(#)Sujet: Enjoy the silence. | Jane ♥ | Sam 2 Fév - 12:01
► 14 janvier 2019. Choď do prdele, zmrd.
Enjoy the silence.
Jane & Ryker
Ryker ajusta son col sur son nez pour se protéger du froid, enfouit les mains dans les poches de son manteau et balaya les alentours d’un regard suspicieux. Les rares âmes qui se gelaient à Pentagon les fixèrent avec une méfiance mêlée d’animosité qui lui déplaisait tout particulièrement. Il détourna rapidement les yeux pour éviter d’échauffer les esprits les plus susceptibles et porta son attention sur Anteynara, dont la respiration créait dans l’air des volutes qui disparaissaient au premier coup de vent. La Slovaquie, à cette période de l’année, n’était pas la destination touristique la plus prisée. Les températures souvent négatives figeaient les paysages de blanc, tandis qu’en ville, la neige se transformait bien vite en flaques brunâtres polluées qui échappaient des clapotis plaintifs chaque fois qu’une semelle s’y posait. Il avait manqué glisser en sortant de la voiture et craignait à présent que ses chaussures le trahissent et l’envoient saluer le plancher des vaches d’un peu trop près.
D’un signe de tête discret à sa coéquipière, il désigna l’un des hauts bâtiments qui leur faisait face : un immeuble d’apparence miteuse, gris et terne, peu engageant, idéalement assorti au reste du paysage urbain et à la faune locale, les paraboles fixées comme des pustules sur la façade, le linge aligné derrière les vitres, un habitant ou un autre accoudé à la fenêtre pour les juger avec attention. Le trentenaire verrouilla la voiture et chemina précautionneusement jusqu’à l’entrée, son attention tournée vers les mouvements qui se faisaient au-dessus d’eux. Etrangement, il avait la vague et désagréable impression qu’ils repartiraient d’ici sans leurs enjoliveurs ou leurs rétroviseurs. Quand bien même ils avaient opté pour un modèle d’une grande discrétion, la voiture de location restait neuve et bien entretenue. Un peu trop pour le quartier de Vrakuňa.
La gueule de verre partiellement édentée qui servait de porte, rapiécée par endroits de contreplaqué, grinça sur ses gonds lorsque Ryker la poussa du pied. Il la retint du bout de la chaussure le temps qu’Anteynara se faufile derrière lui et la laissa se refermer dans un fracas métallique qui lui fit froncer les sourcils. L’officier traitant tendit l’oreille, jeta un coup d’œil dans la cage d’escaliers et entama la montée qui devaient les mener au sixième et dernier étage. S’ils auraient pu préférer l’ascenseur, les vieux réflexes du trentenaire le poussaient naturellement vers les marches et la possibilité de connaître un minimum son environnement – le repérage s’avérait complexe derrière deux panneaux métalliques.
Ils ne rencontrèrent personne, n’entendirent aucun bruit dans leur ascension ; à croire que les habitants retenaient leur souffle, le tympan collé à leur porte pour pouvoir entendre les moindres bruissements de leur progression. Un silence oppressant, alourdit par le piteux état de la cage d’escaliers, plombait l’air. Ryker, craignant inconsciemment de le perturber, se surprit à parler à mi-voix :
« C’est un homme curieux, la moindre information peut avoir de la valeur à ses yeux. »
Il s’arrêta sur le dernier palier et se tourna vers Anteynara, la jaugeant de haut en bas pour s’assurer qu’elle avait saisi qu’il valait mieux fermer sa gueule en présence de leur rendez-vous. Le fournisseur qu’ils allaient rencontrer n’était pas un ami, encore moins un allié. Il appartenait à cette caste douteuse et torve qui ne prenait jamais partie pour rien ni personne, et qui, par conséquent, ne songeait ni au bien ni au mal, ne voyait pas les organismes qu’il fournissait ni les puissances qui se cachaient derrière. Le monde dans lequel il vivait n’avait de règles que les siennes ; il était au-delà du reste, au-delà des limites, de la morale, de l’éthique. Seul comptait le vert et la sécurité, le luxe, l’opulence qui en découlaient. Cette teinte si précieuse rythmait la vie du trafiquant autant qu’elle dictait son allégeance et garantissait son silence. S’il était une chose que l’ancien SEAL ne pouvait retirer au personnage, c’était le point d’honneur qu’il mettait à ne jamais rien livrer des transactions qu’il effectuait. Mais les secrets et banalités qui se perdaient dans ses oreilles pouvaient, eux, se monnayer. Leurs lèvres avaient donc tout intérêt à rester scellées.
