Je ne pouvais pas savoir

La nouvelle concernant la grossesse de Tia m’avait quelque peu chamboulée. Je pouvais accepter beaucoup de choses, faire des sacrifices pour le bonheur des autres, mais là j’avais beaucoup de mal à encaisser le tout. Derek et Tia … Si l’on m’avait annoncé que Derek avait eu un enfant avec une femme que je ne connaissais pas ma réaction aurait été sans doute différente. Cela c’était passé avant que nous nous remettions ensemble alors techniquement je ne pouvais pas en vouloir … Par contre cette femme, la future mère de son enfant c’était une jeune femme que je connaissais et qui plus est une amie de ses filles. Comment avait-il pu avoir une liaison avec Tia ? Derek n’était pas le seul à blâmer … Comment Tia avait-elle pu agir de la sorte ? La jeune m’avait confiée tant de fois vouloir changer, prendre une voie meilleure et apparemment ce n’était pas le cas. A quoi avait-elle pensé ? A quoi avaient-ils pensés ? J’avais voulut aller vers Tia pour lui parler, mais j’avais appris qu’elle était partie pour un voyage à l’étranger. Sand doute avait-elle voulut échapper à cette pression « médiatique » dont nous entourait Nightmare.

Après des semaines à me tourner et retourner le cerveau dans tous les sens, j’avais pris la décision de me rendre chez la jeune femme. Je lui avais une promesse avant de connaitre la réalité de cette paternité : je l’aiderais, toujours, quoi qu’il arrive. J’avais été trahie, blessée, prise pour une idiote et j’aurais dû mal à faire face, mais je me devais de tenir ma promesse. J’étais une personne attachée à des principes, et par déformation professionnelle sans doute, je ne pouvais l’abandonner.

Prenant mon courage à deux mains, je sonnai à la porte d’entrée devant laquelle j’étais postée depuis une bonne minute déjà. Il fallait que je reste forte, que je ne faiblisse pas, mais c’était tellement plus simple d’imaginer que d’agir. J’attendis quelques secondes et avant que je ne pu prendre mes jambes à mon cou la porte s’ouvrit sur une jeune femme aux traits tirés mais avec un joli sourire qui s’était affiché lorsqu’elle m’avait vu.

« Salut. »

Un simple mot sur une voix calme et dénuée de sentiments. J’avais une quelconque rancune mais je ne voulais pas le laisser voir. J’esquissai un faible sourire par politesse. Je mis mes mains dans mes poches de ma veste. Je ne savais quoi dire ni quoi faire. Je me décidai pour une autre marque de politesse.

« Tu vas bien ? »

Même si j’étais en colère contre elle, même si je me sentais terriblement trahie, je n’arrivais pas à la détester, ni elle ni son bébé. Nous nous étions parlés, je l’avais consolé et jamais elle n’avait jugé bon au cours de notre conversation de me dire la vérité. Elle m’invita à entrer et je la suivis silencieuse. Je sentais ma gorge se nouer tout comme mon estomac. J’étais bien là, prête à affronter la réalité en face, ou peut-être pas …

Je ne pouvais pas savoir

Lorsque la porte s’était ouverte et que je m’étais trouvé en face de Tia, je me suis demandée si je n’avais pas commis une erreur en venant. Cette histoire ne me regardait pas et en même temps j’y avais été projetée avec force. J’étais au milieu de choses qui me dépassaient et m’envahissaient. Je ne voulais plus continuer à me pourrir l’existence avec des questions sans réponses et des non-dits. Tia fut apparemment contente de me revoir, mais moi je n’eu pas la force de paraitre joviale comme à mon habitude. Je ne la détestais pas, ni elle ni son bébé ni même Derek pour ce qu’il avait fait, mais je n’avais pas la force de me cacher derrières de faux-semblants. Je la saluai et lui demandais si elle allait bien.

Une fois à l’intérieur de chez elle, je posai mon sac à main et ma veste sur une chaise. Je savais que la conversation que je m’apprêtais à entreprendre avec la jeune femme ne se boucleraient pas en cinq minutes. En faite avant de venir la voir j’avais préparé un speech dans ma tête, mais celui-ci c’était comme envolé. Tia me demandait si j’allais bien. Je pris une inspiration avant d’ouvrir la bouche.

