Ugo & Adonie

you should'nt be here

Depuis que j'étais arrivé à Miami, je m'étais rendu compte que ma réputation m'avait précédé. A peine installé, j'avais pas mal de proposition d'embauche. Notamment pour représenter le conservatoire de danse de la ville. J'étais ravi, j'aimais l'art de manière générale et pouvoir les aider juridiquement me plaisait beaucoup. Le problème dans cette histoire, c'est que dans un conservatoire, il n'y a pas que l'administration. Bah oui, fallait aussi que je défende tous les membres, dont les danseuses.

Jusque là rien ne m'embêtait dans cette affaire. Jusqu'au jour où l'une d'entre elles avait décidé de renverser totalement son café sur moi. Le truc à pas faire. Aussi mignonne qu'elle pouvait être, je n'avais pas pu accepter ça. Depuis, c'était la réelle guerre entre elle et moi. C'est devenu limite un jeu, une espèce de revanche sans fin. Dès qu'on se croise, l'orage explose. C'était plus fort que nous, comment faire autrement? Mon costume, c'est mon identité. Je ne sors jamais sans - ou alors c'est pour le sport. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux, puisque chez moi je n'ai rien d'autre à quoi tenir. Et puis c'était par amusement, j'avoue totalement.

Elles étaient en répétition quand je passais. Je ne voulais pas les déconcentrer alors je regardais de loin, alors que la directrice était occupée avec elles. Je finissais par trouver cette fameuse nana parmi la troupe. Un petit sourire ironique apparu sur mon visage. Trente secondes de pause. J'en profitais pour aller vers la directrice et sur la route, je la bousculais qui buvait. Elle fit tomber de l'eau par terre. oh pardon. fis-je en gardant ce petit sourire.

Ugo & Adonie

you should'nt be here

Répétitions. Après avoir couru quelques tours de scène, nous nous étions échauffées plus précisément avant de passer aux chorégraphies. Et nous enchainions les pas, encore, et encore et encore. Je les connaissais par coeur, à force. En classique, les pas de ballet sont les mêmes depuis des décennies, c’est un patrimoine alors interdiction de le modifier. C’était ça qui me touchait particulièrement dans cette danse. Sa rigueur, sa pureté. Face à notre metteur en scène et à notre directrice, impossible de faire apparaître sa fatigue. Il faut être parfait tout le temps, pour prouver que nous avons tout à fait notre place ici. Le monde du classique, en professionnel, était un monde strict. Un faux pas, un raté en pleine représentation pouvaient avoir de lourdes conséquences.

Mais ça n’empêchait pas non plus que notre directrice était humaine et qu’elle nous autorisait tout de même des pauses, et le droit de discuter où de rire lorsque nous ne dansions pas. Sans ces moments détentes, bien qu’ils soient rapides, nous ne tiendrions pas, c’était certain. Là, c’était la mini pause pour aller boire. Toutes les danseuses se ruèrent vers leurs bouteilles d’eau, moi la première. C’est à ce moment là que je me fis bousculer, laissant tomber quelques gouttes par terre. Merde, il allait falloir être prudente pour ne pas glisser quand nous reprendrions la danse. Je levais les yeux vers le coupable et je ne fus pas étonné. Ugo Tremblay. Son sourire toujours scotché aux lèvres, évidemment. Depuis une grosse maladresse ou mon café l’avait taché, il ne pouvait s’empêcher de toujours m’embêter. Par pur plaisir. Rentrant dans son jeu, je renversais quelques gouttes d’eau supplémentaires sur ses chaussures. « Oh pardon. Elles sont en daim en plus… J’espère que vous les avez imperméabilisées. » Et j’arborais moi aussi son petit sourire narquois. Si il pensait être le seul à pouvoir s’amuser ici, il se trompait.

Ugo & Adonie

you should'nt be here

Je suis du genre rancunier, c'est vrai. Faire chier les jolies filles c'est encore plus ma passion. Un jour, alors que je prenais une pause café dans l'après midi, une jeune femme m'avait bousculé et étalé tout son café sur moi. Vraiment. Je puais la caféine et mon costume a été bon à jeter. On touche pas à ce genre de choses là, surtout pas avec moi. Alors forcément, j'avais pris la mouche en moins d'une seconde. Rapidement, en représentant le conservatoire de la ville, je m'étais aperçu qu'elle faisait parti de la troupe et je lui en faisait baver à chaque fois que j'y passais. C'était limite devenu un jeu. Lequel gagnera? Le problème c'est que souvent, je trouve que je gagne la partie.

Cette fois-ci, je profitais d'une pause des danseuses pour aller bousculer la jeune fille qui fit tomber des gouttes d'eau par terre de sa bouteille. Facile, c'est vrai, mais attendez la suite. Elle fit la même chose sur mes chaussures en daim, lançant une remarque sur l'imperméabilisation de ces dernières. Je fis un sourire jaune. j'ai pas mal d'enfants qui viennent au cabinet, donc oui. lui fis-je alors. Je marquais une petite pause, trop fier d'avance d'avoir gagné. Melle Swann, vous devriez faire attention. Je sais que vous ne voulez qu'on voit que vous, mais faire tomber vos collègues avec de l'eau sur le parquet ce n'est pas très fair play, ni discret. dis-je alors avec un peu plus de voix histoire qu'on m'entende. Je souris, trop heureux de mon raisonnement et je lui lançais un clin d'oeil. Allez démerde-toi, maintenant.