Peut-être que quelques mois, comme ça, ça ne semblait pas être beaucoup, que ça semblait être rien du tout, en fait. Mais au final, sur le laps de temps qui s'était écoulé depuis sa fuite, c'était beaucoup. Cela allait faire un an qu'il était à Miami, un an et demi depuis qu'il avait échappé à Leo, et c'était normal tout compte fait qu'il commence à s'ouvrir, que sa façon de parler du passé évolue. Il se souvenait encore de l'époque où simplement y penser lui donnait envie de vomir, l'époque où en parler à qui que ce soit aurait été impossible. Mais aujourd'hui, il comprenait peu à peu que les secrets ça n'avait rien de bon, et qu'il ne voulait surtout pas en avoir avec ses proches. Orel, entre autres, à qui il devait encore avouer des choses, mais aussi Ulrich qui était maintenant là, de retour dans sa vie, et à qui il avait envie et besoin de raconter les choses, pour que ce soit clair et posé et qu'ils puissent reprendre leur vie sans se poser de questions sur ces quatre années qui les avaient séparés. C'était donc indispensable, et même si c'était difficile, Erwan voulait lui parler. Il en avait envie, vraiment, c'était juste un peu difficile. Il appréhendait sa réaction surtout, puis il ne savait pas comment dire les choses, quels mots employer, parce que Erwan n'avait jamais été trop doué pour communiquer avec des mots. Ou communiquer tout court, à vrai dire. Il proposait d'abord des cookies à son frère, ouvrait le paquet et le tendait à Ulrich, puis enfin, il faisait le grand saut, plongeait là-dedans sans vraiment savoir ce qu'il se passerait ensuite. « Je sais même pas quoi te dire si ce n’est que là tout de suite, j’ai envie de péter la gueule aux parents et à cette personne qui t’a exploiter… » répondait alors son frère, ce qui poussa Erwan à lever un regard un peu curieux et hésitant vers lui. Cette violence, ce n'était pas vraiment Ulrich, et ce n'était pas non plus quelque chose qu'Erwan aimait beaucoup, mais il comprenait, et ça le rassurait presque un peu. « Je… t’as pas à te se sentir responsable ou à avoir peur qu’on te juge. Moi je ne le ferais pas et personne ne devrait le faire ! Tu es juste tombé dans un cercle vicieux… Et le principal c’est que tout ça soit fini, non ? même si je me doute que tout ça doit être encore difficile. » Ce furent finalement ces paroles qui rassurèrent Erwan, le laissant soupirer de soulagement et se redresser un peu sur sa chaise, adressant un petit sourire à son frère. « Oui... mais ça va ! Ca va bien... » Peut-être qu'il n'était pas trop sûr, affirmant une fois que ça allait avec le sourire aux lèvres, la seconde fois plus simplement, hésitant un peu, parce qu'il n'était pas certain, que parfois ça allait et d'autres fois non. « J'espère juste que... qu'il viendra pas me chercher, ou quelque chose comme ça. Je veux juste être tranquille avec Orel maintenant, tu comprends ? » il expliqua, les sourcils un peu froncés. « Je veux passer à autre chose et être un peu heureux au moins » finit-il, avant de fourrer son cookie tout entier dans sa bouche.

