Elle avait passé une journée plutôt tranquille, comme c'était le cas ces derniers temps et depuis l'accident de Noah. Disons qu'avec tout ça, et les deux mois passés chez lui, elle avait à nouveau mis en stand-by sa carrière, du moins son métier de l'ombre, disons. D'un côté, parce que la priorité était ailleurs, et de l'autre parce qu'elle se voyait mal débarquer chez Noah avec du sang sur elle, ou même devoir expliquer ses absences. Non, c'était mieux de rester sage, et de toute façon, elle préférait passer son temps libre avec lui. Mais maintenant qu'elle était de retour chez elle, c'était peut-être le moment de se remettre dans le bain. Elle avait eu quelques messages pendant les semaines passées, des offres d'emplois de genres divers et variés, mais toujours dans son secteur de prédilection. Et elle voyageait un peu de l'une à l'autre, vérifiant les détails pour juger ce qui lui convenait ou non. Elle ne s'était pas encore tout à fait décidée sur son emploi du temps des prochains jours, et pour l'instant, ce côté-là de sa vie restait bien rangé. En effet, sa journée elle l'avait passée à l'hôtel. Ca avait été une matinée bien chargée puisque la grande salle de cérémonie avait été louée pour accueillir un évènement d'une grande marque de luxe, et ainsi elle avait été présente pour garder un oeil là-dessus et entretenir des liens sociaux avec les représentants de Dior. Au final, tout s'était bien passé et elle était sortie de là avec toute une collection de cadeaux d'une valeur assez dingue, même pour elle, qui malgré sa richesse avait grandi dans la difficulté et connaissait la valeur des choses. En rentrant chez elle, elle avait déballé tout ça pour voir un peu de quoi il s'agissait, et dans le lot il y avait de tout, en passant par le maquillage pour aller jusqu'aux fringues pour gosses et bébés... ce qui ne risquait pas de lui servir. Lorsqu'elle fit le tour dans sa tête des gens à qui ça pourrait servir, elle ne trouva en fait que sa soeur, et décida de mettre dans un sac à part tout ce qui pourrait lui revenir, y ajoutant quelques tenues pour femme ainsi que du maquillage, histoire de lui faire plaisir. Une fois le sac Dior rempli, elle se changea rapidement pour mettre un jean, un t-shirt, et ses baskets, puis elle prit la voiture pour tracer jusqu'à chez Aloysia sans prendre la peine de lui passer un coup de fil avant ça. Lorsqu'elle arriva, elle repéra de suite la voiture de sa soeur qui était juste devant la maison, ainsi que de la lumière dans une des pièces, ce qui l'informa de suite de la présence de sa soeur à l'intérieur. Elle se dirigea donc vers la porte, et sonna. La porte s'ouvrit. « Salut ! J'ai fait affaire avec Dior aujourd'hui, et j'ai plein de trucs pour toi et Anastasia, j't'ai ramené ça... » elle annonça d'emblée, parce qu'elle n'était pas du genre à tourner autour du pot. Puis ce ne fut qu'après ça qu'elle remarqua l'état dans lequel était sa soeur. « Wow. Ca va ? » elle demanda, inquiète, les sourcils froncés, son ton changeant radicalement, alors qu'elle entrait dans la maison.

