Philadelphie, 22h43. Si elle était là, en robe de soirée rouge, les cheveux relevés en chignon, au bras de Rhys, ce n'était pas par plaisir. Ou enfin, son job lui procurait du plaisir, certes, mais pas forcément le fait d'être vêtue ainsi et forcée de se comporter respectablement avec l'autre idiot. Cependant, Anteynara était quelqu'un de très pro, et dès que le travail commença, elle se plongea facilement dans son personnage, offrant un numéro d'actrice à couper le souffle, à tel point que même Rhys pourrait finir par y croire. C'était son job à elle, le premier vrai bon job depuis les incidents du mois de décembre. Sa main gauche était à nouveau libre, enfin, et la voilà de nouveau dans la course. Elle avait fait appel à Rhys car elle avait besoin de ses capacités, et ensemble, ils avaient élaboré un plan. Ensemble, plus ou moins, puisqu'elle l'avait autorisé à mettre son grain de sel parfois pour améliorer ce que Anteynara avait prévu de base. Tout simplement. Ils avaient tout prévu, et au moins, dans le travail, elle faisait confiance à Rhys. Elle savait qu'il avait du talent, qu'il faisait bien les choses, avec précision, et même si leurs deux caractères n'allaient pas très bien ensemble la plupart du temps, aussi dingue que ça puisse paraître, sur le terrain ça fonctionnait. Le travail était simple. Ils avaient quitté Miami dans la matinée, tout ça, c'était l'histoire de vingt-quatre heures, et avaient pour but premier de rentrer dans cet hôtel où se tenait une sorte de réception. Il y avait ce qui semblait être la gratin, puis d'autres personnes, des gens lambda, qui essayaient de se donner l'air d'être plus que ce qu'ils n'étaient. Aux yeux entraînés d'Anteynara, c'était flagrant. Le type qu'elle devait tuer, ce n'était pas l'organisateur, il était un invité comme un autre, pas quelqu'un qu'on chercherait forcément, le genre de cadavre qu'on finirait par découvrir une fois la fête finie. Le plan était simple, accéder avec lui à sa suite, le tuer, après avoir localisé des documents importants, puis les récupérer et se tirer sans jamais attirer l'attention. C'était facile, de la routine, et Anteynara était confiante en arrivant devant les grandes portes de la salle, elle et Rhys accueillis par une pluie de lumières, des petites étincelles tombant telles des confettis. A l'entrée, le buffet, là où elle s'empressa de se servir d'une petite verrine qu'elle dégusta à la cuillère, son regard se posant sur le petit groupe de jazz qui jouait. Leur nom, Abracadabra, tout simplement. Et peut-être que le plus étonnant dans tout ça, c'était la présence d'un ukulélé à côté du saxo. Mais pourquoi pas. Plus loin, sur le buffet toujours, un chou monté, avec lequel une des convives se prenait en selfie. Anteynara détourna le regard, glissant sa main dans celle de Rhys, parce que c'était ça le jeu, prétendre être ensemble, pour mieux se fondre dans la masse, et ils avancèrent à travers la foule, son regard partant à la recherche de sa cible. Ce type était banquier, mais pas que. Parmi ses activités illégales, il sponsorisait un réseau de trafic d'êtres humains, et c'était donc plutôt clair que pour ce coup-là, Anteynara n'aurait aucune hésitation et aucun remord. Outre cela, il était aussi plutôt séduisant (très séduisant, pile à son goût) et le travail en était encore plus jouissif, dans ce cas-là. Elle observa encore autour d'elle, se repéra dans la salle,  un espace immense orné de marbre et de vieilles armes accrochées sur les murs. Plus loin se trouvaient même deux statues de chevaliers... Elle ne connaissait pas l'histoire de ce bâtiment, mais ça semblait remonter assez loin, ou servir de musée. Peu importait. Ils croisèrent deux vieux, l'un d'eux se plaignant  l'autre de problèmes de constipation et d'une envie de faire pipi, puis enfin... elle posa son regard sur la cible à abattre. Il leva d'ailleurs les yeux vers elle, au même moment, et au lieu de se retourner, elle soutint son regard, longtemps, lui adressant même un petit sourire, jouant parfaitement la jeune fille gênée, et à la fois complètement retournée. Comme s'il lui faisait tant d'effet que ça. Mais ça fonctionnait. Il poursuivit sa conversation avec le type face à lui, qui contrairement à lui avait une face d'orang-outan qui venait de se faire renverser par un bus. La soirée se poursuivit, elle continua de flirter avec lui, juste avec le regard, jusqu'à ce qu'un autre couple de leur âge à peu près vienne entammer la discussion. Evdemment, elle crevait d'envie de leur dire de dégager, mais ça foutrait en l'air tous leurs plans, et ça ne correspondait de toute façon pas au personnage qu'elle jouait. Et ainsi, elle se laissa aller dans cette conversation débile. « Yes, we had a picnic in a park today, it was really warm outside... we picked burgers, they were like... wow... ORGASMIC BURGERS ! / Oui, ce midi on est allés manger un pique-nique dans un parc, vu qu'il faisait