Erwan était tout gênée de parler de sa carrière, et encore plus avec son petit frère qui le prenait pour une grande star, alors qu'en réalité il n'avait même pas sorti d'album. Tout ce qu'il faisait c'était se produire dans plusieurs salles en ville, et dans les environs de Miami. Il avait du succès, et c'était clairement la raison pour laquelle son label misait sur lui, mais il était un peu tôt pour parler de célébrité. Pourtant, Ulrich avait toujours été un grand fan de son frère, peut-être le premier fan. Ses parents l'avaient soutenu, plus jeune, lorsqu'il avait commencé la musique comme une passion, mais ils ne l'avaient jamais vraiment pris au sérieux. Pas même plus tard, avec son groupe. « Et je le suis toujours! » répondit Ulrich, ce qui fit vraiment trop plaisir à Erwan, au point qu'il ne savait plus trop où se mettre, avec ses joues rouges et son sourire niais. Mais avoir le soutien de son frère, ça voulait dire beaucoup. Même si aujourd'hui il avait retrouvé Orel, il réalisait à quel point Ulrich lui avait manqué et comment il avait besoin de lui. La conversation se poursuivit, et Erwan raconta alors très brièvement les dernières années de sa vie, en omettant les détails qu'il voulait garder pour lui. Il ne parlerait pas de Leo ou de ce qui était arrivé à Los Angeles, ce n'était pas intéressant de toute façon. « Et pourquoi être parti de LA? ... Désolé, je pose trop de questions, oublie... » interrogea alors son petit frère. « Oh euh umm » commença Erwan, avant qu'Ulrich n'enchaîne avec des excuses, lui disant finalement d'oublier cette question. Ouf. Erwan avait été pris un peu par surprise en entendant cette question, à laquelle il préférait vraiment ne pas avoir à répondre. Ceci créa un silence un peu étrange entre eux, et Erwan décida de changer de sujet, d'arrêter de parler de lui pour s'intéresser àUlrich, à ce qu'il faisait ici. « Ils m'ont pas vraiment laissé fuir... Il semblerait que les fils Beckford ne soient pas conforment aux attendus. Il m'ont foutu à la porte aussi, genre un an après toi. Du coup j'ai préféré changer totalement d'environnement. » expliqua Ulrich, et Erwan ne put se retenir de le regarder avec de grands yeux qui ne faisaient que s'ouvrir encore plus au fur et à mesure qu'il parlait. Ulrich ? Mis dehors par leurs parents ? C'était impossible, lui le fils prodigue, celui que leurs parents aimaient tant. C'était incroyable, et pourtant, Erwan ne doutait pas de ce que lui disait son frère. Il savait de quoi étaient capables leurs parents, mais de là à jeter Ulrich à la rue... c'était presque terrifiant. « Mais... Pourquoi ? » il demanda simplement, parce qu'il ne comprenait pas, vraiment pas, il était perdu. Sur le coup, ça ne lui passa même pas par la tête que son frère ne voudrait peut-être pas en parler, il était juste paumé. « Ils étaient tellement... ils t'aimaient tellement, pourquoi ils ont fait ça ? » ajouta-t-il d'une petite voix.

