Intimate dinner

J’appréciais la conversation que nous avions tout deux, j’apprenais à le connaitre sur certaines choses dont je n’avais pas souvenir que nous en ayons déjà parlés. Intriguée par l’enfance que Derek avait bien pu avoir, je l’avais écoutée attentivement. Une vie des plus normales, pas plus facile qu’une autre personne, avait été aux prémices de ce qu’il était devenu aujourd’hui. Cet homme s’était tourné vers la finance où il avait réussit à faire fortune. Le monde dans lequel ce pdg avait évolué professionnellement parlant, avait du lui demander une grande force et une grande part de courage. D’ailleurs cette force qui émanait de lui avait toujours était pour moi quelque chose de réconfortant, comme si je savais qu’auprès de lui je ne risquais rien. Cette prestance qu’il avait dans sa façon de se mouvoir m’avait toujours fascinée. Comme j’aurais tant aimé pouvoir aller vers les autres, parler avec les autres de façon aussi dégagée et à la fois sérieuse comme il arrivait si bien à le faire. Je continuai la conversation en lui demandant s’il avait déjà pensé à vouloir changer de voie, à faire quelque chose de différent s’il en avait eu l’occasion. Je m’aperçus que ma question l’avait touchée. Tout en m’expliquant qu’il n’avait rien d’autre que son travail dans sa vie, il porta son verre de vin à ses lèvres. Ses mots me pincèrent le cœur légèrement. Je savais que son travail était important à ses yeux, mais de l’entendre dire cela me faisait mal.

« Moi je suis là, tu m’as moi et tes filles. »

Je lisais une certaine détresse dans le regard de Derek mais ne voulant pas l’embarrasser je détournai la conversation sur moi. Je lui révélai que j’avais quelques regrets concernant mon passé. La médecine vous privait de votre vie étudiante, de cette vie d’expériences. Ces années d’études avaient été fastidieuses mais avaient payées. J’étais heureuse dans mon travail comme Derek l’était dans le sien. Je donnerais tout pour conserver ma place de pédiatre au cabinet. Tant d’énergie, tant de temps avait été investis pour que j’abandonne tout ce que j’avais construit aussi ardemment.

« Je sais bien … » répondis-je aux sages paroles de Derek.

Celui-ci, après m’avoir dit que je ne pourrais jamais vraiment savoir ce que j’avais perdu en prenant ce chemin prit ma main qu’il embrassa tendrement. Je lui souris, attendrie par ce geste et par les paroles qui s’en suivit. Ce soir non plus, ce merveilleux rendez-vous n’aurait certainement pas eu lieu en effet. Je décidai de ne pas relever sur le fait qu’il parlait de l’homme de ma vie. J’étais certaine de mes sentiments pour cet homme, mais il était beaucoup trop tôt pour me projeter aussi loin dans l’avenir et affirmer que je voulais de lui à mes côtés pour toujours. De toute manière, si je comprenais bien ses propos, lui non plus ne le laissait pas sous-entendre … Je repris ma main pour prendre mes couverts et commencer à manger car mon ventre criait famine à la vue de ce délicieux plat.

« Ce n’est pas vraiment que je regrette ma vie, juste que j’aurais du profiter plus à l’époque tu vois. J’ai l’impression de ne pas m’être assez amusée et d’avoir sauté la case jeune adulte. Je crois que j’ai mûrit trop vite et sans m’en rendre compte. »

Le décès de Max, si soudain et si tragique qu’il soit, m’avait fait grandir plus en quelques mois que pendant toutes mes autres années de vie. Je m’étais construit une nouvelle identité, devant plus forte, plus fière et plus indépendante. Peut-être trop d’ailleurs. Bien que la conversation fût facile avec moi, je ne me livrais pas totalement la plupart du temps, omettant certains détails, mais je faisais des efforts pour y remédier. Je voulais m’ouvrir plus pour réussir cette nouvelle relation que j’entreprenais avec cet homme merveilleux qui me portait tant d’attention. Je mis une bouchée de mon saumon dans ma bouche avant de porter mon verre de vin délicatement à ma bouche.

« Tes filles, elles savent profiter de leur jeunesse et ca fait plaisir à voir. D’ailleurs Violette à beaucoup mûrit depuis ton départ de Miami, elle est devenue une femme très responsable. »

J’offris un sourire à Derek en espérant que parler des filles lui feraient perdre ce regard douloureux que j’avais vu s’afficher sur son visage. Je beurrai un petit bout de pain, y déposa une tranche de saumon que j’avais coupé en finement et le déposa soigneusement dans ma bouche.

