aurais peut-être dû éviter le sujet de la chute. Après tout, c'était ça qui avait provoqué la dépression d'Aloysia. L'histoire avait apparemment été relayée par la presse, mais je me méfiais toujours de ce genre de magazines. Je n'aimais pas les voir insulter Blake de tous les noms dans leurs pages. Ils n'arrêtaient pas de le tenir pour responsable de tout le malheur d'Aloysia, et ils le démontaient littéralement. Pour ensuite mieux s'intéresser à une de ses histoires de coeur… Pitoyable. Certes, Blake devait avoir une part de responsabilité assez importante dans l'histoire, mais sans connaître précisément les faits, je ne pouvais pas juger. En tout cas, ce que je savais, c'est que je m'engageais sur un terrain glissant. Peut-être qu'Alo serait triste, ou en colère que j'aborde ce sujet… Si elle m'avait posée une question aussi directe sur June, je pense que j'aurais assez mal réagit. Je me serais complètement refermé. M'enfin, c'était tout moi, ça : ouvrir la bouche à propos de ce qu'il fallait taire. Du pur Charlie. Enfin, peut-être qu'Aloysia ne le prendrait pas mal. Je voulais juste les aider. Je voyais bien qu'il souffrait tous les deux de la situations, mais je comprenais également que c'était dur de pardonner.

« Je sais très bien que Blake est mal… mais crois-moi ce n’est rien comparé à ce que j’ai pu ressentir ! Il croit tout s’est déroulée assez bien pour moi durant cette année, mais c’est faux ! J’étais au fond du gouffre ! Je me suis retrouvée seule du jour au lendemain sans aucune explication ! J’ai passée trois semaines à attendre qu’il vienne me voir à l’hôpital, mais non, rien ! Il a préféré se dépêchait de cherchait une autre partenaire alors que moi on venait de m’annoncer la fin de ma carrière ! Oui, j’avais mes amis, ma famille ! Mais lui seul pouvait comprendre ce que je ressentais car lui seul partageait ma passion ! J’ai passé 6 longs mois au plus bas ! Je me nourrissais quasi plus, si ce n’est d’anti douleurs et je sortais pas de mon lit, je dépassais même pas les 40kg. Je me reconnaissais plus, Charlie alors arrêtes de le défendre s’il te plait. » me répondit Aloysia d'un coup. Wow. J'étais un peu sur le cul, là. J'ignorais la grande majorité de tout cela. Elle avait vraiment du vivre un enfer. « Ah. Il a pas géré, c'est sûr. J'ignorais tout ça » répondis-je, un peu étonné. Je n'aurais jamais cru comme ça. Enfin, je n'avais rien à dire à ce sujet. Moi aussi, j'avais abandonné ma famille du jour au lendemain après le décès de ma soeur, et j'avoue n'en n'éprouver aucun remords. Je devais vraiment être un monstre. « Je ne cherche pas à lui trouver des excuses, parce qu'il n'en n'a aucune, mais faut être compréhensif. Je veux dire, c'est peut-être lâche, mais bon nombre de gens à sa place aurait également fui. Il y a des responsabilités qu'on a parfois du mal à assumer » J'en savais quelque chose. Les responsabilités et moi, ça faisait quatre. « Tout ce que je sais, c'est qu'il regrette vachement. Il m'en parle à peine. Je pense que tout ça le ronge. Il s'en veut de t'avoir fait tombé et il s'en veut d'être parti, mais à un point monstrueux. Tu comptes énormément pour lui ». Roh, allez, de toute façon, ils allaient sortir ensemble, c'était obligé. Le récit d'Aloysia m'avait un peu remué, et j'allumai une cigarette. Peut-être que c'était malpoli, mais bon. J'étais chez moi. Quand même, Blake n'avait pas géré pour le coup. Vraiment pas. Il avait dû céder à la panique, je ne voyais que ça, car du reste, ça ne lui ressemblait pas du tout. « Bref, c'est clair que t'as toutes les raisons du monde d'être en colère contre lui. C'est une situation compliquée. Vous souffrez tous les deux ». Je me transformai un peu en psy, là. « Le principal, c'est que tu aies un peu remonté la pente » fis-je avec un petit sourire triste. Je tirai plusieurs bouffées sur ma cigarette.

