplement en haussant les épaules. C'était vrai, la fille là-bas avait fait tomber mes livre et mon téléphone l'autre jour. Elle devait couler un cours et avait été forcé de venir ici pour se rattraper. Même chose pour la petite bande de mecs plus loin. On croyait que le lycée était difficile, mais la fac l'était tout autant. Je changea un peu de sujet en le complimentant sur sa façon de parler et m'inquiéta ensuite qu'il n'arriverait pas à suivre mes lèvres. « Oh, t'es doué. » me contentai-je de dire. J'entendis soudainement beaucoup de bruits, comme un petit chaos derrière moi et sentit une poussée dans mon dos. « Hey le sourd, tu devrais pas traîner avec les retardés de la fac si tu veux t'intégrer dans la société. » lança un mec  que j'avais croisé beaucoup trop de fois, sur un ton moqueur. Déjà, c'était vraiment méchant d'appeler Mathis ''le sourd''. « Je.. Je ne suis pas retardée. » dis-je sur un ton un peu plus bas. Je me sentais un peu trembler, comme si la colère monta en moi, mais je tenta de me calmer, sinon j'aurais facilement pu tout casser dans cette pièce. Je souffla deux, trois coups pour reprendre mes esprits.

Je trouvais ça un peu triste ce qui était arrivé à Mathis. Ce n'était même pas de naissance, il savait donc ce que c'était d'entendre. Ça devait être dur du jour au lendemain de plus pouvoir rien entendre. En plus, c'était la faute du médecin, il avait du être en colère. Je l'aurais été. « Tout ça à cause du médecin? » demandai-je ébahie. Si ça n'avait pas été de ça... Il entendrait encore aujourd'hui. Ça faisait partie de la vie et ça faisait aussi de lui la personne qu'il était maintenant, il l'avait accepté et c'était tant mieux. « Et bien, tant mieux si tu vis bien avec ça, ça n'a pas l'air de t'arrêter. » ajoutai-je avec un petit sourire.

Je pense que je brisa un peu l'enthousiasme de Mathis en lui disant que la plupart des gens ici étaient venu par obligation. J'allais pas mentir non plus, mais c'était un problème avec moi, d'être trop franche. Faut dire, c'était une réalité, il ne devait pas vivre dans un conte de fées. « Désolé de te décevoir, c'est pas toujours le cas. » lui dis-je simplement. Surtout à la fac, c'était rempli de jeunes qui se fichaient de tout sauf de leurs nombrils alors... Concerné par les autres et leurs handicaps? Fallait oublier. D'ailleurs, la preuve : un garçon passa et me bouscula, il insulta clairement Mathis en l'appelant ''le sourd'' et en me traitant d'attardée. Je me faisais insulter parfois, mais ça n'était jamais très agréable. Surtout devant les autres. Léo me disait constamment de me défendre, mais je ne savais pas comment. Alors, ça recommençait. Les gens aimaient ça s'en prendre au plus faible. Lorsque Mathis répliqua au mec, je lui lança un regard avec des gros yeux. Ce mec était une armoire à glace, franchement fallait pas le chercher. « Faut pas lui répondre, il pourrait devenir violent. » dis-je en regardant Mathis et en voyant le mec se calmer pour ne pas le frapper. Je pense qu'il se serait senti mal de frapper quelqu'un avec un handicap. Du moins, c'est ce qu'il dit à son pote. « Désolé qu'il t'ait appelé comme ça. » dis-je en faisant allusion à ce qu'il avait dit. Personnellement, j'étais habituée. Mais je devais me convaincre chaque jour que je n'étais pas ce qu'ils disaient. « C'est pas toujours les plus intelligents qui vont à la fac. » dis-je avec un sourire en coin. C'était mon frère qui me répétait toujours ça. « Tu y vas toi? À la fac? » demandai-je.