Malgré tout, le message qu'elle venait de recevoir de la part de Noah était un peu alarmant. Anteynara n'était pas le genre à se taper des stress sans raison, mais elle savait aussi tout à fait que ce n'était pas non plus le genre de Noah. Du coup, en lisant ce message et en devinant la panique derrière, elle réalisait bien qu'il devait se passer quelque chose. Elle n'avait pas de détails sur la situation, savait simplement qu'il avait besoin d'elle là tout de suite, sans attendre. Du coup, elle chargea simplement dans le coffre de sa voiture le sac dans lequel elle avait un minimum de matériel, au cas où, et enfila une paire de baskets avant de se mettre au volant et de quitter son chez-elle. Elle faillit se planter de direction, par habitude, et tourna au dernier moment en se rappelant que Noah avait déménagé il y a peu. Elle n'était pas encore allée chez lui depuis, était passée quelques fois devant sa nouvelle maison mais ne s'était pas arrêtée. Malgré tout, elle trouva sans avoir à réfléchir et se stationna comme elle le put, sur le trottoir à quelques mètres de chez lui. Avant de sortir de la voiture, elle prit son Beretta dans la boîte à gant et le glissa dans son dos, sous l'élastique de son jean, et alla toquer chez Noah. Il faisait nuit noire, la soirée était bien avancée, le quartier silencieux. Mine de rien, elle ne savait pas à quoi s'attendre, et vu l'agitation de Noah, il y avait peut-être de quoi s'inquiéter. Elle se disait quand même que s'il y avait un danger ou quelque chose du genre... il l'aurait prévenue. Elle lui faisait confiance sur ça. Quand il ouvrit, elle ne perdit pas de temps, passa son regard sur lui rapidement pour constater qu'il était entier, et entra dans la maison, curieuse. Elle avança sans être invitée, le laissant fermer derrière elle pour se retrouver dans le salon. « C'est cosy » elle commenta simplement en regardant un peu autour d'elle, avant de se tourner vers lui. Il était en un seul morceau, visiblement indemne, mais ça se voyait direct qu'il était agité. Elle le connaissait bien, et oui, un seul coup d'oeil suffisait pour qu'elle puisse voir que rien n'allait. « Qu'est-ce qui s'passe ? » elle demanda, sérieuse, droit au but, pro.

Elle n'allait pas se taper des stress pour rien, sans savoir ce qui se passait et ce qui mettait Noah dans un tel état. Malgré ça, il n'avait pas l'air serein, rien qu'à lire ses messages, et Anteynara décida donc de ne pas perdre de temps, ni de poser mille questions, et de prendre ses affaires rapidement pour filer chez Noah. Elle ne savait pas du tout à quoi s'attendre, se disait que s'il y avait un danger, il l'aurait prévenue au lieu de l'attirer dans la gueule du loup sans l'informer de la situation. Elle emporta tout de même son arme de poing, au cas où, et traversa la nuit noire pour toquer à sa porte de deux coups secs. C'était calme, presque angoissant, et quand il ouvrit, elle entra sans perdre de temps, avançant dans le salon pour regarder autour d'elle rapidement, et finalement se tourner vers Noah. Elle l'observa vite, pour s'assurer qu'il n'était pas couvert de sang ou démembré. Puis elle lui demanda ce qui lui arrivait, allant droit au but. Dans le garage. il répondit simplement, et leva une main pour lui indiquer la porte. Ok... donc visiblement il fallait jouer aux devinettes. Elle aurait peut-être apprécié qu'il lui explique le problème. Mais bon, elle s'aventura dans le garage... pour tomber de suite sur un corps étalé au sol, dans une flaque de sang. A côté de ça, un meuble dont le coin était taché de rouge lui aussi. Elle sortit de sa poche ses gants en cuir noir, parce qu'elle n'était pas certaine que foutre ses mains là-dessus était une bonne idée, et se baissa pour chercher le pouls... en vain. Le gars était mort. Il n'avait pas l'air bien grand, ou large, portait un jean, des baskets et un sweat. Et une cagoule. C'était plutôt évident que ce gars était venu pour cambrioler la maison, ou peut-être pour s'attaquer à Noah, mais vu son style, ça serait bien étonnant. Elle attrapa le bord de la cagoule pour la soulever et découvrir le visage. C'était un jeune homme, un gamin presque, les yeux grand ouverts dans le vide, du sang sur le côté de sa tête qui s'échappait d'une blessure au crâne. « Tu l'connais ? » elle demanda à Noah en se mettant à fouiller les poches du cadavre. Des clés, un peu d'argent, un permis de conduire, une carte d'identité et une carte d'étudiant. Elle regarda tout ça pour s'informer un peu sur le corps qu'ils avaient devant eux. « Thomas Stone... 18 ans... Université de Miami » elle commenta à voix haute en épluchant les documents. Quelle merde. Elle se baissa de nouveau pour finir de fouiller un peu, ayant cherché partout, elle regarda autour du corps. Difficile d'ignorer la batte de baseball posée sur le meuble, et peut-être que pour quelqu'un d'autre ça aurait été totalement anodin, mais elle comprenait bien que c'était l'arme qu'avait utilisée Noah. Le cadavre par contre, elle n'y trouvait même pas un petit couteau de poche. « Il était armé ? » elle demanda tout en faisant les poches une dernière fois. « Il s'est passé quoi ? » elle fit en se relevant.

