Dean laissa les portes automatiques du Starbucks s'ouvrirent à son approche, et entra à l'intérieur de l'établissement. Les barista étaient occupés à servir des clients, et il jugea bon de les saluer une fois qu'il se trouverait face à eux ; à quoi cela servait-il d'articuler des salutations qu'ils n'entendraient même pas ? De ces yeux, il fit le tour de l'espace sans avancer plus en avant dans les allées ou vers la file d'attente. Aujourd'hui, il n'était pas là pour emporter une boisson, ou faire plaisir à ses papilles d'une pâtisserie, mais pour retrouver un ami perdu de vue depuis son entrée dans l'armée. Un ami de longue date qu'il avait connu au collège et avec qui ça avait plutôt bien collé à l'époque. Il n'en parlait pas beaucoup, mais n'avait pu l'oublier ; Spencer.

Leur première rencontre s'était faite à la cantine scolaire. Dean avait été interpelé par l'un de ses compagnons du groupe sur la présence d'un élève, probablement nouveau, qui déjeunait à une table, seul. L'Asiatique n'avait rien dit de particulier et s'était laissé entraîner par l'élan de ses camarades qui, eux, avaient décidé de ne pas laisser cet étudiant être accompagné de son unique solitude. Ils connaissaient parfaitement le sentiment de rejet, tous autant qu'ils étaient, pour être souvent pointés du doigt comme des personnes qu'il valait mieux ne pas fréquenter. Les préjugés, sur leur religion ou leur couleur de peau, pesaient lourds sur leurs épaules d'adolescents, et ils n'hésitaient pas à faire un premier pas vers ceux qui semblaient en souffrir aussi, qu'importait la raison.

Spencer n'avait pas été très bavard, mais ne les avait pas congédiés non plus. Peut-être même qu'il avait apprécié l'instant d'une autre façon : par l'écoute plus que la parole. Le groupe avait agi avec lui comme s'il faisait partie de la bande depuis des lustres, et probablement que cette approche amicale avait délié tout ce qui pouvait les rendre différents. Malheureusement, ceci n'avait pas permis de donner assez de motivation au collégien aux cheveux châtains. Ce dernier avait très vite décidé de ne plus mettre un pied à l'école pour des raisons qui lui étaient propres et que les autres n'avaient pas cherché à comprendre. Le petit plus avait été qu'ils avaient gardé contact et se retrouvaient souvent dans un parc après les cours pour passer du temps ensemble.

Cela s'était étouffé plus ou moins lorsque Dean s'était engagé dans une relation avec une Syrienne qu'il avait repéré depuis ses douze ans, à son premier aïd. Si, au départ, rien n'avait changé, le garçon avait accepté de passer plus de temps avec la demoiselle et ses copines, un peu comme un "toutou" obéissant. Il avait été amoureux, très amoureux, et ses sentiments avaient pris le dessus sur l'amitié qu'ils avaient connu, lui, Spencer et leurs autres acolytes. Ceux-ci n'avaient pas hésité à lui faire remarquer par quelques pics de rigolade, mais ne lui en avaient jamais réellement voulu ; ainsi était faite la vie, pas vrai ? Ils n'étaient pas assez stupides pour ne pas comprendre qu'il fallait accepter l'éloignement pour être certains de pouvoir rester soudés en toutes circonstances.

D'ailleurs, ils s'étaient très vite séparés dans des voies professionnelles et personnelles différentes, mais cela n'avait jamais coupé quoi que ce soit à leur amitié. Ils avaient su garder un lien par écran interposé, par l'utilisation de leur téléphone ou de leur ordinateur, et c'était ainsi qu'après s'être rendu en formation en 2013, et ne plus avoir montré son minois depuis 2014, que Dean reprit peu à peu contact avec ses anciens amis, dont Spencer qu'il chercha encore un peu avant de sortir son mobile et de lui envoyer un message. Était-il déjà arrivé ? Apparemment, oui. Où s'était-il installé ? Il attendit le renseignement avant de prévenir qu'il allait faire la queue pour se commander un café avant de le rejoindre. Il entra dans la file à son tour, et passa aux différents services avant de récupérer son iced americano.

