Plus qu'une semaine. C'était ce que je me répétais frénétiquement presque chaque minute de ma vie. Dans une semaine, je serais de retour chez moi. Fini l'hôpital. Mes résultats psychologiques étaient assez satisfaisants pour que les médecins m'autorisent à quitter cet endroit maudit. Alors, évidemment, ce n'était pas la joie pour autant. Il y avait des moments où ça allait à peu près et d'autres où je me demandais pourquoi j'avais loupé ma tentative de suicide ce soir-là. Cela dépendait, mais globalement, j'avais l'impression d'aller mieux qu'avant. Ce qui me faisait penser cela ? Le fait que désormais, j'admettais avoir besoin d'aide, et j'acceptais cette aide. J'avais compris que m'apitoyer sur mon sort et estimer n'avoir besoin de personne n'était pas sain. J'avais enfin renoué les liens avec Prunille, ma soeur. Tout allait bien entre nous et j'étais certain qu'elle avait réussir à me tirer vers le haut. Qui de mieux placé qu'elle pour savoir ce que je ressentais ? Alors, oui, j'avais hâte de quitter enfin l'hôpital pour revenir chez moi. Mais dans un sens, cela me faisait peur. L'hôpital, bien que je le détestât, restait pour moi un endroit sûr et réconfortant. L'extérieur était plein de dangers, de gens malveillants. Cette phobie sociale dont je souffrais depuis peu était le problème que je devais régler en priorité. Il m'était très, très difficile de sortir dans les lieux publics et de me trouver en présence d'inconnus. C'était bien simple, je ne me reconnaissais plus. Avant tout cela, j'étais du genre très sociable, nouant rapidement contact. Enfin, comme m'avait dit le psychiatre à maintes reprises, il était inutile que je me compare à celui que j'étais auparavant. Tout ce qui comptait, maintenant, c'était que je regarde vers l'avenir.

Et pour se faire, il fallait que je mette de l'ordre dans ma vie. Quand je l'avais laissé, à mon départ pour l'hôpital, c'était un beau bordel et ça n'avait pas beaucoup changé depuis. Nessa, particulièrement, me préoccupait. Je n'arrêtais pas de penser à elle. Je n'arrêtais pas de me dire qu'elle était retournée avec Wayne, et ça me rendait malade. Littéralement. Pourquoi lui ? Pourquoi l'avait-elle choisi, lui, alors qu'il lui avait fait tant de mal...? Je ressentais une intense jalousie à l'égard de ce type. Et ces sentiments me perturbaient. Merde, c'était Nessa ! Juste Nessa, et elle n'était en rien ma copine ou je ne sais quoi. Nous avions très vite mis les choses au clair, au début de notre relation : pas d'attaches. Pas d'amour, plutôt, car nous nous étions rapidement attachés l'un à l'autre. Nessa m'était devenue indispensable et je devais admettre qu'en apprenant qu'elle était de nouveau avec Wayne, ce qui restait de mon coeur s'est brisé en mille morceaux. C'était une vraie défaite. C'était moi qui l'avait récupéré quand elle était mal, moi qui m'était battu pour elle alors que Wayne était je ne sais où avec je ne sais qui. Il était partout, sauf auprès d'elle. Si elle était devenue la femme qu'elle était aujourd'hui, c'était grâce à moi et surtout pas grâce à lui. Alors oui, mon jugement me paraissait très égoïste, comme si j'avais voulu que Nessa soit à moi. Le fait était que j'avais peur qu'elle ne m'oublie. Je n'avais jamais éveillé en elle les mêmes passions que Wayne, mais je croyais sincèrement que le lien qui nous unissait était indestructible.

Alors, je lui avais donné rendez-vous au bar. Encore heureux, il y avait très peu de monde aujourd'hui. Malgré cela, j'étais très nerveux. Je sentais les regards des gens sur moi, et cela me mettait mal à l'aise. Je m'étais installé au fond de la salle. Bientôt, je vis Nessa entrer. Quelque chose avait changé, chez elle, mais je ne savais pas quoi. C'était pourtant elle, c'étaient les mêmes cheveux blonds, la même démarche à la fois sensuelle et sûre d'elle, le même regard qui trahissait généralement ce que miss Tate ressentait vraiment sous cette apparente impétuosité. Je passais une main dans mes cheveux, que j'avais récemment coupés. Fini, les cheveux longs cheveux blonds bouclés. À chaque fois que je les coupais, mes cheveux devenaient châtains, et blondissaient en poussant. Je savais que Nessa adorait mes boucles, et c'était peut-être justement l'une des raisons qui m'avaient poussé à les couper. J'avais besoin de changement. Et puis, cette coupe faisait plus adulte, il fallait admettre. Nessa arriva donc à ma table. Je souris. « Hey...! » fis-je d'un ton plus enthousiaste que je ne l'aurais souhaité. Tout cela était très maladroit. Ç'avait beau être Nessa, je n'étais pas très à l'aise, surtout après ce qui s'était passé entre nous. Tout faisait maintenant partie du passé. Ce n'était pas que ne plus l'embrasser ou coucher avec me dérangeât, puisque je l'aimais tout autant sans cela, mais c'était la brutalité de l'arrêt. Maintenant, c'était fini. Comme si il y avait constamment Wayne entre nous deux. « Alors, dis-moi tout, comment tu vas ? » demandai-je simplement. Ouais, c'était bizarre de se voir comme des amis, car nous savions tous les deux que nous étions beaucoup, beaucoup plus que cela. « Avec... Wayne ? Tout se passe bien ? ».

C O D E © W H A T S E R N A M E .