Ca faisait du bien, de tout dire, tout révéler, de recommencer sans secrets. Il était là à retrouver Ulrich, à recréer des liens avec son frère qui avait fait partie intégrante de sa vie avant de lui être arraché avec le reste de sa famille, à essayer de reconstruire quelque chose. C'était un nouveau départ, et pour ça, Erwan voulait qu'il n'y ait pas de cachotteries. Des petites choses pouvaient rester intimes, évidemment, mais ça, cette chose énorme qui l'avait marqué pour toujours, il fallait que ce soit clair entre eux. Et heureusement, la réaction d'Ulrich fut loin d'être négative. La violence faisait peur à Erwan, mais là, il pouvait concevoir que son frère ait des envies de meurtres sur Leo. Ca le rassurait sur un point, ça lui prouvait qu'Ulrich en avait vraiment quelque chose à foutre, si cette histoire avait le pouvoir de déclencher de telles réactions. Ca voulait dire qu'il ne s'en fichait pas, que ce n'était pas juste un détail pour lui. C'était apaisant. Et pour rassurer son frère, il lui promit que tout allait bien, que tout ça c'était derrière lui. Il continua en disant qu'il espérait surtout que Leo ne ferait jamais son retour dans sa vie, et c'était bien ça qui l'effrayait le plus. L'idée que son ex puisse débarquer pour recommencer à lui faire du mal, pour lui arracher son bonheur. « Qu’il vienne te chercher et il aura à faire à moi ! » déclara Ulrich, avec passion, ce qui remplissait le coeur d'Erwan d'une chaleur qui montait jusqu'à ses lèvres pour le faire sourire. « Tu vas l’être, j’en suis sûr. Tu as Orel, une future carrière internationale alors le reste va allait avec, j’en suis sûr » ajouta le jeune homme lorsque Erwan lui dit que tout ce qu'il voulait, c'était être heureux. Et c'était sûr que tous les points que mentionnait son frère le mettaient sur la voix du bonheur, mais Erwan n'était sûr de rien. Aussi optimiste et rêveur qu'il était, il s'attendait toujours à ce que quelque chose de mal lui tombe dessus. « Mmmh oui, on verra » il répondit simplement, parce que avec Orel, c'était un peu compliqué ces derniers temps, quant à sa carrière, ça faisait partie du problème justement, et Erwan n'était plus sûr à 100% de vouloir faire ce métier. Enfin, il allait voir avec le temps, peut-être que c'était simplement une perte de motivation ou une envie d'autre chose. Puis, à force de parer d'Orel et de son couple à son frère, ça lui donna envie d'en savoir plus, de faire le curieux. « Et toi... tu as... quelqu'un en vue ? » il ne savait pas comment poser la question, ni si c'était une question qu'on pouvait poser, mais il avait cru comprendre qu'Ulrich n'avait personne et aurait aimé que tout se refasse comme c'était avant. Qu'ils se racontent leurs petites histoires, et que s'il y avait quelqu'un de spécial pour Ulrich, celui-ci en parle un peu à Erwan.

C'était adorable de la part d'Ulrich de croire autant en lui, lui, Erwan, qui avait tout raté dans sa vie jusqu'à ce que ça devienne un peu plus joli il y a un an bientôt. Quand il avait retrouvé Orel. Pourtant, tout était loin d'être rose. Il gardait des cicatrices des années passées, des choses qu'il n'oublierait jamais et qui ne guériraient jamais non plus. Puis, il y avait sa carrière, qu'Ulrich voyait comme quelque chose de génial, et il avait peut-être un peu raison parce qu'il y avait du bon là-dedans. Mais Erwan n'était sûr de rien, il ne savait même pas s'il voulait vraiment continuer. Pourtant, la musique avait toujours été ce qu'il voulait faire. Il avait arrêté les études pour s'y plonger, était parti à L.A avec sa guitare en espérant devenir artiste, avait continué à son retour à New York, mais aujourd'hui... peut-être qu'il était dégoûté, ou qu'il se rendait compte qu'il n'en avait pas vraiment envie, que c'était terminé tout simplement. Ou alors, ça avait un lien avec tout ce qui se passait, tout ce qui lui pourrissait la vie, ce qui empoisonnait même son couple, car tout n'allait pas très bien avec Orel depuis qu'il avait appris ce qui s'était passé, et Erwan avait encore des choses à lui avouer. Et ainsi, la conversation dévia sur la vie de son