Il dépassa de nombreuses tables avant de trouver celle où son ami s'était assis. Dingue pour un jeudi, commenta-t-il comme s'ils s'étaient vus la veille, et il n'est même pas seize heures ! Rien. Rien ne semblait avoir changé, si ce n'était qu'ils avaient grandi et pris quelques années depuis. Ils avaient tous deux fait un bout de chemin séparément, mais n'avaient pas omis de s'envoyer quelques textos pour raconter leurs aventures. Et justement, c'était le bon moment pour reprendre, du début, leur évolution respective. Allez, dis-moi comment tu vas, et sur quel projet t'es en ce moment, interrogea le commando, sachant que son vis-à-vis avait un goût très prononcé pour la photographie.


LMLYD

Sortir, Dean le faisait déjà, mais peut-être pas assez la journée. Ce n'était pas vraiment les enseignes les plus appréciées qu'il fréquentait pendant ses permissions, plutôt les bars et autres endroits divertissants après vingt heures. Du lever jusqu'en soirée, il prenait le temps de passer de bons moments avec sa famille ou de visiter quelques amis. Ils avaient pratiquement tous un "chez-soi", contrairement à lui qui vivait encore chez ses parents ; il n'avait jamais trouvé utile de rechercher un appartement sur Miami, pour le peu qu'il y rentrait. Et puis il y avait la session de sport quotidienne qu'il s'était juré de tenir, et ce qu'importait le planning, ainsi que les aller-retours à McDill pour un ou deux jours afin de garder un pied dans le métier ; même lorsqu'il était en vacances.

Le commando s'assit en face de son ami, et trouva que Spencer avait bonne mine, ce qui le rassura après toutes ces années sans avoir pu se voir. L'armée, répéta-t-il d'un ton interrogatif, c'est la cour de récréation, humorisa-t-il. Même pour lui, passionné d'aventures dangereuses et fait d'une éternelle loyauté, il y avait des jours avec et des jours sans. Être militaire lui avait sauté à la figure, à la simple lecture d'une couverture de recrutement chez le conseiller d'orientation. Il s'était imaginé sauver des vies dans un hôpital, finalement il œuvrait pour la patrie dans les zones les plus risquées du monde. Je voyage une bonne partie de l'année, qui ne rêverait pas de ça, sérieux, questionna-t-il avec cet air plaisantin scotché au faciès ; et gratuitement, qui plus était.

Métro, boulot, dodo, articula-t-il aussitôt après Spencer, t'as vraiment que ça à dire en sept ans, se moqua-t-il gentiment, sans forcer son vis-à-vis à détailler plus en avant le cours de sa vie. Dean avait toujours eu l'habitude d'un homme en retrait, à la communication très brève et brute. D'ailleurs, à leur rencontre, ça avait été à peine s'il avait pu entendre le son de sa voix, savoir s'il avait mué ou était en pleine mutation. L'artiste n'était pas un grand parleur, et c'était peut-être pour ça qu'il s'entendait bien : Dean équilibrait un peu le tout. Enjoué, reprit-il en haussant les sourcils, parce que tu l'es pas, toi, quand tu retrouves un pote de la vieille époque, demanda-t-il avant de goûter de sa boisson chaude. Une gorgée seulement, parce qu'il se brûla la langue.

L'Asiatique était naturellement avenant et sociable, peut-être parce qu'il était amené à contenir tout ça lorsqu'il était sur le front. Il extériorisait sa bonne humeur lors de ses permissions, et reprenait le contrôle uniquement lorsqu'il se retrouvait à voler vers une contrée hostile. Je m'amuse, je profite, t'en fais pas autant, posa-t-il là, - après tout on avait qu'une vie, et on ne savait jamais quand elle était sujette à se terminer -. Et il était bien placé pour le savoir. Il ne comptait plus le nombre de personnes qu'il avait vu mourir devant ses yeux, et parfois même des enfants ; c'était probablement le plus dur, d'ailleurs, de voir des êtres si chétifs et innocents rendre l'âme sous la méchanceté de plus grands. Ca faisait partie du métier, comme on le disait souvent. C'était à prendre, ou à laisser.