loysia semblait un peu énervée par mon discours. C'était compréhensible, étant donné que j'essayais de défendre l'homme qui l'avait presque conduit à la mort pour ensuite l'abandonner au seuil. Mais je ne reconnaissais pas du tout Blake dans la description qu'en faisait Aloysia ; c'était un garçon vraiment bien, et il avait toujours été là pour moi, même si il ne comprenait rien à mon état. Franchement, partir se trouver une nouvelle partenaire tandis que l'ancienne était clouée au lit, dans un état pitoyable (par sa faute en plus), je trouvais ça ignoble. Blake avait fait n'importe quoi, pour le coup. En plus, les médias avaient dû trouver cela croustillant, vu le nombre d'articles sur eux dans les journaux. Mais j'étais tellement mal placé pour le juger. Si nous avions bien un truc en commun lui et moi, c'est que nous avions tous deux fuit nos responsabilités, et mis ceux que l'on laissait dans le pétrin. Du coup, je me sentais un peu obligé de le défendre, même si Aloysia avait raison sur le fait qu'il n'était pas excusable.

« Quand on tient à une personne, on la laisse pas tomber, donc permets moi d’émettre un doute. On a toujours été proche Blake et moi, mais… ça sera plus jamais comme avant…j’arrive pas à avoir une totale confiance en lui… » Ses paroles me firent réfléchir. J'avais bien envie de dire qu'on pouvait parfaitement abandonner quelqu'un à qui l'on tenait. Partir sans regarder derrière, avec des regrets plein le coeur, mais partir quand même. C'était tout à fait possible. Mais c'était agir en parfait connard. Totalement ce que j'avais fait. « Oui, j'imagine que ça sera dur pour vous d'avoir de nouveau une relation… stable » conclus-je, pensif. Je tirai lentement sur ma cigarette. Enfin, ces deux-là n'allaient pas pouvoir rester fâché bien longtemps, même si Aloysia avait des raisons valables. Ils s'entendaient si bien quand je les ai connus. « Et toi alors ?... » Ces trois mots me firent presque frissonner. J'aurais aimé que nous n'en vînmes pas là. Parler de moi était une chose que je détestais plus que tout. Parler de mes soucis, c'était leur donner une sorte d'importance, comme si cela les rendait réel. Et je n'aspirais qu'à les détruire. Face à mon silence, Aloysia prit la parole. « Je suis pas là pour te juger Charlie…mais parler te ferait peut-être du bien… » Pensif, je posai mon regard sur la jeune fille tandis que je continuai de fumer ma cigarette, qui était presque terminée. Sa phrase, nombre de psychiatre me l'avait dite. Et je m'étais toujours tu. Peut-être pouvais-je, après tout, lui révéler quelques éléments. Elle m'avait déballé sa vie, quand même. Je pris le temps de choisir mes mots avec soin. Je parlai avec lenteur, car c'était un peu comme s'il me coûtait de prononcer la moindre syllabe. « On peut dire que pour le coup je ne vaux pas mieux que Blake. Abandonner ce qu'il me restait de famille n'était peut-être pas une bonne idée. J'suis parti comme un idiot, je les ai tous laissés en plan, alors qu'ils étaient déjà fragilisés ». J'omis de préciser qu'ils étaient fragilisés par la mort de June. Ça, je ne me sentais vraiment pas de le sortir. « Les regrets, les remords… Ils sont durs à oublier. Ils sont toujours là pour me rappeler à quel point je suis un être ignoble ».