Elle n'avait pas vu sa soeur de nombreuses fois ces derniers temps, du moins, elles n'avaient pas eu l'occasion de passer un vrai moment ensemble. Leur relation était particulière, puisqu'elles étaient bel et bien soeurs, mais ne s'étaient rencontrées qu'il y a bientôt un an, lorsqu'Anteynara sonna à la porte de sa soeur pour se présenter. Depuis, elles s'étaient rapprochées, avaient tissé des liens doucement. Il y avait eu la naissance de la petite Anastasia, qui avait peut-être été le moment où Anteynara se rendit vraiment compte de ce qu'elle était en train de faire, qu'elle se glissait dans une famille qui était à moitié la sienne mais pas totalement non plus. Parce qu'elle avait toujours ses parents, ceux qui l'avaient élevée, morts maintenant mais toujours là dans ses souvenirs et dans sa vie. Si elle avait été une Mayer de nom, elle ne serait certainement pas devenue la même personne, parce que si elle avait le sang Mayer, c'était bel et bien en Carlson qu'elle avait grandi, en suivant le chemin de son père. Peut-être qu'avec Aloysia et James, elle aurait été plus droite, plus honnête, plus ennuyante aussi. Mais bon, le passé ne pouvait pas être changé, et elle ne regrettait rien ou presque. Surtout que malgré tout ça, elle n'était pas à plaindre. Elle avait réussi dans la vie, disons. D'où par exemple l'énorme sachet Dior qu'elle tenait en main en allant sonner chez sa soeur. Lorsque la jeune femme lui ouvrit, Anteynara ne remarqua pas de suite son état, et elle expliqua donc la raison de sa venue, tout en entrant dans la maison. « Merci… » elle fit, ayant l'air un peu absente, ce qui intrigua Antey. Et effectivement, en la regardant de plus près, elle avait vraiment l'air mal. Elle lui demanda donc ce qui lui arrivait. « Oh…euh… je viens juste de réaliser qu’avec Blake c’est totalement fini… Je dois tourner la page et… c’est pas facile… » elle expliqua alors, et ça semblait un peu... ça n'avait pas trop de sens. Elle avait en tous cas du mal à se dire que c'était son histoire avec Blake qui la mettait dans un tel état. Mais bon. « Bon, c'est pas comme si tu l'avais beaucoup vu ces derniers temps de toute façon ! Je propose... soirée entre filles, on fait livrer le dîner et on se pose tranquillement devant un film... ou bien, on sort dans un bar pour trouver des mecs intéressants à chauffer » elle proposa avec le sourire, clairement enjouée, avançant dans la maison pour déposer le sac plus loin. Elle était décidée à remettre un sourire sur le visage de sa soeur et lui faire oublier ses emmerdes, puisque visiblement c'était devenu une habitude pour elle de prendre soin des déprimés qui l'entouraient. Mais en se tournant vers Aloysia, elle se rendit bien vite compte que cette perspective ne semblait pas lui faire plaisir. Et Antey perdit assez rapidement son sourire, réalisant que le problème était peut-être plus grave que ce qu'elle pensait jusqu'à présent. Plus grave que cette histoire avec Blake. « Qu'est-ce qui t'arrive ? » elle demanda alors, son ton ayant radicalement changé pour quelque chose de plus sérieux, plus sombre, les sourcils un peu froncés.

Elle venait de se retrouver face à sa soeur, et l'avait saluée avant de lui parler de ce qu'elle avait apporté pour elle. Antey lui tendit ensuite le sac rempli de fringues et d'autres trucs qui pourraient faire plaisir à Aloysia, mais elle se rendit bien vite compte que sa soeur n'allait pas bien. Non seulement, elle avait une tête à faire peur, mais en plus de ça, elle ne montrait aucun engouement face au cadeau qu'elle venait de lui faire. Anteynara chercha donc à savoir ce qui se passait, et sa soeur lui parla de Blake, son petit ami et le père de sa fille. Antey n'était pas au courant de tout ce qui se passait entre eux. A vrai dire, elle avait personnellement et volontairement choisi de ne pas trop s'en mêler, parce que elle et Blake se connaissaient d'avant, et les relations avec celui-ci étaient un peu compliquées. Le couple d'Aloysia ne la regardait pas, et Antey préférait de loin la laisser faire ce qu'elle voulait hors de sa vue avec celui qui avait été un bon ami à une autre époque. Mais voilà, ça faisait un moment que c'était plus ou moins fini eux deux, et la réponse de sa soeur la surprit un peu, mais très vite, elle l'accepta et lui proposa quelques options pour passer la soirée autrement