frère, sur l'histoire d'Ulrich et sa vie sentimentale. Il semblait un peu hésitant. « Hum non… pour être franc je… cherche pas vraiment quelqu’un… Entre le boulot et Enzo, j’ai pas vraiment le temps. En fait… j’ai pas vraiment envie d’avoir quelqu’un… Si c’est pour qu’elle fasse comme la maman d’Enzo, non merci… Je suis plus ce genre de mec tu vois ? » lui expliqua Ulrich, ce à quoi Erwan se contentait de hocher la tête. Il pouvait comprendre ce choix, celui de ne juste pas vouloir se mettre avec quelqu'un. Il avait fait le même, avant de retrouver Orel. « Pas que je prenne les filles pour des morceaux de viande hein !! Bref, j’ai personne quoi…. » reprit-il, essayant de s'expliquer mieux, Erwan fronçant un peu les sourcils pour comprendre exactement ce que cherchait à dire son frère, sans vraiment trouver. Il se souvenait des ados qu'ils avaient été, tous deux passionnés par ce qu'il pouvait y avoir de plus fort, tous deux à la recherche d'émotions fortes, Erwan amoureux de son meilleur ami et Ulrich rêveur. Ils avaient été idéalistes, et voilà ce qu'ils étaient devenus quatre années plus tard. L'ombre d'eux-même. « Tu as le droit, de ne pas vouloir... Moi, quand je suis revenu à New York l'an dernier, et jusqu'à retomber sur Orel, je voulais plus personne. J'avais décidé de rester seul » Et clairement, ses raisons étaient plus que compréhensibles, puisqu'il sortait de la pire relation de toute sa vie, qui était aussi la seule. Mais il comprenait qu'Ulrich ne veuille pas de quelqu'un dans sa vie. « Puis tu as Enzo, c'est lui qui compte le plus j'imagine... » il ajouta. « C'est normal de pas vouloir forcément t'ouvrir. S'attacher aux gens, ça fait mal, il faut bien réfléchir avant de s'ouvrir... je sais ce que je dis » finit Erwan d'une petite voix, un minuscule sourire en coin sur son visage.

Erwan s'intéressait maintenant à la vie de son frère, à sa vie amoureuse en particulier. En effet, Ulrich lui avait parlé de beaucoup de choses, mais il avait simplement omis ce sujet-là. Erwan demanda donc s'il avait quelqu'un. De ce qu'il savait, Ulrich préférait les filles, mais enfin, ça aurait très bien pu changer entre temps. A l'époque en tous cas, son petit frère était hétéro, alors Erwan partit du principe que c'était toujours le cas, tout en lui laissant évidemment la possibilité de lui faire comprendre que non, au final, il ne l'était plus tant que ça. Mais Ulrich lui parla rapidement de ses expériences avec les filles, ce qui confirma les pensées d'Erwan. En plus de cela, le jeune homme semblait un peu s'emmêler les pinceaux, ne pas trop savoir comment s'exprimer, mais Erwan faisait de son mieux pour se concentrer et comprendre. Que Ulrich préfère rester seul, c'était assez nouveau, parce que plus jeunes, ils avaient beaucoup rêvé tous les deux du genre de vie qu'ils pourraient avoir lorsque chacun aurait fondé une famille. Mais clairement, beaucoup d'années avaient passé, et ils avaient grandi tous les deux. Il tenta donc de rassurer son frère comme il le put, lui expliquant que c'était son droit, que c'était normal même. Que lui aussi, avant Orel, il ne voulait plus personne. C'était pour des raisons un peu différentes, parce qu'il ne voyait plus rien de bien dans les relations, parce qu'il venait d'échapper à Leo et à sa prison, qu'il avait été avec trop de personnes qu'il aurait préféré ne jamais croiser. Il se doutait bien que pour son frère, ce n'était pas pareil, mais malgré tout, il rassurait celui-ci sur la légitimité de ce qu'il voulait. De plus, avec son fils qui faisait partie du tableau, Ulrich ne pouvait pas non plus se permettre de ramener n'importe qui et de l'intégrer subitement à la vie d'Enzo. Enfin... Erwan n'était pas très doué pour les relations, mais c'était ce qui lui semblait sensé. « Ouais tu as raison et de toute manière, j’ai pas le temps, donc tout va bien ! » répondit Ulrich, ce qui le fit sourire. Après cela, ils finirent leur petit goûter, et Erwan proposa de discuter encore un peu sur le canapé du salon, devant un film. Ils s'installèrent donc devant la télé pour passer quelques heures tous les deux.