Le soleil de Floride mourrait lentement derrière le va et vient de l'Atlantique, un verre de scotch a la main Lino regardait ce brasero lutter contre le voile bleu au balcon d'un hôtel de luxe, derrière lui la trompette de Chet Baker venait emplir la suite. C'est impressionnant comme la mémoire humaine est bien faite, une musique parfois même simplement une effluve et vous voila transporté des années en arrière. Il pouvait presque les voir, les trottoirs de New York.
"T'es Luciano toi non ? Un nom qui mérite le respect"
Le petit ange n'avait qu'une douzaine d'année quand on lui offrit son premier poste. Il servait dans un café sur Mulberry Street, c'était une ambiance étrange, la clientèle faisait tâche par rapport a la vieillesse des murs. Il y avait pourtant quelque chose de noble dans le comptoir en vieux chêne, et sur les photos en noir et blanc qui ornait les murs. Et pourtant la vulgarité de la clientèle était une richesse a faire rougir les oreilles d'une nonne, des petits malfrats a la petite semaine vivant de casse et de rapine était le lieu commun de l'endroit. L'un se vantant d'un camion volé, l'autre s'énervant sur le manque de respect d'un qui ne voulait payer. Le manque flagrant d'éducation de ces jeunes mecs les transformait presque en caricature, et pourtant Lino les admirait, avec le recul ils étaient ridicules, mais dans le regard d'un gamin ils étaient des héros. Il faut dire qu'on l'aimait bien dans le coin ce petit mec,prompt a la plaisanterie comme a se battre, parfois même contre trois fois plus grand que lui ce qui faisait souvent rire l'assemblé. Rare était les soirs ou il ne rentrait pas chez lui après l'école et son service avec un bleu ici, une lèvre abîmée ou un œil au beurre noir. Et plus il prenait de l'âge, plus Lino se transformait en ces gagne-petits. D'abord des petits trafics dans les diverses écoles qui voulaient bien de lui, avant de finir par être refusé partout alors il reste quoi la rue, la rue et la famille. La famille c'est un terme étrange, au final ce n'est pas celle qui porte le même sang, mais plutôt celle pour qui on est prêt a le verser.
Quatre ans plus tard Lino était dans une équipe, avec ses ordres, sa hiérarchie. Qui on pouvait flingué, qui on ne pouvait pas. Qui il fallait payer, et a qui il ne fallait jamais manqué de respect. Le Capo de cette bande se nommait Anthony Manolese, un taré shooté à la cocaïne, mais il avait le don pour les combines, les combines et les conneries. Et c'est une de ses conneries qui bouleversa le quotidien de la bande, un coup de trop. Une affaire de détournement de camion de fringues de luxe, un boulot comme un autre pour Lino, le problème était qu'il n'y avait pas que des fringues dans le camion, mais aussi 500 kilos de blanche que Manhattan attendait, Tony n'avait pas écouté le chauffeur quand celui ci lui disait qu'il était protégé, il avait préféré lui loger une balle dans le thorax et une dans la gorge, histoire d'être sur. Mauvaise idée, très mauvaise. Dans le milieu le bruit court vite, assez vite pour qu'en quelques jours la vie de Lino devienne un enfer, impossible de faire sortir la came sans risquer de remonter a eux, quand au capo et bien tout les chefs ne sont pas digne de leur rang, il faisait du ski sur une piste de coke. Il n'y a pas trente six solutions dans ce cas la, affronter ou se cacher. Et Lino en avait marre de se cacher, il finit alors par se pointer la ou on l'attendait le moins. Le chargement était pour un certain Vito Cancinni, alors c'est vers lui que Lino alla, il fallait régler cette histoire d'une manière ou d'une autre mais il ne s'attendait pas a une telle solution. Vito était un homme pragmatique, on lui ramenait le chargement, on laissait un message et l'affaire était réglé, cela avait déjà été vu en haut lieu. C'est lorsqu'un calibre .45 fut posé sur la table devant Lino qu'il comprit l'expression laisser un message. Le pauvre Tony ne vu même pas le coup arrivé, ces yeux livides n'eurent pas le temps de se rendre compte de la balle qui traversait sa gorge, ni pourquoi il avait tant de mal a respiré avant qu'une autre ne se loge dans sa boite crânienne. Deux jours plus tard il retrouva Vito dans un petit restaurant, le camion avait été récupéré et les journaux avaient déjà publié cette histoire de camé froidement buté dans un appart miteux. Mais le gominé n'était pas seul, a sa table se trouvait quelqu'un d'autre. Quelqu'un de bien plus charismatique que Vito, quelqu'un dont le regard perce. Les présentations furent rapide, on présenta Lino comme celui qui avait réparé l'erreur de son capo, quand a l'autre interlocuteur le nom glaça le sang du petit ange, un nom qu'on ne prononce qu'a demi mot et avec toujours un profond respect. Persico, l'un des membres des cinq Familles.