Il n'arrivait pas à réaliser que leurs parents avaient mis Ulrich dehors comme ils l'avaient fait avec Erwan. C'était insensé. Il savait que leurs parents les aimaient, les avaient aimés du moins, mais aussi qu'ils en attendaient beaucoup de leur part, et que les déceptions signifiaient la fin, qu'elles n'étaient pas supportables. Se faire jeter ainsi de chez lui avait été un choc pour Erwan, parce qu'il ne s'y attendait tout simplement pas. Il savait que si ses parents venaient à apprendre qu'il était amoureux de son meilleur ami, ils lui en voudraient, mais pas à ce point là. Alors apprendre quatre ans plus tard qu'il est arrivé la même chose à son petit frère, à Ulrich qui était le fils parfait, l'intellectuel, celui qui promettait de grandes choses... c'était complètement dingue. « Ou plutôt pour qui? … » répondit vaguement Ulrich, ce qui attira la curiosité d'Erwan. « Je répondais simplement pas aux critères de la famille Beckford. Tu connais leur principe : si tu n’es pas digne de porter le nom Beckord, tu dégages… » il ajouta, et tendit vers Erwan son téléphone portable, avec la photo d'un enfant sur l'écran de celui-ci. Erwan ne comprenait pas vraiment, qu'est-ce que ce petit avait à voir avec tout ça ? Certes, il comprenait bien ce que lui disait Ulrich, il savait comment fonctionnaient leurs parents, il l'avait appris, mais là... « C’est Enzo, ton neveu. » Oh. Erwan leva les yeux vers le visage de son frère, de grands yeux étonnés, surpris. Alors là, il ne s'y attendait pas du tout. Son petit frère avait un enfant, il avait fondé une famille. C'était génial, mais ça n'expliquait pas pourquoi il avait été mis à la porte. Ses parents auraient du être heureux, non ? Puis, c'était insensé de mettre dehors quelqu'un avec un jeune enfant. « Je leur ai avoué que deux mois après sa naissance. Nina venait de se barrer et… Enzo venait d’être diagnostiqué sourd. J’espérais qu’ils m’aident un peu mais… non. Les parents ne changeront pas.. j’espère juste que les filles auront plus de chance que nous. » expliqua ensuite Ulrich, ce qui éclaira pas mal de choses aux yeux d'Erwan. C'était beaucoup d'informations, tout à coup. Nina, qui devait être la maman, n'était plus là, et le neveux d'Erwan était sourd, et... leurs soeurs étaient toujours là-bas. Les deux dernières héritières de la dynastie Beckford. « Wow... tu as pas eu une vie de tout repos, moi qui pensais pendant tout ce temps que vous étiez heureux, tous les cinq, je m'imaginais le genre de vie que vous pouviez avoir... » il fit, un peu soulagé au final que tout ne se soit pas passé à merveille après son départ, soulagé de savoir qu'il n'était pas juste le microbe qu'on avait dégagé pour devenir une famille parfaite sous tous les angles. « Il te ressemble ! Alors, tu es ici avec... Enzo ? Juste toi et lui ? » demanda Erwan, curieux mais un peu hésitant. Il avait cru comprendre que la mère du petit les avait abandonnés, mais peut-être aussi qu'Ulrich s'était trouvé quelqu'un d'autre. « Je pourrai le rencontrer ? » interrogea-t-il encore avec un sourire, levant la tête vers son frère. En plus de retrouver celui-ci, il gagnait un neveu au passage, à croire que la vie souhaitait le gâter un peu.

Ulrich avait un fils. Erwan était l'oncle de ce petit Enzo. C'était à la fois perturbant, et un peu triste de se dire qu'il ne l'avait pas vu, tout bébé, qu'il n'avait pas été là pour sa naissance, ses premiers mois, ses premières années. Erwan adorait les enfants, et avoir un neveu, c'était génial. Il aurait aimé le couvrir de cadeau et de bisous et d'amour dès le jour de son arrivée dans ce monde, mais ça n'était malheureusement pas possible de revenir en arrière pour arranger tout cela. Maintenant, en regardant la photo, il voyait qu'Enzo était déjà presque un grand, mais apprendre ainsi que sa famille s'était élargie, ça le rendait heureux. « Tu sais, après ton départ, ça a jamais été pareil… Papa et maman n’ont jamais voulu le reconnaitre mais… tu leur manquais. Tu nous manquais à tous à vrai dire. » Ca, c'était plutôt surprenant. Qu'il ait manqué à Ulrich, il n'en doutait pas, mais ses parents... peut-être que c'était juste plus facile tout ce temps de s'imaginer qu'ils n'avaient simplement pas de cœur. Qu'ils ne tenaient pas à lui. Parce que s'ils avaient un cœur et s'ils l'aimaient réellement, alors cela voulait dire que le jeter dehors avait été une décision réfléchie, pensée, qu'ils y avaient mis de l'importance et qu'ils avaient jugé que c'était la meilleure chose à faire. Que la honte était plus forte que l'amour. « Je pensais pas » il souffla simplement en réponse à ce que venait de dire son frère, se mordant même un peu la lèvre. Il enchaîna en disant à Ulrich que son fils lui ressemblait, et c'était vrai, il y avait un air. Peut-être dans le regard. Il ressemblait au gamin qu'avait été le