(#)Sujet: family is everything that matters (adele) | Sam 16 Jan - 19:35
family is everything that matters ; adele & charlie
L'eau ruisselait doucement le long de mon dos et de mon torse. Cela faisait plusieurs dizaines de minutes que j'étais sous la douche, et je ne me sentais pas encore prêt à en sortir. Aujourd'hui, je devais voir Adele, ma cousine ; et j'avais à la fois extrêmement hâte de lui parler et une atroce envie de m'enfuir en courant. Cela faisait des mois que nous ne nous étions pas vus, et j'ignorais si elle était au courant pour ma tentative de suicide. Cet évènement était resté étrangement secret autour de moi, et tant mieux. Je n'avais pas envie que l'on me catalogue comme le suicidaire de service et que l'on me traite différemment à cause de cela. Peut-être que Prunille l'avait mise au courant, et qu'Adele n'avait tout simplement pas eu le courage de m'en parler par message. Peut-être aborderait-elle le sujet ce midi, car je devais la retrouver au restaurant à treize heures. Ce que je redoutais, en réalité, était justement le contraire : qu'elle ne m'en parle pas et que je sois donc obligé de le faire. Je ne pouvais pas la laisser dans l'ignorance de ce qui s'était passé, pas elle, surtout que je l'avais vu quelques heures à peine avant de passer à l'acte, durant la soirée de Prunille. Et je devais admettre que même aujourd'hui j'avais énormément de mal à aborder le sujet. Je n'aimais pas en parler, c'était tout. Je n'aimais pas me présenter sous un aussi mauvais jour, de montrer mes faiblesses et mon côté sombre. Et pourtant, il le fallait. C'était Adele, ma cousine, sûrement la personne de ma famille de qui j'étais le plus proche. Elle m'avait beaucoup aidé durant ma dépression, elle avait été là pour moi ; elle m'avait à de nombreuses reprises forcé à bouger mes fesses de chez moi et à prendre l'air. Je lui en étais reconnaissant. Mais je craignais sa réaction, si je devais lui apprendre pour ma tentative de suicide. M'en voudrait-elle de ne pas lui avoir dit plus tôt ? Ou s'en voudrait-elle de ne pas avoir été là pour moi, alors qu'elle n'était même pas au courant ? Je l'ignorais. J'avais beau la connaître, on ne pouvait pas prévoir les réactions humaines dans ce genre de situation.
Je finis par sortir de la douche et me séchai rapidement. J'enfilai quelques habits, puis me regardai longuement dans la glace. Je trouvai toujours cela étrange de me défigurer de cette manière, et pourtant, je le faisais régulièrement depuis ma sortie de l'hôpital. Je me regardais et me disais : Voilà, c'est toi, Charlie. C'était presque comme si je pouvais voir mon évolution mentale en me regardant, comme si cela se lisait sur mon physique. J'avais les traits moins tirés, les yeux un peu moins cernés et sombres, bien que je restasse assez pâles. Je dormais beaucoup mieux qu'avant, même si mes nuits dépassaient rarement les cinq heures. Les souvenirs ne cessaient de me hanter. Je revoyais June, et surtout, je revoyais ma mère. Je ne me souvenais plus de la dernière phrase que je lui avais dite, de la dernière fois où je l'avais vue, et cela me rendait malade. Je passais des heures allongés dans le noir à sonder mes souvenirs, sans succès. Enfin. J'allais aujourd'hui mieux. Je passai une main dans mes cheveux et, après avoir fermé la porte de l'appartement à clé, descendis les escaliers. Au bout de quelques minutes de marche, je fus arrivé devant le restaurant. J'entrai. Adele se trouvait déjà là. Elle était toujours très ponctuelle ! Je me dirigeai vers elle, un sourire aux lèvres, et m'assis à ses côtés. « Hey! Ça fait tellement longtemps ! » dis-je d'un ton gai. J'espérais qu'en me montrant de bonne humeur et avec le sourire, je ferais tenir la mascarade un peu plus longtemps. « T'as pas pris une ride » continuai-je d'un ton malicieux. Avant que je n'ai le temps d'en dire plus, le serveur vint prendre nos commandes. Je commandai un steak, des frites et un coca. Mon traitement m'interdisait l'alcool. Puis, il partit. Je me tournai de nouveau vers ma cousine. « Alors, comment va la vie depuis tout ce temps ? Quand on s'est vu, la dernière fois... » Je me stoppai net en me remémorant la soirée de Prunille. Quelques heures après, j'avalais une dose mortelle d'antidépresseurs et de somnifères... Ç'avait sûrement été la pire nuit de ma vie. Je me contentai de sourire, pour ne rien laisser paraître. « Euh, oui, la dernière fois, tu étais avec un homme. C'est ton copain, donc ? ».
(#)Sujet: Re: family is everything that matters (adele) | Mar 19 Jan - 18:15
Sans m'en surprendre, j'arrivai la première au restaurant. Du coup, je prenais l'honneur de choisir notre table. Une banquette, prêt de la fenêtre mais qui se situait un peu à l'écart du reste de la clientèle. "C'est parfait ici! Merci!" Répondis-je au serveur qui m'y accompagnait. J'accrochai mon sac à main à la chaise et m'installai d'un côté de la table. De suite, on m'offrit un café que je déclinais en expliquant que j'attendais quelqu'un.