Se remémorant avec exactitude les instructions, Ryker bifurqua à droite dans un couloir mal éclairé. Leurs pas résonnaient sur les murs de béton malgré la volonté qu’ils mettaient à être discrets, et bientôt, le brun eut la désagréable impression d’être épié à travers les judas qui crevaient les portes devant lesquelles ils passaient. Il s’immobilisa finalement devant l’une d’elle, indiqua à Anteynara de rester légèrement en arrière et frappa. Une seconde ne passa pas que le panneau de bois s’ouvrait sur un homme de taille moyenne – c’était dire petit à côté de lui –, vêtu sobrement quoiqu’élégamment, une arme de poing volontairement mal dissimulée à la ceinture. Ses yeux sombres détaillèrent sans pudeur les deux arrivants, et il les pressa à l’intérieur d’un signe de la main.
L’entrée de l’appartement tranchait avec l’aspect vétuste et délabré du reste de l’immeuble. L’odeur prenante de peinture fraîche agressait les narines, le blanc impeccable des murs irritait la rétine. Et dans ce tableau immaculé, la présence du portier et d’un de ses collègues au physique et à la tenue similaire jurait. Ryker sortit les mains de ses poches, déboutonna son manteau et ouvrit les bras en signe de bonne volonté. Il lança un regard méfiant à l’homme de main qui s’approcha de lui pour contrôler l’éventuelle présence d’une arme ou d’un quelconque équipement compromettant. Un coup d’œil vers Anteynara lui confirma qu’elle subissait le même sort et lui assura que le type qui se chargeait d’elle ne donnait pas dans le zèle mal placé.
Ils furent poussés un peu plus avant avec une austérité de mise, l’un des gorilles ouvrant la marche, l’autre la fermant par mesure de sécurité, jusqu’à une pièce à vivre tapissée de bâches qui n’auraient rien auguré de bon s’ils s’étaient trouvés dans un film hollywoodien, meublée de tréteaux et d’outillages divers. L’espace immense avait été gagné en détruisant les murs qui composaient probablement les chambres. Un quadragénaire, assit à l’ilot central d’une cuisine nouvellement aménagée, leva le nez vers eux.
« Mes yeux m’abuseraient-ils ? »
Ryker considéra d’un œil mauvais l’homme qui se levait pour aller à leur rencontre. Il aurait reconnu cet accent biélorusse entre mille, et le timbre chaud et sombre qui l’accompagnait lui vrilla les tympans comme une craie trop blanche grinçant sur un tableau trop noir.
« Ryker. Si j’avais su ! »
L’intéressé serra les dents à l’évocation de son nom. Il empoigna sans entrain la main enjouée que son interlocuteur lui tendait, écrasant autant que possible ses doigts chargés de bagues. Voron lui offrit pour toute réponse un sourire arrogant qu’il lui aurait volontiers fait ravaler à coups de poings s’il n’y avait eu ses deux gardes pour refroidir ses envies.
« Et qui est cette superbe créature ? »
Le trafiquant se tourna vers Anteynara, l’air charmeur, écartant les bras pour l’étreindre, quand Ryker l’en dissuada en plaquant une main sur son épaule. La brune était hors limites, à bien des égards. Les yeux du Biélorusse tombèrent avec aigreur sur les doigts de l’officier traitant, et il se tordit pour se libérer de sa grippe avant de réajuster le col de sa veste de costume ainsi que son égo.
« Jane, Lubomír Voron. Voron, Jane, lâcha-t-il sèchement. - Quelle dommage pour un si beau visage d’avoir un prénom si quelconque. »
L’ancien militaire s’interrogea sur les connaissances du fournisseur quant à Anteynara. Il connaissait bien les méthodes de la CIA pour savoir qu’elle n’envoyait que rarement ses hommes et agents sans couverture patronymique. Savait-il pour autant l’identité réelle de la jeune femme ?
« Commençons, il se dirigea vers une rangée de caisses alignées contre un mur. J’ai réussi à obtenir tout ce que tu souhaitais. Si j’avais su que c’était pour toi, mon ami, il tapota le bras de Ryker, j’aurais fait un prix plus intéressant, ricana-t-il. »
Le trentenaire passa en revue l’intégralité du magasin, ne constatant aucun objet manquant.
« Le Beretta ? »
Voron attrapa une mallette qu’il s’empressa d’ouvrir pour présenter l’arme, neuve, à Anteynara. Ryker connaissait les petites habitudes de la tueuse, il savait sa préférence pour l’automatique qu’elle avait sous les yeux et qu’elle ne quittait que trop rarement.