plus jeune des deux frères. « Oui, enfin c’est un peu compliqué… Je travaille sur des sécurités renforcées donc en semaine, je suis chez mon client. Ca paye bien et pour l’école spécialisée d’Enzo, c’est nécessaire. Du coup…Enzo est en famille d’accueil. Je le vois seulement le dimanche…J’ai pas vraiment le choix. » expliqua Ulrich lorsque Erwan tenta d'en savoir un peu plus sur leur situation. La maman du petit n'était peut-être plus avec eux, mais cela ne voulait pas dire qu'Ulrich n'avait pas trouvé quelqu'un d'autre. Mais cette réponse fut claire, et Erwan comprit que non, son frère n'était pas posé dans une jolie petite maison en banlieue avec son fils, sa fiancée, et son chien. Apprendre que Enzo vivait dans une autre famille lui fit un effet étrange, parce que Erwan, du moins une part de lui, aurait voulu proposer de suite, là, maintenant, de prendre le petit chez lui, de s'en occuper tant que son frère en a besoin. Mais il savait aussi, malgré sa naïveté, qu'il n'était pas complètement prêt, que ce n'était pas une bonne idée, qu'il devait régler ses problèmes avant de s'ajouter cette responsabilité là. « Oh je vois... » il fit simplement, avant de demander sans transition s'il pourrait rencontrer son neveu. « Mais bien sûr que tu pourras le rencontrer, ça me ferait énormément plaisir. » répondit alors Ulrich, ce qui fit sourire Erwan jusqu'aux oreilles. Ca, c'était une bonne nouvelle, même s'il angoissait déjà un peu à cette idée. Il voulait faire bonne impression, être apprécié de ce petit être qui ferait désormais partie intégrante de son futur. « Je lui présenterai Orel aussi ! » il fit, spontanément, avant de réaliser qu'il n'avait pas abordé le sujet Orel, et que Ulrich risquait de ne pas trop comprendre s'il n'éclaircissait pas vite tout ça. « J'habite ici avec Orel. On s'est retrouvé y'a presque un an, quand je suis arrivé ici » il expliqua, ne sachant trop par où commencer. « On va se marier » finit Erwan.

Pendant tout ce temps, Erwan avait essayé de ne pas penser à sa famille, surtout à ses parents. Pourtant, il s'était imaginé plusieurs fois ce qu'ils pouvaient faire, tous ensemble, sans lui. Il s'était dit qu'ils vivaient peut-être une vie heureuse, plus belle, plus harmonieuse. Que son départ avait rendu les choses encore plus simples qu'avant. Que désormais, il n'y avait plus la moindre ombre sur le tableau, et qu'en s'étant débarrassé de leur fils indigne, ils avaient redonné à la famille Beckford tout son éclat et sa brillance. Et pourtant, ce qu'il apprenait aujourd'hui de la part de son frère était différent. Que son départ avait laissé une sorte de vide et que rien n'avait jamais été tout à fait pareil. Alors il se demanda un peu s'ils avaient fini par regretter... s'ils chercheraient à le recontacter s'ils savaient qu'il n'était pas si loin. Est-ce qu'ils l'auraient retenu s'ils avaient sur ce qui allait arriver ensuite ? Est-ce qu'ils auraient eu assez de pitié pour lui éviter cela, ou est-ce que malgré tout ils l'auraient jeté dans la gueule du loup ? Erwan n'en savait rien, et ce n'était pas le moment de penser à ça. Il préférait de lin entendre parler Ulrich de son fils, dont l'existence était LA surprise qu'Erwan n'attendait pas, et qui le remplissait de joie. Il aimait beaucoup les enfants, et savoir qu'il y avait ce petit dans la famille qui n'attendait que d'être chouchouté, ça lui donnait envie de courir dans un magasin de jouets et de couvrir son neveu de cadeaux. Et voilà qu'il mentionnait Orel, ce qui intrigua visiblement Ulrich, mais Erwan ne s'en rendit pas vraiment compte, absorbé dans son récit, celui de leurs retrouvailles et de leur histoire qui avait recommencé il y a quelques mois. « Ah c’est bien ça. Félicitations du coup. » fit Ulrich en souriant, et Erwan aurait imaginé qu'il serait un peu plus heureux que ça à l'idée de voir son frère se marier avec le garçon dont il était amoureux en secret depuis toujours. Mais au final, Ulrich avait peut-être changé, il était peut-être devenu moins expressif, plus réservé. « Vous avez fixé une date ? » demanda le jeune homme, et Erwan secoua un peu la tête. « Non pas encore » dit-il. A vrai dire, ils n'en avaient pas vraiment reparlé depuis ce fameux jour, et Erwan n'était pas si pressé. Il devait parler à Orel d'abord, ou du moins il aurait du... mais Nightmare s'en était chargée, et tout était sorti d'une façon trop sale pour qu'elle puisse plaire à Erwan, et c'était le bordel dans leur vie. « En fait... depuis l'article, celui que t'as lu... c'est un peu compliqué... il s'est passé des choses » il expliqua en hésitant un peu. Il ne savait trop comment aborder tout ça, mais ne voulait pas non plus avoir de secrets pour son petit frère qui pendant si longtemps avait été son confident. « Si je te dis quelque chose, tu promets de pas t'enfuir ? » il demanda.