Tu devrais tester les applications de rencontres, c'est plutôt marrant, fit-il, enthousiaste. Dean avait commencé à les utiliser après ses missions en Irak, - après sa rupture soudaine avec la belle Syrienne aux yeux perçants -, et avait fait la rencontre de plusieurs demoiselles sans que ceci n'aille vraiment plus loin ; sauf avec une nana originaire de Russie qui avait élu domicile à New-York. Récemment, il avait noué une grande passion pour Tinder et, même si la majorité des jeunes femmes inscrites étaient très cocasses et se montraient très libres, - et libérées -, il avait appris à passer un moment simple en leur compagnie sans qu'elles ne se sentent frustrées de ne pouvoir obtenir davantage de lui ; enfin, pas avant la fin du rendez-vous, en tout cas.


LMLYD

Métro – boulot – dodo, c'était déjà bien, en effet. Ça avait un côté rassurant d'être enfermé dans une spirale routinière. Ce même cycle qui voulait que l'on se lève pour chercher une activité qui nous permettrait de survivre aux difficultés de la vie, et qui nous épuise au point de ne plus y penser jusqu'au lendemain. Cela n'empêchait pas d'avoir quelques pics montant ou régressant, ces fameux « haut et bas » dont tout le monde parlait, et qui cassait un peu la courbe. Ça arrivait à tout le monde, rien n'était réellement fait de métro – boulot – dodo, mais c'était au bon vouloir des uns et des autres d'en parler.

La vie de Dean était elle aussi rythmée d'un schéma répétitif, et il avait décidé de casser ce cercle en multipliant les rencontres, en se donnant peut-être la chance de tomber sur une femme différente de celles qui s'étaient jouées de lui par le passé. Ce n'était pas aisé car, comme beaucoup, il avait expérimenté son lot de déceptions et n'avait pas vraiment envie de replonger dans l'une d'entre elles. Il n'attendait rien de précis, finalement, mais il fallait tout de même avouer qu'il prenait un certain plaisir à choper quelques rendez-vous qu'il était prêt à rendre galants. Jauger son pouvoir de séduction lui rendait un peu la confiance en lui qu'il avait perdu.

Naturellement, il avait proposé cette idée à Spencer, afin qu'il puisse lui aussi briser cette routine dont il avait fait référence, sans se douter que cela amènerait une part d'incompréhension. Ils rirent ensemble, mais vint rapidement le sujet que le militaire aurait peut-être préféré évincé. Quoi, c'est censé être réservé à une partie de la population, interrogea-t-il son vis-à-vis avant de prendre une gorgée de sa boisson chaude. Le ton avait été moqueur, mais à l'intérieur, le soldat se demandait comment il allait pouvoir détourner le sujet de conversation. Pas si simple quand on se trouvait face à un ami qui connaissait votre histoire ; ou ce qu'elle avait été.

Tu sais, ça va, ça vient, articula-t-il sans entrer directement dans les faits. Les amours n'étaient pas toujours éternels, peinaient à l'être lorsqu'on avait un emploi banal, et ça se compliquait sérieusement quand on avait un métier qui poussait à l'absence les trois quarts du temps. J'ai peut-être oublié de mentionner ce détail, ne fut-il pas sûr, perdant subitement tout entrain. Il l'avait fait exprès, sans aucun doute possible, et Spencer ne pouvait être dupe. Disons que ça fait un moment, tenta-t-il d'exprimer sa séparation, celle qui était encore difficile à assimiler, à accepter. Je te l'ai dit, je m'amuse, osa-t-il un sourire presque rassurant.

Et puis, pour éviter de répondre au « quand, comment, pourquoi », il reprit un air malicieux. D'ailleurs, j'ai rencard demain soir, s'était-il presque penché pour murmurer cette annonce, le troisième, leva-t-il trois de ses doigts pour en appuyer le nombre de fois qu'il avait déjà rencontré la demoiselle. Dans la tête d'un homme, les rendez-vous répétés avec la même personne étaient bon signe pour la suite, et ça avait tendance à exciter Dean ; peut-être allait-elle être celle qui allait le guérir peu à peu de ses blessures ? Alyssa, une avocate spécialisée dans le droit des femmes, présenta-t-il sa prétendante, la peau halée, les cheveux bouclés, une bombe !

Une bombe, elle l'était, et séductrice à souhait. Ça le changeait énormément des filles qui faisaient bonne figure, qui s'étaient laissées guider par les voies religieuses, et par une éducation plutôt traditionnelle, - d'un autre temps - . Elle était joueuse, libre et libérée, dotée d'un gros caractère, et c'était probablement ce contraste qui avait séduit l'Asiatique : elle ne ressemblait ni à sa Syrienne, ni à sa Russe. Elle lui donnait envie de se laisser aller, tout en respectant les limites qu'il s'était fixé. Il ne ressentait même pas le besoin de parler des autres femmes qu'il avait trouvé sur Tinder, parce qu'Alyssa était la seule à l'avoir charmé à ce point.  