qu'à se morfondre. En se tournant vers sa soeur, cependant, elle comprit que c'était quelque chose de différent, de plus grave qu'elle ne pensait. Elle lui reposa donc la question, chercha à savoir ce qui se passait réellement. « rien… j’ai juste envie de rester seule. » répondit Aloysia, ce qui étonna Anteynara. La jeune femme était tremblante, faible, et Anteynara était à deux doigts de se demander si elle n'était pas en train de faire un malaise, la seule chose la retenant de penser ça sérieusement étant que si ça avait été le cas, elle était sûre que sa soeur aurait eu la décence de ne pas lui mentir à ce sujet. « Merci encore pour tout ça. » ajouta la jeune blonde en ouvrant à nouveau la porte. Anteynara n'était pas du genre à insister, loin de là, lorsqu'il s'agissait des histoires des autres. En temps normal, elle se serait dit que ça ne la regardait pas, et qu'elle devait avant tout respecter les désirs de sa soeur, ne pas s'imposer. Mais là, Aloysia lui faisait réellement peur. « Non non, je vais pas te laisser seule. T'as l'air à deux doigts de tomber dans les vapes, c'est mort » elle décida en un quart de seconde, déposant son sac à main et retirant ses chaussures pour avancer plus loin dans le salon, montrant bien son intention de rester. Aloysia était quelques mètres plus loin, et après un silence passé à l'observer, Anteynara reprit la parole. « Dis moi ce qui se passe, s'il te plait » elle lui dit.

Aloysia allait mal, ça crevait les yeux, vraiment. Elle était visiblement bien la seule qu'elle arrivait à convaincre que tout allait bien, qu'il n'y avait rien de grave. Mais Anteynara n'était pas assez irresponsable pour écouter son aînée et la laisser seule. Qui sait ? Peut-être qu'elle allait finir par faire un malaise, et là, il valait mieux que quelqu'un soit là. Alors même si peut-être ça ne servirait à rien, Anteynara était décidée à rester. Aloysia avait du caractère malgré tout, elle était tenace, et elle continuait dans son idée, celle selon laquelle tout allait bien, et il fallait qu'on la laisse seule. Anteynara n'était pas prête à fléchir pourtant, déposant ses affaires, signe qu'elle comptait rester. « Je vais très bien ! J’ai juste besoin de me retrouver seule. Tu peux comprendre ça, t’es pas stupide à ce que je sache ?! » Aloysia ne lui avait jamais parlé ainsi, et c'était peut-être encore un signe qui montrait que quelque chose n'allait vraiment pas. Encore quelque chose qui la poussa à rester, ignorant d'ailleurs complètement l'agressivité de sa soeur. Elle reprit, lui demanda de lui parler, ce qui eut juste le don d'énerver encore plus Aloysia. L'énerver, ou la mettre en panique. « Il ne se passe rien qui te concerne putain ! J’ai juste besoin d’être seule ! » Malheureusement (ou heureusement, au final) pour la jeune blonde, Anteynara était plutôt douée pour ce genre de situation, et elle savait lire dans les réactions des gens. Assez du moins pour savoir que si Aloysia se mettait dans un tel état, c'était bien parce qu'il se passait quelque chose de plus grave que juste cette histoire avec Blake. « Je… j’ai rien à te dire okay ?! J’ai juste besoin d’oublier… alors casse-toi ! » ajouta encore Aloysia. Elle avait peut-être raison sur le fait que ça ne concernait pas Antey. Mais elle était là maintenant, elle était impliquée malgré elle, et ce serait lâche de s'en aller, de laisser tomber et de laisser sa soeur se démerder alors qu'elle allait si mal. Puis, Anteynara n'était pas aveugle aux larmes qui se formaient dans les yeux de sa soeur. Elle décida de faire comme chez elle, sans ouvrir la bouche, allant dans la cuisine pour ouvrir le frigo et se servir une tasse de lait avec un peu de chocolat en poudre. « Tu veux un chocolat chaud ? » elle demanda, l'air de rien. « Je vais pas te laisser seule dans cet état-là » fit-elle alors qu'elle préparait les deux mugs, sans même avoir attendu la réponse de sa soeur. Puis elle se tourna une fois que tout fut prêt, sortant les tasses du micro-ondes et les posant sur la table. Elle leva les yeux vers Aloysia un moment, l'observa sans gêne, portant sa tasse à ses lèvres. « Tu pleures » elle constata simplement, sans pathos, fidèle à elle-même. Elle était peut-être dure, mais il s'agissait d'Anteynara après tout, et avec l'insistance dont avait fait preuve son aînée, elle se voyait mal agir autrement.