Reportant son attention vers le trafiquant, il entra dans le vif du sujet d’une voix froide :
« Qu’est-ce que fait Medved à Bratislava ? »
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(#)Sujet: Re: Enjoy the silence. | Jane ♥ | Ven 8 Fév - 0:08
☾ ENJOY THE SILENCE.
Ryker & Anteynara
☽ ☆ ☾
Cet endroit était terriblement laid. Ce fut la première chose qu'Anteynara constata en arrivant dans le coin. Il suffisait de regarder la gueule des immeubles pour en conclure, sans même être informé sur le sujet, que tous les gangsters et criminels de la ville se planquaient dans ce coin-là. D'ailleurs, elle sentit des regards sur elle qui étaient sans doute loin d'être accompagnés de pensées bienveillantes. Mais elle n'était pas dépaysée pour autant. Anteynara venait d'un quartier pratiquement semblable à celui-ci, elle avait fréquenté tous les milieux et s'était glissée dans ceux-ci en reproduisant à la perfection leurs habitudes et en adoptant leurs coutumes. Elle avait appris à ne jamais faire tache, peu importe où elle se trouvait. Dans ce trou à rat, elle ne comptait pas plus attirer l'attention que d'habitude. Elle suivait Ryker, parce que c'était lui qui avait les informations, et que même si elle détestait ne pas avoir le contrôle et la liberté de faire ce qu'elle voulait, il fallait coopérer pour arriver à un résultat. Elle avait beau être bornée, elle avait aussi un minimum de maturité. Ils se retrouvèrent à l'intérieur d'un immeuble tout aussi minable que ses voisins, et Antey laissa Ryker passer devant. Il connaissait le chemin. Ils prirent les escaliers, sans même considérer l'option ascenseur. Un véritable piège à espion. Anteynara les fuyait comme la peste lorsqu'elle travaillait. Connaissant son collègue, elle était plutôt certaine que son avis sur la question était identique. Ils arrivèrent au sixième et Ryker s'arrêta subitement, à tel point qu'Anteynara manqua de lui foncer dedans. Elle l'évita, et se planta à côté de lui en attendant de savoir ce qu'il voulait. « C’est un homme curieux, la moindre information peut avoir de la valeur à ses yeux. » Elle leva les yeux au ciel. Ca coulait de source. Quelques instants plus tard, les deux américains se trouvaient devant une porte, et Ryker prenait visiblement un tas de précautions. Antey le laissa faire, tout en restant attentive à ce qui se passait. L'avantage de tout ça, c'était que si le type qui ouvrait la porte était pris par une soudaine envie de flinguer tout ce qu'il voyait, elle aurait une demi seconde pour trouver une solution. Contrairement à Ryker. Rien de tout ça n'arriva, et elle se retrouva bien vite à l'intérieur, veste ouverte, fouillée de partout pour constater qu'elle n'avait pas d'arme sur elle. Ce n'était pas son genre, mais une fois de plus, elle s'était pliée aux règles de ses employeurs, et de Ryker. Ils arrivèrent face à un type qui était la caricature même de son propre personnage, et avec ça commença un échange plutôt intéressant entre l'inconnu et Ryker. Anteynara trouva le tout plutôt distrayant et suivit curieusement ce qui se passait. En tous cas, le plaisir des retrouvailles ne semblait pas être partagé. « Et qui est cette superbe créature ? » Oh, on parlait d'elle. Anteynara ne savait pas trop si être considérée comme une "superbe créature" lui plaisait ou non. Disons que dans la théorie, sortant d'une autre bouche, le concept était intéressant. Mais dans les faits tels qu'ils l'étaient présentement, non. Le type semblait vouloir l'étreindre. Elle était loin d'aimer le contact physique, encore moins avec lui. Heureusement, Ryker fut le plus rapide dans cette histoire et coupa cours à l'élan d'affection de l'inconnu. « Jane, Lubomír Voron. Voron, Jane. » Elle salua Voron d'un simple regard, si cela pouvait être qualifié de salut. Le trafiquant commenta son prénom, elle enfouit bien profondément toute sa haine concernant l'identité qu'on lui avait collée. Travailler pour le gouvernement américain lui avait jusqu'à présent apporté plus d'ennuis qu'autre chose, et elle avait comme la sensation que ce petit voyage très sympathique allait se plier à la règle comme un gentil petit soldat. C'était particulièrement réjouissant de savoir qu'à un instant ou un autre, cette histoire allait mal tourner. Dommage qu'elle ne puisse savoir à l'avance quand exactement cela allait se produire. Mais elle était plutôt persuadée que son merveilleux alias allait être impliqué d'une façon ou