h, ma famille. Elle me causait beaucoup de soucis et pourtant, elle ne représentait qu'une infime part de mes problèmes. Ce que je montrais de mes sentiments à Aloysia était un peu comme un iceberg. Mais vraiment, ce n'était pas de ma faute. Ça ne m'aurait pas gêné de tout lui déballer, parce que je savais que c'était quelqu'un de confiance, et même si nous n'étions pas spécialement proches, je la connaissais depuis suffisamment longtemps pour savoir que c'était une fille courageuse et bien. C'était juste que… je ne sais pas. Mon psy appelait ça un "problème pour faire confiance". Je n'avais pas envie qu'Alo me juge, et me trouve répugnant. Parce que vraiment, après ce que j'avais fait, je me trouvais répugnant, dégoûtant. Honteux, aussi. Enfin, ce qui est fait est fait et il ne servait à rien de continuer à me lamenter (même si c'était ce que je faisais la plupart du temps). « Il est pas trop tard Charlie… appelles-les, va les voir… Tu dois leur manquer et ça se voit qu’ils te manquent. Quel que soit, l’évènement qui a pu vous éloigner, la famille, les proches amis, c’est le seul moyen d’aller mieux, crois-moi ! Moi, sans ma mère, mon frère ou même mes meilleurs amis, j’aurais fini très mal…J’aurais sûrement fait une connerie… » Faire une connerie… Je ne me sentais pas si loin de la faire. Mais comme Aloysia, je n'avais pas la force d'infliger cela à mes parents, déjà si affectés par la mort de June. Déjà qu'ils vivaient mal mon départ (d'après la pluie d'insulte que Lemon m'envoyait dans la figure dès qu'elle m'appelait), alors si je venais à mourir… Mais bon, je savais qu'il y avait un point où même cela ne serait plus une raison valable à mes yeux. Et à ce moment-là, je risquais de faire n'importe quoi. Genre arrêter mon traitement. Là, je partirais réellement en cacahuète. Je savais qu'il suffisait du moindre événement pour que tout explose. Et qui sait, peut-être que j'étais aussi très bien capable de faire du mal aux autres.

Je restai silencieux, pensif, tandis qu'Aloysia continuait de parler. « Tu sais, les regrets, les remords, on en a tous… Et on peut rien y faire ! Tu peux pas changer le passé, mais tu peux faire quelque chose contre le présent et le futur. Vas vers ta famille, t’en as besoin… Je suis sûr qu’en les retrouvant, tu te sentiras mieux. » Je l'écoutais et je prenais ses conseils en compte, mais je ne pouvais pas les suivre. J'essayai de trouver les mots pour le lui dire. « Le truc, c'est que j'ai quitté mes parents parce qu'ils… ils m'enfonçaient encore plus, tu vois ? Mais ils ne s'en rendaient pas compte. Plus je les voyais, et plus je souffrais. Et je sais qu'au fond, ils souffraient encore plus de me voir souffrir aussi. C'est un putain de cercle vicieux, et j'ai décidé de couper court. J'suis parti » dis-je d'une traite. Je restai assez vague, mais cela résumait bien la situation. « Maintenant, est-ce qu'ils souffrent de mon absence ? Sans aucun doute. Est-ce que moi je souffre de leur absence ? Pas tellement, au final ». Rien que de dire cela me soulevait le coeur. Pourtant c'était la vérité : mes parents, qui m'aimaient et m'avaient choyés, ne me manquaient pas. J'étais mieux loin d'eux, loin de leur affliction. « C'est carrément égoïste, je sais. Mais j'aurais tellement pu… Si j'étais resté avec eux, je ne serais sûrement plus là. Washington, ma 'famille", tout ça était trop nocif. J'veux tout recommencer, mais parfois j'ai dû mal à vivre avec ma conscience. J'ai volontairement abandonné les personnes qui tiennent le plus à moi parce que je suis trop lâche pour affronter les problèmes, en sachant pertinemment que je les enfonce dans le malheur. Comme si avoir perdu un gosse ne leur suffisait pas, j'en rajoute une couche. » La dernière phrase m'avait échappé. J'espérais qu'Alo ne la relèverait pas.