Aujourd'hui, Yoko ne m'accompagnait pas. Mon vieux copain commençant à se faire vieux ne me suivait plus autant qu'avant. À vrai dire, je comptais nerveusement les jours avant sa retraite. Son dernier examen chez le vétérinaire n'avait pas été un franc succès. Non seulement il commençait à faire de l'arthrite mais sa vue n'était plus très efficace. Au fond, il allait bien vite devenir aussi aveugle que j'étais sourde.
J'eus tout le temps nécessaire pour lire le menu deux ou trois fois et faire mon choix. Ne l'entendant pas arrivé, je levai le regard vers lui seulement quand je le vis s'asseoir. Un sourire aux lèvres, heureuse de le voir avec une si bonne mine, je refermai le menu et le posai à côté.
"J'ai un truc qui fait des miracles pour ça..."
Répondis-je d'un ton blagueur à mon cousin. Après, je n'allais pas prendre un siècle dans le visage en quelques mois mais disons, que ces temps-ci, j'étais particulièrement épanouie. Au premier regard, on pouvait en dire autant de mon cousin. Il radiait de joie, souriant comme jamais avant... que s'en était presque louche. Interrompue par le serveur, je commandai un plat de frites avec un panini fromages de chèvres et légumes. Tout de suite après, Charlie s'occupa de la conversation, s'intéressant particulièrement à ma relation avec Owen.
"Ça fait vraiment un moment Charlie! Tu m'as manqué... en fait, mes parents ont décidé de partir pour Utah pour les fêtes de fins d'années, du coup, c'est là que j'étais. Après, en rentrant, la routine était de retour, boulot, dodo, tu vois le genre!"
Commençais-je pour faire un bref résumé de ces derniers mois. Le temps passait trop rapidement et je réalisais ne pas avoir été très présente pour Charlie.
"Oui, avec Owen... les choses se sont un peu précipité! Mais il vient d'emménager sur le voilier! Je voulais attendre de te voir pour te le dire, c'était pas planifié mais quand on a sut, on a décidé de tenter le coup, en espérant qu'on soit à la hauteur, mais je suis enceinte!"
Ça me faisait toujours bizarre de l'annoncer à ma famille. Après tout, je connais Owen depuis un peu moins qu'un ans. C'était terriblement rapide et ça pouvait donner l'impression d'être une mauvaise décision. Toutefois, j'approchais la trentaine et j'étais prête à assumer les conséquences si jamais notre couple échouait au bout d'un moment. J'abordais présentement la fin de mon 4ème mois, légèrement camouflé derrière un t-shirt large, mon ventre ne tarderait plus longtemps à devenir le centre de l'attention.
"Et toi... tu as l'air vraiment heureux, je me trompes?"
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(#)Sujet: Re: family is everything that matters (adele) | Jeu 28 Jan - 16:34
Cela allait me faire du bien de parler à Adele, j'en étais persuadé. Elle avait toujours trouvé les mots justes pour me réconforter quand ça n'allait pas. C'était vraiment une bonne personne, et je ne disais pas cela car elle était ma cousine. Elle avait dû affronter énormément de choses dans la vie, notamment sa surdité. Elle s'était battue, elle était restée courageuse quand beaucoup d'entre nous auraient maudits le sort, et elle avait fini par devenir ergothérapeute malgré ce handicap. Adele en avait fait une force, et en avait décidé d'aider les autres grâce à son métier. J'avais énormément d'admiration et de respect pour elle. Elle surmontait chacun des éléments de la vie avec la même force et la même joie de vivre. J'aurais aimé être comme elle, de ce point de vue. Pouvoir toujours me relever, même la vie ne cessait de me mettre à terre. Je m'étonnais cependant de ne pas voir Yoko, son chien, qui l'accompagnait partout. En même temps, Yoko se faisait vieux. Enfin, j'étais ravi de la voir. C'était apaisant comment certaines personnes, alors que votre propre vie est bouleversée de toute part, peuvent rester identiques à elles-mêmes. Je n'avais pas vu Adele depuis des mois et on ne pouvait pas dire que ma vie ait été de tout repos. Et pourtant, elle était là, avec ce sourire qui lui était propre et cette expression douce sur le visage. Mais je n'étais pas aussi ravi que je l'aurais été en d'autres circonstances. Une sorte de culpabilité me rongeait. Je regrettais énormément de ne pas lui avoir dit plus tôt, concernant mon overdose. Maintenant, je me retrouvais au pied du mur et c'était la panique. Je craignais sa réaction ; en effet, elle avait toutes les raisons de m'en vouloir. Je pouvais très bien ne rien lui dire, mais si elle l'apprenait par quelqu'un d'autre que moi, ce serait encore pire. Et de toute façon, il m'était moralement impossible de la tenir plus longtemps à l'écart de cela. C'était ma cousine, et je l'appréciais énormément ; elle faisait partie de ma vie, comme —je l'espérais— je faisais partie de la sienne, et il était donc normal que je la tienne au courant. Alors pourquoi ne l'avais-je pas fait avant ? Un coup de fil et ç'aurait été réglé. Mais c'était tellement, tellement difficile à exprimer. La dernière fois que je l'avais vu, elle avait l'air d'être parfaitement heureuse avec son petit-ami et je n'aurais pas voulu troubler son bonheur avec mes sales histoires.
