La vie reprenait son cours. Doucement mais surement. Gabriella n’avait encore prévenu personne, afin de d’abord reprendre quelques marques. Réfléchir à quel job elle voudrait faire, quelles étaient ses compétences, être sure qu’elle était vraiment prête à affronter ce monde. Le monde extérieur. Le monde qui l’avait détruite auparavant. Mais aujourd’hui Gabriella était plus saine d’esprit. Moins obsessionnelle. Certes, voir une poussette ou entendre un enfant pleurer lui faisaient toujours un pincement au coeur. Mais petit à petit, elle se reconstruisait de ce deuil de son enfant perdu. Comme une personne normale. Et pas une personne qui avait sombré.

Elle avait pu trouver un petit appartement. Gabriella avait la chance de toucher quelques aides, le temps de pouvoir trouver un travail. Elle allait s’en sortir. Elle avait confiance. Aujourd’hui, la brunette avait décidé d’aller faire un tour en ville. L’une de ses premières véritables sorties depuis son retour au monde réel. Les décorations des fêtes la faisaient rêver, même si Gabriella ne fêtait malheureusement jamais Noël. Pas de famille, alors rien à célébrer. Mais elle avait toujours aimé cette ambiance féerique, rêvant secrètement d’un jour, vivre avec Noël. Avec une famille. La sienne, celle qu’elle aurait fondée. Elle se perdait dans ses pensées Gabriella, admirant son reflet dans l’une des vitrines d’un magasin de déco. En sortant finalement de ses rêveries, elle reprit sa route et s’arrêta tout net. Gabriel était là. Et bientôt, il l’apercevrait lui aussi, parce qu’il marchait en sa direction. Gabriella n’était pas prête, pas maintenant, pas comme ça. Elle n’avait pas encore réfléchi à quoi lui dire, à comment formuler les choses. La panique la gagnait petit à petit, et elle songea un moment à déguerpir en courant. Mais peut-être serait-ce une preuve probante d’immaturité, alors elle se décida fébrilement à aller à sa rencontre d’elle même. « Salut, Gabriel. » Lança t’elle avec un sourire gêné.

Peut-être aurait-elle réellement dû fuir. Car en croisant son regard, elle crut s’effondrer. De peur, de gêne, de panique, d’un peu tout à la fois. C’était compliqué. Gabriel l’avait beaucoup aidée malgré leur séparation, et c’était sans doute grâce à lui qu’elle allait mieux. C’était lui qui l’avait forcée à aller à l’hôpital psy. Si Gabriella l’avait haït pour cela au départ, elle avait ensuite compris cette décision. Mais être là, face à lui, ça lui ramenait aussi des souvenirs. Des souvenirs douloureux. De leur passé ensemble, quand tout allait encore bien, puis la suite, quand tout a dégringolé… Le voir là finalement, cela lui faisait autant du bien que du mal.

Seigneur, pourquoi n’était-elle donc pas entrée dans une boutique ? Gabriel aurait tracé son chemin, et personne ne l’aurait su. Les mains moites, Gabriella sentait qu’elle n’était pas encore prête à le revoir, à lui parler, à affronter tout ça. Mais le destin en avait bien sur décidé autrement. Le salut de Gabriel paraissait froid. Evidemment, il ne s’attendait sans doute pas à la voir là, ici. Gabriella aurait dû s’en douter. Lui qui passait régulièrement à l’hôpital, aurait aimé apprendre la sortie de la jeune femme d’une bien meilleure façon. Gabriella baissa les yeux, piquée à vif. Elle avait merdé et elle le savait pertinemment. Elle n’avait pensé qu’à elle, parce que sur le coup, ça lui avait semblé être la meilleure chose à faire. Pour se protéger un peu avant le retour à la vie réelle.

« Je suis désolée. » Lança t’elle enfin après quelques secondes de silence, relevant alors la tête vers lui. « C’est juste que… Je voulais réfléchir à quoi te dire avant de te revoir, être réellement prête. » Mais elle n’en avait même pas eu le temps. « Mais le principal, c’est que je te remercie. Pour tout ce que tu as fait pour moi. » Ses mots étaient sincères. Elle aurait aimé les formuler autrement, détailler plus, mais l’idée était là.

La sècheresse de son ton mettait mal à l’aise Gabriella. Elle savait qu’elle n’avait pas agit de la bonne manière. Mais la bonne manière, elle ne parvenait pas à la trouver. Elle avait de toute façon l’impression que, quoi qu’elle aurait fait, cela n’aurait pas été suffisant. Elle était incapable de comprendre Gabriella. Tout ce temps d’internement, n’avait été consacré qu’à s’écouter elle même, pour aller mieux. Alors comment interagir avec les autres, elle devait reconnaître qu’elle avait un peu oublié. Qu’aurait-elle pu dire à Gabriel ? ‘'Je sors demain, on se boit un verre un de ces quatre?’’ Elle même sentait que tout cela n’avait rien de naturel. Quant à laisser une lettre où un mot, elle trouvait ça un peu trop mélo dramatique. Alors elle avait préféré s’éclipser, disparaître.

« Tu méritais mieux, oui… » Lança t’elle en baissant le regard. Mais elle même aussi, méritait mieux. Mieux que cette souffrance, mieux que deux internements, mieux qu’un bébé perdu… Leur couple aurait mérité mieux. « Pardonne moi… » Gabriella ne pensait pas devoir traverser un moment compliqué aussi tôt à son retour à la réalité. Comme quoi rien ne se passait jamais comme prévu. « Bien sur que si. Tu m’as sauvée. J’étais à la dérive, j’y serais jamais arrivée sans toi… » Certes, il ravivait de douloureux souvenirs, mais Gabriella n’aurait jamais été s’internée d’elle même. Parce que quelqu’un de malade refuse très souvent de le voir.

Il s’excusait finalement de s’être emporté et Gabriella eut un léger sourire. Cela faisait du bien. Elle ne tenait absolument pas à être en mauvais terme avec Gabriel, qui avait été l’une des personnes les plus importantes pour elle. Elle, qui avait galéré, presque seule, toute sa vie. Prendre le premier avion pour fuir ? Elle y avait songé. Mais pour aller où, et pour faire quoi? « Ce serait mentir de te dire que ça ne m’a pas traversé l’esprit… Mais je crois que j’ai manqué de courage. » Elle en avait marre de errer constamment, Gabriella. « Quoi de nouveau pour toi en ce moment ? » Il était temps de changer de sujet, d’arrêter de parler d’elle.