Avec Orel, ils avaient un peu vécu des montagnes russes. Et c'est sans même parler de leur passé à tous les deux, du départ d'Orel quand ils avaient 21 ans, des quatre années de séparation. Mais rien que depuis leurs retrouvailles, ici à Miami, beaucoup de choses s'étaient passées. D'abord, le début, compliqué, où il fallait se retrouver, presque se rencontrer à nouveau, faire avec les différences et comprendre ce qu'ils étaient devenus tous deux. Puis, le début de leur nouvelle relation, de ce que c'était qu'être en couple, amoureux, tout ça. Se redécouvrir, mais si différemment. Et maintenant, tous les secrets d'Erwan qui avaient fait surface et qui menaçaient de les engloutir tous les deux. Ce n'était même pas les secrets eux-mêmes qui étaient dangereux, mais plutôt ce qu'ils avaient réussi à faire de lui et à quel point son passé lui avait lavé le cerveau, avait influé sur ses actes et continuait encore de le faire aujourd'hui. Comment parler à Orel de ce qui était arrivé la nuit où il était dans son coma ? Erwan n'en savait rien, il voulait juste oublier. Puis, il souhaitait se confier à Ulrich. Parce que ça avait toujours été comme ça, son frère, le plus digne de confiance, celui à qui il pouvait tout dire. Chacun avait son petit jardin secret, mais là, il ne voulait pas que tout ça reste dans l'ombre. Surtout qu'il commençait peu à peu à réaliser qu'en parler était une bonne chose, qu'il ne fallait pas avoir honte, que ce n'était pas quelque chose à enterrer au fond de lui. « Si tu ne te sens pas prêt à m’en parler, ce n’est pas grave, t’inquiète. Par contre si tu veux le faire, j’en serais heureux. Je ne compte pas m’enfuir, pas maintenant que je t’ai retrouvé. Puis… on fait tous des conneries dans la vie, non ? » lui répondait Ulrich lorsqu'il parlait de ses doutes mêlés à son envie de tout lui raconter. Erwan comprenait bien où voulait en venir son frère, mais ça ne le rassurait pas trop. Il y avait conneries... et conneries. « Mmmh oui... » il fit vaguement, avant d'aller vers la cuisine. « Tu veux manger quelque chose ? Déjà, je suis nul d'avoir oublié de te proposer à manger. J'ai... des cookies ! » il proposa en ouvrant le placard. C'était presque vide, parce qu'Erwan essayait de faire attention à ce qu'ils consommaient lui et Orel. Enfin... il sortit le paquet et l'ouvrit, le glissant vers son frère après avoir pris un cookie dans lequel il croqua. « Alors ummm. Quand je suis parti à Los Angeles, j'ai fait une rencontre et, ça s'est pas trop bien passé et... enfin, j'ai été forcé de... Ce qu'a dit Nightmare, c'est vrai » il expliqua. Il espérait un peu qu'Ulrich comprenne, qu'il réalise qu'Erwan n'avait pas fait ça par choix, mais parce que les évènements l'y avaient contraint. « J'ai pu m'enfuir l'année dernière, avec de l'argent que j'avais mis de côté, un peu chaque soir jusqu'à en avoir assez » il ajouta, avant de croquer une seconde fois, redoutant un peu la réaction de son frère. Celui-ci avait toujours été compréhensif, mais là, c'était un sujet sensible, et Erwan ne savait pas vraiment quoi penser.