"T'es Luciano toi non ? Un nom qui mérite le respect. Vito, prends le petit avec toi, j'ai l'impression qu'il a de l'avenir."
Les années passèrent alors pendant lesquels Lino apprit le métier, le vrai. Quelques années en prison mais ça s'était tout a fait logique, question de change envers la société. D'abord il commençait a servir de coursier pour monsieur Cancinni, mais le vieux bedonnant se rendu compte assez vite des capacités d'un Lino frôlant maintenant la vingtaine. Il faut dire qu'en prison Lino avait passé son temps a lire et s’entraîner, lire pour s'instruire et s’entraîner pour ne pas finir a quatre pattes dans les douches. Les jeux, la drogue, la prostitution, la pornographie, le famille Persico touchait a tout ce que la ville pouvait produire de sale. Mais plus les années passaient et plus Lino se sentait enfermé dans cette position, gourmand de plus. Alors on lui donna sa chance, sa première équipe. Cette fois il n'était pas question de petite combine, non Lino voyait bien plus grand que ça. Il monta d'abord un syndicat pour les "hôtesses d'acceuils" des différents bars a prostituées tenu par la Famille. Le deal était simple, un compte était ouvert au nom d'une entreprise écran et les prostituées donnaient une somme quelconque pour leur garantir les soins médicaux et la prise en charge d'enfants non désiré, ce genre de chose. Cela a commencé petit, mais en quelques mois le syndicat prit tant d'envergure que déjà il fallut se diversifié, trop voyant. Alors vient la pierre, plutôt que d'acheter des bars ou des boites de nuit, il eut la bonne idée d'investir dans des fonds d'investissements. Il était facile d'orienter les projets d'investissements et de construction quand on avait le nom et l'adresse des autres investisseurs, il suffisait juste de leur faire une proposition qu'on ne peut refuser. Pourquoi ? Parce qu'on ne refuse jamais avec une arme sur la tempe. Don Persico fut remarquablement surpris de l'évolution de ce petit rien, de ce petit gars sans prétention, mais finalement il se trouvait digne du nom de son arrière grand père.
" A Imperium Immobiliare ! Salute !
New York était devenu trop petit, trop fermé, trop peu de possibilités. Les affaires marchaient bien mais il y avait toujours quelqu'un a qui rendre des comptes. C'est a l'aube de ces trente ans que Lino eut l'idée de monter le consortium d'Imperium Immobiliare, un groupe mélangeant des investissements bancaires et des intérêts privés. Et lorsque la crise financière explosa ce fut une bénédiction. La Floride fut le plus touché par cela, l'ensemble des retraites par capitalisation était entrain de s'écrouler, les titres de propriétés chutaient comme des feuilles en automne,un terrain de jeu parfait pour la nouvelle structure. Le plus amusant c'est que cette partie la se jouait en toute légalité, du moins si on oublie les quelques réfractaires a la vente ou la cessation qui eurent de tragique accident ménagé. Cela faisait maintenant 4 ans que Lino avait élu définitivement domicile a Miami, quatre ans qu'il organisait ses affaires sous couvert de sa société écran. Des intérêts dans les ports, les casinos, dans la logistique. Petit a petit il avait réussit a s'étendre comme une pieuvre invisible.
Un sourire léger venait pondre aux commissures des lèvres du New Yorkais avant qu'une main féminine ne vienne le ramener a la réalité et a la vue qui se dressait devant lui. Cela faisait bien une vingtaine de minutes qu'il rêvassait, mais le corps nu qui venait maintenant se coller a son dos était une distraction bien plus amusante. C'était une de ces femmes sans nom mais avec un corps. Le verre fut vidé d'une traite avant qu'il ne se tourne vers l'aphrodite pour la soulever d'un bras et disparaître dans la suite.