C'était un cadavre, dans le garage de Noah, étendu dans une flaque de sang. Elle en concluait rapidement qu'il s'agissait d'un cambrioleur, et s'agenouilla près de lui pour regarder son pouls et retirer la cagoule qui masquait son visage. Il était très jeune, un gamin à vrai dire, et lorsqu'elle demanda à Noah s'il le connaissait, il répondit par la négative. Ce qui effaçait la possibilité que ce gars soit venu pour s'en prendre à Noah, pour régler ses comptes ou se venger de quelque chose. Si Noah ne le connaissait pas, ça ne pouvait pas être un de ses ennemis ou un fantôme de son passé, ou encore un de ces cons qui lui en voulaient pour quelque chose de mystérieux qui était arrivé au Mexique. Non, tout ça n'était qu'un hasard bien dégueulasse. Un petit étudiant de 18 ans. Putain c’est pas vrai, j’viens de buter un gosse ! Effectivement, il avait merdé. A regarder Thomas et tout ce qu'il avait sur lui, il n'avait pas l'air d'être misérable ou de vivre dans la rue, peut-être que c'était juste un gosse sans histoires qui s'était retrouvé à avoir besoin d'argent, et qui s'était dit que la seule et unique solution était d'entrer dans cette maison et se remplir les poches, ni vu ni connu. Clairement, ça ne s'était pas passé comme prévu. J’allais prendre ma douche et j’ai entendu du bruit venant du garage, alors j’ai attrapé la batte et j’suis allé voir et quand j’l’ai vu dans le noir j’ai cogné, j’pensais pas le tuer… expliqua Noah, clairement paniqué. Elle se retint de faire tout commentaire, mais c'était tout de même assez désespérant que tout soit toujours si dramatique avec Noah. Rien ne fonctionnait jamais. Putain qu’est-ce que j’vais faire ? J’peux pas retourner en taule Antey… Il était au bord de la crise, et c'était assez ironique que le plus angoissant pour lui soit l'idée de retourner en taule, et non le fait qu'il venait de défoncer le crâne d'un gosse pratiquement innocent. « T'as vraiment fait l'con » elle souffla en pressant son front dans sa main, elle-même un peu désespérée par la situation. Les macabés et meurtres ne lui posaient pas de problème en général, parce que ceux auxquels elle était confrontée étaient arrivés pour une raison, pas un stupide accident. Après cinq secondes et un compte à rebours silencieusement effectué dans sa tête, elle se reprit en soupirant et regarda le corps un moment. « Tu veux faire quoi ? Le faire disparaître, ou recréer une scène de crime ? » demanda-t-elle en fixant le visage juvénile aux yeux verts, avant de se tourner vers Noah.