« Non ca ne va pas Tia. Je vais pas passer par quatre chemins pour t’expliquer la situation. Tu me laisses parler et ensuite tu pourras intervenir, mais s’il te plaît assis-toi. »

Mon ton avec sec mais comme je l’avais dit j’allais être directe. Ce n’était pas dans mon habitude ce comportement et ce ton que je prenais mais au moins Tia connaitrais l’autre moi, la moi pas très contente, contrariée et même en colère. Tia s’assis, je ne savais pas si c’était par sa propre volonté ou parce que j’avais employé un ton autoritaire. Je croisai les bras sur mon torse puis les décroisai et mis mes mains dans mes poches arrières.

« Le père de ton enfant s’appelle Derek Watts, je le sais parce que je l’ai lu via Nightmare mais aussi parce que April et Violette sont en quelque sorte mes belles filles. Je suis sortie avec leur père pendant un petit moment avant de rompre. Il y a peu, peu de temps avant l’annonce de Nightmare Derek et moi avons décidés de nous remettre ensemble … »

J’avais dit cela avec un calme surprenant. Je regardais Tia dans les yeux pendant quelques secondes avant de reprendre.

« Alors oui maintenant tu vois j’ai un souci, un souci de taille même. Derek à 45 ans, j’en ai 34 et toi tu as même pas 25 ans ! Derek est père de deux filles qui se trouvent avoir le même âge que toi et qui plus es, j’apprends par Nightmare, sont tes amies ! Non mais il s’est passé quoi dans ton crâne Tia ?! »

Mon ton s’était élevé et je sentais mon cœur s’emballait dans ma poitrine. L’émotion forte de toutes ces révélations et mélangés à tout ce que je pouvais ressentir me provoquait une petite crise de tachycardie. Ne lui laissant pas le temps de répondre j’enchainai rapidement.

« Tu me disais que tu voulais changer, que tu voulais être une meilleure jeune femme, tu avais des projets plein la tête et puis quoi ? A peine le père sexy de tes copines revient en ville que tu te le tapes ? Mais c’est pas vrai, franchement le père de tes amies ! Et moi dans tout ca ? Pourquoi tu ne m’as pas dit que le père était un mec de deux fois ton âge ? Tu te rends compte que tu viens sans doute de briser une famille ? Et maintenant je suis entre tous ca, je peux savoir ce que je suis censé faire ? »

Je tournai le dos à Tia et m’approcha de la fenêtre la plus proche pour regarder à l’extérieur et me parler. Mon cœur battait la chamade. Je m’étais emportée mais au moins j’avais dit ce que j’avais sur le cœur. Je me sentais bien, enfin jusqu’à ce je commence à culpabiliser pour la façon dont j’avais parlé à Tia. Un silence pesant s’installa entre-nous pendant quelques instants mais Tia le rompis.

Je ne pouvais pas savoir

Ayant pris mon courage à deux mains, j’avais fait face à la situation dans laquelle je me trouvais en me confrontant directement à Tia. Malheureusement j’avais sous-estimé ma colère et le flot de mots durs que je déversais à l’encontre de la jeune fille était impressionnant. Je n’étais pas du genre à m’emporter, mais là j’avais le cœur gros et un besoin vitale de dire ce que j’avais sur le cœur. C’était trop pour moi, trop de faire semblant d’être heureuse alors que je me trouvais coincée entre Derek et Tia. Je m’étais littéralement laché sans un instant prendre soin de peser mes mots ni de faire attention à la sensibilité de la jeune femme qui s’était assise face à moi. Je lui avait tourné le dos troublée et ne voulait pas croiser son regard après tout ce que je venais de lui dire. Je l’entendis se lever de sa place et prendre la parole. Sa voix était assurée et énervée à la fois. Je sentais que j’y avais été un peu fort. Je regrettais, ou peut-être pas tellement en faite. Ca m’avait fait du bien sur le coup.

Tia ne pesa pas ses mots non plus et j’entendis par sa voix qu’elle n’était pas bien. Je me retournai face à elle et je vis de grands yeux remplis de larmes me fixer. Son regard, s’il avait pu tuer, m’aurait achevée sur place. J’avais envie de m’approcher d’elle, de la prendre dans mes bras, mais je restais là à la regarder. Je croisai les bras sur ma poitrine alors qu’elle s’insultait. Ces paroles me frappèrent droit au cœur. Je ne pensais pas cela d’elle. J’avais de l’estime pour cette fille un peu perdue mais qui avait envie de reprendre sa vie en main avec des rêves pleins la tête. Certes elle avait fait une erreur, une grave erreur avec Derek, mais je ne pensais pas qu’elle puisse être une pute comme elle l’avait dit. J’inspirais à fond en regardant ce visage endolorie qui me faisait face.

