Lorsque Dani m'énonça qu'elle n'était pas une fille bien et qu'elle essayait simplement d'avoir une vie "normale" un de mes sourcils s'arqua. Personnellement, j'avais le souvenir d'une Dani qui aimait rire, discuter de tout et me raconter ses problèmes. Mais il est vrai qu'elle avait son tempérament qui n'était alors pas des plus faciles. C'était une forte tête. " Pour moi tu te rapprochais d'une fille bien, mais bon... on n'avait peut-être pas la même vision de toi. " concluais-je simplement, esquissant une ombre de sourire. Puis plus tard, nous abordâmes le fait que j'avais fait des recherches sur elle. C'est vrai que d'un point de vue extérieur cela pouvait peut-être sembler bizarre finalement. Sa réponse toujours teintée un peu de ce piquant qui lui appartenait me fit rire doucement. " J'y songerai la prochaine fois que je tombe sur quelqu'un de mon passé. " déclarais-je en laissant apparaître un sourire amusé sur mes lèvres, c'était curieux, mais si j'avais été un peu sur la défensive auparavant, à présent je me sentais presque... détendu. Dans la brise du soir, confortablement installé, je voulais connaître un peu son histoire. Alors je précisais, en plantant mon regard dans le sien... " Je sais pas... comment tu l'as rencontré? Comment tu as su que c'était lui et pas un autre? " repris-je toujours dans ce calme apaisant que je dégageais, un sourire néanmoins aux lèvres. En notant son changement d'humeur, elle me précisa que "sans vouloir m'offenser" elle n'avait plus de sentiments pour moi à l'heure actuelle et que du coup elle n'avait plus trop de raisons de se montrer agressive ou quoi que ce soit. Sa remarque fut loin de m'offenser au contraire, elle me fit rire. " Ce serait toi la psychopathe si tu m'aimais encore. " rétorquais-je, en plaisantant tout en la regardant. Sur le coup, je retrouvais un peu la Dani que j'avais connu et je l'appréciais. Sa remarque suivante attisa ma curiosité. J'attendis qu'elle revienne armé de mon jus de pomme et qu'elle s'installe à côté de moi sur le muret pour la regarder et rétorquer alors: " Quels genres de trucs?  " tout en l'invitant à m'en dire plus, je dévissais le bouchon de ma bouteille pour en boire une gorgée. Croyez-le ou non, mais sa vie m'intéressait. Peut-être qu'on pourrait devenir ami un jour.

Lorsque Dani m'expliqua qu'elle jouait les Oliver Twist avec sa fratrie étant petite un léger sourire m'échappa. C'était pas drôle, mais la façon dont elle le disait m'amusait. Et puis c'était du passé. Elle avait un toit et de quoi manger à présent, non? " Je suis désolé, je l'ignorais. " rétorquais-je en prenant ce ton sérieux qu'on prend tous lorsque quelqu'un nous dit quelque chose de grave. N'étant pas un homme de tact, au moins j'essayais. Je ne voulais pas qu'elle pense que son passé me faisait rire. Après tout personne ne s'était permis de le faire avec moi. Par la suite j'eu l'envie de connaître un peu ses histoires d'amour. Du moins la dernière, celle qui faisait battre son petit coeur ahah j'étais un papounet dans l'âme, j'étais donc devenu plutôt bienveillant avec les gens. Pour moi j'avais 60 ans, limite, j'étais en fin de vie. Alors je n'avais aucune arrière pensée ou quoi que ce soit. Honnêtement, même si je disais chercher la femme de ma vie, j'avais l'impression que les femmes ne m'intéressaient plus. Comme si j'avais été gavé. En revanche, j'aimais bien entendre les histoires. Je suis sénile, ça y est. A mon âge c'est plutôt grave, non? Enfin tant pis, c'est un léger sourire aux lèvres que j'écoutais les histoires de Dani. " C'est mignon... " énonçais-je avec un sourire, j'espère que ça durera. Il n'y a rien de plus beau que des sentiments sincères. J'avais des échos des valses de Vienne dans la tête en échos aux vagues, c'était un tourbillon dans ma tête. Pourquoi les souvenirs de ma femme remontait? Si je buvais autant avant c'était pour oublier ma défunte femme. Néanmoins, malgré sa mort, je l'aimais tellement encore... Et parfois c'était juste trop difficile de vivre, j'étais à bout de force et d'espoir d'aller mieux. " Tu n'aurais pas des restes d'alcool par hasard? " la questionnais-je alors en commençant à rompre la promesse que je m'étais fait. Après tout, pourquoi Dani refuserait, elle ignorait que j'étais alcoolique. Enfin un alcoolique qui avait arrêté de boire mais qui était tout prêt à replonger dans ses pires cauchemars.

