Même si j’avais fui ma vie passée au complexe et que je mettais un point d’honneur à tourner la page sur tout ce que j’avais pu vivre, certaines de mes convictions et de mes valeurs ne pouvaient être balayées ou changées. Mon passé avait fait de moi celle que j’étais aujourd’hui et j’avais bien compris que je ne pourrais me transformer complètement en m’enfuyant. Depuis mon arrivée à Miami, il y a maintenant presque un an, j’avais beaucoup changé mais la religion et ma croyance en Dieu restaient très au centre de ma vie. J’avais intégré la paroisse de mon quartier et mon implication m’avait valu une certaine reconnaissance auprès des fidèles. Personne, à la paroisse, ne savait d’où je venais et quelle était mon histoire mais cela leur importait peu et j’appréciais. Je ne loupais jamais une messe dominicale, et si c’était le cas j’avais réellement une bonne raison, alors bien vite j’avais réussi à ma faire une place.
L’évènement du moment à la paroisse était la rénovation de notre église. Elle se faisait vieille et un rafraichissement était de rigueur si on ne voulait pas qu’elle soit fermée. Nous avions organisé quelques activités diverses de collectes de fonds le temps des week-ends mais même si elles avaient très bien marché cela restait insuffisant. Un appel aux dons avait donc été fait. Il ne fallut que quelques semaines pour que nous recevions une grande donation de la part d’un riche homme d’affaire. Ne pouvant pas laisser ce chèque sans remerciement, j’avais été chargé, pour je ne sais quelle raison, d’accueillir notre généreux donateur à notre église et de présenter les projets de rénovation. J’avais peu de confiance en moi et de suite j’avais refusé, mais le révérend ne m’avait pas laissé le choix, me disant avoir confiance en moi.
C’est comme cela qu’un samedi matin j’attendais celui qui se dénommait Alessandro Del Re sous le porche de notre église. J’avais mis ma plus belle robe pour l’occasion car j’accueillais tout de même un brillant homme d’affaire. Mes cheveux étaient relevés sur la nuque et des lunettes de soleil étaient posés sur le bout de mon nez. Je regardai ma montre à mon poignet. Il était en retard. Nerveuse, je faisais les cent pas devant le porche, regardant à droite et à gauche.
« Mais que fait-il ? » me dis-je à voix haute. Un bruit de moteur se fit entendre sur ma droite. Une belle voiture luxueuse et à la coupe sportive avança dans la rue et s’arrêta devant moi. Mon cœur s’emballa légèrement dans ma poitrine. La capote de la voiture avait été relevée et je pouvais voir un homme de la quarantaine, des lunettes de soleil devant les yeux au volant de la voiture. Profitant de sa manœuvre je détaillai son visage. Il avait un léger bouc en dessous de ses lèvres, sa barbe était impeccablement rasée. Il sortit de sa voiture et je m’avançai alors vers lui.
« Bonjour ! Mr Del Re ? » demandai-je avec un sourire.
« Je suis Kathelyn Parks … » je lui tendis la main pour la lui serrer.
« Notre révérend m’a chargé de vous accueillir et de vous présenter nos projets. » Je passai mes mains sur ma robe pour lisser des plis imaginaires. Je sentais que mon pouls était toujours un peu plus rapide que la normale. Je le vis sortir une cigarette de la poche de son costume et la mettre à sa bouche. Peut-être voulait-il fumer avant de rentrer dans l’église ? Je m’avançai jusqu’au porche où je m’arrêtai pensant attendre que notre donateur finisse de fumer. Je le vis me regarder.
« Euh … on … c’est interdit de fumer dans l’église … » l’informai-je.
Pour moi c’était une évidence qu’on ne fumait pas à l’intérieur de la maison de Dieu, pour lui cela lui semblait bien moins évident apparemment.