Mais quelle merde. Ils se retrouvaient là, avec le corps d'un môme que Noah venait de tuer sans le vouloir. Ce type avait une poisse légendaire. Rien n'allait jamais comme il fallait, comme si le monde entier avait quelque chose contre lui. Elle se souvenait vaguement d'une discussion, quelques mois plus tôt, quand il lui avait avoué vouloir se calmer, arrêter les conneries, parce qu'il tenait à la vie malgré tout. Et bien clairement, ses plans avaient été un peu perturbés. Ce cadavre là, il allait le hanter, Antey le savait. Elle avait assez tué dans sa vie pour savoir quels cadavres faisaient quoi. Et celui-là, Noah ne l'oublierait pas facilement. Il n'oublierait pas son visage de gamin levé vers le plafond et ses yeux ouverts et vides. Mais attends comment j’pouvais savoir que c’était qu’un gosse ! J’comptais juste lui faire peur, gosse ou pas ! J’avais pas l’intention de le buter ! il répliqua pour se défendre, essayer de se trouver des excuses. C'était clair qu'il paniquait totalement. Antey, quant à elle, s'autorisa cinq secondes exactement pour évacuer, puis elle enferma tout dans un petit coin de sa tête et releva le regard pour lui demander ce qu'il voulait en faire de ce corps. Le faire disparaître, ou mettre en scène le crime. Je… J’en sais rien ! Une scène de crime ça sera pas crédible, les flics m’ont dans leur viseur… Elle s'abstint de faire tout commentaire. Les flics avaient littéralement tout Miami dans leur viseur, mais visiblement, tut le monde parvenait à leur échapper. Cependant, Noah semblait avoir fait son choix, et s'il ne voulait pas de cette option-là, il faudrait alors faire disparaître le corps. Pourquoi il fallait que ça tombe sur moi ? La question à vingt millions. Celle-là, Anteynara se la posait aussi. « T'attires les emmerdes, c'est pas nouveau » elle répondit du tac au tac, la voix rauque, sans quitter des yeux le corps tandis qu'elle cherchait une solution. Elle inspecta encore une fois tout ce qu'elle avait trouvé dans ses poches, chercha à allumer le téléphone portable qui restait éteint malgré ses tentatives, la batterie étant probablement vide. « Faut le démembrer » elle annonça sans passer par quatre chemins. C'était la solution la plus sûre, même si ça lui foutait quelque chose de lourd et de dégueulasse au fond de son ventre. « J'le ferai pas toute seule, Noah » elle lui ajouta après avoir laissé tomber sa bombe, sur un ton qui en disait large sur ses sentiments vis-à-vis de la situation. Parce que découper des corps, ça faisait partie du job, mais le faire en sachant que tout ça était accidentel, qu'il y avait surement des parents qui attendaient ce Thomas Stone, et qu'un jour ils en retrouveraient un bras ou une jambe, par hasard... Ca lui donnait la gerbe.

Noah avait toujours des problèmes. Très franchement, force était de conclure qu'il n'était simplement pas très doué pour la vie. C'était dommage, mais c'était aussi la vérité. Malgré toutes sortes de tentatives pour mener une vie normale, malgré les grands discours sur ses plans futurs de former une jolie famille, c'était loin d'être gagné. Comme quoi, même en le voulant très fort, rares étaient les personnes réellement capable de se sortir de leur situation et de changer de vie totalement. Né dans les emmerdes, mort dans les emmerdes. Et ça fonctionnait ainsi la plupart du temps. Pourtant, elle lui aurait bien souhaité de réussir, mais ça ne semblait pas fonctionner ainsi. L'idée de créer une scène de crime, de faire une mise en scène, ça l'angoissait vis-à-vis de l'enquête et des flics. Elle pouvait vaguement le comprendre, même si elle-même aurait peut-être opté pour ça. Ca aurait demandé beaucoup de précision et de travail cependant, alors que se débarrasser du corps était plus simple sur ce point-là. Seulement, elle voyait comme unique solution durable de démembrer le corps, et l'annonça au jeune homme. J’suis pas sûr de pouvoir faire ça Antey… répondit Noah. « Mais si, je vais t'expliquer » elle répliqua, ne réalisant pas que son incapacité n'avait rien à voir avec la pratique, mais plutôt avec les conséquences que ça pourrait avoir sur lui. Elle se voulait rassurante... pas sûr que ce soit réussi. On peut pas simplement balancer son corps quelque part ? Ou l’enterrer… j’en sais rien… il proposa, et elle le connaissait bien, parce que ce coup-là il le lui avait déjà fait. Inconfortable et hésitant, à tenter de trouver une alternative un peu moins radicale. Elle secoua la tête. « Si on veut le faire disparaître, faut le découper et aller foutre les morceaux à la mer » elle dit. C'était tout aussi gerbant pour elle, parce que ça lui rappelait de très mauvais souvenirs, mais elle comptait passer au-dessus et faire avec. Elle commença à ouvrir les tiroirs et placards à la recherche d'outils qui pourraient être utiles, jusqu'à tomber sur quelques scies. Elle en brandit une, passant un doigt sur la lame pour tester un peu. Prenant en plus de ça une paire de gants, elle se leva pour tendre ceux-ci ainsi qu'une scie à Noah. « C'est toi qui l'as tué, tu vas pas me laisser faire toute seule » elle lui lança. C'était clairement hors de question qu'il aille se branler devant sa télé avec une bière en main pendant qu'elle faisant le nettoyage. « Puis il est déjà mort, il se rendra compte de rien » elle ajouta, comme si ça pouvait être un peu plus convaincant.