Le soleil était au beau fixe, de même que la température saisonnière. L’été commençait à arriver tout doucement et c’était bien agréable. Avec mes deux boulots, je n’avais pas encore eu le temps de me mettre à l’eau et cela me tenter énormément. Mais, aller à la plage seul c’était vraiment ce qui avait de plus cool. Cela faisait un petit moment que je n’avais pas vu Mathis et je m’empressai de lui envoyer un message pour lui demander s’il voulait m’accompagner. En nota bene, je lui avais indiqué de prendre sa guitare histoire de se faire quelques petits accords face à l’étendue d’eau. Mathis était un chouette type que j’avais rencontré par hasard alors qu’il était venu faire des photos du cabinet de vétérinaire où je bossais. Nous avions discutés un peu et de fil en aiguille nous avions remarqués que nous avions un hobby commun : la guitare. Aucun de nous deux n’étaient de bons gros professionnels et c’est bien ca qui nous avaient motivés à nous voir de temps à autre pour gratter quelques morceaux. Ce qui était particulier chez Mathis, c’était qu’il était sourd et ce n’était pas si facile que ca pour lui. Mais je trouvais qu’il s’en sortait pas trop mal pour quelqu’un qui n’entendais pas ce qu’il jouait.

Je pris un sac, y fourra une serviette de bain, deux bouteilles d’eau, un paquet de gâteaux et un tube de crème solaire. Je cherchais pendant quelques dizaines de minutes ma paire de lunette de soleil que je retrouverais une fois dans ma voiture. Je me vêtu d’un short de bain, un t-shirt et une paire de tong à mes pieds. Je pris ma guitare et fonçai ensuite vers la plage qui avait déjà était conquis par plusieurs personnes. Je me garai en prenant bien soin de payer le rotateur. Je ne voudrais pas me faire embarquer ma voiture. J’envoyai un message à Mathis qui me répondit qu’il se trouvait non loin de moi apparemment. Je regardai autour de moi et le vit accoudé à la barrière qui longeait la plage. Je pris soin de ne pas arriver dans son dos ne voulant pas lui faire peur. Une fois à ses côtés je souris en lui serrant la main.

« Tu vas bien ? Chaud patate pour une petite aprèm’ à la plage ? » lui dis-je ne prenant bien soin d’articuler correctement.

J’enlevai mes tongs et marchais sur le sable fin qui était brulant. J’avais hâte d’aller piquer une petite tête. Nous nous avançâmes au plus près de la mer, tout en gardant une certaine distance de sécurité pour que nos affaires ne soit pas mouillés par une avancée des vagues. Le sable était beaucoup moins chaud là où la mer s’était retirée. Je jetai mon sac sur le sable et posai délicatement ma guitare à côté.

« Bon alors quoi de neuf mec ? »

J’avais posé mon bras sur le sien pour attirer son regard vers moi afin qu’il me comprenne et que je ne parle pas dans le vent. Des fois j’oubliais son handicap et il m’arrivait de parler tout seul. C’était toujours assez cocasse. Je sortais ma serviette alors que Mathis me répondait et l’étalais sur le sol. Une fois fait j’y posai mes fesses. Quelle merveilleuse vue nous avions là. J’avais beaucoup de chance de vivre à Miami, je le savais.

« Je crois que j’ai tourné la page avec mon ex, April. Je fréquente une fille, je sais pas trop si je peux la considérais comme ma petite amie, on verra. En tout cas elle est canon et elle me plait ! »

Cela faisait deux ans que nous nous connaissions alors il avait su pour mon histoire avec April qui avait été un peu tragique sur sa fin. Je vivais un conte de fée romantique et du jour au lendemain, à cause d’un putain d’accident de voiture, tout avait disparu. J’avais eu des regrets, j’avais eu de la peine, mais aujourd’hui je sentais que je pouvais me reconstruire et que le passé restait passé.

Sur la plage nous échangeâmes quelques mots histoire de se mettre à la page sur les nouvelles de nos vies respectifs. Mathis vendait des photos en lien et s’investissait toujours autant dans son association. Il m’informa d’une collecte de fond qu’ils organisaient afin de pouvoir monter des projets je suppose, il ne m’en dit pas plus. Je lui parlai rapidement de Emily en lui disant que je voyais une fille, que j’avais tiré un trait sur April après de longs mois à me morfondre sur notre rupture. Il me questionna un peu plus à son sujet. Je ne lui avais jamais parlé de mon double job et je ne voulais pas le lui dire. Je préférais cacher aux yeux de tous ce que je faisais en dehors de mes heures au cabinet de vétérinaire. Je savais que Mathis ne me jugerait pas, c’était un gars ouvert d’esprit, je l’avais découvert à plusieurs reprises.