« Tia, tu n’es pas une salope, je ne pense pas ca de toi ! Ne déformes pas mes paroles, mais je te pensais beaucoup plus intelligente que ca ! Te jeter dans les bras du père de tes amies ! Derek à aussi ses tords et certes nous n’étions pas ensemble au moment des faits, mais la situation est dérangeante … Comprends-moi, mets-toi à ma place un instant ! »

Je fis un pas en sa direction. J’étais égoïste et cet égoïsme commençait à se transformer en culpabilité. La satisfaction que j’avais eue lorsque je m’étais défoulée sur Tia s’estompait. Mon cœur se serra dans ma poitrine regrettant mes paroles. La situation ne devait pas être facile pour elle non plus et je ramenais tout à moi. Pourquoi ne pouvais-je pas avoir un cœur de pierre de temps autre ? Pourquoi mon altruisme ne pouvait pas disparaitre le temps de savourer pleinement le bien-être ressentis une fois mon cœur vide ?

« Tu veux toujours garder ce bébé ? Tu ne veux toujours pas avorter … »

… Pour rendre les choses plus faciles, avais-je envie de dire. Je me retins, mais je sentais cette fin de phrase sur le bout de ma mangue. Je ne pouvais pas dire quelque chose comme ca et ca car j’étais une professionnelle de la santé qui respectais toujours le choix de ses patients ou de ses proches. L’avortement était un choix personnel dont je ne pouvais me permettre d’utiliser comme une gomme pour effacer toutes traces d’erreurs. Sous le mot erreur sous-entendait bébé.

Je ne pouvais pas savoir

J’avais été terriblement injuste face à Tia. Elle avait commis une erreur mais j’y étais allé un peu fort. Mon comportement pouvait sans doute s’expliquer par le faite que j’avais préféré ne pas me confronter à Derek et que j’avais plutôt décidé de le fuir quelques temps. Il était plus facile de m’en prendre à cette jeune femme dans la détresse avec qui je n’étais pas tellement engagée émotionnellement. Je tenais à elle mais pas aussi fort que celui que j’aimais. Elle me fit remarquer que mon homme n’était pas aussi charmant que je le croyais. C’était bien vrai. Il avait aussi sa part dans cette histoire, il n’aurait jamais dû faire ce qu’il à fait à Tia. Rien que penser que ces deux personnes avaient pu coucher ensemble cela me donner la tête qui tournait. Je demandais à la jeune femme si elle pensait revenir sur sa décision de garder cet enfant et sa réaction ne fut pas tellement celle que j’attendais. Je me fis envoyer paitre avec un rire moqueur et dédaigneux.

« Je veux juste savoir … »

Tia repris la parole en me coupant. Elle me dit clairement, mais plus poliment que ca, d’aller me faire foutre. De retourner m’occuper de Violette et d’April ainsi que de retrouver Derek. Elle n’avait pas tord lorsqu’elle ajouta que je n’étais au milieu de rien, enfin pas totalement. Derek m’avait dit ne pas vouloir s’occuper de cet enfant et je pouvais tout simplement ignorer cette situation comme si elle était inexistante. Seulement, je savais très bien que je ne pourrais pas vivre avec cela. J’étais bien trop gentille, bien trop attentionnée et altruiste pour cela.

« Non je ne peux pas t’abandonner. Ton frère ne va pas te soutenir et ton père je ne suis pas sûre qu’il prenne ta défense non plus. Tu es seule et je ne peux pas te laisser seule. Tu es venue me demander mon aide avant que je ne sache qui était le père, je t’ai promit de te soutenir alors je le ferais. »

Je décroisai mes bras qui étaient toujours sur ma poitrine et avança à nouveau d’un pas en sa direction. J’avais fait une promesse et j’allais la tenir quoi qu’il m’en coûte, ne serait-ce que dans les suivis de sa grossesse. Je pouvais couper les ponts en dehors de cela et si ca devenait vraiment trop dur je pourrais la confier à mon confrère Hayden présent à l’hôpital de Miami.

« J’ai investi dans ton restaurant, je ne me retirerais pas de ton projet non plus. Je crois en ton potentiel et si tu me prouves que tu peux gérer ta grossesse et ton avenir professionnel. »

Certes elle avait commis une erreur mais cette jeune femme restée pleine d’ambition. J’aurais voulut détruire la vie de Tia, tout au fond de moi je sentais cette petite flamme de colère qui avait envie de la laisser tomber comme une merde, qu’elle se débrouilles seule, mais non je ne pouvais pas, j’étais meilleure que ca.