Je la complimentais sur son apparence. Après tout, cela ne faisait que quelques mois, mais je la trouvais encore plus radieuse qu'avant. L'amour, sans aucun doute. Son copain, que j'avais brièvement vu à la soirée de Prunille, m'avait l'air d'être un homme bien. Je me souvenais surtout de sa carrure impressionnante. Je faisais bien maigrichon à côté de lui, et encore plus maintenant... J'avais perdu près d'une dizaine de kilos avant et pendant mon internement. J'étais vraiment squelettique pendant un moment. Heureusement, j'avais repris cinq kilos depuis ma sortie de l'hôpital (l'avantage de pouvoir remanger dans les fast-food, qui heureusement pullulait aux quatre coins des rues aux États-Unis), mais je me cachais toujours des pulls un peu large. "Ça fait vraiment un moment Charlie! Tu m'as manqué... en fait, mes parents ont décidé de partir pour Utah pour les fêtes de fins d'années, du coup, c'est là que j'étais. Après, en rentrant, la routine était de retour, boulot, dodo, tu vois le genre!" m'expliqua-t-elle. Elle avait l'air très heureuse, même en me racontant cela, et cela me déprima un peu, au fond. J'avais envie de croquer la vie à pleine dent comme elle le faisait si bien, avoir la même force qu'elle, mais je ne pensais pas en être capable. « J'espère que tu as dit bonjour à toute la famille de ma part ! Il faudrait vraiment que je passe les voir, un jour » songeai-je. Cela faisait longtemps que je n'avais vu personne de ma famille, à part ma soeur et Adele. Je n'avais même pas été voir mon père pendant les fêtes. Simplement quelques coups de fil... Je ne me sentais pas prêt et il semblait accepter cela. "Oui, avec Owen... les choses se sont un peu précipité! Mais il vient d'emménager sur le voilier! Je voulais attendre de te voir pour te le dire, c'était pas planifié mais quand on a sut, on a décidé de tenter le coup, en espérant qu'on soit à la hauteur, mais je suis enceinte!" m'annonça-t-elle. Je faillis m'étouffer avec ma boisson. Je toussai un peu, et la regardai pendant un instant, ne sachant trop quoi dire. Puis, je posai instinctivement mes yeux sur son ventre, mais rien n'y paraissait. Je la regardai de nouveau dans les yeux, et un mince sourire se dessina sur mon visage pâle. « Wow, mais c'est... incroyable ! Excuse-moi, je ne sais pas vraiment quoi dire, c'est si... soudain! » Je ne m'étais même pas encore remis des grossesses d'Hannah et d'Aloysia qu'Adele m'annonçait la sienne. Il y avait une vague de grossesse ici à Miami assez incroyable ! « C'est chouette ! Je suis sûr que tu vas être une super maman ! Et je vous souhaite plein de bonheur, à toi et Owen. Ça a l'air d'être un type bien. Et on peut pas dire que t'as choisi le plus moche » la taquinai-je.
"Et toi... tu as l'air vraiment heureux, je me trompes?" me demanda-t-elle. Cette phrase résonna comme un glas en moi. Que devais-je répondre à cela ? Était-ce le moment d'être honnête avec elle, ou était-ce trop tôt ? Le sourire un peu niais que je tâchais de feindre depuis le début du repas disparut instantanément. Tout mon courage m'abandonnait, là. Comment je pouvais lui balancer mes désastreuses aventures alors qu'elle venait de m'exposer tout son bonheur ? Je me sentais terriblement pitoyable à côté d'elle. Elle menait sa vie d'une main de fer tandis que j'étais incapable d'avancer, toujours à me lamenter sur le passé. Je n'avançais pas, et elle allait devenir maman. Je faisais vraiment tâche à côté d'elle. J'en venais à avoir honte, honte de moi et de mon incapacité totale à gérer une vie normale. Mon incapacité à me bouger les fesses et aller de l'avant à cause de ma dépression. Mon incapacité à mener une vie sociale correcte en raison de mon foutu trouble paranoïde et de ma phobie sociale que je ne parvenais pas à vaincre. Je me remis à sourire, mais le coeur y était beaucoup moins qu'avant. « Ça n'a pas été très facile ces derniers mois » Allais-je prononcer enfin les mots, allais-je enfin parvenir à lui expliquer ? Je n'en n'avais aucune idée. « Tu dois le savoir... ma mère est décédée en août » lâchai-je d'une petite voix. « Je n'ai pas été en m'améliorant, après. J'étais à l'hôpital, de septembre à décembre... » fis-je en baissant les yeux. Je me gardai bien de révéler les raisons de mon internement.
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