apppréciais sincèrement la compréhension d'Aloysia. Elle essayait d'avoir un regard neutre et objectif sur les autres. J'aimais aussi le fait qu'elle était franche avec moi. Parfois, les gens repéraient que je n'allais pas bien et il me disait que tout irait bien, que je n'y étais pour rien (alors qu'ils ne connaissaient absolument rien à mon histoire). Aloysia ne me cachait pas que j'avais commis une faute. Que ce que j'avais fait était complètement égoïste et surtout, très dur à vivre pour mes parents. Je n'avais pas avec ma famille le même rapport que les gens. Pour moi, ma famille se résumait à June. J'avais été mal éduqué, je m'en rendais bien compte, et je n'avais pas assez de reconnaissance pour mes parents. Ils m'avaient beaucoup trop choyé et il ne m'avaient pas inculqué la reconnaissance que je leur devais. Alors, même à mon âge, j'avais du mal à créer des liens avec eux. Je les respectais et les aimais, évidemment, mais je pouvais tout aussi bien passer plusieurs mois sans les voir. Mais ils étaient doux, calmes, malgré les défauts que je leur trouvais. Mon père, je l'adorais, mais ma mère était dépressive. Je l'ai toujours connu fragile émotionnellement, et j'imagine que je tiens mon dérangement d'elle. Ces trucs-là doivent être génétiques, d'une façon ou d'une autre. Le pire, c'était Lemon, ma sœur aînée. C'était une peste. Je la détestais, et je n'avais pas honte de le dire. Je la trouvais vraiment cruel à mon égard. Elle ne m'appelait que pour me faire des reproches, parce qu'elle me tenait pour responsable de tout. Elle nourrissait une haine sans pareille pour moi, à l'en croire, mais elle ne pouvait s'empêcher de m'appeler plusieurs fois par semaine. Si elle avait un peu de plomb dans le crâne, elle comprendrait que m'insulter en continu ne m'aiderait pas à enterrer la hâche de guerre. Bref.

« T'as pensé à toi et c'est en quelque sorte normal. Enfin c'est humain, égoïste certes mais humain » Je réfléchis à ce qu'elle me disait. Oui, c'était une façon de voir les choses. Blake aussi avait agi comme cela. J'avais agis comme un égoïste mais c'était presque de la légitime défense. Si je n'étais pas parti, je serais encore plus mal qu'aujourd'hui. « Je dis pas que t'as eu la bonne attitude mais... t'as déjà assez de problèmes comme ça pour pas te rajouter la faute sur toi... Tu sais, il suffirait que tu parles à tes parents, que tu leur expliques pourquoi tu es partie. Avec des efforts, je suis sûr qu'ils arriveraient à faire en sorte de ne plus t'enfoncer et vous vous sentirez mieux, tous. » me dit-elle avec un sourire. J'étais complètement d'accord avec ce qu'elle me disait, et théoriquement, elle avait raison. Mais la réalité était si différente. Je remarquai aussi qu'elle n'avait pas relevé l'allusion que j'avais faite à June, et même si j'ignorai si c'était volontaire ou si elle n'avait juste pas fait attention, je la remerciai intérieurement. « Je... je ne m'en sens pas vraiment capable. Enfin, ce que j'ai fait est injustifiable. Ma mère doit être tellement malheureuse à cause de moi... Ma sœur me le fait très clairement comprendre. Et celle-là, crois moi que je n'ai pas envie de la revoir. » Rien que de penser à elle m'énervait. « Enfin, je sais que ça peut paraître bizarre, mais je ne les considère pas comme de la famille. J'ai l'impression de pas en avoir, enfin, de ne plus en avoir » Je me retins de dire que June était ma seule vraie famille. « Wow. J'suis vraiment détestable » fis-je avec un sourire triste.

l n'y avait pas de mots assez fort pour décrire à quel point je m'en voulais. Je m'en voulais d'avoir laisser les personnes qui m'aimaient le plus au monde ; or, si c'était à refaire, je le referais sans hésiter. La présence de mes parents, à cette époque de ma vie, m'avait été toxique. Après la mort de June, nous avons tous été détruit, mais chacun à sa manière. Lemon était sur les nerfs, agressive. Mon père réfléchissait tout le monde. Ma mère pleurait sans arrêt et se laissait littéralement mourir. Et moi dans tout ça ? Je n'avais pas su comment réagir. J'aurais dû les aider, mais sans vouloir remettre en question l'amour que portaient mes parents à June, c'était bien moi qui était le plus affecté par sa mort. Moi qu'on avait appelé, cette nuit-là. Moi qui avait du identifier le corps. Moi qui avait du prévenir mes parents et ma soeur. Moi qui avait du gérer l'organisation des obsèques tant mes parents étaient démolis. J'avais dû endosser toutes les responsabilités. Je me levais le matin, j'allais voir dans la chambre de June et j'espérais la trouver là, en me disant que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. J'étais quelqu'un de mauvais, j'en étais persuadé maintenant, mais June avait été la meilleure partie de moi. Celle qui me poussait à être meilleure. C'était ma bouée, mon repère, ma meilleure amie, ma soeur, ma confidente. Qu'elle soit ma jumelle me donnait l'impression que nous étions un tout. Deux êtres indissociables, et ce depuis la naissance. Nous avions tout fait ensemble ; mais pourquoi avait-il fallu que je reste et pas elle ? Pourquoi était-ce elle qui était morte ? Elle méritait de vivre, beaucoup plus que moi. Elle avait un fiancée, un travail, c'était une personne mature et établie, tandis que je vivais encore chez les parents et que je n'avais pas d'emploi.