La nuit avançait, c'était agréable de parler avec Dani. Elle était souriante, elle se confiait. J'aquiesçais à ses premiers mots, il n'y avait rien à dire. Nous n'étions pas les maîtres du temps, à changer le destin ou nos actes lorsqu'ils ne nous convenaient pas. Elle ajouta alors qu'elle m'en avait voulu parce qu'avec moi, autrefois, elle avait au moins l'impression d'avoir une vie normale. Un léger rire m'échappa. Toujours assis sur le muret, je me remémorais un peu le passé et franchement... " Je passais quand même beaucoup de temps aux entraînements, sur le ring. Quand tu me voyais j'avais le visage massacré, parce que j'étais tellement orgueilleux que je préférais affronter les boxeurs qui cognaient le plus fort... Comme vie normale, on a vu mieux, non? " la questionnais-je dans un sourire un peu désabusé. Même si oui, il y avait tout de même les moments ensemble sous les draps où l'on s'amusait bien qui devaient être normal dans un couple, je suppose. Au moins je n'avais pas joué avec elle comme le faisait un grand nombre de mes amis à l'époque. Puis j'eu envie de boire, peut-être parce qu'on parlait d'amour et que c'était un sujet sensible finalement. Néanmoins à ma grande surprise Dani ne se leva pas pour aller voir si elle n'avait pas de quoi me faire plaisir. Un sourire m'échappa tendis que je passais une main embêtée dans mes cheveux. " Ah elle sait vraiment pas tenir sa langue celle-là. " laissais-je échapper non sans une certaine affection. Cependant pour le coup cela n'arrangeait pas mes affaires. Je ne comptais pas tomber dans l'ivresse... juste boire un petit verre ou deux... ou trois... et puis c'est tout... Peut-être que j'arriverais à me contrôler maintenant? " Ah tu es alcoolique toi aussi? " déclarais-je sur un ton plus acerbe que je ne l'aurais cru en lui lançant un regard qui ne m'était pas commun. " Excuse-moi, j'ai pas de raison de te parler comme cela. " ajoutais-je, comme reprenant conscience surpris de mon comportement. Pourquoi j'étais comme ça? Pourquoi je ne pouvais pas être normal? Pourquoi il y avait des moments où j'étais... mauvais? et d'autres où j'étais plus doux qu'un agneau? Elle me déclara alors que si je voulais lui parler c'était ok, mais que boire ne résoudrait rien. Un silence s'installa tendis que je pris le temps de la regarder " Tu en es sûre? " la questionnais-je d'une voix plutôt lente, mes yeux lui posant véritablement la question, sans qu'un sourire n'effleure mes lèvres. Alors je me levais du muret, marchant, sans vraiment en prendre conscience " quand je buvais, je pouvais être festif, heureux, je profitais de la vie...j'oubliais toute la douleur... j'étais bien... " commençais-je en me souvenant de ces trois années de débauches... Mais il n'y avait pas que du bon... Alors je me rasseyais... " Evidemment il y a le revers de la médaille quand j'étais triste... Je... je voulais aussi me tuer pour que la douleur cesse tellement elle me faisait du mal, je me sentais en colère, mais je ne pouvais pas blâmer la maladie... alors j'ai transféré la douleur ailleurs... je prenais des décisions complètement connes et impulsives, me battant avec le premier venu le premier bar trouvé, préférant passer mes soirées à me déchirer plutôt que de revoir ma femme dans le regard de ma fille... " avouais-je en ayant à la fois honte de cette période, mais paradoxalement, en m'y sentant comme attiré. Quand je buvais je me sentais par moment si libre... si vivant... Est-ce que cela ne valait pas le coup?

Nous continuions de parler toujours avec cette franchise l'un envers l'autre. C'était une nuit sympathique, différente en tous cas. Sa remarque sur le fait qu'elle aimait bien me soigner après mes combats me faisait rire. Un soupire nostalgique m'échappa. A cette époque j'étais tellement insouciant et inconscient de ce que c'était que la vie. " Bah écoute, j'étais pas mécontent que tu joues mon infirmière personnelle. " rétorquais-je en lui lançant un regard amusé, un léger sourire retrouvant le coin de mes lèvres avec un certain naturel. Puis mes émotions, un peu instables, ont changé un peu l'ambiance. Cela m'arrivait parfois, ces instants où je voulais tout arrêter, tout lâcher. Elle m'énonça alors que ma fille s'inquiétait sûrement pour moi, je détournais le regard. Dans le fond, je savais que ce n'était pas bien. Et c'était l'une de mes pires craintes de faire revivre à Roxy l'enfer que je lui avais mis dans les dents. Dani m'avoua alors qu'elle était une ancienne toxico. Sur le coup je me sentais vraiment con... " Je suis désolé. J'ai manqué de tact... " énonçais-je sincèrement " C'est que tu as l'air d'aller si bien... On ne pourrait pas croire que tu as de graves problèmes... " ajoutais-je platement. Toujours assis je plongeais alors ma tête dans mes mains, lasse, avant de regarder l'océan qui se reflétait dans mes yeux de la même couleur. Puis j'ai fini par lui raconter ce qu'il se passait dans ma tête. Et elle m'a demandé si je n'avais pas quelqu'un pour m'aider, que je devais penser à ma fille et au fait qu'elle a besoin de moi et réciproquement. " Je vois un psy, j'aime ma fille... je ne veux pas la faire souffrir, mais parfois, c'est trop dur, alors je flanche et j'ai envie de recommencer une nouvelle page, sans problèmes et juste de la joie... " avouais-je, est-ce que c'était trop demandé? Heureusement, je n'étais pas tous les jours comme ce soir. Parfois j'étais heureux, c'est juste que ce soir n'était pas le meilleur des soirs. Du coup... " Je suis désolé de t'avoir dérangé avec mes soucis... J'espère que la prochaine fois qu'on se reverra je serai un peu plus stable et heureux. " riais-je doucement en la regardant dans les yeux. " Et encore merci pour Roxy... et pour le jus de pomme! " ajoutais-je dans un sourire en me levant du muret. " Et je te souhaite tout le bonheur possible avec ton chéri. " terminais-je dans un sourire sympathique. Puis, écouteurs dans les oreilles, je suis passé au cimetière pour aller déposer une fleur blanche sur la tombe de Roxanne et je suis rentré chez-moi, fredonnant see you again...