Intimate dinner

Alors que nos plats nous étaient servis, notre conversation se détourna légèrement de nos premiers mots échangés. Nous nous étions ouverts sur notre passé, sur quelque chose de notre passé qui nous avait marqué, enfin du moins pour moi. De là j’en étais venu à lui demander s’il regrettait quelque fois la vie qu’il avait choisie. Je savais que Derek avait beaucoup sacrifié, beaucoup perdu, peut-être aurait-il voulut tout simplement avoir pris une autre route à certains moments ? Je confiai que pour ma part, je regrettais d’avoir passé le plus clair de mon temps le nez dans mes bouquins plutôt que d’être sortie à faire la fête comme les autres étudiants. Je mentionnai le faite que ses filles vivaient leur vie de jeune adulte contrairement à moi. Violette avait beaucoup changé ses derniers temps. Je l’avais vu mûrir et s’assagir en quelques temps. J’étais fière de cette jeune femme qu’elle était devenue.

« Mère ? Tu vas un peu loin là Derek ! »

Je laissai échapper un petit rire avant de finir mon entrée. Je ne voyais pas non plus Violette mariée et mère de famille dans l’immédiat. Certes elle devenait adulte mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus.

« Et puis ne me vieillit pas trop vit s’il te plais. Je ne voudrais pas être belle-grand-mère avant d’être moi-même mère, ce serait vraiment trop dur. Laisse-moi le temps de construire ma propre famille avant veux-tu. »

Je grimaçai avec un sourire et bu une gorgée de mon verre de vin en détournant mon regard. Fonder une famille était un objectif que je ressentais de plus en plus en ce moment. J’avais atteint mon objectif de carrière avec un poste dans un cabinet privé et un nom dans le milieu, maintenant je voulais réussir ma vie privée. Mon travail était important à mes yeux mais pas plus que le faite de fonder une famille. J’avais 35 ans et je savais que je commençais à prendre de l’âge pour concevoir. Un avenir sans famille me terrifiait en faite alors je voulais un enfant quitte à devoir adopter un jour. Je ne savais pas si Derek souhaitait ou non des enfants un jour. J’étais amoureuse de cet homme depuis bien longtemps déjà que je me voyais bien faire ma vie avec, mais en même temps je me refusais à penser à de tels rêves. Je ne voulais pas m bercer d’illusions pour me faire briser le cœur par la suite, quoi qu’il se passe. Le serveur revint pour nous reprendre nos plats et nous donner les cartes pour la suite.

« Que vas-tu prendre ? » Demandais-je pour détourner la conversation.

Je ne voulais pas nous aventurer sur des terrains peut-être trop glissants et trop gênants pour tout les deux.

Intimate dinner

Les enfants. Les enfants c’étaient toute une page de ma vie, même plus que cela. J’adorais les enfants d’aussi loin que je m’en souvienne. Je trouvais qu’être leur présence avait quelque chose d’instructif. Ils n’étaient pas encore formatés par les normes de la société et avait cette innocence bien à eux qui m’émerveillait à chaque instant. J’avais décidé de devenir pédiatre pour aider ses petits bouts de choux à grandir sereinement et à pouvoir profiter de leur vie de petits hommes bien comme il le fallait. Mais aujourd’hui mon amour pour les enfants se transformait en quelque chose de plus privé, de plus personnel. Je ressentais le besoin de fonder ma famille et e moi-même à mon tour enfanter. Alors que nous parlions de l’avenir de Violette en tant que mère je m’étais égarée à dire à Derek que je souhaitais avoir un bébé, sans pour autant l’impliquer dans quoi ce soit, il était bien trop tôt pour ces choses là. Je détournai rapidement la conversation, profitant de l’arrivée des nouvelles cartes amenées par le serveur. J’avais vu la façon dont l’homme qui me faisait face avait tilté. Je ne voulais pas lui faire croire que je lui demandais quelque chose. Sans aucun rapport avec ma question sur son choix de notre repas, il m’avoua vouloir un petit garçon. Mon cœur rata une pulsation dans ma poitrine et je levai de la carte mes yeux. Je me rendis compte que sur mon visage devait s’être affiché un air plus qu’étonné alors je me repris tant bien que mal.

« Tu … Tu voudrais un autre enfant ? »

Je n’aurais pas pensé cela de lui. Il avait quarante cinq ans et deux belles grandes filles déjà. A son âge et avec une famille déjà fondée, je ne pense pas que j’en aurais voulut d’autres. Je pris un bout de pain dans la panière que je rompis en deux avant de prendre la mie qui s’y trouvait à l’intérieure. J’avais besoin de m’occuper les mains alors que ce sujet de conversation était des plus sérieuses.

« Mais pourquoi ? » demandais-je avant de me rattraper. « Je veux dire, tu n’as plus trente anas et tu as déjà Violette et Arielle donc tu pourrais vouloir te contenter de cela non ? »

J’étais curieuse de savoir quelles étaient les raisons qui le poussaient à vouloir agrandir sa petite famille. Au fond de moi cela m’enchantait d’entendre ces mots sortirent de sa bouche. Même si je me refusais de rêver à des projets aussi grands et importants, j’espérais qu’il pourrait me choisir.