Aloysia me conseillait de me rabibocher avec mes parents, et même si j'étais conscient qu'un simple coup de téléphone de ma part arrangerait bien des choses, je ne m'en sentais pas le courage. J'étais tellement honteux ! Je ne pouvais plus faire demi-tour, désormais. Après avoir été la cause de tant de souffrances, je ne pourrais jamais regarder mes parents dans les yeux et leur dire que j'étais désolé. C'était un peu comme si j'avais brisé en mille morceaux une assiette et que j'essayais de la réparer avec du scotch. Ridicule et inutile. Mes remords et mes regrets étaient ma punition. « J’irais pas jusque-là… T’es juste dans une période ou t’as plus goût à rien. Je suis sûr qu’avec le temps la douleur s’estompera. Perdre quelqu’un de cher à son cœur n’est pas chose facile mais… la seule chose que tu puisses faire c’est laisser le temps au temps et aussi diminuer ta dose d’antidépresseur. Ces choses-là t’embrouilles l’esprit. Et franchement pour en avoir pris pendant 3 mois ça m’a rien fait…Je suis même mieux sans qu’avec. » Ah, elle avait donc relevé, pour June. Normalement, je n'aurais pas du tout aimé qu'elle m'en parle (même si c'était de ma faute, c'était moi qui l'avait mentionné) mais je sentais qu'Aloysia était sincère et qu'elle voulait simplement m'aider. « Je sais que ce sont des cochonneries, mais... Dès que je ne les prends pas, je sens tout de suite la différence. Je sens que quelque chose ne tourne pas rond, là-dedans. Et j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver si je ne les prends pas. Je sais très bien que je serai capable du pire. Et même si je ne suis pas auprès d'eux, mes parents savent que je suis vivant. Parce que je "parle" encore à ma soeur, enfin, j'encaisse ses insultes. Je ne peux décemment pas me permettre de mourir, après tout ce qu'ils ont enduré ». Je sentais que je m'ouvrais de plus en plus ; j'étais au début très réticent à lui parler de moi, mais cette fille était tellement sincère, franche et adorable... Elle était vraie et ne me jugeait pas. Je sentais que je pouvais lui faire confiance.

« Tu devrais réfléchir à tout ça Charlie…Une famille on en a qu’une. » Et quelle famille... Ma soeur me tenait responsable de tous les malheurs du monde. Elle me disait sans cesse que j'aurais dû aller chercher June cette nuit-là, que je n'aurais jamais dû abandonner ma mère, que j'étais un fils indigne, que je ne méritais même pas d'avoir des parents comme les miens. Lemon était un poison pour moi, elle m'empêchait de me reconstruire en m'accusant sans arrêt. Elle ne se rendait pas compte que ses mots me blessaient profondément. Comme si je ne me sentais pas assez responsable ! « Je te jure que j'aimerais les recontacter, vraiment. Mais j'ai l'impression de ne pas y arriver. Je me sens coupable de tant de choses... Je me sens un peu comme un assassin qui doit se confronter aux proches de sa victime, tu vois ? » C'était à peu près ce que je ressentais. Je m'allumai une nouvelle cigarette. Cette conversation bien que très appréciable, m'avait rendu nerveux. Je sentais qu'Aloysia réfléchissait aussi. « Ca m’a fait du bien de parler avec toi Charlie… » Je lui souris, très sincèrement. « Moi aussi, ça m'a fait du bien. Même si je sais que je devrais me sortir tout seul de la merde dans laquelle je me suis fourré, ça fait du bien de pouvoir parler sans se faire juger » Je tirai quelques fois sur ma cigarette. « J'espère que vous pourrez reconstruire quelque chose, avec Blake, même si je comprends à quel point c'est dur pour toi d'oublier sa connerie. Vous aviez une si belle amitié... Je suis sûr qu'un jour vous pourrez reprendre le patinage ».