C'est dommage, j'ai pas pensé à capturer sa photo, fit-il en reprenant place contre le dossier, et toi ? Où en était-il ?


LMLYD

Pouvoir jouir de séduire et d'être séduit était un amusement auquel Dean avait apprécié se prêter depuis sa séparation. Sans promettre monts et merveilles aux demoiselles qu'il rencontrait, il se plaisait à faire du charme. Il ne mentait pas, jamais, et sur aucun point, et c'était d'ailleurs pour ça que, la plupart du temps, il ne pouvait donner rendez-vous à une femme plus d'une fois. En fin de soirée, après avoir parlé un instant autour d'une table, avoir effleuré la piste de danse à bonne distance et s'être baladés côte à côte, ils se quittaient avec de bons souvenirs. Il lui était parfois proposé de monter pour une after, - une nuit plus que pour la vie -, mais il refusait et c'en restait là ; sauf avec Alyssa, cette fameuse avocate.  

Le militaire était sorti avec une étudiante en médecine, plus précisément dans le domaine pharmaceutique, puis s'était posé un temps avec une vendeuse en prêt à porter de luxe. Aujourd'hui, il fonçait vers une femme qui passait son quotidien à tenter de rendre plus juste un monde où les uns faisaient ouvertement du mal aux autres. Il trouvait important de se caser avec une personne passionnée et indépendante. La majorité des femmes de sa famille se consacraient à leur foyer après avoir eu leur premier enfant, et ça n'était clairement pas le genre d'épouse qu'il voulait avoir. Peut-être parce qu'il était conscient que sa présence pourrait manquer encore bien davantage ? Le manque pouvait casser bien des couples.

Tu me connais assez bien pour savoir que je ne fais jamais un pas vers l'avant si je ne suis pas totalement sincère, plissa-t-il les yeux. Et c'était vrai. La preuve en était qu'il ne faisait pas espérer toutes les femmes avec qui il matchait sur Tinder. Spencer avait été l'un de ceux vers qui il avait marché sans jamais, une seule fois, lui tourner le dos. Honnête, il avait clairement prévenu Alyssa que leur troisième rendez-vous marquerait ce qu'il adviendrait d'eux deux. Amitié ou amour, seul le tout Puissant connaissait déjà la réponse. Elle était différente de ses deux premières compagnes, et ça l'enjouait d'autant plus de pouvoir côtoyer sentimentalement un univers nouveau. Aventureux, ça ne l'effrayait pas le moins du monde.

Et puis la révélation sortit tout droit d'entre les lèvres de son vis-à-vis. Une révélation qui fut compliquée à assimiler, si bien que les sourcils de Dean dansèrent un instant sur son front ; est-ce qu'il avait mal entendu ? Il dévisagea son compagnon de table sans pouvoir ouvrir la bouche, au risque de bégayer. C'était la nouvelle la plus invraisemblable qu'on lui avait faite. Pourquoi ? Parce qu'il n'avait jamais réussi à imaginer ce timide et réservé damoiseau, au clapet très souvent éteint, avec une jeune femme. Et pourtant … Pour avoir un enfant, il fallait bien être de ceux qui avaient franchi l'étape des draps. Muet tout du long, il ne fut expressif qu'à l'aide de ses yeux, et son regard demanda à en apprendre plus.

Une idylle des plus « banales » avec une certaine Violette, un rapprochement peut-être pas aussi maîtrisé qu'ils l'avaient pensé, et paf ! L'erreur qui arrivait bien souvent, parfois assumée, parfois pas, parfois consciente, ou le pas-de-bol. Le plus étrange avait été de comprendre le départ exprimé par Spencer ; les femmes ne revendiquaient-elles pas de leur partenaire qu'ils assument jusqu'au bout ? T'es sûr qu'il est bien de toi, demanda-t-il, suspicieux. Parce que, oui, ça semblait encore plus improbable pour Dean. J'veux dire, c'est courant qu'homme ou femme aille voir ailleurs, peut-être qu'elle avait tout simplement honte, supposa-t-il. La honte menait souvent à la fuite.