beau... on a pris des burgers, ah mais ils étaient... wow... des burgers ORGASMIQUES quoi ! » elle raconta, inventant n'importe quoi en s'excitant comme une idiote, copiant un peu l'attitude générale de l'autre couple, agitant les bras et souriant comme une dingue. Elle allait s'attraper des courbatures dans les joues si elle continuait ce genre de conneries. Enfin, bref. « It's been a year and three weeks / Ca fait un an et trois semaines » fit-elle encore, enjouée, caressant le bras de Rhys après que l'autre couple leur ait demandé depuis combien de temps ils étaient ensemble. La soirée continua encore ainsi, les deux autres ne les lâchant plus, et elle faisait de son mieux pour toujours retrouver le regard de l'autre type, laissant alors Rhys parler. Puis ce fut l'heure de passer à la suite, et elle le lui fit comprendre en serrant sa main un peu plus fort. Il annonça qu'il devait partir, et elle lui sourit, avant de l'embrasser sans hésiter une seconde. Rhys ne l'attirait pas, mais ça faisait partie du jeu, puis ça l'amusait. Elle aimait bien ce genre de job, faire l'actrice, jouer des rôles. Elle pouvait faire tout et n'importe quoi. Le baiser n'avait rien de sage ou de chaste, au contraire, sa langue alla frotter celle du jeune homme, et elle fit durer la chose en y mettant toute l'envie qu'elle pouvait avoir, rien que pour voir s'il alla rester de marbre ou pas. Puis elle se détacha enfin de lui. « I love you / Je t'aime » souffla-t-elle avec un petit sourire, sous le regard fasciné de l'autre couple, laissant Rhys s'en aller en le suivant du regard. La véritable rencontre avec l'autre type, elle eut lieu une vingtaine de minutes plus tard. Entre temps, Anteynara avait réussi à se débarrasser du couple, et Rhys était sorti s'installer dans le fourgon, à l'extérieur, derrière les ordinateurs, ayant une vue surtout ce qui se passait à l'intérieur grâce aux caméras, et un lien audio avec Anteynara pour communiquer avec elle. Ils s'arrangèrent pour que lorsque sa cible s'éloigna, se dirigeant vers les toilettes en passant dans un couloir désert, Anteynara fasse de même, mais arrivant de l'autre côté, face à lui, le visage en pleurs. Ils se foncèrent presque dedans, une rencontre calculée au détail près, et tout se passa comme il fallait. Le type s'inquiéta, lui demanda ce qui n'allait pas. « I had a fight with my boyfriend, he left / J'me suis disputée avec mon petit-ami, il est parti » elle fit d'une petite voix, tout en cherchant à la fin à se calmer, retrouver ses graves. Tout alla ensuite très vite, quelques mots, quelques sourires, le trajet en ascenseur vers l'étage où se trouvait la suite du type. Elle ne se souciait pas des caméras, Rhys était là pour tout arranger de toute façon, et bien vite elle se retrouva avec sa cible, dans la suite. C'était beau, grand, luxueux, rien d'impressionnant pour Antey, mais elle fit semblant d'être intéressée, son regard se promenant sur la pièce, s'arrêtant sur une étrange collection... le seul détail personnel jusqu'à présent, des disques et dvds en tous genres, allant de Harry Potter aux Jedis, puis un album des Backstreet Boys. Elle le suivait ensuite, jusqu'au sofa qui se trouvait dans la grande chambre servant aussi de salon, et il leur servit du champagne à tous les deux, reprenant leur conversation là où ils s'étaient arrêtés dans l'ascenseur. Il la draguait sans se cacher, elle le draguait en retour, jouait avec lui. C'était un vrai pervers, ça se voyait rien qu'à sa façon de se tenir, et rien que ça allait rendre l'assassinat encore plus plaisant. Tandis qu'elle lui répondait en souriant, elle s'imaginait son sang sur ses mains. Mais bon, avant ça, elle devait trouver les documents. Restant constamment sur la ligne fine entre l'innocence et la provocation, elle l'attirait vers elle jusqu'à ce qu'il ne soit presque à ses pieds. Il pensait être maître de la situation, lui tourner autour comme un prédateur, sans savoir que c'était elle qui menait la danse. C'était encore plus plaisant ainsi. Il posa une main sur sa cuisse, elle le laissa faire, son épaule, elle le laissa faire, sa taille, toujours pareil. Ils se levèrent à nouveau pour aller chercher à boire, et là, au milieu de la pièce, il revint vers elle pour aller glisser doucement ses lèvres dans son cou, tout en défaisant la fermeture éclair de sa robe. Anteynara sourit, un sourire moins innocent, plus joueur, et se tourna vers lui pour reprendre la main, les débarrasser tous les deux de leurs verres, et l'embrasser tout en commençant à le déshabiller. C'était un homme, dirigé par ses pulsions, incapable de réfléchir dans une telle situation, alors le renversement, il n'en avait pas conscience. Il ne réalisait pas qu'entre cette fille entreprenante et celle d'avant, il y avait eu quelque chose. Il était surpris, mais ça lui convenait, ça l'excitait, ça se voyait dans son pantalon. Il était bien foutu, vraiment, et ça ne la