d'une autre dans leurs problèmes à venir. Voron s'éloigna pour se diriger vers quelques caisses, là où se trouvait ce qu'ils étaient venus chercher. Elle en profita pour se pencher vers Ryker. « Un ex à toi ? » elle demanda, assez bas pour qu'il soit le seul à l'entendre. Voron prit la parole au même instant. « Commençons. J’ai réussi à obtenir tout ce que tu souhaitais. Si j’avais su que c’était pour toi, mon ami, j’aurais fait un prix plus intéressant » Cet homme était un véritable cliché, mais s'il était effectivement capable de leur fournir des armes et du matériel, Anteynara serait prête à le considérer comme un être humain utile à la société. Elle se pencha au-dessus des caisses pendant que Ryker inspectait leur livraison, curieuse de savoir s'ils auraient de quoi avoir l'air un minimum sérieux. Elle entendit un mot qui lui prit soudainement toute son attention. Et là, comme une offrande, Voron lui présentait le Beretta dans sa petite mallette. Elle esquissa un sourire, prit l'arme et la tourna dans tous les sens d'un geste professionnel et habitué, inspectant le flingue. Ce n'était pas son Beretta, mais c'était très très bien. « Parfait » elle dit, replaçant le 9mm dans sa mallette. « Qu’est-ce que fait Medved à Bratislava ? » Bonne question. S'il y avait une chose à respecter chez Ryker, c'était bien son professionnalisme, et son efficacité. Anteynara ne pouvait qu'apprécier. Voron s'installa derrière sa table, là où il se trouvait lorsqu'ils entrèrent dans la pièce, et resta silencieux un long moment, sourire arrogant sur les lèvres. Il était tout simplement insupportable. Anteynara était prise d'une envie assez soudaine de l'égorger. « Je me souviens pas exactement... » répondit Voron en feignant l'amnésie et la confusion. Elle leva les yeux au ciel, plongea sa main dans sa poche pour en sortir quelques billets, une belle petite somme en dollars, qu'elle posa sur la table devant lui. « Qu’est-ce que fait Medved à Bratislava ? » elle répéta la question. Voron avança lentement la main pour prendre son pactole et en compter la somme, avant d'approuver d'un regard levé vers Antey. Regard qu'elle soutint, l'encourageant à ouvrir sa gueule. Il les fit attendre encore un petit instant, comme pour prouver que ce n'était pas si facile de le faire parler. « Il doit rencontrer un homme du nom d'Azarov. Demain midi, à la Gare de Petrzalka. Azarov voyage rarement seul, il arrive de Russie ce soir » détailla Voron, laissant de côté son stupide sourire pour se montrer un peu plus professionnel. C'était sans doute pour cela que Ryker traitait avec lui. Ce type devait avoir des qualités indéniables. « Son vol retour est demain après-midi. » Ce qui signifiait qu'il ne venait en ville que pour son rendez-vous, et cela voulait dire que l'échange devait être sacrément important. Elle hocha la tête, tourna celle-ci vers Ryker histoire d'échanger un regard. Medved avait peut-être des informations orales à remettre, ou un objet, quelque chose. Ce qui était sûr, c'était que ce quelque chose avait pour ultime destination la Russie, et Ryker et Anteynara ne pouvaient se permettre de laisser l'échange se conclure.
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(#)Sujet: Re: Enjoy the silence. | Jane ♥ | Mer 6 Mar - 1:05
Voron avait de nombreuses oreilles qui traînaient dans les pays bordant la Russie, et des yeux pour suivre ce qui se passait dans le plus grand secret. Si aucun des agents de terrain travaillant pour Ryker n’avait su trouver les raisons de la réapparition de Medved, le trafiquant, lui, était certainement l’une des personnes les mieux placées pour les connaître. Mais sans grand étonnement, l’homme fut loin d’être bavard. Il fit mine de songer un instant, retournant sur ses pas, s’installant à nouveau dans la cuisine, l’air faussement concentré. Le temps s’allongeait comme le sourire insupportable de leur hôte lorsqu’enfin le Biélorusse leva le nez de sa réflexion, plantant un regard acéré sur ses invités.
« Je ne me souviens pas exactement … »
Ryker se sentit soudain l’envie de rire jaune, si bien que son masque d’impassibilité se brisa dans un tressaillement de lèvres. Il avait toujours eu en horreur ces petits ronds de jambes dont leur interlocuteur était friand. Déjà du temps de Charcoal, le jeu infernal du quadragénaire mettait son sang-froid à rude épreuve et faisait naître en lui une furieuse envie d’effacer son sourire arrogant à coups de poings.