Anteynara heureusement pour elle était loin d'être sensible, ce qui lui permettait de ne pas se sentir blessée par la violence de sa soeur, ni de se laisser toucher par ses supplications. C'était peut-être horrible de sa part, d'insister ainsi, de forcer et de s'imposer, et n'importe qui n'aurait peut-être pas pu le faire, avec une telle froideur, se montrant aussi dure. Mais elle en avait l'habitude, même si le fait que ce soit Aloysia face à elle était un peu déstabilisant. Du coup, elle refusa une énième fois de partir, et alla dans la cuisine pour se préparer un chocolat, en proposant un à Aloysia et le préparant sans attendre sa réponse. Elle lui dit alors remarquer qu'elle pleurait, tout simplement. C'était violent, sa façon de pointer du doigt ce qui pouvait être pris comme une preuve de faiblesse, c'était comme lui dire qu'elle ne pouvait plus rien lui cacher à présent. « Je ne pleure pas… s’il te plait, va-t’en ! » retenta Aloysia, tout aussi bornée que sa soeur, mais ça ne fit pas bouger Anteynara, qui entendit dans cette supplication le début de sa propre victoire. Elles restèrent dans le silence. « Je comprends pas… Il…il… Il a pas pu faire ça… il a pas pu… je… 10 ans qu’il me connait… et…et… C’est horrible antey’… » laissa alors enfin échapper Aloysia. C'était entrecoupé de bégaiements, d'hésitations, de prises d'air incontrôlées, et les larmes s'étaient mises à couler sur les joues de sa soeur. Anteynara comprit assez rapidement que quelque chose de grave était arrivé, confirmant ses suppositions, mais elle ne comprenait cependant pas de quoi il s'agissait. Les mots rassurants, les câlins, ce n'était pas son genre, alors elle attendait simplement dans le silence, son regard allant de sa tasse au visage de sa soeur. « … Il est entré dans le vestiaire pendant que je me changeais et… j’ai rien pu faire putain… » Ce fut la phrase qui clarifia l'histoire, et qui permit à Anteynara de saisir ce qui s'était passé. Putain de merde. Elle n'eut pas de réaction visible, rien dans ses gestes ou sa voix, juste sa mâchoire qui se serra, comme si elle était prête à aller égorger quelqu'un, comme si elle contenait subitement une rage monstrueuse. C'était un type que sa soeur connaissait, elle le lui avait dit, mais Anteynara n'était pas assez au courant pour comprendre de qui il s'agissait. Un silence s'était installé, alors que dans sa tête elle réfléchissait déjà à quoi faire, comment régler ce problème... « C'est qui ? » elle demanda simplement, sa voix presque déchargée d'émotion. Putain, elle n'était peut-être pas la soeur de l'année, mais elle comptait s'occuper de la situation comme elle savait le faire. Réconforter les gens, elle n'était pas douée dans ce domaine, même si elle ferait de son mieux pour prendre soin de sa soeur. Ce n'était juste pas dans ses habitudes, dans ce qu'elle savait faire. Tout ce à quoi elle pensait à cet instant, c'était trouver ce type, et lui faire payer le prix du crime qu'il avait commis.