dérangerait pas de se le faire, au contraire. Sa robe glissa vers le sol, et ils se retrouvèrent l'un face à l'autre, en sous-vêtements, Anteynara se décidant ensuite à le pousser vers le lit, l'y allonger et se mettre au-dessus de lui. Peut-être qu'elle pourrait se le faire, juste avant de le tuer. C'était juste à peine gênant avec Rhys derrière les caméras, mais pourquoi pas, ça ne l'avait jamais dérangée auparavant d'avoir du public. Et la chasteté était loin d'être une vertue qu'elle encourageait, au contraire. Elle lui retira son boxer, le dernier bout de tissu qu'il restait sur son corps, tout en déposant des baisers sur son torse alors que lui la débarrassait de son soutien-gorge. Elle l'embrassait encore, en profitait parce que d'ici quelques minutes, il serait mort, le laissa lui retirer le string qu'elle portait pour que tous deux se retrouvent entièrement nus, et continuait à faire durer l'attente. Puis elle se redressa d'un coup avec un sourire, plaqua les mains de son partenaire au-dessus de sa tête, sur le matelas, haussa un sourcil. « Condom ? / Capote ? » elle demanda, parce que s'il n'en avait pas, alors il était hors de question d'aller plus loin. Elle avait déjà failli avoir un gosse de Noah, manquerait plus qu'elle tombe enceinte d'un de ses jobs. Puis, ce genre de type, elle ne savait pas ce que ses couilles pouvaient transporter de toxique. Il hocha la tête, évidemment. « The bag, on the sofa / Le sac, sur le canap' » il désigna, et elle se leva pour se diriger vers le canapé, levant rapidement un regard vers là où elle savait que la caméra se trouvait. Au moins, l'autre idiot derrière son écran devait s'éclater un peu. Elle prit le sac en question, cachée par le dossier du meuble, et fouilla pour trouver le préservatif, puis continua encore, passant en revue le contenu du sac. Bingo. Il était là, le dossier qu'elle cherchait. Elle s'en était doutée depuis le début, il lui avait juste manqué l'occasion de mettre son nez dans ce foutu sac. Elle revint donc vers lui, petit sachet en main, le regard insistant, féline dans sa démarche et en remontant sur le lit, lâchant un grognement de lionne qui ne lui était pas naturel mais qui semblait exciter encore plus le futur cadavre qui se trouvait sous elle. Elle se réinstalla à califourchon sur lui, lui souriant, avant de se baisser pour l'embrasser une nouvelle fois, plus lentement. En même temps, sa main droite saisissait l'ouvre-lettre posé sur la table de chevet, sa main gauche se fermait à nouveau sur les poignets du types, plaqués au lit. Elle se redressa au moment même où elle enfonça l'arme dans sa jugulaire, un coup maîtrisé, calculé, assuré. C'était à l'endroit précis où il fallait frapper, son propre corps positionné sur celui de sa cible de façon à l'empêcher de bouger. De toute façon, il était déjà fini, il ne pouvait plus rien faire, il était bien trop faible. Elle attrapa de sa main gauche le coin de l'oreiller, juste pour presser contre la plaie en même temps qu'elle retirait l'arme de la gorge trouée et éviter ainsi les éclaboussures. Il se vidait de son sang, rapidement, et elle avait frappé avec une précision calculée, de telle façon qu'à part ses doigts, aucune parcelle de sa peau n'était tachée. Elle resta là jusqu'à ce qu'il soit bel et bien mort, vidé de son sang ou peut-être noyé dans celui-ci, les deux convenaient. Puis elle se redressa pour nettoyer à la perfection l'arme du crime et effacer ses empruntes avec une petite lingette qu'elle avait glissé dans sa robe en début de soirée et récupérée au moment où elle s'était levée pour chercher le préservatif. « Still here ? / Toujours là ? » elle demanda à Rhys, tout en reposant l'arme à côté du corps, et se levant pour nettoyer ses propres doigts avec la lingette. Elle en prit une seconde qu'elle passa sur le corps du type, ses lèvres et son torse, les seuls endroits qu'elle avait vraiment touchés, et se leva, récupérant au passage ses sous-vêtements pour les enfiler, et refaire doucement en sens inverse tous ses déplacements dans la chambre, de façon à méticuleusement effacer toutes traces de sa présence. « How's it outside ? Ca se présente comment dehors ? » demanda-t-elle ensuite à Rhys, tout en faisant son petit ménage en sous-vêtements, les cheveux fraichement et rapidement attachés en une queue de cheval pour éviter d'être gênée, cherchant à avoir une mise à jour sur la situation dans la salle de réception, le couloir, et tout le reste du bâtiment, puisque lui avait des yeux partout. La chambre était propre à présent, et elle se pencha donc sur le fameux dossier qu'elle ouvrit pour y jeter un coup d'oeil. Elle ne devait pas traîner, il restait encore le petit salon à nettoyer, mais ce serait fait rapidement, et aussi concentrée qu'elle était, elle savait qu'elle avait quelques minutes devant elle pour au moins s'assurer que les informations étaient aussi importantes qu'on le lui avait dit.