« Elle a fait un faux numéro et j’ai engagé la conversation. De fil en aiguille on s’est rencontrés à plusieurs reprises. Elle est sage-femme à l’hôpital et elle est très caractérielle. Tu sais avec elle j’ai l’impression de ne plus rien comprendre aux femmes. » Mon regard se fixa sur l’horizon avant de reporter l’attention sur mon ami. Mes mains jouaient avec le sable à mesure que je parlais d’Emily. « A deux reprises elle m’a chauffée comme un dingue et moi, voulant faire les choses bien je l’ai repoussé. » Je vis les yeux de Mathis s’agrandirent et avant qu’il ne dise quoi ce soit je me défendis : « Oui je sais j’aurais dû sauter sur l’occasion, mais la première fois je voulais apprendre un peu plus à la connaitre, la deuxième elle était complètement ivre. A chaque fois que je l’ai repoussée elle a fuis en plus ! Je l’ai revue à l’hôpital y a trois jours, je m’étais ouvert la main et là j’ai pris les devants et dans une salle d’auscultation je l’ai fait grimper aux rideaux comme jamais mec ! »

Je laissai échapper un petit rire satisfait. C’est vrai que cette partie de jambe en l’air à l’hôpital avait été une expérience inoubliable avec elle. J’étais assez fier de moi sur ce coup, surtout en sachant que je n’avais eu qu’une seule fille avant Emily et c’était April. J’étais peut-être un peu novice en la matière du coup, mais bon, j’avais su gérer.

« Et toi les amours ? Même pas une fille de passage dans ton lit ? »

Je lui donnai un petit coup de poing gentil sur l’épaule. Mathis n’était pas du genre à coucher à tout va à droite et à gauche. Non c’était un sentimentale, du moins de ce que j’avais appris au cours de ces deux années.

« Tu veux faire un plongeon avant de gratter ou on joue et ensuite on plonge en signe de récompense ? »

A Mathis je racontais un peu mes nouvelles sentimentales avec Emily. Elle était une jeune femme très agréable avec qui j’avais passé du bon il y a peu de temps. Mathis me dit qu’il était content pour moi que je me sois trouvé une autre fille et que j’ai tiré un trait une bonne fois pour toute sur April. Il était quand même temps ! Enfin, il me restait encore une chose à faire dans ma vie pour complètement la rayer : refaire mon appartement ou carrément changer d’appartement. Oui car la décoration c’était April qui l’avait décidé en partie et les couleurs des murs me faisaient trop penser à elle. Une fois parlé de moi, je réorientai la conversation vers mon ami afin de m’enquérir de nouvelles croustillantes. Mathis me dit que les filles préféraient toujours les mauvais types plutôt que les bons et comme il était du genre plutôt sympa ca ne fonctionnait pas.

« Ouais je te comprends mec. Comme Emily, limite on aurait dit qu’elle voulait que je fasse mon connard avec elle. J’te jure ces filles, toutes incompréhensibles. »

Il enchaîna après sur mes mots en me disant qu’il y a avait toujours un truc qui repoussait les filles chez lui, même après une simple rencontre. Je pensais qu’il allait me dire que c’était son handicap car même s’il comprenait très bien ce qu’on lui disait quand on parlait bien en face de ses yeux, son langage pouvait être un peu déformait, mais rien de bien méchant. Mais non, mon ami me dit que ce qui pouvait gêner les filles c’était sa tendance à être trop gentil. Je ne pus m’empêcher de rire doucement. « N’importe quoi ! » dis-je dans un soupir. Je lui proposais ensuite deux options : faire un plongeon ou jouer de la guitare. Son choix se porta sans hésitation sur la première option.