« J’aimerais beaucoup avoir un petit garçon aussi, mais si c’est une fille je l’aimerais tout autant bien entendu ! » dis-je doucement.

Le faite de confier cela à Derek me faisait tout drôle. Je ne parlais pas de mes envies de bébés car c’était pour moi quelque chose de vraiment personnel. J’avais l’impression de me libérer d’un poids en disant cela, surtout en sachant que c’était un désir partagé avec l’homme que j’aimais.

« Toi tu pourras toujours concevoir, moi le temps commence à être pressant tu sais et en tant que médecin je le sais d’autant plus ce qui me met une pression monstre. Tu dois trouver ca stupide ce que je dis. »

J’ouvris la carte des menus pour échapper au regard de Derek, bien que je le sentais me fixer. Mes yeux parcoururent les plats sans vraiment lire ce qui était marqué dessus. Je savais qu’il ne fallait pas autant psychoter pour ce genre de choses mais plus le nombre d’années devenaient plus important, plus j’angoissais.

Intimate dinner

Alors que je me cachais légèrement derrière mon menu, j’écoutai attentivement ce que Derek me disait. Nous avions décidés de nous aventurer sur une discussion assez glissante et intime : les enfants. J’avais comme projet d’avenir plus ou proche de construire ma propre famille et j’aurais bien aimé la construire avec l’homme qui était dans mon cœur actuellement. Bien sûr je ne le lui dirais pas, il était bien trop tôt. Il me posa une question qui me fit beaucoup réfléchir. Je sentis une pointe d’humour dans sa voix mais pour moi elle avait un réel sens. Aimerais-je toujours Derek, pourrais-je vivre avec cet homme s’il n’avait aucun désir de fonder une famille avec moi, ou plutôt d’agrandir la sienne ?

« Je pense que par amour je serais prête à sacrifier ce désir d’enfant si tu ne veux vraiment pas, je pense que je serais prête à accepter ce choix bien que cela sera très difficile. » dis-je en relevant les yeux de ma carte et les posant sur le visage amusé de mon compagnon.

Il vient ensuite à se justifier sur son désir d’enfant. Je ne comprenais pas très bien pourquoi il souhaitait retomber dans les couches et les biberons alors qu’il avait déjà deux grandes filles bien indépendantes. C’était quand même une grande part de travail que d’élever un petit monstre. Je passai une main dans quelques mèches de cheveux qui tombaient sur mon visage en hochant la tête.

« Je vois, tu voudrais un quelque sorte avoir une nouvelle chance de pouvoir faire les choses bien ? Je comprends maintenant les raisons qui te motivent. Tu es un bon père avec Arielle et Violette tu sais, ne crois pas que tu as tout fait de travers. Être parent c’est aussi reconnaitre qu’on n’est pas parfait et que nos enfants ne le sont pas non plus. »

Je voyais et entendais des parents avant la naissance de leurs enfants qui se disaient vouloir inculquer telle ou telle éducation à leur progéniture mais qui au final ne le faisait pas ou bien leurs enfants ne devenaient pas ce qu’ils auraient aimés qu’ils soient. Ils s’emplissaient de culpabilités et de remords, mais à chaque fois je les rassurais en leur disant que ce n’était pas de leur faute. Il n’y a pas de formule miracle pour élever un enfant. Certes Derek avait été top absent avec ses filles, mais celles-ci ne lui en voulaient pas pour autant et lui vouaient presque un culte tellement il était leur super-héros en quelque sorte.

« L’importance c’est que tu aimes tes filles et qu’elles t’aiment aussi aujourd’hui. »

Je pris la main de Derek doucement en reposant mon menu sur la table. De mon pouce je lui caressai le dos de sa main. Un sourire se dessina sur mes lèvres. Cette conversation m’enchantait et l’entendre dire qu’il était en accord avec mon projet de vie me rendait heureuse. Certes je n’allais pas lui sauter dessus et lui demandait de me faire un enfant dans l’immédiat, mais je pouvais toujours rêver qu’un jour peut-être … Je soulevai la main que j’avais dans la mienne pour la baiser tendrement avant de la lui rendre.

« Tu sais que je t’aime ? Je serais prête à beaucoup pour que cette fois ca marche entre nous tu sais. »

Je souris repris la carte et fit glisser mon regard sur les plats chauds. Je n’avais pas d’envie particulière mais à la vue du plat de canard confit à l’orange je sentis l’eau me monter à la bouche. Je fis part de mon choix à Derek tout en buvant le vin qui se trouvait dans mon verre.