On m'a dit un jour que j'allais accomplir de grandes choses, que j'étais un petit garçon intelligent, que j'irais loin dans la vie. Au début, j'y croyais. J'étais prêt à tout pour cette personne. Sauf qu'un jour, elle est partie. Elle m'a abandonné. J'ai cessé d'y croire. Je ne peux pourtant pas être fâché contre elle. Non. Grâce à elle, j'ai appris à me débrouiller seul et à vivre avec ce que j'avais. Je me contente de peu. Au moins, je gagne un peu d'argent, suffisamment pour avoir un toit, pouvoir manger et me vêtir. C'est bien, non? J'ai également des amis sur qui je peux compter. Quand j'y repense, je pourrais avoir pire comme vie...

Le 19 juin 2006, je suis parti en voiture avec ma mère. Nous devions rendre visite à de la famille qui habitait hors de la ville. On ne s'est jamais rendu. Vous le devinerez, nous avons eu un accident. Pas de morts, heureusement. Ma mère s'en est sortie avec un bras cassé et de vilaines égratignures alors que moi... L'impact a été assez fort pour m'envoyer un mois dans le comas. Ne me demandez pas comment cela se fasse que m'a mère ait seulement eu le bras cassé alors que moi j'étais dans le comas, je ne le sais même pas moi-même. Elle a été chanceuse, c'est tout. Maman a toujours été chanceuse...

Quand je vous dis que quelqu'un m'a abandonné, c'est parce que, lors de mon réveil suite à l'accident, il y avait une petite enveloppe posée sur la table de chevet, près de mon lit. C'est l'infirmière, avec son air de pitié, qui me l'avait ouverte, puis donnée. Je vous résume en gros le contenu de cette lettre: ma douce maman m'avait écrit pour me dire qu'elle partait. Sa raison : c'était trop difficile pour elle de me voir dans cet état. On peut trouver mieux, c'est vrai. Au début, je n'ai pas su comment réagir. C'était une blague, c'est ça? Ma mère ne pouvait pas partir pour toujours. Elle allait revenir lorsqu'on lui annoncerait que je m'étais réveiller? Et non, elle ne reviendrait pas. Sans doute par honte de m'abandonner, elle m'avait laissé une somme d'argent suffisante pour que je puisse me trouver un petit logis. Elle s'était même arrangée pour que mon oncle m'engage dans son magasin de musique. À dix-sept ans, je me retrouvais donc sans parents, lancé dans la vie adulte avant même avoir pu atteindre la majorité.

La transition fut brusque et soudaine. J'avais toujours été le petit garçon à sa maman. Mon père était mort avant même ma naissance, donc j'étais à peu près tout ce qui restait de lui à ma mère. Je n'avais jamais manqué d'amour ou de quoi que ce soit. J'avais toujours été un enfant choyé et voilà que je devais me débrouiller tout seul du jour au lendemain. J'ai connu des bonnes passes comme des moins bonnes. J'ai eu des fréquentations un peu douteuses, mais il fallait bien que je trouve un moyen de m'en sortir. J'ai développé une certaine ouverture sur le monde et j'ai appris à vivre avec ce que j'avais. Je ne suis plus ce petit garçon qui voulait toujours le dernier truc à la mode, je n'ai pas besoin d'avoir le tout dernier iPhone. J'ai seulement besoin de vivre ma vie, de passer du temps avec mes amis et de faire de nouvelles rencontres.

Vivre sans regret... J'aime bien.

DERRIÈRE L'ÉCRAN.
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