Cette situation était vraiment étrange. C'était bien Nessa devant moi, ma Nessa, et pourtant c'était comme si elle m'était étrangère désormais. Pas de bisous, ni de câlins, plus d'effusions d'amour comme avant. Elle s'était simplement assise en face de moi. Qu'est-ce qui avait fait que nous nous étions autant éloignés ? Il y avait Wayne, bien évidemment. Le fait que Nessa ait finalement choisi de retourner avec l'homme qui lui avait fait le plus de mal sur cette planète me brisait le coeur, comme si toute l'aide que je lui avais fourni n'avait servi à rien. J'avais mis toute l'énergie qui me restait à l'aider ; je m'étais littéralement jeté corps et âme dans cette cause. Et j'avais réussi, je le sentais. Quand j'avais connu Nessa, elle peinait à se remettre de sa rupture avec Wayne. Je ne disais pas qu'elle n'avait pas ses torts, dans leur histoire, loin de là ; mais Wayne savait ses problèmes de bipolarité et il n'avait pas su les comprendre. Elle ne faisait que boire, fumer, se droguer. C'était du grand n'importe quoi. Ce fut moi qui la trouva, moi qui sut la comprendre. Je venais d'arriver à Miami et d'être diagnostiqué dépressif ; au début, je pensais que Nessa et son côté fêtard m'aiderait à me changer les esprits. Pour le coup, je n'avais pas tort ; aider Nessa m'a indirectement beaucoup aidé aussi. Mais je ne m'attendais pas à ce que la petite blonde chamboule à un tel point ma vie. Rien n'était plus pareil, depuis que Nessa était là. Au fond, qu'est-ce que j'avais ressenti pour elle, au plus fort de notre relation ? Qu'est-ce qui s'était passé, qu'est-ce qui faisait que l'annonce de sa relation avec Wayne m'avait brisé le coeur ? Je ne pouvais pas croire que c'était seulement le fait de la voir repartir avec celui que j'estimais être la cause de ses soucis. Je l'aurais voulu, réellement, mais je ne le pouvais pas.

Et puis, depuis ma tentative de suicide, je n'étais plus tout à fait le même. J'avais changé, mais j'étais incapable de mesurer l'ampleur de ce changement. J'avais bien vu son expression quand elle s'était rendue compte que j'avais coupé mes cheveux. Je savais qu'elle avait toujours aimé mes boucles blondes, mais c'était ainsi, j'avais ressenti un besoin de changement. Oui, c'était cela que je voulais en priorité : un grand bouleversement dans ma vie. Changer de métier, changer de coupe. J'avais même songé à déménager, vu que mes relations avec Blake n'était pas au beau fixe, mais je n'étais pas certain que me retrouver seul à peine sorti de l'hôpital serait une merveilleuse idée. En tout cas, cette nouvelle coupe de cheveux me satisfaisait beaucoup. Elle me vieillissait et me donnait un air largement plus sérieux. De toute façon, mes cheveux allaient repousser et reprendre leur teinte blonde naturelle. Essayant de cacher ma gêne, je lui demandais comment elle et Wayne allaient. C'était tellement étrange de prononcer cela ! « je.. je vais bien. » balbutia-t-elle. Nessa fuyait mon regard, je le sentais. Elle avait l'air aussi mal à l'aise que moi. « ouais.. ça va aussi, il .. il est gentil avec moi. » Ok, là, j'étais vraiment très gêné. Je n'aimais pas qu'elle me parle de Wayne, et pourtant, c'était moi qui lui avait posé des questions. Je voulais simplement savoir qu'elle ne souffrait pas, et qu'elle était heureuse. C'était le principal. J'allais lui répondre que j'étais heureux pour elle, quand elle se jeta dans mes bras.

« oh, fait chier ! » En un instant, elle avait fait le tour de la table, et assise sur mes genoux, elle me serrait incroyablement fort. Je fus au départ surpris, mais cet étonnement se dissipa bien vite. Je la serrais dans mes bras, aussi fort qu'elle. Je crus que l'on allait s'étouffer mutuellement. Cela m'avait tellement, tellement manqué. La sentir contre moi, sentir l'odeur de ses cheveux. Nos câlins avaient toujours quelque chose de particulier du fait de notre relation qui l'était encore plus. Ils voulaient dire : "je te comprends". Oui, Nessa et moi nous comprenions parfaitement. J'avais mis du temps, évidemment, car elle était relativement mystérieuse, et même si il y avait toujours des éléments de sa vie que j'ignorais, j'avais l'impression de la connaître par coeur. J'avais presque deviné en la voyant arriver que cette terrible gêne disparaîtrait vite. Nous ne pouvions pas rester éloigné l'un de l'autre. « tu m'a manqué.. beaucoup trop manqué. » me dit-elle d'une petite voix. Si seulement elle imaginait à quelle point elle, et tout ce qui la constituait, elle et ses tics, elle et sa joie de vivre, elle et ses moments de déprime, oui, tout ce qui constituait Nessa Tate m'avait manqué. « Tu m'as énormément manqué, t'imagines pas à quel point » fis-je à voix basse. J'écartai doucement sa tête de ma poitrine et plongeai mon regard dans le sien. « Je ne te laisserais plus, promis ? Plus jamais ». Sur ce, je la serrai dans mes bras. J'avais terriblement besoin d'elle. Merde, j'avais envie de l'embrasser. Nous avions tellement fait cela que désormais, je n'arrivais plus à faire sans. Ma main frôla son ventre, et une sensation étrange me glaça le sang. Elle avait grossi, oui, mais pas dans le sens où elle avait pris du poids. Son ventre était légèrement plus gros qu'à l'ordinaire, il était comme gonflé. Hannah étant enceinte, j'avais parfaitement compris ce qui se passait. Je ne comprenais plus rien. Perturbé, mais décidé à ne pas briser ce moment, je décidai de ne rien dire. Je la serrai plus fort encore.

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