Et bah merde, jura-t-il alors qu'il n'était pas de ce genre-là, d'habitude. Ses précieuses à la couleur ébène avaient quitté le faciès de son ami pour venir se poser sur la table, et il resta pensif un instant quant à la situation dans laquelle l'artiste se retrouvait. Il avait fait le con, mais en même temps, est-ce que des barrières n'étaient pas mises sur notre route pour une raison bien précise ? Il releva alors les billes et offrit un sourire à Spencer : félicitations. Tu ne m'en voudras pas d'être un peu à la bourre. Étrange ? Pas tant que ça. C'était une bonne nouvelle malgré tout. Et alors, tu l'as vu, se montra-t-il curieux, omettant tout le côté négatif de l'annonce, et ce volontairement.  


LMLYD

Dean examina le faciès de son ami, de manière plus qu'observatrice, il fallait l'avouer. Spencer semblait croire éperdument aux mots de cette femme qui se disait avoir été enceinte de lui. Était-ce de la naïveté ou pouvait-il croire en son raisonnement ? Une relation de quelques mois était-elle assez sérieuse, au point de n'oser remettre en doute les paroles de cette dénommée Violette ? Dean était sceptique, mais préféra rester muet. Après tout, son vis-à-vis était à même de savoir s'il existait la possibilité d'une grossesse non désirée. Un oubli, et tout s'écroulait, combien de fois on leur avait répété au collège ? A contrario, les États-Unis n'étaient pas l'endroit où les moyens de contraception étaient les plus utilisés, et nombreuses jeunes filles entre quinze et dix-neuf ans se retrouvaient engrossées.

Le soldat décida de mettre de côté toute réflexion concernant la situation à laquelle était exposée Spencer, et le félicita même pour ce nouveau rôle qu'il allait devoir endosser. Devoir, oui, c'était bien le mot adéquat à utiliser, et le jeune homme ne mit pas grand-temps à montrer peu de sûreté quant à la grande responsabilité qui lui incombait. Personne ne sait y faire au début, relativisa Dean en laissant un souffle rieur s'échapper de ses narines, c'est pas inné, tu vas apprendre sur le tas, comme tout le monde, à force de le voir. D'ailleurs, c'était une fille ou un garçon ? Pas le moment de poser la question, et pas le temps surtout. Le photographe montra beaucoup de négativité malgré ce qu'avait pu articuler l'asiatique pour le réconforter. Et ce dernier ne put qu'acquiescer de la tête, pensif.

Alors, tu n'es pas obligé d'assumer la décision qu'elle a prise toute seule, fit-il, après avoir pris une nouvelle gorgée de sa boisson, - même s'il se poignardait lui-même en disant cela -, après tout, elle est partie comme une voleuse, non ? C'est lâche de revenir après deux ans, et d'imposer son choix à l'autre. C'était vrai. On parlait souvent des hommes qui n'assumaient pas et quittaient les jeunes femmes enceintes, mais que pouvait-on dire et/ou penser des hommes qui étaient trahis par leur copine ? N'y avait-il pas justice à réclamer ? Tu devrais arrêter de te torturer avec ça, conseilla Dean, et lui expliquer plutôt que de te cacher derrière une fausse envie d'assumer ta soudaine paternité. Peut-être qu'il était trop tôt pour Spencer ?

Cette annonce lui était arrivée sans crier gare, il avait probablement besoin de temps. Fille ou garçon, posa-t-il tout de même après un silencieux laps de temps, que je puisse rapporter un petit quelque chose de mon prochain voyage. Il sourit à celui qui se tenait dépité face à lui, comme pour lui souffler un « ça va aller », car ça ne pouvait qu'aller bien, de toute façon : le choix, il l'avait encore, rien n'était joué. Espèce de petite canaille, lâcha-t-il ensuite, amusé. Il se pencha vers l'avant pour venir donner un coup de poing amical sous la clavicule de celui qui lui faisait face et ajouta : c'est que tu nous en caches des choses. L'esquisse malicieuse en disait long sur la signification de ces mots. Dean n'aurait jamais imaginé Spencer adroit avec une fille ; ils avaient pris des chemins différents bien trop tôt.

Cependant, c'était un peu la fierté des hommes de savoir séduire une demoiselle, non ?
 

LMLYD