Je saisi ma guitare tout comme Mathis et vérifia les accords de mon instrument. Je n’en avais pas joué depuis un petit moment, pris par mes deux boulots et par mes rencards avec Emily. Cela faisait du bien de prendre du temps pour soi un peu de temps en temps, même si j’adorais mon boulot au cabinet et Emily. « Attends, laisse-moi juste régler un truc. » Dis-je en améliorant la qualité des notes de la guitare de Mathis. Il joua quelques notes et j’hochai la tête pour lui signifier que c’était bon. Je sortis de mon sac des partitions que j’avais imprimé sur le net. Il était plus facile pour mon ami de jouer avec des notes qu’aux vibrations des cordes. Je lui tendis un paquet de feuilles. « C’est une musique que j’apprécie beaucoup. Viva la vida de Coldplay, c’est très sympa à jouer à la guitare. »

J’étais impressionné par la persévérance de Math’ à vouloir continuer de pratiquer alors que son ouïe n’était plus ce qu’elle était à l’époque. Je ne pouvais pas réellement comprendre ce qu’il pouvait ressentir. Cela devait être difficile mais il ne baissait pas les bras. Il continuait de croire que si un jour il pourrait entendre à nouveau, il n’aurait pas à réapprendre à jouer. Je commençais à jouer les quelques notes, fixant mon oreille sur les sons et mes yeux sur les notes écrites. Je levai la tête, regardant la mer lorsque je savais quelle note jouait. J’eu quelques ratés à certains moment mais je trouvais que je m’en sortais pas trop mal. Mathis se débrouillait bien aussi. Je lui souris.

J’avais décidé de faire découvrir la chanson Viva la vida de Coldplay à Mathis, une chanson que j’appréciais vraiment beaucoup interpréter à la guitare. Je trouvais cette chanson tout simplement mélodieuse. Il me remercia d’accorder sa guitare alors qu’il grattait un peu dessus. C’était normal et je savais que mon geste ne serait pas pris comme une offense de la part de Mathis. Je le connaissais depuis assez longtemps maintenant pour pouvoir lui donner un coup de main face à son handicap de temps en temps. Mon ami me dit que la musique lui semblait être sympa. J’esquissai un petit sourire.

« Je ne sais pas comment tu fais pour jouer sans entendre les sons que tu émets. C’est impressionnant. »

Il n’entendait rien et pourtant il jouait plutôt bien. Il fallait sans doute dire merci à sa pratique de la guitare avant qu’il ne puisse plus entendre. Après j’avais toujours entendu dire que les vibrations pouvaient être utilisé pour « entendre » une musique sans nos oreilles. Je sentis du sable sur mon dos et un léger poids vint se faire sentir sur mes épaules. Deux douces mains se posèrent sur mes yeux alors qu’une voix me demandant de deviner qui c’était parvint à mes oreilles. Même si la voix de mon amie était légèrement déformée je l’avais parfaitement reconnue. D’autres signes, comme son parfum, l’avait trahie.

« Violette ! » dis-je le sourire aux lèvres.

J’étais contente qu’elle soit venue. Je n’avais pas eu trop de nouvelles de mon amie depuis sa fugue de l’hôpital psy et je m’en faisais pour elle. C’était alors un petit soulagement de la voir ici, avec nous, sur la plage. Elle approcha ses lèvres de ma joue pour me l’embrasser avec tendresse. Je passai une main sur ses épaules alors qu’elle s’adressait à Mathis.

« C’est Violette, une amie d’enfance, je lui avais dit de venir j’espère que ça te pose pas de soucis ? » dis-je à Mathis qui m’avait interrogé du regard ne comprenant pas Violette qui s’était adressé de côté à lui.

Si on ne parlait pas en face de mon ami, il ne pouvait pas décoder ce qu’on lui disait. Je ne savais pas s’il voulait afficher son handicap à une inconnue alors j’avais décidé de lui sauver la mise subtilement. Violette s’assis à mes côtés sur le sable.

« C’est la sœur d’April. Vous ne vous étiez jamais rencontrés depuis le temps qu’on traine ensemble ? »

Mathis et moi nous nous connaissions depuis environ deux ans et cela me surprenait que mes deux amis ne se soient pas croisés plus tôt au détour d’une soirée ou d’une autre occasion commune. En même temps Mathis et Violette n’était pas vraiment semblable.

« Vio’ est du genre envahissante des fois, alors hésite pas à le lui dire. » dis-je alors que je taquinais mon amie. Je lâchai un petit rire alors que je me prenais un petit coup dans les côtes.