Il ne voulut pas réitérer sa question, ne souhaitant perdre davantage de temps à se répéter inutilement. Par chance, Anteynara se sacrifia, abandonnant à la cause quelques billets vert qui intéressèrent immédiatement Voron. Il tira à lui les présidents des États-Unis pour peser du regard la somme coquette qui viendrait alourdir ses poches, et l’officier traitant ne douta pas que son œil avisé lui permettrait de déterminer le montant exact sans même avoir à le compter.
Finalement, la langue du Biélorusse se délia, son accent à couper au couteau tranchant sèchement l’air :
« Il doit rencontrer un homme du nom d'Azarov. Demain midi, à la Gare de Petrzalka. Azarov voyage rarement seul, il arrive de Russie ce soir. »
Ce patronyme crissa aux tympans de Ryker avec la stridence caractéristique d’une craie trop blanche sur un tableau trop sombre. Le nom, quoique commun sur les terres de la Mère Patrie, était apparu bon nombre de fois dans l’enquête au cours des derniers mois. Étrangement, il était toujours rattaché à la même personne : un type à l’allure peu engageante qui ne restait jamais que quelques jours loin des frontières de son pays adoré.
« Son vol retour est demain après-midi. »
Le trentenaire reporta son attention vers Anteynara. Un regard entendu lui confirma qu’ils avaient songé à la même chose : quelle que fût la raison de la réunion entre Medved et son nouvel interlocuteur, il était hors de question qu’Azarov puisse quitter le pays après la rencontre. S’ils n’avaient prévu originellement que de descendre un seul homme, il leur faudrait revoir leur plan dans l’urgence. Et puisque le temps s’était mis en tête de jouer contre eux, le brun préféra ne pas s’éterniser. Ryker clappa sa langue contre son palais et fit volte-face pour retourner aux différents colis qui n’attendaient plus que leurs nouveaux possesseurs. Il sortit de sa poche un téléphone de fonction sur lequel il pianota rapidement quelques indications. Trente secondes ne passèrent pas qu’une vibration lui répondit.
« Le paiement est fait, lança-t-il à Voron. Je laisse le soin à tes hommes de transporter le matériel jusqu’à notre véhicule. Il isola le Beretta. Et, parlant de cela … »
Dans la cuisine, il vit le Biélorusse s’agiter, se trémousser pour attraper dans la poche de son pantalon la clé de la camionnette que l’Agence lui avait commandée. Il la glissa sur le plan de travail de l’îlot, l’air étonnamment grave, comme si la mention du marché enfin finalisé lui avait rendu le sérieux et le professionnalisme dont il manquait volontairement depuis le début de l’entrevue. Le quadragénaire se leva, épousseta machinalement son costume griffé et beugla un ordre en russe à ses gorilles. Le premier, puis le second firent apparition, leurs pas claquant en rythme sur le carrelage. Caisse par caisse, ils débarrassèrent l’appartement de la marchandise, l’entassant dans le couloir, à quelques pas de l’ascenseur, au su et à la vue de tous. Étonnamment, l’officier traitant, habituellement intransigeant sur la discrétion à avoir, ne s’inquiétait pas plus que cela. Voron avait trop d’emprise et d’influence en ce bas monde pour donner envie à qui que ce fût de s’attirer ses foudres.
Ryker revint sur ses pas, attrapa la clé et attira Carlson un peu à l’écart. Elle était petite, un peu trop. Il se faisait cette réflexion chaque fois qu’il avait à se pencher vers elle pour être sûr que personne ne puisse les entendre.
« Je termine avec eux, murmura-t-il. Prends ton arme, récupère la voiture, je te rejoins au plus tôt à l’appartement. Il se rapprocha un peu plus. Il y a un burner dans ma valise, un seul numéro dessus. Appelle, dis-leur qu’Azarov arrive. Il faut qu’on sache sous quel nom il voyage, et avec combien d’hommes. »
Ils ne pourraient pas revoir leur plan s’ils ne disposaient pas de tous les éléments nécessaires à son élaboration.
Ryker s’apprêtait à libérer Anteynara lorsque sa manie de vouloir tout contrôler lui agrippa les entrailles. S’il lui faisait suffisamment confiance pour la laisser communiquer avec l’Agence – et c’était flatteur –, il craignait qu’elle ne dépasse le temps réglementaire.
« Quinze secondes, pas plus. »
Il regretta instantanément ces mots. Connaissant son acolyte et sentant venir les remarques graveleuses, il esquissa un rien de sourire, la suppliant silencieusement de ne surtout pas rebondir.